I. QUELLE ALLIANCE POUR L'APRÈS-GUERRE FROIDE ?
A. LES PRÉMICES DE L'ÉLARGISSEMENT DE L'OTAN
1. Le temps des élargissements pour une Europe réconciliée
La chute
du mur de Berlin et la fin de l'URSS, marquant ensemble la fin de 45 ans
de guerre froide, ont légitimement entraîné de la part des
démocraties d'Europe occidentale une politique de "la main tendue", afin
de permettre
la réunification historique et politique du
continent
. La meilleure façon, et la plus légitime, de
concrétiser la fin du partage de Yalta a été de mettre en
oeuvre divers processus d'élargissement vers l'Est des institutions
internationales d'Europe occidentale, quels que soient leurs objectifs et leur
raison d'être, militaire, économique et politique.
Ainsi en a-t-il été pour
l'Union européenne
.
Celle-ci a, tout d'abord, rapidement conclu avec chacun des pays d'Europe
centrale et orientale des accords d'association d'un type nouveau, comportant
des dispositifs de libéralisation commerciale et de dialogue politique
s'inscrivant dans la perspective de l'élargissement de l'Union. Les
négociations d'adhésion ont ensuite été
officiellement engagées, en mars 1998, avec six des pays candidats.
De même,
l'Union de l'Europe occidentale
a-t-elle, à
défaut d'élargissement symétrique à celui de
l'Union européenne, accordé aux pays de l'ex-Pacte de Varsovie le
statut particulier d'associés-partenaires qui leur permet, à
l'instar des autres pays associés ou observateurs, de participer au
Conseil de l'UEO, aux côtés des 10 membres de plein exercice.
Enfin, dans une autre logique, plus particulièrement celle du
parachèvement démocratique et des droits de l'homme,
le
Conseil de l'Europe
a accueilli en son sein progressivement la quasi
totalité des pays d'Europe centrale et orientale.
2. Concurrence ou complémentarité des élargissements ?
Les
élargissements en cours de l'Union européenne d'une part et de
l'OTAN d'autre part, s'ils procèdent d'une démarche identique
d'ensemble tendant à effacer la fracture historique de Yalta, n'en
relèvent pas moins d'objectifs différents et spécifiques.
D'un côté on ouvre -assez vite-, une organisation
politico-militaire de défense collective au sein de laquelle s'exerce
une forte prépondérance des Etats-Unis, de l'autre on
intègre, sur un délai plus long, des nouveaux Etats au sein d'une
organisation politique, économique, commerciale, fondée sur des
politiques et des normes communes, ou à tout le moins convergentes selon
les domaines considérés. Schématiquement, on peut dire que
l'une répond à un souci de sécurité, l'autre
à une demande de prospérité.
Pour les pays candidats, cette concomitance peut être synonyme de
concurrence : les efforts économiques et financiers demandés par
l'Union européenne aux six pays avec lesquels se sont engagées
les négociations d'adhésion seront par exemple difficilement
compatibles avec l'effort budgétaire significatif que l'OTAN attend de
la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque, pour
mettre à niveau leurs forces et leurs infrastructures militaires.
Bien souvent ces pays devront donc opérer des choix de priorités
budgétaires, faute de quoi la poursuite harmonieuse de cette double
ambition pourrait s'avérer délicate.
Sur le plan politique, il peut s'agir d'une
complémentarité
positive
, singulièrement pour les pays candidats qui, ne figurant
pas parmi les trois premiers pays invités à rejoindre l'OTAN, ont
au moins été retenus par le Conseil européen à
participer, dès maintenant, aux négociations d'adhésion
à l'Union européenne : à savoir l'Estonie
et la
Slovénie
2(
*
)
. Cette
complémentarité
peut en revanche apparaître
négative
aux pays candidats aux deux élargissements mais
retenus, pour l'heure, ni dans l'un ni dans l'autre des processus
engagés depuis le début de l'année 1998, en particulier la
Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Lituanie et la Lettonie, alors que
c'est cette perspective même d'adhésion qui a stimulé les
efforts de toute nature consentis depuis des années par les populations
et les gouvernements de ces pays.
C'est pour éviter ce sentiment d'une "double exclusion" que certains,
notamment aux Etats-Unis, ont plaidé pour que l'Union s'ouvre rapidement
à certains exclus de la première vague d'élargissement de
l'OTAN, pour lesquels l'entrée au sein de la Communauté pouvait
dès lors apparaître comme une solution d'attente et un "lot de
consolation" à leur mise à l'écart -temporaire- de
l'élargissement de l'Alliance. De fait, si l'appartenance à
l'Union peut répondre, en partie, et à terme, à un besoin
de sécurité -à travers l'UEO- et offrir une garantie de
stabilité économique et politique, les enjeux et les contraintes
respectives sont de nature fort différente selon que l'on prépare
l'entrée dans l'une ou l'autre des deux organisations.