B. DES PROPOSITIONS TENDANT À PRÉCISER LA PORTÉE DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
Sans remettre en cause leurs objectifs, il convient de
préciser la portée de certaines dispositions du projet de loi. Il
est apparu, en particulier, nécessaire de compléter et de
préciser les dispositions relatives aux subventions des
collectivités publiques, à la définition des
catégories de licences, ainsi qu'aux conditions de délivrance et
de retrait de la licence.
·
Redéfinir les conditions d'octroi des subventions
publiques aux entreprises de spectacles vivants
Le projet de loi affirme le droit des collectivités territoriales, de
leurs groupements et de leurs établissements publics à
subventionner les entreprises de spectacles sous réserve que ces
subventions soient accordées dans le cadre d'une convention entre la
collectivité publique et la structure subventionnée.
Ce droit est cependant assorti d'une interdiction de subventionner les
entreprises de spectacles qui ne respectent pas l'ordonnance et les
décrets pris pour son application, les lois et règlements
relatifs au contrat de travail, aux obligations de l'employeur en
matière de protection sociale et au code de la propriété
intellectuelle.
Ce dispositif a pour effet, d'une part, de subordonner l'octroi de subventions
publiques au respect des dispositions précitées, et d'autre part
d'imposer aux collectivités publiques l'obligation de s'assurer que les
entreprises de spectacles qu'elles subventionnent respectent ces dispositions.
Si l'on ne peut que partager la volonté d'assurer ainsi le respect de la
législation sociale, ce dispositif risque cependant de susciter de
nombreuses difficultés.
Les collectivités territoriales n'ont, en effet, pas les moyens de
constater ces infractions et, en conséquence, de satisfaire à
cette obligation. Elles ne sont, en effet, nullement habilitées, par
exemple, à constater des infractions au droit du travail. Les
responsables des collectivités territoriales seront ainsi mis dans une
position inconfortable où il seront tenus de procéder à
des contrôles qu'ils ne sont pas en mesure d'effectuer.
Ces dispositions conduisent, en outre, à ce que le ministère de
la culture et les collectivités territoriales développent
à propos des mêmes infractions deux jurisprudences dont rien
n'assure la cohérence. Ainsi le responsable d'une entreprise à
laquelle une collectivité territoriale refuserait l'octroi d'une
subvention sur la base de cet article devrait être
considérée comme remplissant les conditions pour se voir retirer
sa licence par le ministère de la culture. Toutefois, rien n'impose que
le ministère de la culture ait la même appréciation qu'une
collectivité territoriale.
Pour éviter ces difficultés votre rapporteur vous proposera de
subordonner l'octroi de subventions publiques à la seule
détention de la licence.
Puisque le retrait de la licence est soumis aux mêmes critères que
l'interdiction de subvention publiques, ces dernières resteront en
définitive subordonnées aux mêmes conditions. Mais les
collectivités publiques disposeront ainsi d'un critère clair pour
déterminer les entreprises de spectacles éligibles à une
subvention. Il reviendra au ministère de la culture d'exercer pleinement
ses responsabilités et, le cas échéant, de sanctionner,
par le retrait de la licence, les entreprises de spectacles qui ne respectent
pas leurs obligations.
·
Compléter la définition des catégories de
licences
Le projet de loi fonde les trois catégories de licences sur les trois
principales activités liées à l'organisation de
spectacles. Ces activités sont cependant définies de façon
imprécise. La troisième catégorie de licence vise en
particulier les diffuseurs sans autre précision.
Il convient d'observer que le texte ne pourra s'appliquer sans
difficulté que si les catégories de licences sont
précisément définies. L'actualisation des dispositions de
l'ordonnance avait notamment pour objectif de mettre fin aux difficultés
d'appréciation entre les différentes catégories de
licences. Prévoir de nouvelles catégories de licences sans
définir une de ces catégories apparaît contraire aux
objectifs fixés.
Ces définitions ont, en outre, pour objet de délimiter les
activités soumises à l'obligation de la licence. Le défaut
de licence étant passible de sanctions pénales lourdes allant
jusqu'à deux ans d'emprisonnement, il est donc impératif de ne
laisser aucune ambiguïté quant à leur portée.
C'est pourquoi votre rapporteur vous proposera, en s'inspirant des travaux du
Conseil national des professions du spectacle, de définir le diffuseur
de spectacles comme celui qui a la charge de l'accueil du public, de la
billetterie et de la sécurité des spectacles.
·
Définir des conditions objectives de délivrance
de la licence
Le projet de loi propose de soumettre la délivrance de la licence
à des conditions de moralité, de compétence ou
d'expérience professionnelle. L'Assemblée nationale a
remplacé la condition de moralité par une condition de
probité, estimant que cette référence à la
moralité des demandeurs était une survivance de l'esprit du texte
initial de 1945.
Il convient d'observer, d'une part, que la condition de probité peut
être interprétée soit comme une référence au
code pénal, qui qualifie de manquement au devoir de probité les
délits commis par des personnes exerçant une fonction publique
tels que des délits de concussion, de corruption passive ou de trafic
d'influence, ce qui ne semble pas être l'objectif poursuivi par
l'Assemblée nationale, soit comme une exigence plus
générale d'honnêteté, ce qui semble alors par trop
subjectif et surtout redondant avec l'objectif poursuivi par les dispositions
de l'alinéa suivant du même article.
En effet, la subordination de l'accès à la profession
d'entrepreneur de spectacles à des garanties d'honnêteté
est déjà assurée par les dispositions interdisant de
délivrer une licence à des personnes ayant fait l'objet d'une
décision judiciaire entraînant l'interdiction d'exercer des
activités commerciales. En application de ces dispositions, ne pourront
obtenir la licence les personnes dont aura été prononcée
la faillite personnelle ou qui auront fait l'objet de l'une des condamnations
visées par le décret loi du 8 août 1935 portant
application aux gérants et administrateurs de sociétés de
la législation de la faillite et de la banqueroute et instituant
l'interdiction et la déchéance du droit de gérer et
d'administrer une société et par la loi du 30 août
1947 relative à l'assainissement des professions commerciales et
industrielles.
Ces dispositions, qui couvrent l'ensemble des crimes et un nombre très
varié de délits offrent des garanties suffisantes et permettent
de définir de façon objective cette exigence de probité.
C'est pourquoi votre rapporteur vous proposera de supprimer cette condition de
probité des conditions de délivrance de la licence.
·
Redéfinir les conditions de retrait de la licence.
Dans le souci d'assurer l'efficacité de ce dispositif tout en
garantissant les droits des administrés, votre rapporteur vous proposera
de redéfinir les conditions de retrait de la licence.
Le champ des infractions susceptibles d'entraîner le retrait de la
licence ne semble, en effet, pas correspondre exactement aux objectifs
poursuivis.
Dans la mesure où un des objectifs de ce dispositif est de pouvoir
lutter plus efficacement contre le travail clandestin, il convient
d'étendre le champ des infractions susceptibles d'entraîner le
retrait de la licence à toutes les dispositions du code du travail
relatives aux obligations des employeurs et de ne pas les limiter aux seules
dispositions du titre II du code du travail relatif au contrat de travail qui
ne comprennent pas celles relatives au travail clandestin.
A l'inverse, il ne semble pas souhaitable de viser l'ensemble du code de la
propriété intellectuelle. Seules des infractions aux dispositions
relatives à la protection de la propriété
littéraire et artistique doivent, en effet, pouvoir entraîner un
retrait de la licence.
Enfin, compte tenu des conséquences du retrait de la licence qui revient
dans la pratique à une interdiction d'activité, il est
souhaitable que seules des infractions d'une certaine gravité soient
susceptibles d'entraîner le retrait de la licence.
Il est, en effet, peu concevable que la licence puisse être
retirée pour des infractions à des dispositions
réglementaires. La possibilité de retirer la licence pour des
infractions contraventionnelles méconnaît, en effet, le principe
de proportionnalité entre les délits et les peines.
Il apparaît en conséquence préférable de ne retenir
que des infractions aux dispositions législatives et de supprimer ainsi
les références à des dispositions de nature
réglementaire.
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