II. UNE MESURE PRÉPARÉE SOUS LE GOUVERNEMENT PRÉCÉDENT, QUI AURAIT PU ÊTRE ADOPTÉE PLUS TÔT
Le dispositif de cette proposition de loi est le fruit d'un long travail de réflexion dont il convient de rappeler les étapes.
A. UN DISPOSITIF D'ORIGINE MULTIPLE DÉJÀ PRÉPARÉ SOUS L'IMPULSION DU PRÉCÉDENT GOUVERNEMENT
La question du caractère injuste du sort
réservé aux chômeurs âgés de plus de 55 ans
qui se retrouvent sans emploi alors qu'ils ont cotisé sur une
période qui leur ouvre droit à une retraite à taux plein,
au-delà de 60 ans, a été
évoquée par les
différents groupes parlementaires
, et notamment par les
députés de la majorité, sous la précédente
législature.
Ainsi, le 7 février 1996, Mme Catherine Nicolas et d'autres
députés du groupe RPR avaient déposé une
proposition de loi visant à permettre aux chômeurs
bénéficiant de l'ASS de faire valoir leur droit à la
retraite avant 60 ans dès lors qu'ils avaient
régulièrement cotisé pendant 40 ans à la
sécurité sociale
5(
*
)
.
Par ailleurs, le 6 juin 1996, avait été présentée
une proposition de loi de M. Joël Sarlot et d'autres membres du groupe UDF
qui visait également à permettre à tous les chômeurs
âgés de plus de 55 ans de bénéficier d'une retraite
à taux plein dès lors qu'ils avaient cotisé le nombre de
trimestres minima requis
6(
*
)
.
S'agissant du Sénat, on retiendra qu'une proposition de loi
n° 124 du 27 novembre 1997 de notre collègue Guy
Fischer et les membres du groupe CRC vise également à avancer
l'âge de la retraite à taux plein pour les salariés
titulaires de 40 annuités de cotisations et bénéficiaires
de l'ASS ou du RMI.
Ces dispositifs présentent néanmoins l'inconvénient de
menacer l'équilibre de la branche vieillesse qui a dû faire
l'objet de mesures de rééquilibrage dans le cadre de la loi
n° 93-936 du 16 juillet 1993 présentée par Mme Simone Veil.
Le
12 décembre 1997
, s'est tenue à
l'Assemblée nationale, la discussion de la proposition de loi de M.
Berson et d'autres membres du groupe socialiste qui prévoyait un
dispositif original consistant à permettre aux chômeurs en
question de bénéficier d'une allocation d'attente pour la
retraite "
équivalente à 65 % du salaire brut moyen
de la dernière année de travail
".
Le dispositif visait à la fois les allocataires de l'AUD, de l'ASS et du
RMI et prévoyait une prestation nouvelle prise en charge par le fonds
paritaire d'intervention en faveur de l'emploi, c'est-à-dire par
l'UNEDIC, avec l'aide d'une subvention de l'Etat.
Le mécanisme avait alors été qualifié
d'"
ingénieux
" par M. Jacques Barrot, car il
était le premier à prévoir que la nouvelle allocation
devrait être une majoration des allocations perçues par les
personnes concernées, le surcoût étant égal à
la différence entre le montant des prestations déjà
versées et l'application du plafond de ressources.
Toutefois, la discussion de cette proposition de loi avait dû être
ajournée dans la mesure où l'article 40 de la Constitution lui
était applicable, mais surtout parce que comme l'avait alors
rappelé M. Jacques Barrot,
les partenaires sociaux étaient
engagés au sein de l'UNEDIC dans la négociation
qui devait
déboucher sur la mise en place de l'allocation chômeurs
âgés (ACA).
Il convient en effet de souligner que le champ d'application de l'allocation
proposée par la proposition de loi de M. Michel Berson et de ses
collègues portait non seulement sur les chômeurs titulaires de
l'ASS ou du RMI mais également sur les chômeurs relevant de l'AUD
financée par l'assurance chômage : l'idée d'une prise en
charge par l'Etat de l'aide complémentaire attribuée à
cette catégorie de chômeurs ne pouvait avoir qu'un
effet
démobilisateur
auprès des partenaires sociaux.
Toutefois, M. Jacques Barrot avait pris l'engagement très ferme
le
22 janvier 1997
, en séance publique à
l'Assemblée nationale, lors d'une
communication du président
de la commission des Finances sur l'irrecevabilité de la proposition de
loi de M. Berson
, de mettre à l'étude le dispositif.
M. Pierre Méhaignerie, alors Président de la commission des
Finances, soulignait que, malgré l'amélioration qui avait
été apportée par les partenaires sociaux avec la
création de l'ACA, le Gouvernement "
devait se pencher sur
la situation des travailleurs sans emploi qui, après une vie
professionnelle pleine, au demeurant commencée très jeune, en
étaient réduits à vivre de la seule solidarité
nationale
".
En réponse, M. Jacques Barrot soulignait que le débat soulevait
une question légitime qui méritait d'être traitée
comme une "
priorité nationale
" et s'engageait
à dégager dans le cadre de la loi de cohésion sociale,
l'ensemble des moyens de financement nécessaires afin d'assurer le
traitement le plus équitable possible du problème des
chômeurs âgés.
L'engagement pris par le Gouvernement de M. Alain Juppé d'examiner
cette question en priorité a bien été tenu
puisque au
cours de la discussion du
projet de loi d'orientation relatif au
renforcement de la cohésion sociale
, interrompu par la dissolution
de la précédente Assemblée, le Gouvernement a fait adopter
un dispositif très voisin de celui qui est soumis à notre examen
aujourd'hui.
Lors de l'examen du rapport de Mme Roselyne Bachelot-Narquin sur le projet de
loi précité, les 26 et 27 mars 1997, la commission des Affaires
culturelles familiales et sociales de l'Assemblée avait adopté un
amendement de Mme Catherine Nicolas visant à faciliter le départ
à la retraite à taux plein avant l'âge de 60 ans des
chômeurs ayant cotisé 160 trimestres
7(
*
)
.
En réponse à cette demande de la commission et faisant suite aux
débats intervenus à la fin de l'année 1997, M. Jacques
Barrot a présenté un dispositif novateur qui a été
voté par la précédente Assemblée, le
18 avril 1997,
peu avant la dissolution.
Le dispositif proposé consistait à créer une
"
allocation spécifique de chômage
"
destinée comme la présente allocation spécifique
d'attente, aux titulaires du RMI et de l'ASS justifiant, avant l'âge de
60 ans, d'une durée au moins égale à 160 trimestres de
périodes d'assurance.
M. Jacques Barrot avait apporté en séance publique plusieurs
précisions sur la nature des dispositions réglementaires
envisagées qui témoignaient du degré élevé
de préparation du dispositif.
Article 11 ter du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale voté par l'Assemblée nationale le 18 avril 1997
Les personnes visées au premier alinéa de
l'article L. 351-10 du code du travail, lorsque leurs ressources sont
inférieures à un montant fixé par décret en Conseil
d'Etat, et les bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum
d'insertion prévue à l'article 2 de la loi
n° 88-1088 du 1
er
décembre 1988
précitée, qui justifient avant l'âge de 60 ans d'une
durée au moins égale à 160 trimestres de
périodes d'assurance ou reconnues équivalentes dans les
régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse peuvent
bénéficier d'une allocation spéciale de chômage
versée par l'Etat.
Le montant de cette allocation n'est pas pris en compte pour le calcul de
l'allocation de revenu minimum d'insertion des intéressés.
Un décret en Conseil d'Etat fixe le montant et les conditions
d'attribution de cette majoration.
Les bénéficiaires de l'allocation spécifique de
chômage devaient bénéficier d'une majoration égale
à environ 50 % du minimum social dont ils relevaient. La majoration
devait être de 1.100 francs à 1.600 francs pour les
salariés bénéficiant de l'ASS, selon qu'ils aient ou non
55 ans, et de 1.200 francs pour les titulaires du RMI. L'objectif
était de parvenir à un niveau de ressources équivalent
à celui de la "
retraite à taux plein d'un salarié
au SMIC
" non compris les retraites complémentaires.
Le ministre des Affaires sociales avait alors fait le choix d'une
allocation
non proportionnelle au revenu d'activité
en soulignant que celle-ci
avait l'avantage d'être plus simple et de favoriser les plus modestes :
la majoration de l'ASS de 50 %, quel que soit le niveau de revenu
permettait "
d'avantager notamment les revenus
modestes
".
On notera que le groupe socialiste s'était alors abstenu sur ce
dispositif estimant, par la voix de M. Michel Berson, qu'il était
nécessaire de faire référence à 57 % du
montant du salaire brut moyen revalorisé de la dernière
année par cohérence avec le dispositif prévu en faveur des
salaires relevant de l'UNEDIC.
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*
)