ARTICLE 34
Répartition de la dotation générale
de décentralisation
Commentaire : cet article a pour objet de valider pour le
passé et de confirmer pour l'avenir les modalités de calcul de la
compensation financière liée aux transferts de
compétence.
Reprenant très exactement les termes
de l'article 9 du projet de
loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
déposé, le 2 avril 1997, sur le Bureau de l'Assemblée
nationale
par le précédent Gouvernement
, cet article
prévoit de valider les modalités de calcul de l'ajustement
opéré sur le montant de la fiscalité
transférée, lorsque ce montant excède les accroissements
de charges liés aux transferts de compétences à l'occasion
de la décentralisation.
I. L'ÉCRETEMENT DES DEPARTEMENTS "SURFISCALISES" : RAPPEL DES
REGLES
Il convient à cet égard de rappeler que les lois de
décentralisation ont posé le principe du droit à
compensation financière des accroissements de charge résultant
des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les
collectivités locales. Les dispositions qui régissent ce principe
se trouvent maintenant codifiées aux articles L. 1614-1 à L.
1614-3 du code général des collectivités territoriales.
Elles prévoient le caractère
"concomitant"
du transfert de
ressources et du transfert de compétences et indiquent que ces
ressources évoluent chaque année comme la dotation globale de
fonctionnement.
Pour la mise en oeuvre de ce principe, l'article 1614-4 du code
général des collectivités territoriales précise que
cette compensation s'effectue par le transfert d'impôts d'Etat et par
l'attribution d'une dotation générale de décentralisation.
Pour certains départements cependant, le produit des impôts
affectés à la compensation des compétences
transférées est supérieur au montant des charges qui
résultent de ce transfert. Dans ce cas, l'article 1614-4 du code
général des collectivités territoriales dispose qu'il est
procédé aux
"ajustements nécessaires"
.
Les 19 départements pour lesquels existe un surplus de fiscalité
transférée sont -improprement- dits "surfiscalisés" et
font donc l'objet d'un "écrêtement" de cet excédent de
fiscalité. Le produit de cet écrêtement, qui devrait
s'élever à 3,183 milliards de francs en 1997, est ensuite
reversé aux 81 autres départements.
Le tableau ci-dessous présente pour les 19 départements
"surfiscalisés", le montant de cet "écrêtement".
En application de la loi de finances pour 1992, ces sommes faisaient l'objet
d'une inscription, en qualité de provision, d'un milliard de francs en
loi de finances initiale. Le solde, soit plus de 2 milliards de francs,
étant, pour sa part, inscrit dans la loi de finances rectificative de
fin d'année. Les départements ne recevaient donc les sommes
correspondant au dernier trimestre de l'année qu'au début de
l'année suivante.
Les modalités de versement de ces sommes ont été
modifiées l'article 31 de la loi de finances pour 1997 qui
prévoit la création d'un fonds de compensation de la
fiscalité transférée disposant en ressources du produit de
l'écrêtement effectué sur les départements
"surfiscalisés".
Ainsi, les versements prévus à ce titre en faveur des
départements qui bénéficient de la dotation globale de
décentralisation, sont effectués de façon
régulière tout au long de l'année. Il en résulte,
pour ces départements, un avantage de trésorerie par rapport
à la situation précédente, où ces derniers devaient
attendre le début de l'année suivante pour percevoir les sommes
correspondant au dernier trimestre de l'année en cours.
II. LA VALIDATION DU MODE DE CALCUL DE L'ECRÊTEMENT
La validation des modalités de calcul de cet écrêtement
par le présent article intervient à la suite de deux jugements du
tribunal administratif de Paris rendus à la suite des recours du
département de Paris (seul département à avoir introduit
un contentieux à ce sujet) en date respectivement du 29 janvier 1992 et
du 9 février 1996. Ces jugements ont contesté
l'interprétation réglementaire de la date à partir
desquelles les règles d'indexation trouvaient à s'appliquer. Le
pouvoir réglementaire avait en effet interprété les mots
"à la date du transfert" comme autorisant une indexation du solde
dès l'année du transfert, ce qu'avait approuvé la
commission consultative d'évaluation des charges.
Favorable aux départements qui bénéficient de la DGD
(ceux pour lesquels la fiscalité transférée ne couvre pas
la totalité des accroissements de charges), cette interprétation
a, de fait, pénalisé les départements
"surfiscalisés".
Ainsi, les trois arrêtés fixant le montant de
l'écrêtement pour 1984, 1985 et 1986 ont été
annulés, en tant qu'ils concernaient le département de Paris, au
motif de la méconnaissance des dispositions du troisième
alinéa de l'article 95 de la loi du 7 janvier 1983, actuellement
codifiées à l'article 1614-4 du code général des
collectivités territoriales. En procédant au calcul de la base
d'ajustement 1984 par projection et actualisation des chiffres de
l'année 1983, le pouvoir réglementaire alors que le
législateur avait prévu que cette base d'ajustement est
"déterminée en fonction des charges réelles,
précisément comptabilisées, qui résultent
directement du transfert de compétences et des produits des impôts
affectés à la compensation calculés par application des
taux en vigueur à la date du transfert à l'assiette desdits
impôts pour l'exercice en cause"(extrait des jugements du tribunal
administratif de Paris).
L'article L. 1614-1 du code général des collectivités
territoriales dispose en effet que les ressources destinées à
compenser les accroissements nets de charges résultant des transferts de
compétence
"sont équivalentes aux dépenses
effectuées,
à la date du transfert
, par l'Etat au titre
des compétences transférées et évoluent
chaque
année
comme la dotation globale de fonctionnement".
Le premier paragraphe du présent article précise en
conséquence que l'indexation des ressources transférées
sur la DGF s'applique
"dès la première année"
du
transfert.
Le deuxième paragraphe du présent article opère la
même adjonction au quatrième alinéa de l'article L.1614-4
du même code en tant qu'il concerne l'ajustement opéré sur
le produit de la fiscalité transférée reçue par les
départements "surfiscalisés".
Le présent article valide donc l'interprétation administrative
tout en excluant explicitement de la validation les décisions de justice
passées en force de chose jugée. Le versement au
département de Paris de 72 millions de francs, à la suite de ces
jugements pour 1984, 1985 et 1986, n'est donc pas remis en cause. Cependant les
instances engagées à ce titre pour les années
ultérieures se trouveront suspendues par l'adoption du présent
article.
A cet égard, il convient de noter que cette solution évite que
soit mis en cause la sécurité financière des autres
départements bénéficiaires de la DGD. En effet, si l'Etat
tirait toutes les conséquences des jugements du Tribunal administratif
de Paris, cela conduirait à constater que l'indexation du solde
dès la première année du transfert de compétences a
permis à de nombreux départements de bénéficier de
sommes indues. D'après les informations dont dispose votre rapporteur
général, ce bénéfice indu s'élèverait
à près de 12 milliards de francs dont, compte tenu de la
déchéance quadriennale, près de 5 milliards pourraient
être, théoriquement, soustraits aux budgets des
collectivités concernées.
Votre rapporteur général tient à souligner qu'en tout
état de cause, une telle "récupération" ne saurait
être exigée de ces collectivités.
S'agissant de la validation proposée, il convient de noter que, par le
présent article, il convient de rappeler que son troisième
paragraphe ne valide que les arrêtés et décisions relatifs
à la DGD et à l'ajustement opéré surles
départements "surfiscalisés", à l'exclusion des
décisions passées en force de chose jugée.
Votre commission des finances réitère néanmoins ses plus
expresses réserves sur le recours répété à
des validations législatives.
Elle note qu'en l'espèce, l'Etat n'a pas fait appel devant le Conseil
d'Etat de ces jugements du tribunal administratif de Paris.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.