ARTICLE 28
Validation des titres de perception et des versements au
titre des fonds de concours des concessionnaires d'autoroutes
Commentaire : cet article tend à valider l'ensemble
des titres de perception et des versements relatifs aux fonds de concours des
sociétés concessionnaires d'autoroutes. Ces fonds de concours
finançaient, d'une part, des charges de fonctionnement de la gendarmerie
en service sur le réseau et, d'autre part, des frais de contrôle
de l'Etat.
I - LA VALIDATION PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE
A. L'ANNULATION PAR LE CONSEIL D'ETAT DU FINANCEMENT DE CERTAINES
DÉPENSES DE L'ETAT PAR LE BIAIS DE FONDS DE CONCOURS VERSES PAR LES
SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES D'AUTOROUTES
Les dispositions des cahiers des charges des sociétés
d'autoroutes prévoient que ces dernières contribuent, par voie
de fonds de concours, à deux sortes de dépenses :
- d'une part aux dépenses relatives au financement des charges de
fonctionnement de la gendarmerie en service sur le réseau autoroutier.
Cette dépense a été instaurée par le décret
du 12 avril 1991 approuvant des avenants aux conventions de concession des
sociétés d'autoroutes instaurant l'article 24 bis
relatif aux fonds de concours "gendarmes" ;
- d'autre part, aux dépenses pour les frais de contrôle incombant
à l'Etat concernant les travaux réalisés sur les
autoroutes. Cette dernière dépense existe depuis la mise en place
du système de concession, créé par la loi
n° 55-435 du 8 avril 1955 portant statut des autoroutes.
Or, dans un arrêt du 30 octobre 1996, le Conseil d'Etat a annulé
les décrets du 7 février 1992 et du 18 septembre 1992 qui
approuvaient les dispositions des cahiers des charges des
sociétés ASF et SANEF prévoyant la prise en charge par les
sociétés concessionnaires d'autoroutes des dépenses de
gendarmerie et des frais de contrôle de l'Etat. Dans le premier cas, il a
estimé que ces dépenses incombaient par nature à l'Etat et
qu'elles étaient en conséquence étrangères à
l'exploitation du réseau concédé ; dans le deuxième
cas, il a considéré que, si les frais de contrôle du
concessionnaire par le concédant constituent des dépenses qui
présentent un lien suffisamment étroit avec la concession, leur
fixation forfaitaire n'est pas justifiée car elle ne tient pas compte du
coût réel des frais de contrôle.
Suite à cet arrêt, l'ensemble des sociétés
concessionnaires d'autoroutes ont demandé le remboursement des sommes
perçues par l'Etat, soit 3,157 milliards de francs en prenant en compte
les intérêts.
Les sommes réellement versées par les sociétés
concessionnaires d'autoroutes depuis 1992 s'élèvent à :
Fonds de concours "gendarmes" et frais de
contrôle
réellement payés par les sociétés concessionnaires
d'autoroutes au 30 octobre 1996
(approximation)
|
FONDS DE CONCOURS
GENDARMES
|
FRAIS DE
CONTRÔLE
|
||||||
SOCIÉTÉS |
1992* |
1993 |
1994 |
1995 |
1996
|
1992 |
1993 |
1994** |
ASF |
111 |
136 |
146 |
143 |
133 |
32 |
35 |
42 |
ESCOTA |
53 |
34 |
36 |
35 |
32 |
8 |
7 |
8 |
SAPRR |
187 |
111 |
121 |
118 |
114 |
25 |
27 |
29 |
AREA |
46 |
30 |
31 |
31 |
28 |
8 |
8 |
8 |
SANEF |
135 |
83 |
88 |
86 |
84 |
17 |
24 |
24 |
SAPN |
28 |
16 |
16 |
16 |
17 |
6 |
8 |
12 |
ATMB |
7 |
9 |
9 |
10 |
8 |
2 |
2 |
2 |
SFTRF |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 |
3 |
COFIROUTE |
50 |
61 |
65 |
63 |
56 |
16 |
15 |
18 |
TOTAL |
617 |
480 |
512 |
502 |
472 |
114 |
127 |
146 |
TOTAL REELLEMENT DECAISSE |
|
|
||||||
TOTAL GENERAL |
2970 |
1992* : inclut la somme due au titre de 1991
L'Etat n'ayant pas répondu aux demandes de recours gracieux des
sociétés, deux d'entre elles (ATMB et Cofiroute) ont
attaqué ces rejets implicites devant les tribunaux administratifs de
Grenoble et de Paris. La société ASF a, quant à elle,
demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler un titre de
perception de 1997 qu'elle n'avait pas honoré, pour un montant de
158 millions de francs.
Il convient de noter que l'ensemble des sociétés peuvent encore
attaquer le refus de remboursement de l'administration puisqu'il n'y a pas de
délai de recours contre une décision implicite de rejet dans le
cadre d'un recours de plein contentieux.
Pour faire face aux conséquences budgétaires de cet
arrêté, le gouvernement a mis au point une double riposte :
- la validation qui vous est ici proposée ;
- l'instauration d'une redevance domaniale en remplacement du fonds de
concours " gendarmes ".
B. LA VALIDATION PROPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT
Devant cette situation, le gouvernement propose une double validation.
D'une part,
le premier alinéa du présent article
tend
à valider les titres de perception émis par l'Etat jusqu'au 30
octobre 1996 (date de l'arrêt du Conseil d'Etat) pour tous les fonds de
concours des sociétés concessionnaires d'autoroutes au titre des
charges de fonctionnement de la gendarmerie en service sur le réseau et
des frais de contrôle par l'Etat, dans la mesure où ils seraient
contestés pour un motif tiré de l'illégalité des
décrets ayant approuvé les articles correspondants des cahiers
des charges annexés aux conventions passées entre l'Etat et
lesdites sociétés.
D'autre part,
le deuxième alinéa
tend à valider les
sommes perçues par l'Etat sur le fondement des titres de perception
précités.
Ces dispositions doivent empêcher que d'éventuels recours en
annulation contre les titres de perception émis sur la base des
dispositions prévues dans les cahiers des charges annexés aux
conventions de concessions aboutissent. Elles couvrent les titres de perception
émis sur la base des textes annulés par le Conseil d'Etat.
C. L'INSTAURATION D'UNE REDEVANCE DOMANIALE
Auparavant, ne pouvant plus émettre de titre de perception au titre des
fonds de concours, le gouvernement a instauré par le décret
n °97-606 du 31 mai 1997 une redevance due par les
sociétés concessionnaires d'autoroutes pour occupation du domaine
public dont le produit, pour chaque société concessionnaire, est
à peu près équivalent aux sommes versées au titre
des fonds de concours.
II - UN DISPOSITIF TRES CONTESTABLE SUR LE PLAN JURIDIQUE
A. UNE VALIDATION INACCEPTABLE
Outre l'enjeu financier, trois motifs sont avancés par le gouvernement
pour justifier la validation proposée : le caractère
d'intérêt général des dépenses
financées par cette contribution ; la modification
a posteriori
de l'équilibre financier des sociétés concessionnaires
d'autoroutes en cas de remboursement et, enfin, l'enrichissement sans cause
pour les sociétés que constituerait ce remboursement. Or, ces
arguments sont très inégalement convaincants et aucun n'est
suffisant pour justifier une telle validation.
1. L'enjeu budgétaire
L'enjeu financier est considérable, au moins potentiellement : plus de
3 milliards de francs. Toutefois, il faut relativiser la portée
réelle de cet argument : sur les neuf sociétés
concessionnaires d'autoroutes, seule Cofiroute est une société
à capitaux privés. Les autres sont des sociétés
d'économie mixte dont la majorité du capital est détenue
directement ou indirectement par l'Etat. D'une part, elles peuvent être
considérées comme les bras financiers de l'Etat pour la
construction des autoroutes. Le système de la concession est
destiné à soulager l'Etat du financement des autoroutes et non
pas à financer le budget de l'Etat. D'autre part, leur
velléité à faire respecter leurs droits contre l'Etat est
inégale. Ainsi, seulement deux sociétés (ATMB et
Cofiroute) ont attaqué les rejets implicites de l'Etat de demandes de
remboursement et une seule (ASF) a demandé au tribunal administratif de
Paris d'annuler un titre de perception de 1997 qu'elle n'avait pas
honoré.
2. Le critère de l'intérêt général
Il est pour le moins paradoxal de s'appuyer sur le caractère
d'intérêt général des dépenses
financées par ces fonds de concours pour exiger ensuite qu'elles soient
mises à la charge des usagers des autoroutes. A cet égard,
l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 octobre 1996 est explicite. Ce dernier a
en effet jugé que "
l'exercice par la gendarmerie nationale des
missions de surveillance et de sécurité des usagers qui par
nature incombent à l'Etat donne par là même lieu à
des dépenses qui sont étrangères à l'exploitation
du réseau concédé
".
En conséquence, les sociétés concessionnaires
d'autoroutes n'ont pas à participer auxdites dépenses par le
biais de fonds de concours.
Votre rapporteur tient à souligner que cette utilisation du produit des
péages à des fins étrangères à
l'exploitation et à la construction a été
déjà dénoncée à de nombreuses reprises par
la Cour des comptes. Ainsi, dans son rapport annuel de 1990, cette
dernière indiquait : "
la contribution des
sociétés, par voie de fonds de concours, au financement des
prestations de service spécifiques de la gendarmerie est
également discutable. Elle consiste en la prise en charge d'une
dépense de service public qui devrait relever d'un financement par voie
budgétaire
. "
Cette disposition est certainement illégale, mais on peut
également s'interroger légitimement sur sa
constitutionnalité.
L'article 12 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen
dispose que "
la garantie des droits de l'homme et du citoyen
nécessite une force publique ; cette force est donc instituée
pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de
ceux auxquels elle est confiée
".
L'article 13 dispose que "
pour l'entretien de la force
publique, et
pour les dépenses d'administration, une contribution commune est
indispensable : elle doit être également répartie entre
tous les citoyens, en raison de leurs facultés
. "
Dans la mesure où la force publique est instituée pour
l'avantage de tous, son entretien doit être supporté par tous,
c'est-à-dire par l'Etat sur le budget général et non par
un prélèvement particulier pesant sur une catégorie de
contribuables déterminée.
Contrairement au fonds de concours " gendarmes ", le fonds
de
concours au titre des frais de contrôle du concessionnaire par l'Etat n'a
pas été jugé illégal dans son principe même.
Ainsi, le Conseil d'Etat a estimé que " dans leur principe, les
fonds de concours constituent des dépenses qui présentent un lien
suffisamment étroit avec la concession ". Toutefois, il a
jugé que leur fixation forfaitaire n'est pas justifiée car elle
ne tient pas compte du coût réel des frais de contrôle. Cet
arrêt confirme les critiques de la Cour des comptes qui, dans son rapport
public de 1990, indiquait que les dépenses précitées
"
excèdent très largement le coût de la prestation
et servent à alimenter, par voie de fonds de concours, les
rémunérations accessoires allouées aux fonctionnaires de
l'Equipement
".
3. La modification de l'équilibre des sociétes
Le gouvernement a fait remarquer que le remboursement des contributions aux
sociétés concessionnaires d'autoroutes modifierait
a
posteriori
leur équilibre financier. Votre rapporteur
reconnaît que le remboursement d'une somme prélevée par
l'Etat sur une entreprise influence
a posteriori
l'équilibre
financier de cette dernière mais estime que cet argument ne peut pas
servir de prétexte pour refuser le remboursement de
prélèvements illégaux. Ce serait instaurer une
impunité de l'administration contraire à l'Etat de droit.
4. L'enrichissement sans cause
Le gouvernement affirme que si les sociétés concessionnaires
obtenaient le remboursement des sommes demandées, elles ne pourraient
pas les rétrocéder aux usagers sur lesquelles elles les ont
répercutées et estime, en conséquence, qu'il y aurait
enrichissement sans cause.
Votre rapporteur général considère que ce motif
méconnaît les dispositions applicables en la matière.
D'une part, les tarifs de péage sont calculés par les
sociétés concessionnaires d'autoroutes sous le contrôle et
dans les conditions fixées par le gouvernement. Le décret
n °95-81 du 24 janvier 1995 relatif à la fixation des tarifs
de péages autoroutiers indique que ceux-ci évoluent en fonction
des charges financières et d'exploitation des sociétés.
Dans les faits, les tarifs sont fixés dans le cadre des contrats de plan
sur la base de l'équilibre financier des sociétés. Si tout
ou partie des sommes sont reversées aux sociétés, elles
seront donc nécessairement prises en compte dans l'équilibre
financier des prochains contrats de plan et se traduiront, par exemple, par une
modification des tarifs.
D'autre part, en ce qui concerne Cofiroute, seule société
à capitaux privés, l'article 32 de son cahier des charges dispose
qu'en cas de modifications d'impôts, taxes et redevances
spécifiques aux concessionnaires d'autoroutes, l'Etat et la
société concessionnaire arrêtent d'un commun accord les
compensations, par exemple tarifaires, qui devront être apportées
pour assurer la neutralité de ces modifications sur l'ensemble
constitué des comptes sociaux et de l'équilibre financier de la
société.
Votre rapporteur conteste donc le fait que cette validation serait
justifiée par des raisons d'intérêt général.
Elle apporte plutôt une nouvelle preuve des graves dysfonctionnements qui
affectent la gestion du réseau autoroutier. C'est pourquoi il vous
propose un amendement de suppression de cet article.
B. UNE REDEVANCE DONT ON PEUT DOUTER LEGITIMEMENT DE LA BASE
LÉGALE
A la suite de l'arrêt du Conseil d'Etat, le gouvernement a adopté
le 31 mai 1997 un décret instaurant une redevance due par les
sociétés concessionnaires d'autoroutes pour occupation du domaine
public.
Or, cette disposition vise clairement à faire obstacle aux effets de
l'arrêt du Conseil d'Etat et à compenser la perte de recettes qui
en a résulté. Ainsi, même si le montant total de cette
redevance est en 1997 légèrement inférieur à la
recette qui aurait été perçue sur la base des fonds de
concours, son produit, pour chaque société concessionnaire, est
à peu près équivalent aux sommes versées au titre
des fonds de concours. En outre, le mode de calcul retenu est très
proche de celui retenu jadis pour abonder les fonds de concours
" gendarmerie ".
L'avis n °485 de l'Assemblée nationale présenté
au nom de la commission de la défense nationale et des forces
armées sur le projet de loi de finances rectificative pour 1997 est
significatif de l'objet de cette redevance : "
Les
ouvertures de crédits proposées ou ratifiées par la
présente loi permettent à la gendarmerie de satisfaire ses
besoins pour 1997. Pour l'avenir, ces frais seront désormais couverts
par une redevance pour occupation du domaine public versée par les
sociétés concessionnaires
".
Comparaison entre le produit de la redevance domaniale et
les
sommes versées au titre des fonds de concours
(en millions de francs)
Société |
Redevance domaniale |
Fonds de concours |
AREA |
42 |
42 |
ASF |
222 |
218 |
ATMB |
11 |
13 |
COFIROUTE |
92 |
89 |
ESCOTA |
56 |
49 |
SANEF |
126 |
131 |
SAPN |
34 |
41 |
SAPRR |
173 |
171 |
SFTRF |
0 |
7 |
TOTAL |
757 |
761 |
Source : Ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie.
En outre, la base légale de cette redevance est très
contestable
. Dans un arrêt du 21 novembre 1958,
Syndicat
national des transports aériens
, le Conseil d'Etat a indiqué
que la redevance constituait la rémunération d'un service public
rendu à l'occasion de prestations d'un service public, cette
rémunération affectée constituant la contre-partie
directe de ces prestations.
Dans le cas présent, les sociétés concessionnaires
d'autoroutes auraient ainsi à payer cette redevance en contrepartie de
la mise à disposition, par l'Etat, du domaine public.
Or, une telle disposition tend à confondre la situation des
concessionnaires d'autoroutes et celle des titulaires d'un droit d'occupation
du domaine public, qui sont pourtant très différentes.
Lorsque l'Etat décide de la mise en chantier d'une autoroute, il peut,
en théorie, recourir à deux méthodes différentes :
- soit il procède par l'intermédiaire d'un marché public,
auquel cas, le constructeur de l'autoroute est payé au moyen d'un prix ;
- soit il peut recourir à la concession, auquel cas aucun prix n'est
versé au concessionnaire mais celui-ci se voit accorder, pour une
certaine durée, le droit d'exploiter l'autoroute de manière
à rentabiliser son investissement.
Dans cette dernière hypothèse, qui a été retenue
par l'Etat dans la généralité des cas, le concessionnaire
d'autoroutes se trouve dans une situation singulière au regard de la
domanialité publique. En effet, c'est lui qui constitue le domaine
public en procédant à l'acquisition des terrains, c'est lui qui
aménage ce domaine public et c'est lui qui ouvre au public ledit domaine
et l'exploite. On est donc loin de la situation dans laquelle une occupation
privative crée une forme de "
déclassement de
fait
" (pour utiliser le terme employé dans la décision
de la Cour de cassation du 11 août 1891 sur la nature des redevances
pour occupation du domaine public), justifiant que la collectivité
perçoive une redevance sur l'occupant en raison de l'amputation
partielle du domaine public et des bénéfices qu'il en tire. Dans
le cas précis, il n'y a d'autre occupation que celle qui est faite au
nom de l'Etat et les recettes tirées ne constituent pas un
bénéfice d'exploitation mais le remboursement et la
rémunération des capitaux investis.
Si le gouvernement souhaitait prélever de l'argent sur les
sociétés concessionnaires d'autoroutes, il aurait dû
créer une taxe. C'était d'ailleurs cette solution qui avait
été retenue il y a quelques années puisqu'à
l'occasion de la loi de finances pour 1990, le gouvernement avait
proposé d'instituer une taxe sur les péages des autoroutes
concédées afin de faire participer les concessionnaires au
financement de la sécurité routière et notamment au
coût des services de la gendarmerie déployés sur le
réseau. De même, l'article 47 de l'avant-projet de loi
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier pour 1997
prévoyait l'instauration d'une taxe annuelle due par les
concessionnaires d'autoroutes à raison du nombre de kilomètres
d'autoroutes qu'ils exploitent au 31 décembre de l'année
précédant celle au titre de laquelle la taxe est due.
Or, le choix entre redevance et taxe n'est pas anodin car l'autorité
compétente pour créer ce prélèvement varie selon
les cas. Les impôts, taxes et impositions de toute nature ne peuvent
être créés que par la loi. En revanche, le
législateur n'a pas à intervenir en ce qui concerne la redevance.
Cette hésitation entre redevance et taxe démontre en
réalité l'incertitude sur la valeur juridique de ce
prélèvement qui s'apparente davantage à une taxe et aurait
donc dû obtenir l'accord du Parlement.
Il n'est d'ailleurs pas évident que si cette taxe avait
été votée, elle aurait échappé à la
censure du Conseil constitutionnel, compte tenu de son objet.
III. UNE VALIDATION INOPPORTUNE SUR LE PLAN ÉCONOMIQUE
Le Gouvernement semble découvrir aujourd'hui les difficultés de
financement des programmes d'investissement et d'entretien routiers et
autoroutiers. Il a lancé sur ce thème une réflexion
importante devant aboutir à une réforme d'ensemble. Un rapport
d'étape lui a déjà été remis par les
directeurs des routes, du budget et du Trésor.
Pourtant, alors même que certaines sociétés d'autoroutes
ne sont plus en état de financer la construction de sections
nouvelles
25(
*
)
, mission pour
laquelle le système de la concession a été inventé,
il estime qu'elles doivent continuer à acquitter des charges indues et
ne pas bénéficier du remboursement de ces charges pour le
passé.
L'intérêt général, comme la saine gestion, exigent
que les sociétés d'autoroutes financent des investissement sur le
réseau qui leur est concédé, plutôt que de faire
payer par le péage des charges qui,
in fine
, contribuent à
les empêcher d'accomplir leur mission. C'est pourtant le contraire que
propose le présent article.
Or, il ne pourra être reproché à votre commission des
finances de ne pas avoir constamment rappelé aux gouvernements
successifs les impératifs d'une saine gestion du réseau
concédé en vue de la réalisation des schémas
directeurs routiers nationaux.
Elle s'est ainsi préoccupée successivement de l'évolution
des tarifs de péage puis de celle de l'endettement.
A. UNE POLITIQUE TARIFAIRE LONGTEMPS INADAPTEE
Ainsi, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1989,
votre rapporteur spécial, Paul Loridant, écrivait
déjà :
"Les prévisions font apparaître que l'endettement actuel de
50 milliards de francs (soit plus de 4 fois le montant des recettes
de péages, ce qui est considérable) devrait fortement progresser
pour atteindre le montant de 125 milliards à l'horizon de l'an 2000.
Cependant, ces prévisions indiquent aussi que l'évolution
financière des sociétés après 2005 devrait
s'améliorer de façon extrêmement rapide, permettant ainsi
d'envisager favorablement la relance du programme autoroutier. Encore
convient-il d'observer que cette prévision d'amélioration prend
en compte une évolution des tarifs identique à celle de
l'évolution des prix (de l'ordre de 2 % par an), ce qui n'a pas
été le cas ces dernières années.
A défaut d'un maintien des tarifs de péage en francs constants,
la sortie du rouge des sociétés serait, selon ces
prévisions, retardée de 5 ans, soit 2010, en cas d'une
actualisation des tarifs, diminuée d'un point, et de beaucoup plus, en
l'absence totale de revalorisation des péages
".
De fait, de 1980 à 1991, les tarifs de péage ont reculé de
13 % en francs constants, occasionnant à la capacité
d'investissement des sociétés d'autoroutes des dommages
irrémédiables à une époque où
l'évolution du trafic était beaucoup plus dynamique
qu'aujourd'hui.
26(
*
)
Bien entendu, votre commission des finances n'a pas été
écoutée du gouvernement de l'époque, qui a gelé les
tarifs en 1988 et 1990, ne les augmentant que de 2,5 % en 1989
(l'inflation étant alors de 3,6 %). La France était à
cette époque en pleine croissance économique et les
sociétés auraient pu accumuler des réserves pour l'avenir.
Le changement de politique tarifaire n'est intervenu, quelle inspiration, qu'en
1991, à la veille du ralentissement puis de la récession.
Dans son rapport spécial sur les crédits des routes pour le
projet de loi de finances pour 1991, Paul Loridant écrivait à
nouveau :
"L'évolution du produit des péages conditionne la
capacité d'autofinancement et d'emprunt des sociétés
autoroutières.
Cette évolution est entièrement contrôlée par
l'Etat, la fixation des tarifs de péage étant
réglementée, pour toutes les sociétés
concessionnaires, par le décret du 30 décembre 1988.
Or, depuis de nombreuses années, les relèvements effectués
sont restés très largement inférieurs au rythme de
l'inflation.
Les tarifs ont diminué de 15 % en francs constants depuis 1980.
Votre rapporteur se félicite du réajustement tarifaire mis en
place le 1er août 1991 (+ 3 % pour les véhicules
légers et + 8 % pour les poids lourds).
Ce
réajustement intervient après une période de trente mois
de blocage des tarifs qui a généré,
selon
l'Association des sociétés françaises d'autoroutes, un
manque à gagner équivalent au financement de
50 kilomètres d'autoroutes nouvelles
.
Cependant, l'augmentation moyenne de 4,3 % qui résulte de cette
majoration tarifaire demeure largement inférieure à
l'érosion monétaire constatée sur la même
période (10 %).
C'est pourquoi votre rapporteur tient à souligner la
nécessité d'une revalorisation tarifaire régulière
des tarifs afin d'assurer le maintien à long terme du niveau des
péages en francs constants, qui apparaît comme une condition
indispensable au financement d'un programme d'investissement essentiel pour
l'avenir des infrastructures de transports".
Il reste aujourd'hui à faire le calcul du manque à gagner
à la fois financier et en nombre de kilomètres de plus de dix ans
d'une politique tarifaire imprévoyante.
B. LES INQUIETUDES SUSCITEES PAR L'ENDETTEMENT
A partir de 1995, l'augmentation des charges sans lien avec les concessions a
provoqué l'inquiétude de votre rapporteur général
quant à ses conséquences sur l'endettement des
sociétés concessionnaires.
De 1985 à 1996, la part prise par les impôts, taxes, fonds de
concours et redevances diverses est passée de 8 % des recettes de
péage à 23 %,
selon les calculs de l'Association des
sociétés françaises d'autoroutes.
Or, depuis son rapport consacré en 1992 au système autoroutier
concédé, à l'occasion de rapports particuliers (sur la
SAPN et ESCOTA notamment) et dans son dernier rapport public, la Cour des
comptes a encore critiqué le financement par les sociétés
d'autoroutes, de prélèvements ne pouvant avoir pour elles de
contrepartie rentable.
Outre les critiques juridiques relatives aux fonds de concours que la Cour a
exprimées, elle dénonçait aussi leur caractère
anti-économique. Certains de ces fonds de concours financent des
investissements sur des sections non concédées et contribuent
donc à un accroissement de l'endettement des sociétés qui
ne peut être amorti par répercussion sur le péage.
D'autres fonds de concours sont répercutés sur les péages,
mais comme ils ne correspondent pas à un service rendu à
l'usager, ils contribuent à relever les tarifs au-delà de leur
niveau d'équilibre et donc à réduire le trafic et les
recettes des sociétés.
27(
*
)
De son côté, votre rapporteur général s'est
inquiété des conséquences financières du doublement
de la taxe d'aménagement du territoire voté dans le projet de loi
de finances pour 1996, tout en acceptant ce doublement
28(
*
)
. Il avait souhaité à
l'époque que les sociétés concessionnaires puissent
répercuter l'augmentation de la taxe dans leurs tarifs, ce qui
était la moins mauvaise solution, en écartant tout à la
fois un allongement de la durée des concessions, une augmentation de
l'endettement et un ralentissement des investissements, trois solutions
inacceptables pour financer un impôt.
L'allongement de la durée des concessions paraissait inopérante
pour financer un prélèvement, car sans effet sur la
trésorerie.
Cette solution ne doit en effet servir que pour
l'amortissement des investissements : plus la durée est longue, plus la
capacité de remboursement est grande.
Sur les autres solutions, votre rapporteur général
écrivait notamment :
"
Le recours à une augmentation de l'endettement serait d'un
intérêt économique très douteux. Les
sociétés d'autoroutes sont déjà très
endettées : plus de 100 milliards de francs ; soit plus
de quatre fois leurs recettes de péages. On peut rappeler que la dette
de la SNCF n'est que de trois fois son chiffre d'affaires, et que cela est
jugé catastrophique... L'accroissement de cet endettement est
très dynamique : + 9,4 % en 1994 ; et
l'accélération du programme autoroutier aura pour effet de le
redynamiser encore. Il pourrait ainsi atteindre 200 milliards de francs
à l'horizon 2006. Or, les fonds propres des sociétés
d'autoroutes restent très faibles : 3 milliards de francs,
après recapitalisation par Autoroutes de France, établissement
public qui fait le lien entre l'Etat et les sociétés. Le service
de la dette représente actuellement 58 % des recettes des
sociétés.
Dans ces conditions, il serait très dangereux
d'augmenter la dette sans être à peu près sûr d'un
bon niveau de retour sur investissement.
Or, les coûts des programmes
sont croissants tandis que l'augmentation du trafic fléchit et les
prévisions de recettes aussi, par voie de conséquence.
En fait, le recours à l'endettement n'aurait qu'un
intérêt optique : substituer l'endettement des
sociétés d'autoroute à celui de l'Etat. Mais cette
substitution ne fait guère illusion : à l'exception de
COFIROUTE, qui représente moins de 15 % du chiffre d'affaires
consolidé des autoroutes françaises, les sociétés
d'autoroutes sont détenues par l'Etat, directement et via Autoroutes de
France, à plus de 90 %. Qui peut dire que leur dette n'est pas
celle de l'Etat, qui la garantit au travers des emprunts de la Caisse nationale
des autoroutes (CNA) ?
La seule différence est que la charge de
la dette de la CNA est plus lourde que celle de l'Etat qui obtient de
meilleures conditions sur le marché obligataire. Si, comme c'est le cas
à la SNCF depuis dix ans, les lourds investissements des autoroutes
n'avaient pas la rentabilité attendue, une nouvelle hypothèque
pèserait sur les finances publiques.
La troisième solution, un ralentissement des programmes
d'investissement, serait certainement plus efficace financièrement, mais
de toute évidence contraire à la volonté du Gouvernement.
En effet, la taxe d'aménagement du territoire n'a pas pour but de
favoriser la construction de certains axes au détriment d'autres. En
particulier, ce serait une impasse que de vouloir absolument financer des axes
a priori peu fréquentés et ralentir la construction
d'itinéraires rentables.
29(
*
)
L'aménagement du territoire et
l'emploi n'y trouveraient pas leur compte. Chaque milliard de francs investi
dans les autoroutes représente 3.000 emplois et un kilomètre
en fonctionnement nécessite 4 emplois permanents. Enfin, il serait
très peu cohérent de renoncer à
l'accélération du programme alors qu'elle vient d'être
décidée (début 1994).
Reste la seule solution économique viable : l'augmentation des
tarifs de péage. Cette solution est la seule qui concilie une situation
financière satisfaisante pour les sociétés sans pour
autant retarder les investissements. Cette solution est d'ailleurs assez
compatible avec le nouveau rôle dévolu au péage ;
à savoir une péréquation entre les tronçons amortis
et rentables et les tronçons à construire, même si elle
n'est guère conforme à la loi n° 55-435 du 18 avril
1955
30(
*
)
portant statut des
autoroutes.
Cette solution trouve cependant sa limite dans les perturbations
qu'elle peut occasionner aux autres rôles du péage :
couverture des coûts de construction et d'exploitation des sections sur
lesquelles il se situe, orientation conjoncturelle et structurelle du trafic,
régulation de la fluidité pour raisons de sécurité.
Ceci signifie qu'il ne sera pas possible d'aller très loin dans la
taxation des autoroutes : la hausse correspondante des tarifs de péage
pourrait nuire à la fonction économique qu'elles doivent
remplir
."
A la fin de 1996, l'endettement des sociétés d'autoroutes, de
l'ordre de 130 milliards de francs, représente 5 fois leur
chiffre d'affaires. Impressionnant en valeur absolue, cet endettement doit
être apprécié au regard des investissements qu'il a servi
à financer. C'est la logique même du système de
concession : on finance par emprunt, lequel est remboursé par les
péages.
Il s'agit donc d'évaluer l'endettement sous un double aspect :
·
au regard de la durée de l'investissement
à financer. S'agissant du réseau autoroutier, celle-ci
excède largement la durée des emprunts et si la concession est
adaptée, les péages suffisent à les rembourser ;
·
au regard de la rentabilité de cet
investissement, laquelle doit couvrir les intérêts des emprunts
ayant servi à le financer.
Or, votre commission a émis des critiques contre les pratiques
s'écartant de cette logique : la sous-revalorisation des tarifs de
péage a longtemps nui à la rentabilité ; la
multiplication des charges indues ou sans lien avec l'exploitation se traduit
par un endettement qui ne finance pas un investissement susceptible de le
rembourser. Ces pratiques ont largement contribué à
réduire la capacité d'autofinancement des sociétés,
et donc leur aptitude à mener à bien le schéma directeur.
Votre commission peut ainsi prouver qu'elle s'est constamment
souciée, sous de nombreux gouvernements, d'une gestion du système
autoroutier uniquement tendue vers sa capacité à financer le
schéma directeur
. Cela n'a pas été le cas des
gouvernements, qui ont, dans les années 80, obéré les
marges des sociétés par une politique tarifaire
démagogique et qui, dans les années 90, ont utilisé les
marges d'augmentations de tarifs plus raisonnables au financement de charges
sans lien avec l'exploitation des autoroutes.
Le fonds de concours "gendarmes" et le mode de calcul forfaitaire du
fonds de
concours "contrôle" ne sont qu'un avatar parmi d'autres d'une gestion
financière mal conduite, qui a amené notre système
autoroutier dans l'impasse où il se trouve aujourd'hui.
Ce raisonnement ne peut conduire qu'à rejeter, sur le plan de
l'opportunité économique, les fonds de concours mis à la
charge des sociétés concessionnaires et qui ne constituent pas
pour elles des investissements ayant une contrepartie en péages.
C'est pourquoi sur ce plan également, la validation proposée doit
être rejetée. Il n'est pas dans l'intérêt bien
compris de l'Etat, qui est le garant du financement du réseau routier
national, de mettre à mal les outils qu'il a forgés pour le
construire.
In fine
, c'est sur les finances publiques que cette mauvaise
gestion pèsera.
Il relève au contraire de l'intérêt général
de revenir aux sources du système de la concession : financer par
l'emprunt puis par le péage la construction et l'entretien du
réseau.
Décision de la commission : votre commission vous propose de
supprimer cet article.
ARTICLE 29
Octroi de la garantie de l'Etat aux
opérations réalisées par la COFACE
pour la gestion des
créances garanties
Commentaire : cet article tend à élargir la
garantie de l'Etat dont bénéficie la Coface pour les
procédures d'assurance en matière de commerce extérieur
aux opérations particulières de gestion active des droits et
obligations qui en découlent. Il tend également à
introduire un enregistrement comptable séparé des
opérations effectuées par la Coface pour le compte de l'Etat.
I - LE DISPOSITIF ACTUEL CONFIE À LA COFACE LA GESTION DES PROCEDURES
PUBLIQUES D'AIDE À L'EXPORTATION
A. LA GARANTIE DES RISQUES FINANCIERS INTERNATIONAUX
La Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur
(Coface) a été créée par le décret
n °46-1322 du 1er juin 1946 afin
" de garantir la bonne fin
des opérations d'exportation et d'importation et, d'une manière
générale, de toutes les opérations de commerce
extérieur ".
Concrètement, la Coface a pour objet de garantir les entreprises
françaises contre les risques financiers liés aux exportations.
Elle doit prévenir et couvrir les risques politiques et commerciaux des
entreprises ainsi que sécuriser les échanges commerciaux et les
transactions financières qui y sont liées.
La Coface remplit ces missions à travers deux modalités :
- en tant qu'assureur privé, la Coface réalise des
opérations d'assurance-crédit et d'assurance-change en direction
des entreprises françaises exportatrices. Ces opérations
constituent 40 % environ de ses activités ;
- en tant qu'assureur avec la garantie de l'Etat et pour le compte de
l'Etat, la Coface assure la couverture de risques qui ne sont pas assurables
sur le marché privé comme l'insuccès d'actions de
prospection, l'impayé sur des crédits consentis pour des
durées importantes ou des pays difficiles, la dévaluation de
devises de facturation ou encore, la spoliation d'investissements à
l'étranger. La Coface bénéficie de la garantie de l'Etat
au titre de ces opérations.
B. UNE MODIFICATION DES STATUTS DE LA COFACE SANS INCIDENCE SUR SES
MISSIONS
Lorsque la Coface a été créée, elle a reçu
le statut de société nationale. En 1994, la compagnie a
été privatisée.
Toutefois, cette privatisation n'a pas remis en cause les missions accomplies
par la Coface pour le compte de l'Etat. Un décret du 14 mai 1994 a
simplement modifié les dispositions du code des assurances relatives
à l'assurance pour le compte de l'Etat des risques liés aux
échanges internationaux afin de les adapter à cette nouvelle
situation.
Ainsi, selon l'article R. 442-7-2 du code des assurances, les demandes de
garanties sont adressées à la Coface qui les instruit et les
soumet à la commission des garanties et du crédit au commerce
extérieur ; le ministre chargé de l'économie,
après avis de la commission, octroie ou refuse la garantie.
II - LE DISPOSITIF PROPOSE ELARGIT LES MISSIONS EXERCEES PAR LA COFACE POUR
LE COMPTE DE L'ETAT
A. UNE MISSION ELARGIE AUX OPERATIONS PARTICULIÈRES DE GESTION ACTIVE
DES DROITS ET OBLIGATIONS AFFÉRENTS AUX PROCÉDURES PUBLIQUES
D'ASSURANCE
Selon l'article L. 432-2 du code des assurances, la garantie de l'Etat
peut être accordée en totalité ou en partie à la
Coface pour ses opérations d'assurance des risques commerciaux,
politiques, monétaires, catastrophiques ainsi que de certains risques
dits extraordinaires.
Le présent article propose d'étendre cette garantie aux
opérations particulières de gestion active, y compris sous forme
de refinancement, des droits et obligations précités
afférents aux procédures publiques d'assurance.
Les droits recouvrent les créances que la Coface détient sur les
débiteurs étrangers suite à l'indemnisation à
laquelle elle a procédé en vertu de la police d'assurance. Ces
créances s'élèvent en principe à 90 % du
montant garanti dans le cas d'un crédit fournisseur et à
95 % dans le cas d'un crédit acheteur.
Les obligations de la Coface désignent les garanties qu'elle contracte
en vertu des polices d'assurances.
Le but de cette disposition est de permettre à la Coface de
gérer au mieux les intérêts de l'Etat en
bénéficiant des nouveaux instruments apparus sur les
marchés financiers ces dernières années. Elle doit
permettre, par exemple, à la Coface (bénéficiant alors de
la garantie de l'Etat) d'opérer des transferts de risque partiel ou
total à des investisseurs sur tout ou partie des créances
nées des opérations d'assurance et détenues par la Coface
sur des débiteurs étrangers (opérations dites de
sous-participation en risque et trésorerie).
Ainsi la Coface pourrait, avec la garantie de l'Etat, céder à
une banque des droits calculés par référence aux montants
à récupérer sur les créances, dont elle restera
propriétaire et gestionnaire. Or, la conjoncture actuelle et, notamment,
la faiblesse des taux d'intérêt, renforcent la valeur des
créances. A travers cette mesure, l'Etat pourrait ainsi optimiser la
gestion de ses créances. Une recette de l'ordre de quelques milliards de
francs pourrait être recueillie dès 1997, mais dans ce domaine,
par définition très fluctuant, les estimations ne doivent
être retenues qu'avec la plus extrême prudence.
Cette disposition vise aussi à mieux gérer, voire à
diminuer, l'exposition de l'Etat au risque de défaut des
débiteurs étrangers au titre des opérations d'assurance
définies en application de l'article L.432-2 du code des
assurances, et bénéficiant de la garantie de l'Etat. Il s'agit,
dans ce cadre, de transférer à un tiers, par le biais de
techniques nouvelles (hors réassurance), en échange d'une
rémunération, des engagements pris par la Coface sur la base de
polices d'assurances. Ces opérations, qui s'apparentent à des
procédés de "couverture", auront
bien-sûr
un
coût, même modeste, pour l'Etat, à la différence des
sous-participations en risque et trésorerie qui se traduiront par une
recette.
Cette disposition doit également faciliter la gestion et l'optimisation
du risque de change et de taux d'intérêt sur les garanties
accordées par la Coface.
Le II de l'article proposé
précise que ces
opérations n'auront pas à être présentées
devant la commission des garanties et du crédit au commerce
extérieur. En effet, il s'agit d'opérations purement
financières réalisées pour le compte de l'Etat et pour
lesquelles il n'existe pas d'analyse d'un projet commercial ou industriel et
des conditions d'octroi de garantie y afférente. Ces opérations
relèvent donc de la compétence du ministre chargé de
l'économie qui a la tutelle de la Coface.
B. LA CRÉATION D'UN PATRIMOINE D'AFFECTATION À LA
COFACE
L'octroi de la garantie donnée par l'Etat à la Coface rend
indispensable une totale sécurisation des créances de l'Etat sur
la Coface, qui s'élèvent à environ 180 milliards de
francs, ainsi que des engagements de la Coface envers ses assurés au
titre des opérations d'assurance bénéficiant de la
garantie de l'Etat, qui sont de l'ordre de 400 milliards de francs.
En effet, dans la situation actuelle, les actifs de la Coface résultant
d'opérations effectuées pour son propre compte et ceux
résultant des opérations pour le compte de l'Etat constituent un
patrimoine unique. En cas de défaillance de la Coface, les actifs de
l'Etat seraient dispersés entre les différents créanciers
; le fait que la Coface gère un service public n'empêche pas que
ses biens soient saisissables. Dans une décision du 15 novembre 1995
(M. Cusset c. caisse régionale d'assurance vieillesse
d'Alsace-Moselle), la cour de cassation a ainsi jugé qu'aucun texte ne
déclare insaisissables les comptes d'un organisme de droit privé
chargé de la gestion d'un service public.
C'est pourquoi le III de l'article proposé
précise
que la Coface établit, pour les opérations qu'elle effectue
avec la garantie de l'Etat en application de l'article L. 432-2 du code des
assurances, un enregistrement comptable distinct.
De plus, sans préjudice des droits des titulaires de créances
nées des opérations effectuées avec la garantie de l'Etat,
aucun créancier de la Coface autre que l'Etat ne pourra se
prévaloir d'un droit quelconque sur les biens et droits ressortant de
l'enregistrement comptable distinct ainsi établi.
Il faut également souligner que cette sécurisation conditionne le
succès des opérations de gestion active des droits et obligations
afférents aux opérations d'assurance de la Coface
bénéficiant de la garantie de l'Etat. En effet, les
marchés financiers ne peuvent être intéressés par
ces opérations que s'ils ne courent pas le risque que la
disponibilité des fonds nécessaires soit affectée par une
défaillance propre de la Coface.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 30
Extension du champ d'intervention du
fonds
de prévention des risques naturels majeurs
Commentaire : le présent article a pour objet
d'étendre le champ d'intervention du Fonds de prévention des
risques naturels majeurs -FPRNM - créé par la loi du 2
février 1995.
Cette loi limitait les dépenses du Fonds aux actions visant à
évacuer les sites exposés : indemnisation des habitants
expropriés et réalisation de travaux empêchant toute
occupation future.
Il est proposé par cet article de financer également des travaux
et études ainsi que des opérations à caractère
préventif de façon à utiliser les ressources actuellement
non engagées de ce Fonds.
Adoptée à la suite des inondations de l'hiver 94-95, la loi
n° 95-101 du 2 février 1995 a mis en place tout un dispositif de
sauvegarde des populations menacées par des mouvements de terrain, des
avalanches ou des crues. Elle a, en particulier, créé le Fonds
précité (FPRNM) dont la gestion est confiée à la
Caisse centrale de réassurance et qui est financé par un
prélèvement de 2,5 % sur le produit des primes relatives à
la garantie contre le risque de catastrophes naturelles, prévues
à l'article L 125-2 du code des assurances.
Du fait d'une définition stricte de son champ d'intervention, le Fonds
de prévention des risques naturels majeurs a accumulé une
trésorerie importante, qui devrait atteindre 300 millions de francs
à la fin de l'année 1997. En ce qui concerne les deux zones
à risques majeurs les plus importantes, celle de la Séchilienne
dans l'Isère et de la Clapière dans les Alpes-Maritimes, le cadre
juridique actuel n'a permis que des interventions relativement
limitées ; c'est seulement au dernier trimestre 1997 que les
premiers concours ont été mobilisés sous la forme d'un
transfert de 60 millions de francs au trésorier payeur
général de l'Isère.
Il faut rappeler ici que deux sites métropolitains
sont exposés à des mouvements de grande ampleur parmi les plus
importants d'Europe : le site de la Clapière à
Saint-Etienne-de-Tinée dans les Alpes-Maritimes et celui des ruines de
Séchilienne dans l'Isère.
Il s'agit de risques majeurs en raison de l'importance des masses en mouvement
-plusieurs dizaines de millions de mètres cubes- et de leur dynamique
actuelle : déplacement de 1 à 10 cm par jour pour la
Clapière et de quelques centimères à 50 cm par an pour les
ruines de Séchilienne avec une tendance à
l'accélération depuis 1985.
Enfin, les conséquences des mouvements en question pourraient
être extrêment graves : ensevelissement des biens
exposés sous les matériaux éboulés, effet de
souffle dévastateur, barrages partiels ou totaux des vallées de
la Tinée et de la Romanche, inondations à l'amont, enfin, et
vagues de submersion destructrices à l'aval en cas de rupture brutale de
ces barrages sous l'effet de la poussée des eaux en amont.
De tel scénarios catastrophiques - qui pourraient conduire à des
dommages jusqu'aux confins des agglomérations niçoise, d'une
part, et grenobloise, d'autre part - ne peuvent être
écartés a priori. Des précédents existent, en
Italie du nord dans la vallée de l'Adda, et dans la vallée de
Zermatt.
Le présent article vise à autoriser le FPRMN jusqu'au 31
décembre 1999 à financer, dans la limite de 145 millions de
francs, des études et certains travaux de prévention, lorsqu'ils
sont hors de proportion avec les ressources des communes concernées.
Pour les deux sites concernés, des mesures de prévention doivent
être mises en oeuvre. Elles doivent être fondées sur les
principes suivants :
·
approfondissement de la connaissance des facteurs
d'évolution géodynamiques ;
·
surveillance constante de l'évolution des
sites ;
·
cartographie des risques géologiques et
hydrauliques avec élaboration de plans de prévention.
Dans les deux cas, il faut envisager la réalisation d'un tunnel de
dérivation pour faire face au cas de barrage de la vallée. Les
dépenses à engager par l'État à ce titre sont de
l'ordre de 145 millions de francs. On note qu'en ce qui concerne le site
de la Clapière, les opérations s'accompagnent d'une participation
de l'ordre de 20 millions de francs du département.
En ce qui concerne les ruines de Séchilienne, Le décret portant
déclaration d'utilité publique a été signé
le 31 mai 1997.
Le tableau ci-dessus récapitule les sites ayant fait l'objet de demandes
d'intervention au titre du Fonds de prévention des risques naturels
majeurs.
Il faut noter, enfin, qu'il y a un certain paradoxe à prévoir une
extension générale de compétence, tout en en restreignant
de facto
mais de façon explicite, par le biais d'une limitation
dans le temps et un plafonnement financier, le bénéfice à
deux opérations seulement. Il s'agit, certes, de deux cas
particulièrement graves, mais on peut se demander si elles sont, par
nature, à ce point différentes des autres demandes en instance
que cela justifie que ces dernières soient exclues a priori du
régime élargi et assoupli prévu par le présent
article.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.