ARTICLE 27
Validation des taxes d'urbanisme perçues par la
ville de Paris
Commentaire : cet article tend à valider les
impositions assises et liquidées sur le fondement de
l'arrêté préfectoral du 30 mars 1984 en tant qu'elles
seraient contestées pour un motif tiré de l'incompétence
du maire de Paris résultant du défaut d'affichage de
l'arrêté précité.
I. LE DÉFAUT D'AFFICHAGE DE L'ARRETÉ PRÉFECTORAL DU
30 MARS 1984 ET SES CONSEQUENCES
A. LES MODALITES DE LIQUIDATION DES TAXES D'URBANISME PERÇUES PAR LA
VILLE DE PARIS
Le pouvoir de liquider les taxes d'urbanisme relève de la
compétence du ministre chargé de l'urbanisme. Cette mission est
exercée de façon déconcentrée par les directions
départementales de l'équipement.
L'article R. 424-1 du code de l'urbanisme dispose cependant que
"
la détermination de l'assiette et la liquidation des
impositions dont la délivrance du permis de construire constitue le fait
générateur peuvent être confiées, sur sa demande ou
avec son accord, à l'autorité compétente pour
délivrer le permis de construire, lorsqu'elle est autre que l'Etat, par
arrêté du commissaire de la république pris sur proposition
du responsable du service de l'Etat dans le département, chargé
de l'urbanisme, pour exercer cette mission au nom de l'Etat
. "
L'arrêté préfectoral du 30 mars 1984 a donc
confié au maire de Paris la détermination et la liquidation
:
- de la taxe locale d'équipement et de la taxe complémentaire
à la taxe locale d'équipement ;
- de la participation en cas de dépassement du coefficient d'occupation
du sol ;
- du versement résultant du dépassement du plafond légal
de densité ;
- de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux et
de locaux de recherche.
B. LE DEFAUT DE PUBLICITÉ DE L'ARRETE DU 30 MARS 1984 ET SES
CONSEQUENCES
Toutefois, dans un arrêt du 6 octobre 1994, le tribunal administratif de
Paris a déchargé la société Sova de la
participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol. Ce
jugement a été pris au motif que l'arrêté
préfectoral du 30 mars 1984 autorisant le maire à liquider les
taxes en lieu et place des services de l'Etat n'ayant pas fait l'objet de
toutes les mesures de publicité prévues, le maire de Paris
n'était pas compétent pour liquider les taxes d'urbanisme en
cause.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur général,
depuis ce jugement, le tribunal administratif de Paris retient ce moyen
d'illégalité pour toutes les affaires de taxes d'urbanisme qui
lui sont présentées. Ainsi, 58 taxations ont
été annulées sur ce fondement. Les montants d'impositions
concernées représentent plus 238 millions de francs. Des
procédures d'appel ont été systématiquement
engagées par l'Etat.
II. LA VALIDATION PROPOSEE ET SES JUSTIFICATIONS
A. UNE VALIDATION DEFENDUE PAR LE GOUVERNEMENT
Les taxes d'urbanisme peuvent être contestées jusqu'au 31
décembre de la deuxième année suivant celle de leur
dernier versement. Les taxes sont légalement exigibles en deux fractions
égales payables 18 et 36 mois après la date des permis de
construire. La prescription des actions en contestation est donc au minimum de
5 années après la date de délivrance du permis de
construire. En l'état, les actions en répétition
concernent au minimum les liquidations faites au titre des années 1989
à février 1995.
Votre rapporteur a été informé que le montant potentiel
des impositions contestables s'élève à :
Participation pour dépassement du COS |
Budget ville de Paris |
1,1 milliard |
Taxe locale d'équipement (TLE) |
Budget ville de Paris |
0,4 milliard |
Redevance bureau en région Ile-de-France |
Budget région Ile-de-France |
0,6 milliard |
TLE complémentaire en région Ile-de-France |
|
|
Montant total et minimal des droits contestables |
2,3 milliards |
Enfin, pour chaque restitution accordée par la
juridiction administrative, il y a lieu d'ajouter le paiement
d'intérêts moratoires légalement dus au redevable en cas
d'impositions erronées du fait de l'administration.
Les enjeux financiers sont donc considérables pour les
collectivités locales concernées. De plus, l'erreur
matérielle relative à l'affichage de l'arrêté
préfectoral étant imputable aux services de l'Etat, la ville de
Paris pourrait agir contre l'Etat si le jugement du tribunal administratif
n'est pas réformé.
Le gouvernement fait également remarquer qu'au-delà des seules
considérations financières, d'autres motifs
d'intérêt général plaident pour une validation
législative.
Il s'agit d'éviter un désordre juridique, qui résulterait
de la multiplication des contentieux.
En outre, cette validation législative se contenterait de
rétablir la légalité externe des impositions
contestées, leur légalité interne au regard de l'ensemble
de la législation de l'urbanisme ou leurs modalités de calcul
n'étant aucunement sujette à caution.
Par ailleurs, sur le plan de l'action publique, les décisions de justice
à intervenir, parfaitement fondées en droit, conduiraient
à vider de leur sens les dispositions par lesquelles le
législateur a entendu agir sur les décisions des professionnels
de l'aménagement urbain en imposant des contreparties financières
à certains comportements qu'on souhaite limiter.
Enfin, sur le plan de l'équité, ces décisions aboutiraient
en pratique à favoriser les promoteurs immobiliers ayant
bénéficié de dérogations à la
réglementation d'urbanisme (dépassement du COS ou du plafond
légal de densité par exemple) par rapport à ceux qui n'ont
pas sollicité ou obtenu de telles dérogations.
B. LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Dans sa décision n °80-119 DC du 22 juillet 1980, le
Conseil constitutionnel a reconnu la conformité de principe des lois de
validation à la constitution, qui (sauf en matière
pénale), permettent au législateur de prendre des mesures
rétroactives et cela, notamment, "
afin de régler, comme lui
seul peut le faire, les situations nées de l'annulation
" d'un acte
administratif.
L'exercice du pouvoir de validation doit, toutefois, satisfaire à des
exigences constitutionnelles.
D'une part, le législateur doit respecter les exigences du principe de
séparation des pouvoirs et s'abstenir tant de valider les actes
mêmes qui ont été annulés que de faire obstacle
à l'exécution des actes annulés par des décisions
juridictionnelles, "
passées en force de chose jugée
".
D'autre part, la validation doit être justifiée par des raisons
d'intérêt général. A cet égard, le Conseil
constitutionnel a estimé dans sa décision du
28 décembre 1995 n °95-369 DC sur la loi de finances
pour 1996, que "
la seule considération d'un intérêt
financier
" n'a pas pu donner à la validation un motif
d'intérêt général autorisant le législateur
à faire obstacle aux effets d'une décision de justice.
A cet égard, il convient de noter que la jurisprudence du Conseil
constitutionnel a évolué et se montre beaucoup plus exigeante en
ce qui concerne les arguments d'intérêt général
avancés en faveur des validations législatives.
Dans sa décision n °96-375 DC du 9 avril 1996, le Conseil
constitutionnel avait estimé ne pas disposer d'un pouvoir
d'appréciation et de décision identique à celui du
Parlement et s'était, en conséquence, limité à
vérifier qu'il n'y avait pas d'erreur manifeste d'appréciation
sur l'importance des risques encourus.
Dans sa décision n °97-390 DC du 19 novembre 1997, au
contraire, il a strictement encadré la possibilité, pour le
législateur, de procéder à des validations
législatives. Il a considéré "
que, si le
législateur peut, comme lui seul est habilité à le faire,
valider un acte administratif dans un but d'intérêt
général, c'est sous réserve du respect des
décisions de justice ayant force de chose jugée et du principe de
non-rétroactivité des peines et sanctions ; qu'en outre, l'acte
validé ne doit contrevenir à aucune règle, ni à
aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but
d'intérêt général visé par la validation soit
lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'il appartient en pareil cas au
législateur, le cas échéant sous le contrôle du
Conseil constitutionnel, de concilier entre elles les différentes
exigences constitutionnelles en cause ; que c'est à la lumière de
ces principes que doit être appréciée la conformité
à la constitution des dispositions soumises à l'examen du Conseil
constitutionnel. "
En l'espèce, le présent article précise bien que la
validation proposée s'applique sous réserve des décisions
de justice passées en force de chose jugée.
En outre, les intérêts financiers en jeu sont très
importants (2,3 milliards de francs).
Enfin, il serait regrettable que les efforts de la ville de Paris pour mieux
encadrer l'aménagement urbain soient remis en cause parce que le texte
qui en sert de fondement n'a pas répondu à toutes les exigences
de publicité, alors même que sa légalité interne
n'est pas contestée.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.