ARTICLE 26
Relèvement du seuil d'assujettissement à la
contribution de solidarité
Commentaire : cet article a pour objet, d'une part,
de
relever le seuil d'assujettissement à la contribution de
solidarité afin de neutraliser l'impact de l'augmentation du taux de la
CSG sur les plus bas traitements de la fonction publique, d'autre part, de
valider législativement la définition de ce seuil
d'assujettissement fixée par voie de simple circulaire en 1991.
I. LES EFFETS DE LA HAUSSE DE LA CSG SUR LES TRAITEMENTS DE LA FONCTION PUBLIQUE
A. UNE PERTE GLOBALE DE REVENU NET
Le basculement des cotisations d'assurance maladie sur la CSG amorcé
en 1997 et amplifié en 1998 n'est pas neutre pour les
fonctionnaires
. En effet, les premières sont assises uniquement sur
le principal de leur traitement, tandis que la seconde est assise sur
l'intégralité de leur rémunération, y compris les
primes et indemnités.
En dépit d'un "taux de change" entre cotisations maladie et CSG
a
priori
favorable (1,3 point contre 1 point en 1997 ; et 4,75 points contre
4,1 points en 1998), l'effet de champ lié à la
différence des assiettes se traduit globalement par une
perte de
revenu net
.
Toutefois, les situations des différents fonctionnaires sont
très
variables selon l'importance relative des primes
dans leur
rémunération. Ce taux de prime est sensiblement différent
selon les différents corps de la fonction publique. Il s'établit
en moyenne à 17%.
Afin de neutraliser
pour les agents de l'Etat les conséquences
individuelles les plus importantes de l'effet de champ, un
dispositif de
compensation
a été mis en place en 1997 (décret du 10
mars), sous la forme d'une indemnité supplémentaire
attribuée à tous ceux d'entre eux dont le taux de prime est
égal ou supérieur à 35,5 %. Le nombre des fonctionnaires
ainsi compensés est estimé à 350.000 agents titulaires
civils et militaires, pour un
coût de 60 millions de francs
.
Pour 1998,
ce mécanisme de compensation sera considérablement
étendu
car le "taux de change" entre les cotisations maladie et la
CSG retenu cette année est moins favorable que celui de l'année
précédente. Ainsi, l'indemnité supplémentaire
devrait être versée à tous les agents de l'Etat dont le
taux de prime est supérieur à 24,9%. Le nombre des fonctionnaires
ainsi compensés est estimé à 750.000, pour un
coût de 830 millions de francs,
qui n'est d'ailleurs pas encore
inscrit au budget de l'Etat
.
B. UN DÉPLACEMENT DU SEUIL D'ASSUJETTISSEMENT À LA
CONTRIBUTION SOCIALE DE SOLIDARITÉ
Au delà de son impact global sur la masse des
rémunérations de la fonction publique, le relèvement du
taux de la CSG a un effet plus marginal sur le seuil d'assujettissement
à la contribution de solidarité, dont les fonctionnaires aux plus
faibles revenus sont aujourd'hui exonérés.
Cette contribution au taux de 1% a été créée par
la
loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la
contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs
privés d'emploi
. Elle est due par tous les fonctionnaires sur
leur
"rémunération nette totale",
et alimente un fonds
destiné à financer l'allocation de solidarité
versée aux chômeurs en fin de droit. Les moyens du fonds de
solidarité sont complétés par une subvention
budgétaire inscrite au budget du travail.
Pour 1998, le budget prévisionnel du fonds de solidarité est
estimé à 14,135 milliards de francs pour 457.720
bénéficiaires. Sa dotation budgétaire s'élevant
à 8,115 milliards de francs, le produit de la contribution de
solidarité peut donc être estimé à
6,020
milliards de francs.
La rémunération nette totale mentionnée par la loi est
définie comme le salaire de base brut, diminué des cotisations
sociales obligatoires et des prélèvements pour pensions, et
augmenté des primes et indemnités accessoires. Ce mode de calcul
en deux temps s'explique par le fait que les cotisations sociales et les
prélèvements pour pensions ne portent que sur le traitement de
base, alors que la contribution de solidarité est assise sur la
rémunération totale.
L'article 4 de la loi précitée prévoit d'exonérer
de la contribution de solidarité les agents dont la
rémunération annuelle nette totale est inférieure au
traitement afférent à
l'indice brut 259
de la fonction
publique.
La création de la CSG en 1991 s'est accompagnée d'une diminution
des cotisations d'assurance vieillesse. Mais la première n'est pas
déductible de la rémunération brute, alors que les
secondes le sont : il en résulte un
accroissement apparent de la
rémunération nette
, sans que le revenu disponible augmente
pour autant.
A la marge, et sans que le seuil d'assujettissement ne soit modifié,
ce phénomène est de nature à assujettir à la
contribution de solidarité des fonctionnaires qui en étaient
auparavant exonérés.
C'est pourquoi le seuil d'assujettissement à la contribution de
solidarité a été adapté en 1991, par voie de simple
circulaire. La
circulaire du Premier ministre n° 3662 SG du 20
février 1991
, sans modifier l'indice de référence,
s'est écarté du texte de la loi de 1982 sur trois points :
- l'indice de référence est devenu
l'indice
majoré 259
(indice brut 266), et non plus l'indice brut 259 ;
- la rémunération prise en compte pour la détermination
de l'assujettissement à la contribution de solidarité est le
salaire mensuel net
, et non pas la rémunération annuelle
totale ;
- à ce salaire mensuel net,
seule est ajoutée
l'indemnité de résidence
, et non pas l'ensemble des
indemnités et primes diverses.
La première adaptation relève directement le seuil
d'assujettissement.
La deuxième adaptation a pour effet d'exclure les primes de fin
d'année du calcul de la rémunération déterminant
l'assujettissement car, par définition, elles n'apparaissent pas dans le
salaire mensuel. La seconde adaptation a pour effet d'exclure du calcul la
plupart des primes et indemnités.
En pratique, ces adaptations par voie infra réglementaire des
règles de détermination de la rémunération nette
ont sensiblement relevé le seuil effectif d'assujettissement à la
contribution de solidarité. L'impact de l'instauration d'une CSG non
déductible sur les effectifs des fonctionnaires exonérés a
ainsi été neutralisé en 1991.
En 1992, l'indice majoré 259 a été porté à
261 par voie de simple circulaire
(circulaire FP n° 1782-2 A du 17
janvier 1992),
lorsque tous les indices de la fonction publique ont
été augmentés de deux points. Cet indice majoré 261
correspond actuellement à une rémunération mensuelle nette
de
7.083,32 francs.
Lors du relèvement de 1,3 point du taux de la CSG intervenu en 1993,
aucune adaptation supplémentaire n'a été jugée
nécessaire.
La question se pose toutefois à nouveau avec le relèvement du
taux de la CSG intervenu en 1997 et celui prévu pour 1998, car la hausse
totale de 5,1 point qui en résulte est considérable.
II. LA MESURE D'ADAPTATION PROPOSÉE
Le présent article propose une nouvelle rédaction de l'article 4
de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982, afin qu'aucun fonctionnaire
actuellement exonéré de la contribution de solidarité ne
se retrouve assujetti en 1998 du seul fait de la substitution de la CSG aux
cotisations d'assurance maladie.
Ce faisant, il valide les adaptations des règles d'exonération
intervenues antérieurement par voie de circulaires, et suppose acquis le
caractère intégralement non déductible de la CSG : autant
de points qui méritent discussion.
A. L'ADAPTATION DU SEUIL D'ASSUJETTISSEMENT À LA CONTRIBUTION DE
SOLIDARITÉ
Le premier alinéa du texte proposé par le présent article
pour l'article 4 de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 tend à
relever de 259 à 296 l'indice brut au delà duquel les
fonctionnaires sont exonérés de la contribution de
solidarité
. L'indice brut 296 correspond à l'indice nouveau
majoré 280, soit une rémunération mensuelle nette de
7.599 francs
.
Le nouveau seuil d'assujettissement proposé est fixé au niveau
nécessaire pour que l'opération de basculement des cotisations
d'assurance maladie sur la CSG reste neutre à son égard. Au
total, 60.000 à 100.000 agents de l'Etat, des collectivités
territoriales et des établissements publics hospitaliers seraient
concernés. Pour les seuls fonctionnaires de l'Etat, qui sont au nombre
de 55.000, l'incidence financière, en termes de moins values sur le
produit de la contribution de solidarité, est estimée à
50 millions de francs.
Le Gouvernement propose donc de modifier directement le seuil
d'assujettissement de la contribution de solidarité, et non pas
d'adapter les règles de calcul de la rémunération. Cette
solution est franche et juridiquement plus correcte que les adaptations
antérieures par voie de circulaires, qui étaient en contradiction
avec la loi.
Elle serait pleinement satisfaisante si, par ailleurs, le Gouvernement ne
proposait pas de valider législativement les règles de calcul en
vigueur depuis 1991, qui n'avaient pas jusqu'à présent de base
légale.
En effet, le second alinéa du texte proposé pour l'article 4 de
la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 propose d'inscrire dans
la loi la solution retenue par la circulaire PM n° 3662 du 20
février 1991, selon lequel
"la rémunération mensuelle
nette comprend la rémunération de base mensuelle brute
augmentée de l'indemnité de résidence et diminuée
des cotisations de sécurité sociale obligatoire, des
prélèvements pour pension et, le cas échéant, des
prélèvements au profit des régimes de retraite
complémentaire obligatoires."
(La circulaire mentionne en outre la
remise forfaitaire mensuelle de 42 francs sur les prélèvements
pour pension, instaurée en même temps que la CSG, mais depuis
supprimée).
Il convient de souligner que cette définition plus restreinte de la
rémunération nette, qui sert de critère d'assujettissement
à la contribution de solidarité, se trouve
déconnectée de la définition de la
rémunération nette qui sert d'assiette à la
contribution.
Ainsi, toutes les primes des fonctionnaires n'entrent pas en
compte pour déterminer s'ils sont ou non exonérés de la
contribution de solidarité. Mais, dès lors qu'ils sont
assujettis, l'intégralité de leurs primes entre dans l'assiette
de la contribution.
Cette double définition de la rémunération nette
correspond à la pratique en vigueur depuis 1991,
en contradiction
avec le texte actuel de la loi de 1982
qui renvoie, pour la
détermination du seuil d'exonération prévu à
l'article 4,
à "la rémunération annuelle nette totale
telle que définie à l'article 2"
, qui est relatif à
l'assiette de la contribution.
Cette articulation juridique
interdit catégoriquement
de
retenir, pour la détermination du seuil d'assujettissement, une
définition de la rémunération nette différente de
celle retenue pour l'assiette de la contribution de solidarité.
Votre rapporteur général s'étonne qu'il soit ainsi
proposé au Parlement de valider, au détour d'un collectif
budgétaire et de façon très incidente, des règles
de niveau infra-réglementaire qui semblent bien peu orthodoxes.
Il apparaît certes difficile de refuser de confirmer
législativement des pratiques en vigueur depuis maintenant sept ans.
Mais l'adaptation nécessaire de la loi du 4 novembre 1982 aurait
dû être soumise dès 1991 au Parlement, qui se trouve
aujourd'hui placé devant le fait accompli.
B. LA QUESTION DE LA DÉDUCTIBILITÉ DE LA CSG
La modification proposée suppose
implicitement acquis
que la
nouvelle fraction de CSG déductible de l'impôt sur le revenu, qui
se substitue à des cotisations elles-mêmes déductibles,
demeure non déductible de l'assiette de la contribution de
solidarité.
Or, cette interprétation n'est pas évidente.
En 1991, la
circulaire interprétant, de manière assez libre comme on l'a vu,
la notion de "
rémunération nette totale
" posée par
la loi de 1982 a précisé expressément que
"la
contribution sociale généralisée n'est pas déduite
de l'assiette".
Mais à l'époque, la question ne se posait pas dans les
mêmes termes qu'aujourd'hui, puisque la CSG n'était alors pas
déductible.
Lorsqu'en 1997 a été instaurée une fraction de CSG
déductible, au taux de 1%, c'est une
simple circulaire du fonds de
solidarité
(circulaire n° 1-97 du 28 février
1997) qui a précisé que cette fraction
"ne doit être
déduite
ni de la rémunération pour la comparaison
avec le seuil d'assujettissement, ni de la rémunération pour la
détermination de l'assiette de la dite contribution,
même si
cette charge est déductible pour le calcul du revenu net imposable
".
Si cette précision a été apportée, c'est bien
parce qu'elle ne va pas de soi.
Or, le présent article propose d'inscrire dans la loi la
définition de l'assiette de la contribution de solidarité telle
qu'elle a été précisée jusqu'à
présent par voie de circulaires,
c'est-à-dire CSG incluse.
Il s'agit là d'une question de principe, qui mérite
débat
.
En effet, il semblerait plus logique de déduire de l'assiette de la
contribution de solidarité la fraction de CSG qui vient se substituer
à des cotisations déductibles et qui, comme celles-ci, est
déductible du revenu imposable.
Cette déductibilité serait en tout cas
plus conforme à
l'objectif de neutralité
affiché par le Gouvernement
,
qui ne propose de compenser l'augmentation de la CSG qu'en bas de la grille des
rémunérations de la fonction publique. Elle serait
également
conforme à la lettre de la loi de 1982
qui, dans
son article 2, mentionne simplement la
"rémunération nette
totale",
sans définir autrement cette notion.
Votre commission vous propose donc un amendement tendant, d'une part,
à maintenir l'indice brut correspondant au seuil d'assujettissement
à son niveau actuel de 266 et, d'autre part, à préciser
que la fraction de CSG affectée au financement des régimes
obligatoires d'assurance maladie est déduite de la
rémunération brute retenue pour le calcul de ce seuil.
Logiquement, cette interprétation légale s'imposera
également pour la détermination de l'assiette proprement dite de
la contribution de solidarité.
Elle ne fera d'ailleurs pas obstacle à une légère
progression du produit de la contribution de solidarité, compte tenu de
la différence de champ précédemment évoquée
entre l'assiette des cotisations d'assurance maladie et celle de la CSG.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article ainsi modifié.