3. L'aggravation des prélèvements obligatoires
Lorsque cette question est évoquée, le
gouvernement indique que les prélèvements obligatoires sont
stabilisés dans le PIB.
Autrement dit, les
prélèvements supplémentaires ne feraient que compenser les
pertes de recettes survenues par accident.
Cette réponse,
comptablement contestable étant donné l'écart entre les
moins-values de recettes et les prélèvements
supplémentaires, est économiquement discutable.
On rappelle d'abord que, s'agissant du projet de loi ici examiné, les
moins-values fiscales, encore hypothétiques, résultent non pas
d'événements économiques intervenus en 1997, mais
d'erreurs de prévisions causées par des évolutions
économiques rattachables à 1996. Dans ces conditions, à
supposer que le bilan des prélèvements supportés par les
agents économiques en 1997 soit équilibré, cet
équilibre ne serait atteint que moyennant des prélèvements
supplémentaires destinés à s'inscrire durablement dans
notre législation fiscale avec tous les éléments de
perturbation susceptibles d'en résulter, alors que les pertes de
recettes que ces prélèvements sont censés couvrir sont
essentiellement transitoires et donc non reconductibles.
Affirmer que
les prélèvements obligatoires seraient,
malgré les suppléments de prélèvements
décidés, stabilisés dans le PIB revient à
dénier aux stabilisateurs fiscaux automatiques tout rôle
économique
. On sait que la théorie économique
d'inspiration keynésienne considère que le budget de l'Etat a un
rôle à jouer dans la correction des déséquilibres
économiques. En cas de croissance moins rapide que prévu, les
pertes de recettes fiscales qui en résultent sont un
élément de relance automatique de l'économie. Dans cette
hypothèse, la baisse de la part prise par les recettes fiscales dans le
PIB est un événement normal dont il faut se féliciter.
On sait que la théorie des stabilisateurs automatiques connaît
une crise. Celle-ci est davantage pratique que théorique ; elle
résulte en effet de la nécessité d'atteindre un objectif
de solde.
Devant toute dégradation du solde résultant de
pertes fiscales, les gouvernements qui doivent, de plus, faire face à un
surcroît de dépenses publiques nécessaires pour faire face
aux besoins résultant d'une activité économique moins
dynamique qu'escompté, ont tendance à compenser les pertes
fiscales par des prélèvements supplémentaires. Ce faisant,
en effet, ils privent de tout effet les stabilisateurs fiscaux automatiques et,
au mieux, la part des produits fiscaux dans le PIB est stabilisée.
Mais, ce résultat n'est pas satisfaisant pour autant
.
Car
si les contraintes de solde interdisent de ne pas compenser les pertes de
recettes fiscales qui sont susceptibles d'advenir, il est de loin
préférable que la compensation provienne d'une baisse des
dépenses publiques.
Sans cela, le prochain exercice de correction
des déséquilibres, empruntant les mêmes voies, supposera
à son tour une hausse des prélèvements, et ainsi de suite.
Cet enchaînement est malheureusement le choix entrepris par le
gouvernement.
Sous réserve de leurs exactitudes, les estimations concernant les
nouveaux prélèvements fiscaux résultant de la loi portant
mesures d'urgence à caractère fiscal et financier situent leur
rendement à 24 milliards de francs, à comparer avec une
perte de recettes fiscales limitée à 14,4 milliards de
francs. Cet écart explique pour une bonne part (plus de 70 %)
l'amélioration du déficit de l'Etat que retrace le collectif.
Cette dernière est, doit-on le souligner, rendue impérative par
la dégradation des résultats des régimes sociaux.
C'est
donc pour combler l'écart entre les recettes des régimes sociaux
et leurs dépenses que l'impôt sur les sociétés a
dû être accru.
On soulignera, par incidence, que la gestion des comptes publics est bien
devenue du fait de l'importance prise dans sa conception par le solde global
des administrations publiques une politique unitaire qui dépasse les
clivages entre les différents sous-secteurs des administrations
publiques.
Il est donc essentiel que le Parlement harmonise ses propres
procédures avec cette donnée et que la cohérence de
l'examen des comptes publics puisse être ainsi garantie.
Quoi qu'il en soit, il n'est pas sain que l'équilibre des
administrations publiques soit atteint sans considération des logiques
financières différentes qui devraient inspirer les
systèmes de prélèvements destinés à couvrir
les différentes catégories de dépenses publiques.
Rien ne justifie que l'impôt général sur les
sociétés vienne financer les dépenses d'assurance-maladie,
ou d'assurance-vieillesse.