ARTICLE 4
Prélèvement sur le fonds de garantie
de
la Caisse de garantie du logement social
Commentaire : le présent article propose le
prélèvement de deux milliards de francs sur la Caisse de garantie
du logement social. Ce prélèvement ne devrait pas remettre en
cause les équilibres financiers de la CGLS, qui pourrait, à
terme, devenir affectataire de la taxe sur le supplément de loyer de
solidarité.
Lors du débat sur la seconde loi de finances rectificative pour
1995
8(
*
)
, votre commission avait
vivement réagi à un prélèvement de 15 milliards de
francs sur les fonds d'épargne gérés par la Caisse des
dépôts et consignations à l'occasion du transfert à
ces derniers de l'encours de prêts au logement social géré
par la CGLS.
Une vision superficielle pourrait laisser croire que le gouvernement se livre
par le présent article à une opération similaire. Or cela
n'est pas le cas, et votre commission peut se féliciter que les
leçons du débat précédent aient
porté.
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*
)
Il y a en effet
deux différences importantes, qui expliquent que votre commission ait,
paradoxalement, contesté un prélèvement
opéré par le précédent gouvernement et qu'elle peut
accepter celui-ci :
la première différence est que le précédent
prélèvement avait été effectué sur les
fonds d'épargne
gérés par la Caisse des
dépôts et consignations et non sur la CGLS. Or
ces fonds
appartiennent aux épargnants
qui les constituent par leurs
dépôts sur le livret A, le livret bleu, et la fraction du Codevi,
de l'épargne populaire et de l'épargne-logement
centralisée à la Caisse des dépôts. L'Etat n'a en
principe le droit de prélever sur ces fonds que la
rémunération de la garantie qu'il leur accorde. Le présent
prélèvement est effectué sur un actif de la CGLS,
établissement public administratif de l'Etat, sur lequel ce dernier a
des droits évidents, un établissement public étant un
démembrement de l'Etat ;
la seconde différence est que le précédent
prélèvement mettait en cause l'équilibre des fonds
d'épargne, alors que celui-ci ne met pas en cause celui du fonds de
garantie de la CGLS.
A l'occasion du premier prélèvement, la
Caisse des dépôts avait dû passer des provisions sur les
fonds d'épargne pour plus de 2 milliards de francs, à la demande
des commissaires aux comptes, ce qui témoignait de son caractère
excessif. En revanche, selon les informations détenues par votre
rapporteur général, le présent prélèvement
n'empêchera pas la Caisse de garantie du logement social de faire face
à ses missions, surtout si, comme le gouvernement en a manifesté
l'intention, elle devenait affectataire du produit de la taxe sur le
supplément de loyer de solidarité.
Toutefois, votre rapporteur général avait à
l'époque qualifié de "mythe" la notion de "fonds dormants",
trésoreries réputées inutiles où l'Etat pourrait
puiser à loisir. Comme tout mythe, celui-ci a la vie dure. Or les
trésoreries dormantes n'existent pas : c'est parce qu'elles sont actives
et garnies que l'Etat peut y chercher de quoi boucler ses exercices. Lorsque
ces "poules aux oeufs d'or" auront été tuées, l'Etat
n'aura plus de marge de recettes.
I - LES MISSIONS DE LA CGLS
La Caisse de garantie du logement social est le successeur de la Caisse de
prêts aux organismes d'HLM (CPHLM). Jusqu'à 1996, elle
était dotée de deux missions :
la gestion de l'encours des prêts accordés par la CPHLM (la
CGLS elle-même n'en accordant plus, cette mission étant
confiée aux fonds d'épargne déposés à la
Caisse des dépôts) ;
l'assistance financière aux bailleurs sociaux, par la garantie
des prêts et l'intervention auprès des organismes en
difficulté.
La Caisse de garantie du logement social est un établissement public
à caractère administratif doté de l'autonomie
financière créé par la loi du 11 juillet 1985.
Il ne reste des anciennes missions de la CGLS que la seconde, qui est
elle-même double :
garantir les prêts consentis par la Caisse des dépôts
et consignations dans le cas où les collectivités locales
refusent ou sont dans l'incapacité d'octroyer leur garantie ;
accompagner la restructuration économique et financière
des organismes de logement social en difficulté.
La procédure d'aide de la CGLS a pour objectif de concentrer des moyens
financiers (subventions ou prêts) sur les quelques organismes en
difficulté qui s'inscrivent dans cette procédure et de les
traiter en profondeur (mise en oeuvre d'un plan de redressement, adossement
à un autre organisme, etc...).
De 1990 à 1996, la CGLS a examiné 117 dossiers et
participé pour 1.088,5 millions de francs au redressement de 83
organismes d'HLM. Les apports totaux nécessaires se sont
élevés à 3.755,4 millions de francs, dont 1.652,9 ont
été versés par des collectivités locales. Les aides
de la CGLS ont été accordées sous forme de subventions
pour 582,6 millions de francs et de prêts pour 506,3 millions de francs
aux organismes d'HLM dont :
- 17 sociétés anonymes d'HLM ;
- 35 offices d'HLM ;
- 11 sociétés anonymes coopératives
- 20 sociétés d'économie mixte
L'instruction des dossiers de 27 autres organismes était en cours fin
1996 (6 SA - 11 OP - 10 SEM).
Cette double mission est financée par trois ressources : une commission
versée par les organismes dont l'emprunt est garanti, une redevance
perçue sur tous les organismes, les revenus des placements et des
prêts effectués avec les fonds propres du fonds de garantie.
En ce qui concerne l'évolution du nombre d'organismes en cours
d'instruction, il convient de noter que ce nombre a culminé aux environs
de 50 dossiers de 1992 à mi 1993 pour décroître
progressivement à 20 dossiers à mi 1995,
pour remonter
à environ 30 dossiers à la fin 1996
.
II - UN PRÉLÈVEMENT À L'IMPACT LIMITÉ SUR LA
SOLVABILITÉ DU FONDS DE GARANTIE DE LA CGLS
Le prélèvement proposé ponctionne, à hauteur de
2 milliards de francs, un fonds de garantie qui en compte environ 3,9. Ce
fonds garantit un encours de prêts de l'ordre de 19 milliards de
francs. En termes de solvabilité, cet encours s'établit à
11 milliards de francs pondérés.
10(
*
)
Le ratio de solvabilité
s'établit ainsi à 36 %, alors que la réglementation
prévoit qu'il doit être de 8 %. Le prélèvement
de 2 milliards de francs le ramènerait autour de 15 %.
Certes, les projections au-delà de 1998 font
état d'une détérioration du ratio de solvabilité
jusqu'à 11 % en 2006. Mais ces projections sont
réalisées dans l'hypothèse où les fonds propres
n'augmenteraient pas.
Or, les ressources de la CGLS excèdent actuellement assez largement ses
dépenses.
En effet, ces ressources sont constituées de trois postes :
·
les revenus des prêts aux organismes et aux
placements effectués avec la trésorerie excédentaire ;
·
une redevance de 0,06 % des encours de prêts
versés par les organismes HLM dont environ 100 millions de francs
sont affectés annuellement au fonds de garantie (le reste servant
à financer le fonctionnement administratif de la Caisse) ;
·
des commissions de garantie de 2 % (du capital
garanti), versées par les organismes qui font garantir leur emprunt
auprès de la Caisse.
En contrepartie, l'activité de crédit aux organismes HLM est
particulièrement sûre. En 1996, la Caisse des dépôts
n'a enregistré que 0,08 % d'impayés par rapport aux encours.
Intervenant auprès des organismes en difficulté avant qu'il ne
puissent plus faire face à leurs emprunts, la CGLS n'est pas, en
pratique, appelée en garantie. Ses interventions en amont suffisent pour
le moment. Elle n'a dépensé à ce titre que 46 millions de
francs de subventions en 1996, et son encours de prêts est passé
de 452 millions de francs à 510 millions de francs.
Certes, le prélèvement de 2 milliards de francs
sur le fonds de garantie va entraîner une réduction des produits
de placements.
Mais, on peut considérer comme probable que les fonds propres du fonds
de garantie continueront d'augmenter à l'avenir, surtout si, comme le
gouvernement en a manifesté l'intention, la taxe sur le
supplément de loyer de solidarité lui est affectée. Le
rendement attendu de cette taxe est de 200 millions de francs en 1998. Il
serait donc supérieur à la perte de produit des placements, qui
peut être estimée à 80 millions de francs.
Bien entendu, cette analyse ne vaut que pour autant que les sinistres ne se
développent pas brutalement. Cette hypothèse n'est pas probable,
même si l'on assiste indéniablement à un alourdissement des
dossiers qui, selon le président de la CGLS, pourraient
représenter un potentiel d'interventions d'1 milliard de francs
pour la Caisse dans les prochaines années, pour les seuls sinistres
aujourd'hui connus.
III - LA NÉCESSAIRE ÉVOLUTION DES MISSIONS ET DES MOYENS DE LA
CGLS
Le prélèvement opéré par le présent article
ne devrait pas poser de difficulté aux équilibres financiers de
la CGLS, ni à son action, à condition toutefois que soient
engagées trois évolutions importantes concernant à la fois
les missions et les moyens de l'établissement
:
la caisse doit développer une fonction de prévention,
quasi-inexistante aujourd'hui, qui est l'indispensable complément de son
rôle d'assureur-crédit.
le rôle du mouvement HLM doit être renforcé en son
sein pour développer chez les organismes un comportement de
mutualisation des risques. Toutefois, cette évolution ne saurait
remettre en cause la prééminence de l'Etat s'il est
souhaité que celui-ci continue de jouer son rôle de garant en
dernier ressort ;
la Caisse doit développer ses interventions afin de limiter
l'exposition des collectivités locales au risque de crédit aux
HLM. De ce point de vue, l'octroi à la CGLS d'une ressource
pérenne et prévisible est nécessaire.
A. LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRÉVENTION
Les bailleurs sociaux sont, dans l'immense majorité des cas, des
organismes bien gérés. La location sociale est une
activité sûre et le crédit à ces organismes, une
activité comportant un faible risque de signature.
Toutefois, la dégradation manifeste des ressources des locataires selon
une tendance qui ne paraît pas devoir s'inverser à brève
échéance, va provoquer une croissance de cet ensemble de risques.
En effet, il relève de la mission de service public des HLM de loger les
ménages les moins solvables, qui ne sauraient être
cantonnés dans la précarité des hébergements
d'urgence et d'insertion.
L'Union des HLM propose donc à juste titre de développer le
rôle préventif de la CGLS, à la fois d'un point de vue
général et d'un point de vue individuel.
D'une part, il s'agit de faire de la CGLS un observatoire du risque couru par
l'ensemble du mouvement HLM. Ce serait une sorte d'audit permanent du secteur
afin de savoir si, et dans quelles proportions, les risques de crédit
s'accroissent, de manière à y faire face par provision. D'autre
part, il s'agirait de faire de la CGLS un organe de prévention du risque
individuel, par des interventions auprès d'organismes présentant
des signes de dégradation avant que les défaillances ne
surviennent.
B. DÉVELOPPER LA MUTUALISATION DE LA GARANTIE
Il est hautement souhaitable de développer au sein du mouvement HLM un
sentiment de mutualisation du risque de crédit puisque les organismes
alimentent le fonds de garantie à hauteur de 100 millions de francs par
an. Cette mutualisation permet de responsabiliser les bailleurs sociaux les uns
vis à vis des autres, puisqu'ils savent que les éventuelles
défaillances de confrères doivent être couvertes par eux.
Il s'agit d'une incitation à la surveillance mutuelle et à la
responsabilité.
A cette fin, il est sans doute nécessaire de renforcer la place de la
profession dans les organes dirigeants de la CGLS (elle compte 3 voix sur 12 au
conseil d'administration) et peut-être aussi sa présence dans les
organes de gestion (celle-ci est déléguée à la
Caisse des dépôts et consignations). L'Etat, qui détient un
pouvoir de décision quasi-absolu actuellement, pourrait s'associer
davantage les HLM elles-mêmes et les collectivités locales, car
ces dernières participent au financement du risque de crédit aux
bailleurs sociaux.
Toutefois, la prééminence de l'Etat ne saurait être
remise en cause si l'on souhaite qu'il garde sa mission de garant du secteur
HLM en dernier ressort
. Le statut de la CGLS, établissement public
à caractère administratif de l'Etat, est conforme à cette
mission. Par ailleurs, l'Etat garantit le capital des fonds d'épargne
gérés par la Caisse des dépôts. Si la CGLS devenait
un simple fonds de garantie mutuel propre aux organismes HLM, il ne serait plus
possible de demander à l'Etat de jouer ce rôle. La totalité
de la couverture du risque devrait être assurée par les seuls
bailleurs sociaux.
De ce point de vue, votre rapporteur général conteste
l'opportunité de l'amendement adopté par l'Assemblée
nationale sur cet article, même s'il en comprend l'objectif
. Cet
amendement a pour objet de conduire l'Etat à reverser tout ou partie de
la somme prélevée si la CGLS ne pouvait faire face à ses
engagements. Son but est de rassurer sur l'innocuité du
prélèvement ainsi opéré.
Mais il laisse planer une double ambiguïté, qui ne paraît pas
souhaitable :
d'une part,
le prélèvement opéré par le
présent article est définitif
. Il ne s'agit pas d'une avance
conditionnelle. La notion de "remboursement" est soit inopérante, soit
modificative de la nature même de l'opération.
On
n'équilibre pas le budget de l'Etat avec des recettes qu'il faudrait
éventuellement rétrocéder par la suite
. Il s'agit
d'une incertitude qui n'est admissible ni en droit, ni en opportunité ;
d'autre part, en limitant à 2 milliards de francs le reversement
éventuel,
cet amendement laisse penser que la garantie de l'Etat
à la CGLS pourrait n'être que partielle
, cantonnée en
montant et à certains types de difficultés. Ceci est incompatible
avec le statut de la CGLS qui fait de l'Etat son propriétaire plein et
son garant.
L'Etat doit rester, en dernier ressort, le garant du service
public du logement social, comme il en définit les options et les
modalités de financement
.
Cet amendement est donc, au mieux, sans portée : en tout état de
cause, l'Etat reste le garant en dernier ressort des crédits au logement
social, ainsi que des fonds d'épargne, ce qui est le double aspect d'une
même mission. Au pire, cette modification introduit une double
incertitude à la fois sur les recettes de l'Etat et sur son rôle
de garant.
C. SOULAGER L'EXPOSITION DES COLLECTIVITÉS LOCALES
Le code des caisses d'épargne subordonne l'octroi de prêts sur
les fonds d'épargne à la garantie d'une collectivité
publique. Il s'agit d'un principe de saine gestion, les fonds d'épargne
étant eux-mêmes garantis par l'Etat, et constitués pour la
plus grande partie de dépôts à vue dans lesquels il est
indispensable que les épargnants conservent une confiance
indéfectible puisqu'ils sont reprêtés pour 32 ans aux
constructeurs de logements sociaux.
Actuellement, l'immense majorité de ces garanties est accordée
par les collectivités locales.
Ainsi, sur un encours de crédit de l'ordre de 490 milliards de
francs au secteur HLM (au 31.12.96), la CGLS ne garantit qu'environ
19 milliards de francs, soit 4 %. En 1996, les flux de prêts
nouveaux ont été garantis à hauteur de 91 % par les
collectivités locales et de 6 % par la CGLS. Les garanties
partagées entre les communes et les départements se
développent : 15 % en 1991, 27 % en 1996.
Or, votre rapporteur général rappelle que le risque de
crédit HLM, tout en restant probablement très faible, est
amené à se développer.
Il n'est donc pas sain de laisser les collectivités locales, qui sont
peu outillées pour y faire face, en première ligne contre ce
risque. Votre rapporteur général remarque simplement que les
collectivités locales n'ont pas de fonds propres et que leur
capacité de garant repose uniquement sur leur potentiel fiscal, alors
même qu'il n'est jamais demandé aux contribuables de donner leur
avis sur les prises de risque de crédit.
La CGLS doit donc développer son rôle d'appui à la fois
dans la prise de risque, et aussi comme conseil et ingénieur financier
des collectivités locales qui assument ce risque.
Pour développer cette mission, comme la mission de prévention,
il est nécessaire que la CGLS s'appuie sur des ressources
pérennes provenant du secteur HLM. Ceci serait nettement plus sain que
de pratiquer une gestion sur le fil du rasoir pouvant entraîner un appel
à l'aide de l'Etat qui, lui non plus, n'a pas provisionné ce
risque dans ses comptes.
C'est pourquoi votre rapporteur général s'associe à la
proposition d'affecter la recette tirée de la contribution prévue
à l'article 302 bis ZC du code général des
impôts,
dite "taxe sur le supplément de loyer de
solidarité" à la CGLS. Elle permettrait d'augmenter les marges de
manoeuvre de la CGLS.
Le rôle de cette dernière étant davantage d'aider les
organismes en difficulté que de cautionner leurs emprunts (ce qui
supposerait la récupération de leurs actifs) ; il
paraît plus sage qu'elle soit dotée de flux annuels de ressources
prévisibles plutôt que de fonctionner comme un pur fonds de
garantie alimenté uniquement par les produits de sa trésorerie.
Votre rapporteur général propose donc cette affectation. Il ne
déposera toutefois en ce sens qu'un amendement d'appel,
l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 réservant cette
faculté au seul gouvernement.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi amendé.