B. LA MISE EN OEUVRE DES NOUVEAUX POUVOIRS DU JUGE ADMINISTRATIF
Combinés avec les moyens apportés par la loi de programme (emplois et créations de juridictions) et la réforme statutaire adoptée en 1997 10( * ) , les nouveaux pouvoirs conférés par la loi du 8 février 1995 au juge administratif avaient pour objet de lui permettre de faire face à l'afflux du contentieux et de réduire les délais de jugement.
1. Les nouveaux pouvoirs
· L'extension de l'article L.9 du code des
tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (traitement d'une
requête par
ordonnance
du président), aux séries
particulièrement, est systématiquement utilisée par
l'ensemble des juridictions. Les " séries " demeurent en
tout
état de cause en attente tant que la décision
" pilote " n'est pas définitive mais la procédure
simplifiée a permis de juger, en 1996, 21.245 requêtes, soit
21 % du total des requêtes jugées cette
année-là par les tribunaux administratifs.
· Les affaires jugées par un
magistrat statuant seul
(10 catégories de litiges avaient été définies
par la loi de 1995 à l'article L. 4-1 du même code) ont
représenté, en 1996, 13 % des affaires jugées par les
tribunaux administratifs. Le juge unique assume ces fonctions tantôt
à temps partiel, tantôt à plein temps. Un groupe de travail
associant membres du Conseil d'Etat et magistrats administratifs a
réalisé des " bibliothèques de paragraphes " et
des maquettes de jugement pour préparer la rédaction des
décisions rendues par un juge unique. La réforme statutaire
devrait permettre de multiplier les audiences tenues par un magistrat statuant
seul.
· La
suspension provisoire
des décisions administratives
faisant l'objet d'une demande de sursis à exécution
(article L. 10 du code) entre semble-t-il plus lentement dans les
moeurs. 971 demandes ont été faites en 1996, dont 87 ont
été satisfaites. Les demandes sont très inégalement
réparties entre les juridictions de même que les taux de
satisfaction. L'effet de la mesure, compte tenu de sa lourdeur, pourrait
résider principalement dans une incitation à traiter dans des
délais plus brefs les sursis à exécution.
· La jurisprudence sur les pouvoirs
d'injonction
(articles L.8-2 et L.8-3 du code) se développe. Lorsque des
conclusions à fin d'injonction sont déposées, elles
impliquent néanmoins un examen plus approfondi du dossier par le juge et
par l'administration défenderesse. En 1996, 286 jugements de
tribunaux administratifs ont comporté des injonctions, assorties ou non
d'astreintes.
Le Conseil d'Etat en a fait une application remarquée (C.E.
4 juillet 1997 - M. et Mme Bourezak) en annulant la décision
du ministre des affaires étrangères confirmant le refus du consul
général de France à Alger de délivrer un visa et en
enjoignant, en conséquence, la délivrance par l'autorité
compétente d'un
visa d'entrée en France
à un
ressortissant algérien, dans un délai d'un mois.
· Le transfert aux tribunaux administratifs et aux cours administratives
d'appel des pouvoirs du Conseil d'Etat en matière
d'
exécution
de leurs propres décisions est entré en
vigueur le 1er septembre 1995. Le décret du 3 juillet 1995 a,
sauf en matière d'urgence ou de sursis à exécution ou
lorsque l'administration a opposé un refus d'exécution explicite,
imposé un délai de 3 mois pour le dépôt de la
demande. Cette nouvelle compétence a été bien reçue
par les juridictions. Elle a porté ses fruits dès 1996 :
707 demandes auprès des tribunaux administratifs dont la
moitié ont été réglées à l'amiable et
378 demandes devant les cours administratives d'appel avec un pourcentage
supérieur de règlement amiable.
2. L'évolution des flux et des délais
· Devant les
tribunaux administratifs
,
l'année 1996 a été marquée par un léger
reflux du nombre des affaires nouvelles (- 2 % en données
corrigées des séries, soit 95.246 affaires), les affaires
traitées ont continué à augmenter mais à un rythme
moindre (+ 1,3 % avec 92.872 affaires traitées). En
conséquence, le ratio affaires traitées/affaires nouvelles
atteint, en 1996, 97,5 % en données corrigées des
séries (99,5 % en données brutes).
Le
délai
moyen de jugement serait légèrement
inférieur à
2 ans
. Toutefois, l'activité au
début de l'année 1997 ne confirmerait pas l'accalmie relative
constatée en 1996.
· Pour les
cours administratives d'appel
où le nombre des
affaires enregistrées a triplé en 5 ans sous l'effet des
transferts de compétence successifs, la progression est de 34 % en
1996 (12.168 affaires en données corrigées des
séries). Le nombre des affaires jugées diminue en données
brutes (- 16 %) mais augmente en données corrigées des
séries (+ 3,4 %). Cette discordance traduit la
diversité croissante des affaires traitées (6.317 en
données corrigées). En conséquence, le ratio affaires
traitées/affaires nouvelles est désormais de 51,9 % et le
délai théorique d'élimination du stock est passé de
un à trois ans entre 1991 et 1996.
La création des deux nouvelles cours administratives d'appel (celle de
Marseille a déjà été inaugurée en septembre
1997) et la réforme statutaire qui permettra notamment de
désigner davantage de juges uniques devraient contribuer à
améliorer cette situation préoccupante. A Paris, chaque
commissaire du Gouvernement traite actuellement une trentaine de dossiers par
mois.
· Le
Conseil d'Etat
connaît en contrepartie une baisse
sensible des affaires nouvelles (- 17,8 % avec 7.527 affaires en
données nettes) comme lors du précédent transfert.
Le nombre d'affaires jugées augmente en données nettes
(+ 10 %) mais diminue en données brutes (- 5 %), le
Conseil d'Etat ayant à régler des dossiers anciens et complexes
après une phase de réduction des délais moyens de jugement
à 18 mois.
Reste qu'en 1996 plus du
quart
des affaires jugées avait
nécessité un délai supérieur à
trois
ans
et qu'au 31 décembre 1996 parmi les affaires en instance au
Conseil d'Etat 9 % avait une ancienneté comprise entre 3 et
4 ans, 5 % une ancienneté de 4 à 5 ans et
8 %
une ancienneté supérieure à
5 ans
.
*
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998.