AVIS N° 90 TOME IV - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR l'ASSEMBLEE NATIONALE - JUSTICE - SERVICES GENERAUX
M. Germain AUTIE, Sénateur
Commission des Lois - Avis n° 90 - Tome IV 6 -1997/1998
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
INTRODUCTION
- I. UN BUDGET DONT LA PROGRESSION DOIT ÊTRE PLACÉE EN PERSPECTIVE
- II. QUELLE ORGANISATION POUR LA JUSTICE DE DEMAIN ?
- III. LA MISE EN OEUVRE DES DISPOSITIFS ADOPTÉS EN 1995 POUR AMÉLIORER LA RÉPONSE À L'AFFLUX DES CONTENTIEUX
N° 90
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME IV
JUSTICE :
SERVICES GÉNÉRAUX
Par M. Germain AUTHIÉ,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
32
)
(1997-1998).
Lois de finances.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Après avoir entendu Mme Elisabeth Guigou, garde
des Sceaux, ministre de la justice, au cours de sa réunion du
25 novembre 1997, sur les crédits de son ministère
prévus par le projet de loi de finances pour 1998, la commission des
Lois, réunie le 26 novembre 1997 sous la présidence de
M. Jacques Larché, président, a examiné pour avis,
sur le rapport de M. Germain Authié, les
crédits
consacrés aux services généraux du ministère de la
justice
(administration centrale - services judiciaires - juridictions
administratives).
La commission des Lois a constaté l'augmentation relative et
équilibrée des crédits du ministère.
Elle a relevé l'encombrement persistant des juridictions et
souligné qu'il ne pourrait y être porté remède par
la seule voie de l'augmentation des moyens.
Elle s'est préoccupée de la mise à disposition effective
des juridictions des recrutements et moyens annoncés et a
renouvelé le souhait de voir la justice épargnée par les
effets éventuels d'une régulation budgétaire.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre
commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des
crédits du ministère de la justice consacrés aux services
généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Les crédits du ministère de la justice inscrits au projet de
budget pour 1998, dans un contexte budgétaire toujours rigoureux,
reflètent la priorité persistante accordée au redressement
de la situation des juridictions laquelle reste cependant précaire face
au flux du contentieux en particulier.
Cette année, comme les précédentes, la commission des Lois
a souhaité analyser crédits et orientations annoncés en
fonction de la réalité des difficultés constatées
sur le terrain et des obstacles éventuels susceptibles d'entraver la
mise en oeuvre concrète du budget.
Elle ne peut que se féliciter de l'annulation des gels
décidée le 1er juillet 1997 car, échaudée par
les expériences passées, elle avait mis en garde contre les
effets de la régulation budgétaire lors de l'examen du budget
pour 1997.
La commission des Lois renouvelle le souhait de voir mise en oeuvre pour 1998
l'intégralité des crédits proposés et relève
d'ores et déjà certains écueils qui ne manqueront pas de
retarder les effets attendus des créations d'emplois dans les
juridictions ou à leur périphérie (délais de
recrutement, manque de candidats pour certains recrutements parallèles,
emplois-jeunes).
I. UN BUDGET DONT LA PROGRESSION DOIT ÊTRE PLACÉE EN PERSPECTIVE
A. LA JUSTICE EST UNE PRIORITÉ NATIONALE
Après le vote de la loi de programme en 1995, le budget
en forte hausse de 1996, le maintien d'une priorité en 1997
malgré les fortes restrictions budgétaires qui affectaient la
quasi-totalité des budgets civils, l'année passée a
été marquée par les déclarations plaçant la
justice en tête des priorités de l'Etat.
En-dehors des réformes concernant le statut des magistrats qui seront
soumises ultérieurement au Parlement, la question des moyens,
soulignée à nouveau par le Sénat à l'occasion du
débat organisé autour du rapport de la mission d'information de
la commission des Lois
1(
*
)
et lors de la
dernière discussion budgétaire, demeure centrale.
Le Président de la République, M. Jacques Chirac, installant
le 21 janvier 1997 la commission de réflexion
présidée par M. Pierre Truche, premier président de la
cour de cassation, rappelait qu'il était de la responsabilité du
Gouvernement "
de mettre en place une justice plus rapide, plus
simple,
plus efficace et plus proche du justiciable
" et que
"
pour y
parvenir, il conviendra d'améliorer l'organisation actuelle,
d'accroître les moyens
, d'alléger les procédures, de
développer la conciliation et la médiation
".
Au terme de ses travaux en juillet 1997, la commission
" Truche "
évoquait la nécessité de moyens significatifs pour mettre
en place une justice de qualité, soulignait que "
le rôle
le plus important que tient le Parlement dans le fonctionnement de la justice
est le vote de son budget
" et concluait sur ces mots :
"
notre pays n'aura jamais que la justice dont il veut bien payer
le
prix
".
Dans sa déclaration de politique générale du 19 juin
1997, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, avait d'ores et
déjà placé la justice au premier rang des
responsabilités que l'Etat doit assumer sans défaillance.
Dès juillet 1997, intervenait l'
annulation
, pour le
ministère de la justice, de l'ensemble
des gels
de crédits
(194 millions de dépenses ordinaires et 3 millions de
dépenses en capital) et d'emplois (601) qui avaient été
décidés au printemps en dépit du souhait contraire
exprimé par votre commission lors du vote du budget pour 1997.
Le projet de loi de finances pour 1998 confirme cette priorité et
respecte un certain équilibre entre les trois grandes missions du
ministère (services judiciaires, administration pénitentiaire et
protection judiciaire de la jeunesse).
Les
crédits
prévus par le projet de loi de finances pour
1998 progressent
en francs courants
de
4,04 %
et passent
ainsi de 23,9 milliards de francs à 24,867 milliards de francs soit
1,57 % du budget général au lieu de 1,53 % en 1997. Cet
accroissement apparaît particulièrement élevé par
comparaison avec la croissance de 1,77 % constatée en 1997 et qui
n'a pu d'ailleurs être confirmée que grâce à la
levée intégrale des gels. Cette progression apparaît
également très importante par rapport à celle de
l'ensemble des budgets civils pour 1998 (+ 2 %) et de la totalité
du budget général (+ 1,4 %).
· Les
créations d'emplois
qui ne sont grevées par
aucune suppression d'emploi se répartissent de la manière
suivante :
- administration centrale : effectif stable avec 4 pyramidages
d'emplois et 12 transformations ;
- services judiciaires : 70 magistrats de juridictions
2(
*
)
et 230 fonctionnaires. Sont en outre
prévus des crédits de recrutement de magistrats à titre
temporaire (16), assistants de justice (220) et d'indemnisation de
400 conciliateurs de justice supplémentaires ;
- services pénitentiaires : 300 créations
3(
*
)
;
- protection judiciaire de la jeunesse : 100 créations
4(
*
)
;
- juridictions administratives : 21 magistrats et
40 fonctionnaires
5(
*
)
.
· Pour
l'équipement
des services judiciaires,
56,7 millions de francs d'autorisations de programme seront
répartis entre la poursuite du programme
6(
*
)
pluriannuel (242 millions de francs) et
325 millions de francs en gestion déconcentrée (dont
121 millions de francs pour les opérations de
sécurité
urgentes).
B. UNE PROGRESSION QUI DOIT NÉANMOINS ÊTRE RELATIVISÉE
Le budget proposé pour 1998 doit-il pour autant
être considéré comme un bond en avant ou annonce-t-il la
reprise d'une croissance ordinaire après une relative pause
budgétaire en 1997 ?
L'année 1997 a été marquée par des efforts
d'économies budgétaires
globaux
dont le ministère
de la justice est, par comparaison avec les autres ministères et avant
les gels de printemps, sorti relativement épargné. Certes
l'exécution de la loi de programme de 1995, comme celle de l'ensemble
des plans pluriannuels a été étalée sur une
année supplémentaire (ce retard n'est pas comblé
totalement par le budget pour 1998) mais la justice a été le seul
ministère régalien bénéficiant de créations
nettes d'emplois et ses crédits ont progressé avec ceux de
l'Education nationale et de la Recherche alors que la presque totalité
des autres budgets civils régressait en francs courants.
1. L'évolution réelle du budget du ministère
· En
francs constants
, la progression du budget
de la Chancellerie entre 1997 et 1998, calculée par
référence à une base 100 en 1974, n'est plus que de
+
2.81 %
, c'est-à-dire toujours nettement supérieure
à celle de 1997 (+ 0,92 % selon la même
référence) mais également nettement plus faible que celle
de 1996 (+ 4,73 %). (cf. graphique ci-dessous).
· Quant aux
services judiciaires
, ils ont progressé en
francs courants en 1997 de 4,52 % et croîtront de 4,7 % en
1998. Mais
en francs constants
(base 100 en 1974)
la progression en
1997 pourrait être supérieure à celle annoncée pour
1998
(+ 3,6 % contre + 3,49 %).
La progression des
frais de justice
continue à être deux
fois plus rapide que celle du budget de la justice (+ 8,95 %) bien
que la revalorisation en 1998 des honoraires accordés aux
interprètes-traducteurs et aux experts-psychiatres (12 millions de
francs) soit gagée sur des économies d'un montant identique
à réaliser, en principe, grâce au "
renforcement du
contrôle exercé par le parquet sur les frais d'expertises
pénales non tarifées
" activé par plusieurs
circulaires et par la modification annoncée de l'article 107 du code de
procédure pénale.
Les crédits prévus pour l'
aide juridique
sont stables
à structure égale ; ils ne croissent de 14 millions de
francs que pour tenir compte de la revalorisation de l'unité de valeur
pour la rétribution des missions d'aide juridictionnelle (passage de 130
à 132 francs en 1998 proposé par l'article 67 du projet
de loi de finances dont l'examen est rattaché au budget de la justice).
2. Les 3 500 emplois-jeunes pour la justice
L'augmentation du budget de la justice doit encore être
relativisée par rapport aux dépenses induites par le plan
"
emploi-jeunes
" issu de la loi n°97-940 du
16 octobre 1997. Celles-ci représentent en effet
400 millions de francs pour les 3.500 emplois-jeunes projetés
pour la justice soit l'équivalent de 41 % de la totalité de
la progression du budget de la justice.
Leur répartition entre les trois secteurs de la Chancellerie pourrait
être la suivante : 1 500 emplois pour les services judiciaires
; 1 000 emplois pour l'administration pénitentiaire ;
1 000 emplois pour la protection judiciaire de la jeunesse.
Leur cadre juridique, adopté définitivement par
l'Assemblée nationale, sans tenir compte des objections formulées
notamment sur ce point par le Sénat, est celui du droit commun des
emplois-jeunes.
Cependant, chacun peut, en conséquence, s'interroger afin de savoir si
cette procédure administrative est bien adaptée à la
justice. Le mode de financement paraît encore incertain et la
définition des emplois demeure problématique.
a) Une procédure administrative à mieux préciser dans
le domaine de la justice
Le décret n° 97-954 du 17 octobre 1997 (non
contresigné par le ministre de la justice) place le préfet et les
directions départementales de l'emploi au coeur du dispositif
d'approbation et de suivi des conventions permettant de
bénéficier de l'aide de l'Etat pour un emploi-jeune.
L'article 8 du décret prévoit en outre que l'Etat peut
conclure des conventions "
afin de favoriser l'élaboration et le
suivi de projets de développement d'activités pour
l'emploi-jeunes
". Selon les informations recueillies par votre
rapporteur, en ce qui concerne la justice, ces deux voies pourraient être
utilisées :
- d'une part, des accords-cadres pourraient être signés par l'Etat
(ministre de l'emploi et de la solidarité et ministre de la justice)
avec des associations au niveau national, des accords locaux étant
ensuite mis en place avant la fin de l'année 1997 ;
- d'autre part, dans le courant de l'année 1998 des conventions plus
ponctuelles pourraient être conclues avec des associations de taille et
d'implantation plus localisées.
La difficulté administrative principale pour la justice résulte
du chevauchement des cartes (cf. ci-dessous développements sur la carte
judiciaire). Les ressorts des cours d'appel, de la protection judiciaire de la
jeunesse et de l'administration pénitentiaire ne coïncident pas
plus entre eux qu'ils ne correspondent au découpage régional ou
départemental. La mise en place de coordinateurs regroupant
auprès du préfet les orientations en matière de justice
pour les trois missions pourrait donc s'avérer nécessaire pour
faciliter l'examen et la sélection par celui-ci des propositions de
convention les plus solides.
Cette articulation peu satisfaisante au regard de l'indépendance de
l'administration judiciaire s'explique en grande partie par le mode de
financement retenu.
b) Un mode de financement encore incertain
3 500 "emplois-jeunes " pour la justice ne représentent
que 1 % de l'objectif de recrutement affiché pour ce premier volet
" public " de ce plan, soit 350 000 emplois.
Au prorata des emplois du ministère, l'impact apparaît
néanmoins important puisque ces 3 500 emplois correspondent
à 5,75 % des effectifs gérés par le ministère
de la justice (soit 60 864 en 1998).
Ces emplois seront financés à hauteur de 80 % du SMIC plus les
charges sociales par le budget du ministère de l'emploi et de la
solidarité, ce qui représente 92 000 F par an et par emploi -soit
322 millions de francs par an. Le financement des 20 % restant soit 80,5
millions de francs par an demeure incertain.
Aucune ligne budgétaire n'a été prévue
spécifiquement
dans le budget du ministère de la justice.
Des subventions du titre IV pourraient être accordées aux
associations qui emploieraient des jeunes dans ce cadre. Le chapitre 46.01 ne
comporte toutefois que 65 millions de francs qui n'ont pas jusqu'alors
été destinés à cet usage (articles 20 et 30 pour
les services judiciaires ; article 40 pour l'administration
pénitentiaire ; article 50 pour la protection judiciaire de la
jeunesse). Mme le Garde des Sceaux a indiqué à la commission que
l'augmentation des crédits de subventions et de formation pourrait
être utilisée notamment pour les emplois-jeunes mais que des
financements complémentaires devraient être trouvés.
Les municipalités, les conseils généraux peuvent
participer à des co-financements dans le cadre de leurs
compétences respectives de même que les associations qui seront
les premiers employeurs de ces jeunes. Sont également
évoquées des participations des caisses d'allocations familiales
ou des CARPA, voire des subventions d'organisations intergouvernementales. Des
partenaires privés pourraient également intervenir (chaîne
de fast-food en Indre-et-Loire par exemple).
Quelle que soit l'origine des 80,5 millions de francs
complémentaires nécessaires au total (hors formation) pour
financer ces 3 500 emplois, la nature des fonctions sera également
déterminante pour évaluer leur bien-fondé.
c) Une définition des emplois en cours d'élaboration
L'emploi-jeune repose sur un contrat de droit privé à
durée indéterminée ou déterminée (5 ans avec
possibilité de rupture pour cause réelle et sérieuse au
terme de chaque période annuelle). Il s'adresse aux jeunes de 18
à 26 ans (jusqu'à 30 ans pour les personnes handicapées et
les jeunes n'ayant pas travaillé une période suffisante pour
bénéficier de l'assurance-chômage). Les emplois sont
à plein temps ou à temps partiel représentant au minimum
un mi-temps.
Pour la justice qui, contrairement à l'intérieur et à
l'éducation nationale, relève du droit commun, l'employeur ne
peut pas être l'Etat. Il serait soit une collectivité territoriale
ou son établissement public, soit une personne morale de droit public,
soit un organisme privé à but non lucratif ou une personne morale
chargée d'un service public.
Les activités concernées doivent être
" nouvelles ". Sont donc exclues en principe celles qui
préexistent, qu'elles soient assurées par des associations ou
relèvent des compétences traditionnelles des collectivités
locales et de leurs établissements.
Où rencontrer ces emplois d'un troisième type ? (ni privés
puisque ceux-ci relèveront d'un autre plan de 350 000 emplois à
venir, ni publics bien que largement financés par l'Etat).
Une première liste, non limitative, en avait été
établie en juillet 1997. Particulièrement critiquée dans
le domaine de la justice car elle paraissait vouloir confier à des
jeunes inexpérimentés des tâches de médiation
pénale ou familiale, elle a d'ores et déjà
été révisée comme l'a indiqué Mme le Garde
des Sceaux à la commission.
Les fiches élaborées à partir des propositions des
juridictions, des services et de la chancellerie, qui servent actuellement
d'appui pour la recherche des partenaires éventuels et la saisine des
préfets et des services de l'emploi, sans prétendre à
l'exhaustivité, comportent 6 axes principaux : l'accès
au droit ; les offres d'alternatives à la judiciarisation ; le
soutien aux publics les plus fragiles ; l'aide à la
décision ; l'information et l'orientation ; le soutien de
l'action auprès des personnes prises en charge.
La plupart des emplois décrits concernent des activités
d'
accueil
, de
secrétariat
, d'
aide à la mise en
forme des demandes
, d'
orientation
vers les structures
appropriées ou d'
assistance administrative ou documentaire
placées auprès soit de fonctionnaires de justice (maisons de la
justice et du droit par exemple ou procureurs), soit d'associations
agréées par le parquet aidant à la gestion des personnes
âgées placées sous tutelle, soit d'associations
chargées d'activités présentencielles (médiation
pénale, enquêtes sociales, contrôles judiciaires
socio-éducatifs), soit d'associations de médiation familiale,
d'aide aux victimes ou encore d'organismes d'accès au droit (nouveaux
" points " ou " numéros verts " à
mettre en
place).
Les emplois-jeunes prévus pour la protection judiciaire de la jeunesse
et l'administration pénitentiaire sont détaillés dans les
avis budgétaires correspondants.
Une
formation préalable
serait exigée dans la plupart des
cas en droit, en langues, en lettres, en psychologie ou en travail social,
pouvant aller jusqu'au DEA selon les tâches. En outre, une formation
initiale et continue auprès des juridictions ou des associations et
structures d'accueil serait prévue.
Il faut noter avec satisfaction l'engagement qu' "
en aucun cas
les
tâches confiées aux jeunes ne pourraient se substituer aux actions
de médiation proprement dites réalisées par les
médiateurs familiaux
" et qu'il "
qu'il n'est bien
évidemment pas envisagé que les jeunes concernés par le
programme emplois-jeunes participent directement aux mesures de
médiation pénale
"
7(
*
)
.
Néanmoins, en admettant le bien-fondé de l'option emploi-jeunes,
plusieurs points mériteraient encore d'être revus.
1/ L'exigence d'une très grande discrétion, voire une
obligation de discrétion
,
n'est pas mentionnée
systématiquement; elle n'apparaît notamment pas pour l'aide
à l'accueil des mineurs, notamment victimes, ou pour l'accueil des
médiations familiales ;
2/ Certaines tâches paraissent
dépasser le cadre
envisageable pour des emplois-jeunes : assistance et coordination
auprès du procureur dans les maisons de la justice et du droit ;
" juristes-animateurs " auprès des associations d'aide aux
victimes mineurs et des administrateurs ad hoc ; permanence
téléphonique dans les associations de médiation familiale
spécialement en-dehors des heures de bureaux (c'est-à-dire,
vraisemblablement en l'absence d'un tuteur ?) ;
3/ L'articulation avec les métiers du
greffe
peut se
révéler particulièrement délicate en matière
d'accueil dans les juridictions (où un greffier assurerait le
tutorat) ; de tutelle des incapables majeurs (où des transferts de
compétence ont été mis en oeuvre récemment) ;
dans les maisons de la justice et du droit (où les jeunes seraient
notamment placés auprès du fonctionnaire de justice) ;
4/ Surtout, pour l'ensemble des tâches proposées, les questions de
responsabilité
doivent être clairement posées en
fonction de la structure d'accueil et des mécanismes de tutorat ou de
contrôle mises en place -qu'en sera-t-il, par exemple, si une mauvaise
orientation par un jeune placé à l'accueil conduit un justiciable
à se trouver forclos ?
Au terme de la description du dispositif envisagé, la question
posée par de nombreux membres du Sénat et par plusieurs
organisations professionnelles rencontrées par votre rapporteur
demeure :
en l'état des moyens de la justice est-il plus
judicieux de dépenser les 400 millions de francs annuels
correspondants aux 3.500 emplois-jeunes
(320 millions issus
à coup sûr du budget de l'Etat, 80 millions provenant de
sources encore mal identifiées)
pour développer des
activités encore périphériques
aux missions
essentielles de la justice mais desquelles peuvent germer des solutions
d'avenir pour éviter le tout-judiciaire
ou bien ne devrait-on pas
donner la priorité aux moyens de traitement traditionnels du contentieux
aujourd'hui asphyxiés
.
400 millions de francs représentent, il faut le rappeler,
1,6 % du budget du ministère (24,87 milliards de francs) et
41,5 % de l'augmentation des crédits de la justice en 1998
(963 millions de francs).
C. DES BESOINS QUI DEMEURENT
Les dernières statistiques connues sur
l'activité des juridictions confirment au niveau national, en moyenne,
les difficultés ressenties localement par les justiciables, à des
degrés divers selon les ressorts.
·
En matière civile
, la
durée moyenne de
traitement
des affaires reste très éloignée des
objectifs fixés par la loi de programme mais, sauf en appel, elle se
stabilise :
-
Cours d'appel
:
15,6 mois
en 1996, près d'un mois
de plus qu'en 1995 s'éloignant encore des 12 mois envisagés
par le plan pluriannuel ;
-
Tribunaux de grande instance
:
8,8 mois
, une
très légère amélioration par rapport à 1995
(8,9 mois), encore loin des six mois prévus par le plan
pluriannuel ;
-
Tribunaux d'instance
:
5 mois
(contre 5,1 mois
en 1995) au lieu des 3 mois fixés par le plan.
Ces chiffres justifient la priorité définie par le ministre en
faveur des cours d'appel pour la localisation des nouveaux emplois.
Toutefois, d'après les données provisoires connues pour 1996,
l'évolution des stocks et de la capacité de traitement conduit
à une reprise de l'accroissement de la durée de résorption
des stocks tant dans les cours d'appel que dans les juridictions de
première instance. Aucun gain de productivité ne pouvant
être attendu désormais à structure, procédure et
effectifs égaux, les besoins restent donc très importants en
juridiction.
Or,
les délais eux-mêmes ont un coût
pour les
justiciables d'ores et déjà et ils pourraient rapidement en avoir
un pour l'Etat. Le tribunal de grande instance de Paris vient en effet de
condamner l'Etat à verser 50 000 francs de
dommages-intérêts à un salarié qui, faisant appel
devant la Cour d'Aix-en-Provence d'une décision du Conseil des
prud'hommes de Grasse en matière de licenciement abusif avait appris que
son dossier ne pourrait être examiné que dans un délai de
40 mois (Tribunal de grande instance de Paris, 5 novembre 1997, Gauthier).
Le tribunal de grande instance de Paris a estimé que "
ce
délai anormal (...) révélateur d'un fonctionnement
défectueux du service de la justice, équivaut à un
déni de justice en ce qu'il prive le justiciable de la protection
juridictionnelle qu'il revient à l'Etat de lui assurer
".
·
En matière pénale
, le nombre des infractions
signalées (plaintes, dénonciations, procès-verbaux) est
stable
: 5.185.495, soit une baisse de 0,1 % selon les
données provisoires pour 1996.
La régulation du flux continue néanmoins largement à
être assurée par le
classement sans suite
qui avoisine
toujours les 80 % pour l'ensemble des affaires, tandis que le taux de
classement lorsque l'auteur est connu retombe à 50 % après
le pic constaté en 1995 (52,7 %). Si la part de ces classements qui
donnent lieu à une procédure alternative aux poursuites continue
à croître pour atteindre vraisemblablement, en 1996, 4,5 % au
lieu de 3,8 % en 1995, les classements purs et simples restent très
nombreux : 45,3 % des infractions dont l'auteur est connu en 1996.
Or, la capacité de croissance des procédures alternatives aux
poursuites paraît marquer le pas puisqu'après des taux de
progression d'un tiers en 1993 et 1994 (premières années
statistiques connues), elles n'ont progressé que de 20 % en 1995 et
de 8,8 % en 1996.
Quant au
délai
de réponse pénale pour les affaires
jugées, il baisse légèrement en moyenne pour les
délits (10,3 mois en 1995 au lieu de 11,3 mois en 1994) et les
contraventions (7,5 mois en 1995 au lieu de 9,2 mois en 1994) mais il
continue à augmenter pour les crimes (43,3 mois en 1995 au lieu de
41,5 mois en 1994)
8(
*
)
.
Ces données indiquent que malgré les efforts budgétaires
consentis ces dernières années
l'asphyxie des juridictions
demeure
.
Elle est en partie due aux délais de recrutement et de formation qui,
malgré la création et la localisation d'emplois au sein des
juridictions se traduisent par des
vacances
budgétaires
importantes, s'ajoutant aux vacances de " friction "
générées par la multiplication des mouvements de
personnels et aux vacances ponctuelles non intégralement
compensées par les magistrats ou greffiers placés (temps
partiels, congés-maladie, maternité et congés-formation).
Ainsi,
195 postes
budgétaires de
magistrats
étaient-ils vacants au 1er septembre 1997, soit 3,1 % de
l'effectif budgétaire avec des durées moyennes de vacance
estimées à 3 mois à la Cour de cassation et dans les
Cours d'appel et à 5 mois dans les tribunaux de grande instance.
150 vacances résulteraient des délais de recrutement et de
formation pour les postes créés au cours des trois
dernières années. En ce qui concerne les
fonctionnaires
,
les vacances d'emplois prévisibles au 31 décembre 1997
s'élèveraient à
361 emplois
, soit un taux de
1,88 %, plus de deux fois supérieur à celui de 1996.
Là encore, les gels et les délais de recrutement font ressentir
leurs effets.
Dans le même temps, le nombre des
magistrats placés
est
resté stable : 117 emplois budgétaires affectés
auprès des premiers présidents et des procureurs
généraux de Cour d'appel ou auprès des chefs de cours dans
des proportions variant de 0,35 % des effectifs à Paris à
6,06 % à Bastia.
Aucun des 30 emplois de magistrats créés en 1997 ne devrait
être localisé dans cette fonction " tournante " qui
permet de faire face aux urgences dans le cadre d'un ressort. Or, en
application de la loi organique portant statut de la magistrature, il serait
possible de porter le nombre des magistrats placés à
304 emplois (1/15ème du total des emplois des tribunaux de
première instance de chaque ressort de Cour d'appel).
Ces vacances, qui ne représentent, avec le mode de remplacement des
temps partiels et les problèmes spécifiques à certaines
régions jugées peu attractives, qu'une faible part des
difficultés liées aux effectifs insuffisants des juridictions,
cristallisent en revanche, lorsqu'elles se cumulent à des délais
qui confinent au déni de justice, l'insatisfaction des justiciables.
Celle-ci a été manifeste au cours de l'année 1997 au
travers des protestations organisées localement puis au niveau national
par de nombreux barreaux particulièrement lors de la journée du
jeudi 6 novembre.
Amorcées par les manifestations des ressorts de Pontoise, Rodez, Grasse,
Montpellier, Toulouse, Metz et Nancy, les grèves des avocats ont eu pour
objet d'attirer particulièrement l'attention sur les retards
constatés dans certaines juridictions où, comme l'avait
souligné en son temps la mission d'information sur les moyens de la
justice, des appels peuvent attendre jusqu'à 4 ans pour être
jugés tandis que certains jugements ne peuvent être
dactylographiés -donc notifiés ou signifiés- faute de
personnels dans les greffes, ainsi que sur le mauvais état des locaux de
certaines juridictions (un indispensable programme de mise aux normes de
sécurité est prévu pour répondre aux nombreuses
observations des commissions de sécurité).
Le paradoxe est en outre que, du point de vue du justiciable, la justice
apparaît à la fois lente (délais d'audiencement) et
expéditive (passage à l'audience en quelques minutes).
Compte tenu des besoins existants et des réformes annoncées,
Madame le Garde des Sceaux a conclu sa communication au Conseil des ministres
du 29 octobre 1997 en affirmant la nécessité qu' "
un
effort budgétaire significatif (soit) consenti en faveur de la justice
au cours des prochaines années
".
Elle a par ailleurs annoncé un recrutement exceptionnel de magistrats
pour accélérer l'affectation effective dans les juridictions des
nouveaux emplois créés (156 recrutements, dont 100 par
concours exceptionnels " pyramidés ", s'ajouteront aux 154
postes offerts aux concours de l'ENM,).
L'ENM bénéficiera au demeurant de crédits accrus en 1998
(+ 9,66 %).
La répartition des 70 emplois de magistrats créés en
1998 souligne la priorité donnée aux besoins les plus
marquants : 30 emplois seront localisés dans les cours d'appel
(dont 18 conseillers en service extraordinaire)
9(
*
)
; 40 dans les tribunaux de grande instance dont
10 juges des enfants, 10 substituts, 5 juges de l'application
des peines et 5 juges d'instance.
De même pour les greffiers et fonctionnaires de catégorie C
des procédures exceptionnelles permettront de multiplier par deux les
recrutements.
Au regard des objectifs de la
loi de programme de 1995
,
l'étalement opéré en 1997 est en partie rattrapé
par le projet de budget pour 1998. Ainsi, fin 1998, les taux d'exécution
devraient être les suivants :
|
Autorisations de programme |
Créations d'emplois |
|
|
en tenant compte
|
Magistrats |
Fonctionnaires |
Juridictions judiciaires |
79 % |
73 % |
59 % |
Juridictions administratives |
79 % |
75 % |
75 % |
En revanche, les crédits de paiement présentent, notamment pour les services judiciaires un certain retard sans toutefois, selon la Chancellerie, entraver la réalisation des opérations les plus urgentes.
II. QUELLE ORGANISATION POUR LA JUSTICE DE DEMAIN ?
Pour améliorer l'utilisation des moyens budgétaires, Mme le Garde des Sceaux a marqué la nécessité d'évaluer le fonctionnement du service public de la justice et de le moderniser tout en rappelant que l'accès au droit ne devait pas être confondu avec l'accès à la justice.
A. L'ACCÈS À LA JUSTICE : LA CARTE JUDICIAIRE
Madame la ministre de la Justice a confirmé à
votre commission qu'elle poursuivait la réflexion engagée par son
prédécesseur sur la carte judiciaire.
Dans une circulaire du 1er juillet 1997, elle a élargi la consultation
ouverte par M. Jacques Toubon auprès des préfets et chefs de cour
aux représentants des associations directement concernées par le
fonctionnement de la justice.
Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit la création d'une
"
mission carte judiciaire
" qui sera chargée de la
conduite des réflexions en la matière dans le cadre des
orientations définies par le Garde des Sceaux. Elle sera placée
auprès de la direction des services judiciaires et dotée d'une
enveloppe de fonctionnement de 500.000 francs. Son effectif basé
sur 5 autorisations d'emplois temporaires devrait être
composé d'un directeur et de 4 agents de catégorie A.
Mme Elisabeth Guigou a d'ores et déjà indiqué que la
réforme serait engagée en favorisant les réponses de
proximité "
en tenant compte de chaque réalité
locale, des évolutions démographiques et économiques et
des durées de transport
" et que "
cette organisation
s'appuiera sur les réformes des contentieux et sur une
spécialisation bien comprise des magistrats et des
juridictions
".
L'organisation de
chambres détachées
et
d'audiences
foraines
peut contribuer à concilier spécialisation,
regroupements et proximité.
L'assouplissement apporté en la matière par la loi de 1995 a
d'ores et déjà permis de multiplier par deux le nombre des
audiences foraines. En 1996, 183 audiences foraines ont été
tenues dans 121 juridictions du premier degré dont 88 ont
concerné la justice des mineurs. Leur périodicité varie
d'une audience par semaine à une audience par mois.
La commission des Lois constate que ces orientations se rapprochent de celles
qu'elle avait exprimées à plusieurs reprises mais que
l'observation des quatre cartes actuelles et des délais de
réflexion répétés en la matière
démontre l'ampleur de la tâche.
Certaines
spécialisations
ont d'ores et déjà
été opérées en matière de nationalité
(décrets n° 93-1360 et 93-1361 du 30 décembre 1993 fixant la
liste et le ressort des tribunaux de grande instance et des tribunaux
d'instance compétents en matière de nationalité des
personnes physiques) et pour les affaires économiques et
financières (décret n° 94-259 du 25 mars 1994).
Toutefois, dans ce dernier cas, la mise en oeuvre reste faible en raison du
manque de moyens des juridictions spécialisées,
particulièrement au sein des Parquets. La sous-direction des affaires
économiques et financières contribue à la formation et
fournit une aide technique à la décision en ces matières
(documents de travail sur des contentieux spécifiques complexes :
marchés publics, prise illégale d'intérêts, par
exemple). Aucune affectation particulière de moyens n'est cependant
prévue par le projet de loi de finances en dépit des demandes
formulées publiquement par plusieurs juges d'instruction
spécialisés en la matière.
B. L'ACCÈS AU DROIT
Au-delà des moyens et de la rationalisation de
l'organisation des juridictions, de nombreux dispositifs ont été
mis en place au cours des dernières années pour répondre
à l'attente croissante en matière juridique.
Les auxiliaires de justice, au-delà des mécanismes de commission
d'office, d'aide juridictionnelle et des permanences dans les palais de justice
et en garde à vue, développent des initiatives pour aller au
devant de ceux qui, parfois, ont perdu les repères nécessaires
pour effectuer de leur propre chef les démarches administratives ou
judiciaires, qu'elles relèvent, ou pas, des juridictions.
Des structures initialement informelles disposent aujourd'hui d'un cadre
juridique dont il importe de faire périodiquement le bilan : maisons de
la justice et du droit, conseils départementaux de l'aide juridique,
médiations et conciliations doivent jouer un rôle croissant pour
faciliter l'accès au droit et, le cas échéant, le
règlement de certains litiges au plus près des populations
concernées et dans les meilleurs délais.
1. Le développement des maisons de justice et du droit
Recadrées sur la base du rapport de M. Gérard
Vignoble par la circulaire du 19 mars 1996 concernant leurs modalités de
création, les maisons de la justice et du droit, organisées par
des conventions entre les autorités judiciaires, le préfet, le
barreau et une ou plusieurs collectivités locales, poursuivent leur
expansion.
Il y en a actuellement 51 placées sous l'autorité d'un magistrat
coordinateur. 9 nouvelles maisons de la justice et du droit, autorisées
par la Chancellerie, devraient ouvrir avant la fin de l'année 1997 :
Angoulême, Persan (Val d'Oise), Rouen, Saint-Laurent-du-Maroni,
Bordeaux-Nord, les Hauts-du-Garonne, Nantes, Nîmes et Montluçon.
Le secrétariat général pour la coordination de la
politique de la ville placé auprès de la direction des affaires
criminelles et des grâces est chargé d'instruire les dossiers des
nouvelles implantations. Le comité de pilotage composé d'un
représentant de chaque direction du ministère de la justice donne
ensuite son aval.
2. Les conseils départementaux de l'aide juridique
Lors de l'examen du budget pour 1997 votre rapporteur avait
eu
l'occasion de souligner les résultats décevants du volet de la
loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 consacré à l'aide
juridique et qui prévoyait la création dans chaque
département d'un conseil départemental de l'aide juridique
(CDAJ).
En effet, en 1996 aucun CDAJ nouveau n'avait été
créé. Il n'y avait donc que 14 conseils. Bien que le bilan de
l'année 1997 apparaisse nettement plus positif puisque l'on
dénombre aujourd'hui une vingtaine de CDAJ, soit un accroissement de
près de 50 %, le cadre juridique imposé par la loi de 1991
demeure un frein certain à leur essor.
Aussi le Président du Conseil national de l'aide juridique (CNAJ),
M. Daniel Tricot, a-t-il adressé aux pouvoirs publics une
proposition de réforme adoptée par le CNAJ le 27 juin 1997.
Celle-ci tend à encourager la création effective des CDAJ en
concentrant leurs missions sur l'information relative à l'accès
au droit et sur l'évaluation des acteurs en ce domaine. Le CDAJ serait
ainsi chargé de dresser l'inventaire des structures d'accès au
droit disponibles dans le département et de délivrer
l'agrément permettant de rechercher des financements. En revanche, il ne
participerait pas lui-même au financement et ne devrait donc plus
nécessairement être constitué sous forme d'un GIP
(groupement d'intérêt public).
Le CNAJ propose en outre que le procureur de la République en soit
membre à part entière, le président du TGI du chef-lieu du
département en demeurant le président. Sa composition pourrait
également évoluer pour y permettre la représentation des
professionnels du droit, des associations et syndicats engagés dans
l'accès au droit, des administrations et organismes sociaux
concernés par l'accès au droit ainsi que de l'Etat et des
collectivités locales.
Le Président du CNAJ propose que d'ores et déjà les CDAJ
existants puissent recruter chacun deux emplois-jeunes qui pourraient
contribuer à dresser l'inventaire départemental.
Mme le Garde des Sceaux a annoncé à votre commission le
dépôt d'un projet de loi permettant d'alléger les
structures des CDAJ pour encourager leur création.
3. La médiation et la conciliation judiciaires civiles
·
La médiation judiciaire civile :
Basée sur les dispositions du décret n° 96-652 du
22 juillet 1996, elle s'est essentiellement développée en
matière familiale. 36 associations de médiation familiale sont
subventionnées par le ministère de la justice pour un montant de
1,2 million de francs. En revanche aucune structure de médiation civile
en général n'a demandé de soutien financier. La
Chancellerie y voit quatre explications :
- la dimension psychologique du rôle du médiateur qui ne
siérait pas aux autres contentieux de masse traditionnels dans lesquels
l'une des parties est un plaideur institutionnel ;
- la consultation préalable des parties et le mode de financement ;
- le défaut de structuration des prestataires de médiation ;
- l'assimilation encore imparfaite de la loi par les professions juridiques et
judiciaires.
·
La conciliation judiciaire :
Le décret n° 96-1031 du 13 décembre 1996 a adapté le
statut des conciliateurs pour tenir compte du rôle qui leur était
confié et de la déconcentration de leur gestion au niveau des
cours d'appel. Désignés pour un an par une ordonnance du Premier
président de la cour d'appel sur proposition du procureur
général, ils peuvent être reconduits pour une
période renouvelable de deux ans.
Ils exercent à titre bénévole mais peuvent être
indemnisés de leurs frais de déplacement (arrêté du
15 mai 1997) et de leurs frais divers sur justificatifs et dans la limite de 3
000 francs par an (circulaire du 30 janvier 1996). Leur activité pour
les trois dernières années connues peut être ainsi
retracée :
|
1993 |
1994 |
1995 |
Nombre de conciliateurs |
1 333 |
1 329 |
1 337 |
Nombre de saisines |
50 609 |
67 173 |
74 050 |
Taux de conciliation |
44,9 % |
45,1 % |
43,7 % |
Le projet de loi de finances pour 1998 contient des crédits supplémentaires d'un montant de 1,76 million de francs qui permettront d'indemniser les frais de 400 conciliateurs de justice supplémentaires .
C. LES INSTRUMENTS D'UNE GESTION MODERNISÉE
1. L'organisation de la gestion des juridictions
La mise en place, sous l'autorité des chefs de cour
d'appel, des coordonateurs et des services administratifs régionaux
(SAR) créés par les circulaires du 9 octobre 1995 et 8
juillet 1996 doit permettre de structurer la fonction d'administration qui leur
incombe en matière de budget, d'informatique, de formation et
d'organisation des personnels.
L'échelon de la cour d'appel est aussi celui de la conférence
budgétaire " régionale " présidée par les
chefs de cour et chargée d'analyser les projets de budgets des
arrondissements judiciaires. Les chefs de cour arrêtent ensuite la
demande budgétaire transmise à l'administration centrale.
Une
expérience
de réforme de l'organisation de la gestion
des crédits de fonctionnement des juridictions (d'un montant très
limité en tout état de cause et ne permettant pas notamment de
dépenses d'équipement informatique) est menée au sein des
cours d'appel de Rouen et d'Amiens pour améliorer la
politique de
l'achat public
et permettre un renforcement du
contrôle de
gestion
par une centralisation auprès des chefs de cour des
informations sur les dépenses des juridictions de leur ressort. Les
juridictions du premier degré du ressort d'un TGI sont
fédérées en centre dépensier disposant d'une
cellule de gestion. Au niveau de la cour d'appel, le SAR joue le rôle de
service centralisateur, unique interlocuteur des préfets, ordonnateurs
secondaires, pour l'engagement et le mandatement des dépenses de
l'ensemble des juridictions du ressort de la cour d'appel.
Le logiciel Gibus mis en place par le ministère de l'Intérieur
pour la gestion des crédits de fonctionnement de la police nationale est
utilisé pour l'expérimentation, laquelle pourrait être
étendue à quatre autres cours d'appel en 1998.
2. Les moyens informatiques
Les crédits de l'informatique judiciaire sont accrus
globalement de 4,3 %, au seul bénéfice du niveau central.
Au
niveau central
, la direction des services judiciaires a
désormais la maîtrise d'ouvrage stratégique en
matière d'informatique judiciaire, la direction de l'administration
générale et de l'équipement assurant la maîtrise
d'oeuvre (74 millions de francs).
Au
niveau local
, les chefs de cours d'appel sont seuls compétents
pour engager les dépenses d'informatique déconcentrée
(70 millions).
Des expériences et des études sont menées pour faciliter
la gestion budgétaire (logiciel expérimenté à Rouen
et Amiens) et permettre de choisir un logiciel unique de gestion du parc
informatique pour faciliter la circulation de l'information au sein du
ministère. La reconduction des techniciens informatiques (un par cour
d'appel) engagés pour 18 mois à compter du 1er juillet 1996 a
été demandée et la Chancellerie dispose en outre de quatre
ingénieurs informatiques à la direction des services judiciaires
qui interviennent ponctuellement dans les cours d'appel. 7 millions ont
été transférés du niveau local au niveau central
pour assurer la maintenance de certaines applications civiles.
Alors que le taux d'
informatisation civile
des cours et des TGI est
très élevé (respectivement 91,5 % et 94,5 %), une
recomposition du marché des sociétés éditrices de
logiciels (une vingtaine) est en cours. En provoquant la disparition de
certaines sociétés, elle met en difficulté la
préservation de l'acquis de l'informatique d'initiative locale.
La Chancellerie prévoit de labeliser certains logiciels de gestion des
affaires civiles et de mettre en place des garanties d'entretien et
d'évolution pendant les trois années nécessaires à
la transmission des compétences. On aboutirait donc à une
contractualisation et à un financement national de marchés
publics couvrant les droits de propriété des logiciels, la
maintenance et l'évolution. Les charges d'implantation et de formation
relèveront de financements déconcentrés.
L'informatisation des tribunaux d'instance est en cours au travers de logiciels
pour les services civils (200 sites fin 1997), les injonctions de payer
(diffusion depuis septembre 1997), la nationalité (diffusion
début 1998) et les saisies de rémunération (diffusion
début 1998).
Le renouvellement des instruments informatiques du TGI de Paris est à
l'étude.
L'
informatique pénale
doit également être remise en
ordre pour les trois applications nationales (nouvelle chaîne
pénale, chaîne mini-pénale et chaîne
micro-pénale).
Pour l'informatique pénale d'initiative locale des priorités ont
été fixées pour les tribunaux pour enfants, les tribunaux
de police et les cabinets d'instruction.
Les travaux seront poursuivis pour développer la communication
informatique entre les avocats, les huissiers et les tribunaux d'instance.
3. L'amélioration de l'outil statistique
La réforme initiée en 1994 pour permettre un
meilleur suivi statistique des contentieux civils, pénaux et des mineurs
devrait connaître une phase importante en 1998.
- La généralisation des
" tableaux de bord
d'activité des juridictions civiles
" (validés en 1995
et expérimentés en 1996 et 1997) à l'ensemble des
tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance et des cours d'appel est
prévue dans le courant de l'année. Ils permettront de mesurer
leur activité de manière plus rapide et exhaustive, par grandes
familles de contentieux selon une norme commune ;
- Le "
suivi détaillé des affaires civiles
" est
en cours de validation ; il sera expérimenté en 1998 ; il
permettra d'exploiter localement puis nationalement les bases de données
résultant des fichiers informatiques de gestion des affaires civiles ;
- L'automatisation des cadres du parquet sera poursuivie avec l'extension
à l'ensemble des TGI des modules de production automatique de
données ;
- Le "
suivi de la politique pénale
" est en phase de
validation après l'élaboration des nouvelles nomenclatures
basées sur la nature des affaires pénales et les motifs de
classement sans suite.
Ces nouveaux outils devraient permettre, à terme, de mieux
appréhender les motifs des
délais
de procédure en
détaillant les dates des phases intermédiaires (expertise,
instruction, renvois, clôture, jugement, signification du jugement...) et
de calculer un
taux d'appel
réel en indiquant pour chaque affaire
en première instance si elle est jugée en dernier ressort.
III. LA MISE EN OEUVRE DES DISPOSITIFS ADOPTÉS EN 1995 POUR AMÉLIORER LA RÉPONSE À L'AFFLUX DES CONTENTIEUX
A. AU SEIN DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES
La diversification des recrutements introduite par les lois de 1995 qui accompagnaient la loi de programme connaît des sorts variables en pratique.
1. Les assistants de justice
En application de l'article 20 de la loi n° 95-125
du 8 février 1995, il avait été prévu de
recruter sur cinq ans jusqu'à 269 assistants de justice,
exerçant au maximum à mi-temps pour deux ans et indemnisés
par des vacations horaires, chargés de tâches de documentation et
de préparation des décisions.
Leur recrutement rapide et déconcentré au niveau des cours
d'appel et leur formation juridique antérieure sont
particulièrement appréciés au sein des juridictions
où ils travaillent selon les indications des magistrats.
Fin 1996, avaient déjà été recrutés
205 assistants grâce aux crédits inscrits en lois de finances
(6,5 millions). En 1997, 125 nouveaux assistants ont été
recrutés pour moitié dans les cours d'appel dont
l'activité ou les délais de traitement sont les plus
élevés (Aix-en-Provence, Bordeaux, Douai, Montpellier et
Versailles).
Le projet de loi de finances prévoit 8,4 millions de crédits
supplémentaires pour permettre le recrutement de 220 nouveaux
assistants, ce qui porterait leur effectif à 550 à la fin de
l'année 1998.
L'ensemble des rapports sur leur activité traduisent la satisfaction des
magistrats qui se voient déchargés de tâches
répétitives ou de recherches chronophages.
Les assistants sont le plus souvent chargés de travaux de documentation,
de rédaction de notes de synthèse des dossiers ou de projets de
décisions ou de réquisitoires sur les instructions des
magistrats. Ils assument parfois également le pré-traitement du
courrier pénal général, le tri des dossiers après
la loi d'amnistie, les propositions de recours aux procédures de
médiation-réparation ainsi que la gestion de la médiation
pénale, la confection de recueils de doctrine ou de jurisprudence, la
tenue de statistiques, la gestion des bibliothèques.
En revanche, la spécificité de la procédure d'instruction
n'a semble-t-il pas permis d'affecter des assistants auprès des juges
d'instruction.
La satisfaction exprimée par les chefs de cour à l'égard
des assistants (services rendus et le plus souvent qualité des travaux)
a pour contrepartie le regret de ne pas en disposer davantage (nombre,
durée du travail limitée au mi-temps) et de ne pouvoir les
fidéliser (durée du contrat plafonnée à deux ans,
niveau faible de la rémunération, attractivité d'autres
fonctions où l'expérience acquise par les assistants au sein des
juridictions est semble-t-il reconnue). Une difficulté nouvelle pourrait
surgir de la comparaison de leur rémunération avec celles qui
pourraient être offertes dans le cadre des emplois-jeunes (un assistant,
charges comprises, coûte annuellement 38.362 francs à
mi-temps, un emploi-jeune 115.000 francs à plein temps, charges
comprises).
2. Les conseillers en service extraordinaire
Créés par la loi organique du
19 janvier 1995, ces magistrats sont recrutés au vu de leurs
diplômes et de leur expérience (âgés de 50 à
60 ans et justifiant de 15 ans d'activité professionnelle les
qualifiant particulièrement pour les fonctions judiciaires). Ils
exercent à plein temps et pendant cinq ans non renouvelables. Leur
rémunération est alignée sur le traitement moyen d'un
magistrat du premier groupe du premier grade.
La commission d'avancement qui statue sur les candidatures peut imposer au
candidat une formation complémentaire. En application du décret
du 19 mars 1996 et de la circulaire du 28 octobre 1996, sur
les 30 emplois de conseillers prévus par la loi de programme, 12 ont
été localisés dans 7 cours d'appel en 1995-1996 et 3 ont
été nommés en 1997 (Besançon, Aix et Douai).
La commission de novembre 1997 devait examiner 5 candidatures nouvelles et une
candidature après stage. 12 dossiers étant en cours
d'instruction, les prévisions de recrutement pour 1998 seraient de 6
candidats en stage soit, au mieux, 9 conseillers en service extraordinaire fin
1998, alors que 18 créations de postes de conseillers en service
extraordinaire sont incluses dans les 70 créations de postes de
magistrats annoncées pour le budget 1998. Mme le Garde des Sceaux a
indiqué à votre commission qu'une réflexion était
en cours pour réduire les délais de recrutement.
Sur 37 candidatures examinées, 26 ont été rejetées
par la commission d'avancement. La répartition par catégorie
socio-professionnelle des candidats et la décision prise à leur
égard par la commission d'avancement est retracée dans le tableau
suivant :
Professions d'origine |
Candidatures |
Admis |
En stage |
Rejets |
Avocats |
7 |
2 |
|
5 |
Officiers ministériels |
2 |
|
|
2 |
Greffiers en chef |
|
|
|
|
Fonctionnaires justice |
|
|
|
|
Fonctionnaires et agents de l'Etat |
7 |
1 |
4 |
2 |
Cadres secteur privé |
21 |
|
4* |
17 |
Anciens magistrats |
|
|
|
|
Totaux |
37 |
3 |
8* |
26 |
* Dont deux ont renoncé à leur stage.
3. Les magistrats à titre temporaire
La parution du décret n° 97-4 du
7 janvier 1997 ainsi que de la circulaire du
24 février 1997, attendus depuis 1995, rend désormais
possible le recrutement de magistrats exerçant à titre temporaire
les fonctions de juge d'instance ou d'assesseur dans les formations
collégiales des tribunaux de grande instance. Ils sont recrutés,
pour sept ans non renouvelables, sur proposition de l'assemblée
générale des magistrats du siège de la cour d'appel
après avis conforme de la commission d'avancement.
La Chancellerie prévoit, conformément au rapport annexé
à la loi de programme, une expérimentation durant trois ans, dans
un premier temps auprès de quatre cours d'appel (Aix-en-Provence,
Angers, Colmar et Versailles).
La loi de programme avait prévu 80 postes équivalent temps plein
et, dès 1995, des crédits avaient été inscrits pour
en recruter 16. En 1996, la mise était doublée toujours sans
aucun recrutement, les textes d'application n'ayant pas été
élaborés.
La loi de finances pour 1997 ne prévoyait pas de nouveaux crédits
malgré la parution imminente du décret. La loi de finances pour
1998 porte à 48 équivalent temps plein le nombre des recrutements
de magistrats exerçant à titre temporaire -soit potentiellement
480 personnes à recruter
puisqu'à raison de
120 heures de vacations par an, 10 personnes sont nécessaires pour
obtenir l'équivalent d'un temps plein. Outre les
rémunérations, le projet de budget prévoit des
crédits supplémentaires en faveur de l'ENM pour la formation
probatoire des magistrats à titre temporaire.
Or, il y aurait actuellement 14 dossiers ayant reçu un avis
favorable,
deux candidats en stage
et 19 candidatures en cours
d'instruction. Mme le Garde des Sceaux a indiqué à la
commission que 35 personnes pourraient être nommées en 1998.
Il paraît dès lors difficile d'envisager la concrétisation
de l'utilisation des 27 millions de francs ouverts en 1998.
B. LA MISE EN OEUVRE DES NOUVEAUX POUVOIRS DU JUGE ADMINISTRATIF
Combinés avec les moyens apportés par la loi de programme (emplois et créations de juridictions) et la réforme statutaire adoptée en 1997 10( * ) , les nouveaux pouvoirs conférés par la loi du 8 février 1995 au juge administratif avaient pour objet de lui permettre de faire face à l'afflux du contentieux et de réduire les délais de jugement.
1. Les nouveaux pouvoirs
· L'extension de l'article L.9 du code des
tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (traitement d'une
requête par
ordonnance
du président), aux séries
particulièrement, est systématiquement utilisée par
l'ensemble des juridictions. Les " séries " demeurent en
tout
état de cause en attente tant que la décision
" pilote " n'est pas définitive mais la procédure
simplifiée a permis de juger, en 1996, 21.245 requêtes, soit
21 % du total des requêtes jugées cette
année-là par les tribunaux administratifs.
· Les affaires jugées par un
magistrat statuant seul
(10 catégories de litiges avaient été définies
par la loi de 1995 à l'article L. 4-1 du même code) ont
représenté, en 1996, 13 % des affaires jugées par les
tribunaux administratifs. Le juge unique assume ces fonctions tantôt
à temps partiel, tantôt à plein temps. Un groupe de travail
associant membres du Conseil d'Etat et magistrats administratifs a
réalisé des " bibliothèques de paragraphes " et
des maquettes de jugement pour préparer la rédaction des
décisions rendues par un juge unique. La réforme statutaire
devrait permettre de multiplier les audiences tenues par un magistrat statuant
seul.
· La
suspension provisoire
des décisions administratives
faisant l'objet d'une demande de sursis à exécution
(article L. 10 du code) entre semble-t-il plus lentement dans les
moeurs. 971 demandes ont été faites en 1996, dont 87 ont
été satisfaites. Les demandes sont très inégalement
réparties entre les juridictions de même que les taux de
satisfaction. L'effet de la mesure, compte tenu de sa lourdeur, pourrait
résider principalement dans une incitation à traiter dans des
délais plus brefs les sursis à exécution.
· La jurisprudence sur les pouvoirs
d'injonction
(articles L.8-2 et L.8-3 du code) se développe. Lorsque des
conclusions à fin d'injonction sont déposées, elles
impliquent néanmoins un examen plus approfondi du dossier par le juge et
par l'administration défenderesse. En 1996, 286 jugements de
tribunaux administratifs ont comporté des injonctions, assorties ou non
d'astreintes.
Le Conseil d'Etat en a fait une application remarquée (C.E.
4 juillet 1997 - M. et Mme Bourezak) en annulant la décision
du ministre des affaires étrangères confirmant le refus du consul
général de France à Alger de délivrer un visa et en
enjoignant, en conséquence, la délivrance par l'autorité
compétente d'un
visa d'entrée en France
à un
ressortissant algérien, dans un délai d'un mois.
· Le transfert aux tribunaux administratifs et aux cours administratives
d'appel des pouvoirs du Conseil d'Etat en matière
d'
exécution
de leurs propres décisions est entré en
vigueur le 1er septembre 1995. Le décret du 3 juillet 1995 a,
sauf en matière d'urgence ou de sursis à exécution ou
lorsque l'administration a opposé un refus d'exécution explicite,
imposé un délai de 3 mois pour le dépôt de la
demande. Cette nouvelle compétence a été bien reçue
par les juridictions. Elle a porté ses fruits dès 1996 :
707 demandes auprès des tribunaux administratifs dont la
moitié ont été réglées à l'amiable et
378 demandes devant les cours administratives d'appel avec un pourcentage
supérieur de règlement amiable.
2. L'évolution des flux et des délais
· Devant les
tribunaux administratifs
,
l'année 1996 a été marquée par un léger
reflux du nombre des affaires nouvelles (- 2 % en données
corrigées des séries, soit 95.246 affaires), les affaires
traitées ont continué à augmenter mais à un rythme
moindre (+ 1,3 % avec 92.872 affaires traitées). En
conséquence, le ratio affaires traitées/affaires nouvelles
atteint, en 1996, 97,5 % en données corrigées des
séries (99,5 % en données brutes).
Le
délai
moyen de jugement serait légèrement
inférieur à
2 ans
. Toutefois, l'activité au
début de l'année 1997 ne confirmerait pas l'accalmie relative
constatée en 1996.
· Pour les
cours administratives d'appel
où le nombre des
affaires enregistrées a triplé en 5 ans sous l'effet des
transferts de compétence successifs, la progression est de 34 % en
1996 (12.168 affaires en données corrigées des
séries). Le nombre des affaires jugées diminue en données
brutes (- 16 %) mais augmente en données corrigées des
séries (+ 3,4 %). Cette discordance traduit la
diversité croissante des affaires traitées (6.317 en
données corrigées). En conséquence, le ratio affaires
traitées/affaires nouvelles est désormais de 51,9 % et le
délai théorique d'élimination du stock est passé de
un à trois ans entre 1991 et 1996.
La création des deux nouvelles cours administratives d'appel (celle de
Marseille a déjà été inaugurée en septembre
1997) et la réforme statutaire qui permettra notamment de
désigner davantage de juges uniques devraient contribuer à
améliorer cette situation préoccupante. A Paris, chaque
commissaire du Gouvernement traite actuellement une trentaine de dossiers par
mois.
· Le
Conseil d'Etat
connaît en contrepartie une baisse
sensible des affaires nouvelles (- 17,8 % avec 7.527 affaires en
données nettes) comme lors du précédent transfert.
Le nombre d'affaires jugées augmente en données nettes
(+ 10 %) mais diminue en données brutes (- 5 %), le
Conseil d'Etat ayant à régler des dossiers anciens et complexes
après une phase de réduction des délais moyens de jugement
à 18 mois.
Reste qu'en 1996 plus du
quart
des affaires jugées avait
nécessité un délai supérieur à
trois
ans
et qu'au 31 décembre 1996 parmi les affaires en instance au
Conseil d'Etat 9 % avait une ancienneté comprise entre 3 et
4 ans, 5 % une ancienneté de 4 à 5 ans et
8 %
une ancienneté supérieure à
5 ans
.
*
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998.
1
Rapport Sénat n° 49
(1996-1997) " Quels moyens pour quelle justice ? "
2
Dont 18 conseillers en service extraordinaire.
3
Cf. l'avis budgétaire de M. Georges Othily au nom de la
commission des Lois.
4
Cf. l'avis budgétaire de M. Patrice Gélard au
nom de la commission des Lois.
5
Auxquels s'ajouteront 15 recrutements en surnombre.
6
Mise en service d'Aix-en-Provence, livraison de Béthune,
Bordeaux et Melun en 1998. Poursuite des travaux sur les sites de Grasse, Nice,
Rennes, Nantes, Grenoble, Avignon, Moulins et Fort-de-France.
7
Fiches d'actions JUSTICE. Programme emplois-jeunes-
Ministère de la justice.
8
Cf. les données sur la détention provisoire dans
l'avis budgétaire de M. Georges Othily sur l'administration
pénitentiaire.
9
La loi de programme avait inclus les 30 postes de conseillers
en service extraordinaire dans les 300 postes à créer sur
5 ans.
10
Les décrets nécessaires à son application
ont paru et le projet de loi de finances est abondé de
21,48 millions de francs en conséquence de la transformation de
641 emplois.