2. La baisse prolongée de l'assistance technique : une remise en cause, à terme, de l'une des caractéristiques essentielles de notre coopération
La déflation continue des effectifs de l'assistance technique ne saurait se poursuivre dans les années à venir sans remettre en cause un élément fondamental de notre coopération fondé sur une forte présence humaine sur le terrain.
a) L'assistance civile
En 1998, 225 postes d'enseignants et 10 postes de techniciens
seront de nouveau supprimés. En 8 ans, les effectifs de l'assistance
civile auront ainsi été réduits de plus de moitié.
Cette évolution répondait au souci de limiter le nombre de postes
de coopérants dits de substitution. Elle a du reste principalement
concerné les postes d'enseignants réduits de 62 % entre 1990 et
1998 (tandis que, sur la même période, les postes de techniciens
se contractaient de 46 %).
Toutefois, aujourd'hui, le seuil est atteint en deçà duquel notre
coopération changerait de nature. Notre pays dispose en effet
grâce aux connaissance et à l'expérience acquise des
coopérants, d'une capacité d'expertise sur les questions de
développement sans exemple dans les autres pays industrialisés.
En outre, la présence sur le terrain d'hommes et de femmes
compétents constitue une garantie certaine pour une bonne utilisation,
sur place, de notre aide. C'est pourquoi, votre rapporteur appelle le
gouvernement à revoir désormais la politique menée
continuellement ces dernières années en matière de
réduction des effectifs.
ASSISTANCE TECHNIQUE - POSTES ETATS ET
INTER-ETATS
EFFECTIFS TOUS STATUTS
Etat |
Enseignants |
Techniciens |
Total |
Angola |
10 |
5 |
15 |
Bénin |
25 |
38 |
63 |
Burkina Faso |
76 |
69 |
145 |
Burundi |
0 |
2 |
2 |
Cambodge |
4 |
17 |
21 |
Cameroun |
112 |
98 |
210 |
Cap-Vert |
6 |
6 |
12 |
Centrafrique |
42 |
38 |
80 |
Comores |
27 |
29 |
56 |
Congo |
28 |
52 |
80 |
Côte d'Ivoire |
350 |
102 |
452 |
Djibouti |
148 |
66 |
214 |
Gabon |
195 |
76 |
271 |
Gambie |
4 |
1 |
5 |
Guinée |
25 |
38 |
63 |
Guinée B |
6 |
13 |
19 |
Guinée E |
9 |
15 |
24 |
Haïti |
13 |
13 |
26 |
Madagascar |
120 |
87 |
207 |
Mali |
50 |
57 |
107 |
Maurice |
17 |
8 |
25 |
Mauritanie |
87 |
53 |
140 |
Namibie |
4 |
13 |
17 |
Mozambique |
11 |
9 |
20 |
Niger |
48 |
67 |
115 |
La Dominique |
2 |
10 |
12 |
La Grenade |
2 |
5 |
7 |
Ste Lucie |
4 |
9 |
13 |
St. Vincent |
1 |
3 |
4 |
St. Christophe |
1 |
1 |
2 |
Trinidad |
0 |
1 |
1 |
Rwanda |
0 |
5 |
5 |
St. Thomas |
4 |
8 |
12 |
Sénégal |
190 |
117 |
307 |
Seychelles |
9 |
9 |
18 |
Tchad |
40 |
73 |
113 |
Togo |
20 |
14 |
34 |
Zaïre |
2 |
0 |
2 |
France |
60 |
72 |
132 |
Total |
1 752 |
1 299 |
3 051 |
La disparition programmée de nombreux postes a nourri
chez les assistants techniques un climat de doute. Parallèlement, les
missions des coopérants s'inscrivent dans un cadre plus exigeant :
définition de lettres de missions de plus en plus précises et
limitation de la durée de séjour dans un Etat à six ans
afin de favoriser la mobilité et renouveler les compétences.
Dès lors les attentes de ces personnels devraient être mieux
prises en compte et il convient de relever à cet égard trois
évolutions favorables :
- l'amélioration du
dispositif de concertation
à travers
les commissions consultatives paritaires ministérielles et locales pour
les questions d'ordre individuel, et dans les pays dont les effectifs de
l'assistance technique civile atteignent cinquante coopérants, les
commissions techniques paritaires locales -relais essentiel pour la
préparation des comités techniques paritaires centraux ;
- une meilleure prise en compte de l'importance des responsabilités
exercées dans la définition des
primes de fonction
et la
reprise des ajustements change-prix en zone franc ;
- l'instauration d'une
indemnité de logement
aujourd'hui
limitée aux coopérants de Côte d'Ivoire, mais dont
l'extension à d'autres pays doit être envisagée sous
certaines conditions.
Cependant votre rapporteur regrette de nouveau que la titularisation des
contractuels de l'assistance technique autorisée par la loi n°
84-16 du 11 janvier 1984 (dite loi " Le Pors ") n'ait reçu
qu'une appréciation très partielle. Quelque deux cents
ayants-droit parvenus après juillet 1993 au terme de leur mission en
coopération demeurent rémunérés par le
ministère des affaires étrangères et le secrétariat
d'Etat à la coopération dans l'attente de leur réinsertion
dans une administration. Certes, certaines mesures ponctuelles ont permis de
nouveaux départs en coopération, des mises à disposition
ou quelques réinsertions dans des ministères techniques. Mais ces
initiatives ne sont pas à la mesure d'un problème qui appelle un
règlement global au niveau interministériel.
Enfin, votre rapporteur souhaiterait souligner sa profonde inquiétude
sur le sort des
postes de coopérants aujourd'hui pourvus par des
appelés
. En effet, après la suppression de l'obligation du
service national, le remplacement de plus de 800 coopérants du service
national (CSN) actuels par des professionnels, pourrait entraîner une
dépense supplémentaire de 200 millions de francs venant s'ajouter
aux 77 millions de francs consacrés aujourd'hui aux CSN par le budget de
la coopération. En outre, la qualité des personnels
recrutés dans le cadre du volontariat soulève de fortes
incertitudes pour l'avenir.
b) L'assistance militaire technique : une double priorité pour la formation et le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix
Les crédits liés à la coopération
militaire (chapitre 41-42) s'élèveront à 703 millions de
francs en 1998 contre 739 millions de francs en 1997, soit une réduction
de 5 %. Cette baisse s'appliquera exclusivement à l'assistance militaire
technique.
Quant aux deux autres volets traditionnels de la coopération militaire,
ils connaissent une évolution contrastée : l'aide en
matériel est maintenue à son niveau de 1997 (soit 180 millions de
francs) tandis que la formation des stagiaires bénéficie d'une
dotation (104,2 millions de francs) en hausse de 13,7 %. Parallèlement,
notre coopération militaire s'efforcera de promouvoir les
capacités africaines de maintien de la paix.
.
Des effectifs réduits de 11 %
La décrue progressive des effectifs d'assistants militaires techniques
se poursuit cette année avec la suppression de 70 postes en 1998 (de 640
à 570 assistants). Elle s'inscrit dans une tendance de fond
commandée par deux facteurs principaux : la contrainte budgétaire
d'une part, la finalité de la coopération d'autre part -les
cadres nationaux devant se substituer à terme aux coopérants
militaires.
Toutefois, il est impératif de maintenir un taux d'encadrement suffisant
pour l'utilisation de l'aide en matériel.
A l'avenir, les missions d'assistance militaire devront justifier leurs
effectifs en formulant, dans l'esprit qui prévaut pour l'assistance
civile, des projets d'action précis sur un échéancier
déterminé.
Répartition des effectifs de coopérants
militaires
Evolution des postes AMT 1996-1997 et prévisions 1998
1996 |
1997 |
Prévisions 1998 |
|
Angola |
2 |
2 |
4 |
Bénin |
24 |
22 |
22 |
Burkina Faso |
14 |
14 |
15 |
Burundi |
24* |
0 |
0 |
Cambodge |
17* |
15 |
15 |
Cameroun |
54 |
50 |
45 |
Cap Vert |
1 |
0 |
0 |
Centrafrique |
63 |
59 |
59 |
Comores |
34 |
28 |
16 |
Congo |
25 |
23 |
7 |
Côte d'Ivoire |
50 |
45 |
40 |
Djibouti |
47 |
41 |
34 |
Gabon |
60 |
51 |
40 |
Guinée |
29 |
27 |
26 |
Guinée équatoriale |
4 |
4 |
4 |
Madagascar |
25 |
24 |
22 |
Malawi |
1 |
1 |
1 |
Mali |
25 |
23 |
21 |
Mauritanie |
52 |
47 |
42 |
Mozambique |
4 |
2 |
0 |
Niger |
50 |
44 |
42 |
Sénégal |
32 |
31 |
31 |
Tchad |
60 |
55 |
55 |
Togo |
34 |
32 |
29 |
TOTAL |
714 |
640 |
570 |
*Burundi : Fermeture de la Mission d'assistance militaire
à l'été 96.
*Cambodge - Pour mémoire, effectifs sur le budget des affaires
étrangères.
.
L'aide en matériels
Après une baisse de 10 % en 1996, les crédits dévolus
à l'aide en matériels avaient été rétablis
en 1997 à leur niveau de 1995 -soit 180 millions de francs. Le projet de
loi de finances initiale pour 1998 préserve cette dotation. En effet,
l'aide directe demeure très sollicitée par les pays africains.
L'aide, même s'il convient de ménager une certaine souplesse dans
son attribution, devrait à l'avenir répondre davantage à
l'application de projets bilatéraux inscrits dans la stratégie
d'une coopération contractuelle.
La mission militaire de coopération portera notamment ses efforts sur le
développement des établissements centralisés de
réparation et de reconstruction du matériel automobile des
armées afin de réhabiliter au moindre coût le plus grand
nombre de véhicules anciens et d'en éviter le remplacement
prématuré et coûteux par des matériels neufs.
.
La formation : la priorité accordée désormais
à un enseignement à vocation régionale dispensé en
Afrique
La formation des cadres officiers et sous-officiers des armées et des
gendarmeries des pays d'Afrique francophone constitue l'axe prioritaire de
notre coopération militaire. Les crédits qui lui sont
destinés progresseront de 13,7 % en 1998 pour s'élever à
104 millions de francs.
Cependant si l'on prend également en compte la part des crédits
de l'assistance technique militaire (art. 10) et de l'aide en matériel
(art. 40) consacrés plus particulièrement à la formation,
l'effort dans ce domaine porte sur un montant de 280 millions de francs, soit
près de 40 % du budget total annuel de la mission.
Une forte inflexion sera imprimée en 1998 en faveur de la formation au
sein d'écoles africaines à vocation régionale.
Le nombre des stagiaires dans les écoles françaises, soit 1 300
personnes en 1997, devrait être maintenu en 1998. De nouvelles
filières spécialisées et adaptées aux besoins des
pays partenaires ont été développées dans les
écoles militaires françaises pour mieux répondre à
la demande de formation (cours supérieur international de Gendarmerie
à Melun, cours supérieur du Commissariat de l'armée de
terre à Montpellier, cours supérieur de l'Ecole de l'air à
Salon de Provence, cours supérieur de l'Ecole navale à
Lanvéoc Poulmic).
La formation dans les écoles françaises s'adresse principalement
aux personnels de haut niveau -officiers ou spécialistes- appelés
à exercer des responsabilités importantes dans leur pays.
L'enseignement dans ce cadre n'apparaît pas toujours adapté aux
réalités des armées africaines, en raison notamment du
retard technologique des matériels employés (pour l'artillerie
par exemple).
C'est pourquoi la coopération militaire entend soutenir le
développement
d'écoles nationales à vocation
régionale
. Aucun pays d'Afrique francophone n'a en effet les moyens
de disposer d'un système complet de formation. Aujourd'hui trois
écoles de ce type fonctionnent à Thiès au
Sénégal (formation initiale des officiers), à Abidjan
(gendarmerie), à Koulikouro au Mali (formation des officiers et des
sous-officiers d'administration). Elles ont accueilli, en 1997, 93 stagiaires
officiers et sous-officiers de 19 nationalités différentes. Par
ailleurs, plusieurs projets pourraient se concrétiser en 1998 en
Mauritanie (Rosso, technique automobile), au Togo (Lomé,
médecine).
La mission militaire de coopération prévoit former près de
300 stagiaires africains supplémentaires dans les écoles
nationales à vocation régionale.
Au cours des cinq prochaines années, le développement des
écoles africaines à vocation régionale se poursuivra afin
d'assurer sur le continent africain la moitié de la formation
aujourd'hui dispensée en France.
.
Le renforcement des capacités africaines de maintien de la
paix
Aujourd'hui, trop de conflits meurtrissent encore l'Afrique et nourrissent
l'afropessimisme, prétexte au désengagement pour les pays
occidentaux. C'est pourquoi la France défend de longue date le concept
de force africaine de paix dont le principe avait été
adopté lors du sommet franco-africain de 1994.
A l'automne 1996, les Etats-Unis avaient repris ce projet sous la forme d'une
" force africaine de réponse aux crises " forte d'une
dizaine
de milliers d'hommes répartis entre des bataillons mis à
disposition par un nombre limité de pays africains et placés
" en attente ". L'emploi de ces formations aurait reposé en
fait principalement sur un financement international tout en conférant
aux Etats-Unis une responsabilité particulière sur le
règlement des conflits dans une région particulièrement
sensible aux intérêts français.
Le dispositif envisagé s'est toutefois heurté aux
réticences de nombreux Etats africains. En mai 1997, les
Américains et les Britanniques se sont dès lors ralliés
à la formule préconisée par la France d'un renforcement
des capacités africaines de maintien de la paix, non par la
création d'une force permanente mais par un effort de formation et
d'équipement.
L'approche française repose sur un système institutionnel ouvert
et multilatéral placé sous l'égide des Nations unies et de
l'Organisation de l'unité africaine (OUA) avec un groupe de soutien
destiné à informer des efforts en cours les Etats africains
intéressés et les donateurs potentiels
7(
*
)
, un groupe de coordination
constitué par les pays engagés dans des actions concrètes,
et enfin, des groupes ad hoc plus restreints destinés à organiser
un exercice multinational de maintien de la paix, équiper un bataillon
ou créer un centre régional de formation au maintien de la paix.
Cette initiative présente un double mérite : la coordination des
efforts entrepris par les trois grandes puissances, l'élargissement de
la base des donateurs pour des opérations pour lesquelles la France
paraissait bien seule jusqu'à présent.
D'ores et déjà la France a commencé à
réorienter sa coopération militaire pour participer au
renforcement des capacités africaines de maintien de la paix à
l'intérieur du cadre multilatéral dont les contours s'esquissent.
Ainsi, dès 1998, la France consacre 50 millions de francs au maintien de
la paix.
Ces crédits bénéficieront au programme de renforcement des
capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP), contribution
française au maintien de la paix dans le cadre de l'accord de mai
dernier.
De même, les Etats-Unis ont consacré 15 millions de dollars
à la formation au maintien de la paix en 1997, de 8 bataillons dans 7
pays africains.
Trois opérations ont été ou seront conduites dans le cadre
du programme RECAMP :
- l'organisation à Dakar du 21 au 23 octobre 1997 d'une
conférence sur le renforcement des capacités africaines de
maintien de la paix suivie en février 1998 de l'exercice franco-africain
" Guidimakha " rassemblant près de 3 000 Africains et 500
Français ;
- la création en Côte d'Ivoire, près de Yamoussoukro d'un
centre de formation au maintien de la paix ;
- le prépositionnement à Dakar dès la fin de cette
année du matériel nécessaire à l'équipement
d'un bataillon africain de maintien de la paix disponible pour tous les pays
participant au programme RECAMP.