2. Les facteurs de fragilité
Le retour de la croissance repose sur des bases encore fragiles : un afflux d'aides extérieures dont le renouvellement n'apparaît guère assuré, un niveau soutenu du cours des matières premières sur des marchés par nature fluctuants...
a) Une dépendance excessive
Les économies dépendent trop exclusivement de la vente d'un nombre limité de produits primaires. Sans doute, au Sénégal ou en Côté d'Ivoire, l'exportation de produits agricoles transformés ouvre-t-elle des perspectives prometteuses. Mais, ailleurs, la diversification du tissu productif avance très lentement.
b) L'insuffisance de l'investissement
Le taux d'investissement global moyen depuis la
dévaluation représente dans la zone franc 16 % du PIB en Afrique
de l'Ouest et 20 % en Afrique centrale. Cependant le continent apparaît
sur ce point, décisif pour le développement, en net retrait par
rapport aux économies asiatiques qui ont connu un taux d'investissement
global moyen de 28 % par an sur la période 1975-1995.
L'épargne intérieure reste difficile à mobiliser,
même si, paradoxalement, elle apparaît relativement abondante.
Ainsi, selon certaines estimations, l'Afrique centrale connaît
actuellement une situation de surliquidités. En 1996 le montant des
liquidités aurait atteint 160 milliards de francs CFA dans les six
Etats-membres de la Banque des Etats d'Afrique centrale et s'investissait
à l'étranger ou dans des biens non productifs comme l'immobilier.
La fragilité des systèmes bancaires demeure encore l'une des
principales explications de cette défiance très
préjudiciable au développement des économies africaines.
L'augmentation de l'investissement passe dès lors nécessairement
par une mobilisation de l'épargne extérieure.
Or comme le rappelait en mai dernier le rapport de la Conférence des
Nations unies pour la coopération et le développement, l'Afrique
n'a attiré entre 1991 et 1995 que 2 % du total des investissements
étrangers, soit 45 milliards de dollars. Encore ces flux se sont-ils
concentrés sur un nombre réduit de pays (le Nigeria, l'Egypte et
le Maroc ont attiré la moitié des fonds) et de secteurs (les
services et le pétrole).
En 1996, d'après la Banque mondiale, les flux de capitaux nets vers les
pays en développement sont passés de 230 milliards de dollars
à 285 milliards de dollars, soit une hausse de 17,5 %. Cette
progression repose essentiellement sur l'afflux des capitaux privés -80
% des flux. L'Afrique subsaharienne apparaît en marge de ce mouvement.
L'an passé, elle n'a reçu que 12 milliards de dollars de capitaux
privés alors que, dans le même temps, un montant de quatorze
milliards de dollars s'investissait au Brésil.
L'harmonisation des règles de droit doit encore être
intensifiée. Il faut regretter à cet égard que la "charte
pour l'investissement" préparée par un groupe franco-africain
d'experts indépendants n'ait pu être adoptée lors de
réunion semestrielle de la zone franc en avril dernier. Plutôt que
de mettre en place une inspection générale des douanes et
l'établissement d'une fiscalité foncière dans les pays de
la zone, les ministres ont préféré s'en tenir à de
grands principes peu contraignants. La mise en place d'un cadre juridique
constitue pourtant une condition indispensable, il faut le
répéter, pour mobiliser les investisseurs privés
aujourd'hui souvent découragés par l'instabilité politique
et l'insuffisance de l'Etat de droit.
Aujourd'hui, l'Afrique doit s'efforcer de surmonter ces facteurs de
fragilité et en particulier l'insuffisance de l'investissement
privé pour créer les conditions d'une croissance durable.
Dans cette perspective, le soutien de la communauté internationale lui
est encore indispensable.