B. UNE CROISSANCE ENCORE FRAGILE
1. Des économies mieux orientées
a) Une croissance fortifiée
L'Afrique a renoué avec la croissance. Depuis la
dévaluation du franc CFA en janvier 1994, les pays de la zone franc, en
particulier, se distinguent par des résultats particulièrement
remarquables avec une progression de 5,5 % du produit intérieur brut en
1996 -contre 5 % en moyenne pour les pays situés hors de la zone franc.
Ainsi, pour la première fois depuis de nombreuses années, ces
pays connaissent
un taux de croissance réel supérieur au taux
d'accroissement naturel de la population et partant, une amélioration du
revenu par habitant.
En outre pour la première fois également, depuis 1990, le
continent a connu en 1996
une croissance de ses échanges
supérieure à celle du commerce mondial avec une hausse de 8,5 %
pour les exportations et de 5,5 % pour les importations.
Ces performances reposent en premier lieu sur
la hausse des revenus de la
production agricole
. Trois facteurs ont en effet joué dans un sens
favorable : les bonnes conditions climatiques, le niveau encore soutenu du
cours des matières premières, la restructuration des
filières de cultures de rente.
A titre d'exemple, le Burkina Faso, à la faveur de la campagne
1996/1997, a augmenté de plus de 30 % sa production de coton-graine et
de coton-fibre grâce à une meilleure organisation de la production
(adhésion massive des paysans aux groupements de producteurs,
amélioration du rapport qualité/prix des intrants et remise de
2,2 milliards de francs CFA d'arriérés de dettes aux groupements
villageois). Ainsi, à la faveur de la hausse des recettes globales de la
campagne, les revenus distribués aux paysans progresseront de 44,4 %
pour dépasser 35 milliards de francs CFA.
De façon plus générale, dans la plupart des pays de la
zone franc, l'augmentation des revenus ruraux a donné un nouvel
élan à la consommation des ménages.
Le retour des financements extérieurs publics
constitue l'autre
facteur, décisif, de la croissance dans les pays de la zone franc. Dans
le cadre des programmes destinés à atténuer le choc de la
dévaluation, en effet, le soutien des bailleurs de fonds internationaux
a représenté 10 % du produit intérieur brut de la zone en
1994, 8 % en 1995 et 6 % en 1997.
D'après le Fonds monétaire international, le taux de croissance
approchera 4 % en 1997. La croissance dans les Etats de la zone franc pourrait
se stabiliser légèrement au-dessus de ce niveau. Grâce au
dynamisme de l'économie ivoirienne, l'Union économique et
monétaire ouest-africaine (UEMOA) enregistrera un point de croissance de
plus que les Etats de la Communauté économique et
monétaire d'Afrique centrale (CEMAC).
Ces résultats apparaissaient d'autant plus remarquables qu'ils ont
été obtenus dans le respect des grands équilibres
financiers
b) Un assainissement de la situation économique
.
Une inflation et des déficits mieux
maîtrisés
Dans les pays de la zone franc
l'inflation
a été contenue
au-deçà de 5 % en 1996. Elle dépassait 31 % en 1994
et encore 11 % en 1995.
De même,
les déficits budgétaires
se sont
réduits de 9 à 10 % du PIB dans les années 80 à 5,6
% aujourd'hui. Ici encore, les finances publiques des pays de la zone franc se
trouvent dans une situation plus favorable avec un déficit
budgétaire inférieur à 5 % du PIB.
Hors intérêts et hors concours extérieur, la zone
connaît même un excédent budgétaire de l'ordre de 4 %
du PIB (contre un déficit de 2,8 % du PIB en 1993).
Au-delà de l'assainissement des finances publiques, plusieurs pays ont
entrepris de rénover en profondeur les cadres de l'organisation
économique. La libéralisation se poursuit à travers la
suppression des prix administrés, les privatisations, le
développement de la concurrence.
.
Une adaptation progressive des circuits financiers
L'année qui s'achève s'est caractérisée par un
effort particulier de restructuration des circuits financiers et du secteur
bancaire mais aussi par la mise en place d'une politique monétaire
fondée sur des instruments de marché, le développement des
systèmes de financement coopératifs ou d'organismes de
microcrédits. Symbole de ces changements,
une bourse des valeurs
regroupant les entreprises privées les plus notables d'Afrique de
l'Ouest verra le jour avant la fin de l'année à Abidjan. Les pays
d'Afrique centrale nourrissent également, à plus longue
échéance, un projet comparable.
Pour l'heure, la place financière d'Abidjan peut se prévaloir
d'un véritable succès : depuis le 1er janvier 1994, l'indice
boursier a progressé de 363 % et la capitalisation boursière de
404 % pour atteindre 615 milliards de francs CFA
5(
*
)
. Une trentaine de
sociétés y sont cotées dont la plupart ont
été récemment privatisées. La réussite de la
bourse d'Abidjan reflète l'amélioration de la situation
économique de la Côte d'Ivoire et peut avoir un véritable
effet d'entraînement sur les pays voisins.
. la mise en place de dynamiques régionales
Des pôles régionaux de développement autour de la
Côte d'Ivoire mais aussi, à une échelle plus vaste encore,
autour de l'Afrique du Sud paraissent aujourd'hui en voie de se constituer. Ces
pays connaissent, en effet, des évolutions prometteuses : une
économie déjà diversifiée ou encore un taux
d'utilisation de l'appareil productif encore très élevé
(plus de 90 %). L'intégration régionale a progressé dans
le cadre des organisations comme l'UEMOA, la CEMAC et la communauté de
développement de l'Afrique australe (SADC).
L'UEMOA et la CEMAC se sont efforcées de renforcer la cohérence
de leurs zones respectives. Ainsi, l'harmonisation des réglementations
et l'exercice des contrôles au niveau régional ont fortement
contribué à l'assainissement du système bancaire. Par
ailleurs, les politiques communes en matière d'assurance ont conduit
à l'émergence d'un véritable
marché
régional de l'assurance
. Les caisses de prévoyance sociale
sont également soumises à des contrôles régionaux et
disposeront à partir du ler janvier 1998 d'un plan comptable commun.
Enfin, les Etats ont adopté les premiers textes communs en
matière de
droit des affaires.
Toutes ces initiatives s'inscrivent naturellement dans la durée.
Toutefois elles constituent un
jalon essentiel du retour à la
confiance, indispensable pour renforcer l'intérêt des
investisseurs privés pour l'Afrique.
L'insuffisance de l'investissement privé apparaît en effet
aujourd'hui encore comme l'une des principales faiblesses des économies
africaines.