IV. LES INDUSTRIES DE PROGRAMME FACE AU NOUVEAU DÉFI AMÉRICAIN
L'arrivée des technologies numériques va donner
- paradoxalement - plus d'importance au
contenu
qu'au
contenan
t. Elle impose, dès aujourd'hui, une révision des
procédures de soutien à la production audiovisuelle et de leur
mode de financement.
Le système du COSIP, combiné aux quotas de production, a certes
favorisé l'apparition d'une industrie française des programmes.
Mais ce succès non négligeable pourrait n'être que de
courte durée. La diffusion par satellite change les règles du
jeu. Les quotas, certes indispensables, ont permis de protéger la
production française sur son marché domestique, mais non
d'affronter dans les meilleures conditions la concurrence internationale sur
les marchés extérieurs. Marginalisée sur ces
marchés, la production nationale finira par l'être en France
même.
La situation est d'autant plus préoccupante que, telle la
ligne Maginot, les quotas suscitent un sentiment de fausse
sécurité.
Ce type de protection a vocation à
être contourné, si l'on se contente d'une politique
essentiellement défensive, aboutissant à entretenir l'illusion
sur l'importance de l'industrie française de programmes.
Il faut, comme y sont parvenus les Canadiens, donner à notre
politique un caractère offensif. Exporter ou dépérir, tel
est le dilemme. L'objectif est alors d'inciter producteurs et diffuseurs
à ne pas se contenter de produits hexagonaux et à concevoir des
produits exportables. Symétriquement, il convient de se donner les
moyens financiers de cette politique dans un contexte commercial
particulièrement agressif.
A. LES INSUFFISANCES DU SOUTIEN AUX INDUSTRIES DE PROGRAMME
Le Canada nous a montré la voie. En une quinzaine d'années, ce pays est parvenu à se constituer à l'ombre de son puissant voisin une industrie audiovisuelle parmi les plus importantes du monde. Il n'y a pas de raison que la France n'y parvienne pas également. Encore faut-il que nos procédures de soutien prennent en compte cet impératif extérieur. De ce point de vue, le système français est largement insuffisant.
1. Le COSIP
Les deux principales aides accordées au titre du Compte
de soutien à l'Industrie des Programmes sont les subventions dites de
réinvestissement" (ou
"aides automatiques"
) et les
subventions
dites "d'investissement" (ou
"aides sélectives"
).
Les subventions de réinvestissement concernent les producteurs ayant
déjà produit et diffusé des oeuvres audiovisuelles sur les
réseaux français de télévision. La diffusion
télévisuelle d'oeuvres audiovisuelles leur permet en effet
d'obtenir, sous certaines conditions, l'ouverture d'un "compte
automatique"
mobilisable sous forme de "subventions de réinvestissement", afin de
financer la préparation ou la production de nouvelles oeuvres
audiovisuelles.
Les subventions d'investissement attribuées de façon
sélective par une commission, concernent les sociétés de
production n'ayant pas de compte automatique, soit parce qu'elles sont encore
jeunes, soit parce que leur volume d'activité de production
audiovisuelle est trop faible pour générer un compte automatique
au COSIP.
On peut rappeler que les sommes attribuées à la section
audiovisuelle
48(
*
)
(62% du
produit total, avec divers reports), se sont montées en 1995 à
948,85 millions de francs, répartis en 134 millions de francs
au titre du soutien sélectif, 670,85 millions de francs au titre du
soutien automatique, 140 millions de francs au titre des avances sur
droits et 4 millions de francs pour le fonds de garantie du pool bancaire
géré par l'IFCIC.
Il faut rappeler ici que pour presque 90 % de son montant, le Compte de
soutien est réinvesti automatiquement à l'initiative des
producteurs, ce qui signifie que les investissements ne sont nullement le
reflet d'une politique volontariste.
a) Le financement de l'audiovisuel en 1996
En 1996, les oeuvres aidées par le Compte de soutien
à l'industrie des programmes audiovisuels (COSIP) ont
représenté 1 604 heures de programmes. Il a accordé
856 millions de francs d'aides pour des devis d'un montant total de
5,7 milliards de francs.
Les diffuseurs ont apporté 2,8 milliards de francs ; ils financent
davantage les oeuvres de fiction et les documentaires. Les apports de
l'étranger sont de 812 millions de francs, qu'il s'agisse de
coproductions ou de préventes.
La production annuelle par genre de progrès se présente comme
suit :
·
La production de fiction en hausse
Le volume horaire de fiction progresse de 14 %. Ces oeuvres restent le
genre prédominant dans les commandes des chaînes : elles
représentent près de 40 % en durée et 56 % en
devis (présentés au COSIP).
69 % des apports des diffuseurs et 57 % des subventions du COSIP
s'orientent vers les oeuvres de fiction.
Depuis le début des
années quatre-vingt-dix, la fiction télévisée
française connaît un succès croissant en terme d'audience.
Depuis trois ans, les fictions devancent les longs métrages en terme
d'audience : en 1996, séries et feuilletons occupent 23 des 50
premières places.
Développement des séries légères
Les séries légères se développent fortement. De ce
fait, le coût horaire moyen des oeuvres de fiction diminue de 20 %
passant de 4 millions à 3,2 millions de l'heure. Le montant total des
devis baisse également, mais dans des proportions moindres
(- 9 %).
Comme en 1995, les épisodes de séries, ou feuilletons se
développent davantage que les téléfilms unitaires. Les
héros récurrents sont toujours à l'honneur ("Julie
Lescaut", "L'instit", "Da Costa",...). D'autres voient
le jour :
"Commandant Nerval", "Une femme d'honneur",...
Les oeuvres coûteuses ne constituent plus l'essentiel de la production.
Près de la moitié des heures produites ont désormais un
coût compris entre 1,2 million et deux millions.
Des oeuvres bien financées par les diffuseurs
Les diffuseurs apportent 60 % du montant total des devis. La part des apports
producteurs dans les devis continue de baisser : 15 % contre
19 % en 1995. C'est une conséquence directe de la réforme du
COSIP, puisque l'apport minimal du producteur imposé par la
réglementation n'est plus fixé à 15 % mais à
5 % du montant du devis.
Les apports étrangers en coproductions ou pré-achats restent
faibles avec 9 % du montant des devis. On note que les oeuvres
commandées par M6 et Canal + ont un niveau de financement
étranger plus important que la moyenne.
Le COSIP intervient pour environ 15 % dans le financement des devis.
·
Le documentaire : premier genre en volume de
production
1 195 heures de documentaires ont été aidées en 1996,
pour des devis d'un montant total de 1 258 millions de francs. Les
commandes progressent fortement : + 27 % en volume horaire,
+ 15 % en volume horaire. Cette croissance est toutefois plus faible
qu'en 1995, alors que la création de la Cinquième avait fortement
stimulé les commandes de documentaires.
Les diffuseurs participent à la production de documentaires, en
apportant 43 % des financements. Cette proportion est comparable à
celle de l'an dernier.
L'État (y compris le COSIP), ainsi que les collectivités locales,
participent largement au financement des documentaires. Ils apportent 27 %
du montant des devis. Le financement du COSIP est en hausse. Il
représente 17 % du total des devis, contre 15,6 % en 1995.
France 3, La Cinquième et ARTE sont les trois principaux investisseurs
dans le secteur du documentaire.
France 3 reste l'investisseur le plus important, mais son poids est en baisse
par rapport à 1995. Cette chaîne réalise en effet 22 %
des apports des diffuseurs dans le documentaire, contre un tiers l'année
précédente. France 3 a investi 117 millions pour 189 heures
commandées. Si l'on ajoute les apports des stations régionales,
l'investissement de France 3 représente 141 millions de francs, soit
26 % du total des apports diffuseurs.
La Cinquième a multiplié par 2,5 ses commandes qui
représentent 333 heures de programmes pour un investissement de 115
millions de francs.
Avec 106 millions d'investissements, ARTE représente le cinquième
des apports des diffuseurs et 14% des commandes.
Canal + augmente légèrement ses apports dans la production
de documentaires : les investissements atteignent 56 millions, soit
11 % des apports des diffuseurs. Les investissements de TF1 et France 2
sont faibles : TF1 a investi 17,8 millions de francs pour 40 heures de
programmes, et France 2, 41 millions pour 77 heures.
·
L'animation : un secteur en pleine expansion
295 heures d'animation ont été produites en 1996, pour le devis
d'un montant total de 1,1 milliard de francs, soit 2,5 fois qu'en 1995.
L'animation représente un peu plus du dixième de la production
aidée.
Cette forte progression s'explique par l'augmentation des commandes des
chaînes, par l'arrivée dans le secteur de nouveaux groupes
(Carrère Films, Marathon productions...), et par une tendance à
l'accroissement de la durée des séries en 1996.
L'animation est le genre qui attire le plus les SOFICA, avec un apport de
19,4 millions de francs qui représente 70 % des montants investis
dans l'audiovisuel.
La production d'animation est également le genre le plus tourné
vers l'international. Les apports étrangers en coproduction et
préventes représentent 40 % des devis, alors qu'ils sont de
9 % pour la fiction, et 6 % pour le documentaire.
France 3 est le principal soutien de la production d'animation
. Cette
chaîne réalise plus du tiers des investissements des diffuseurs
dans ce secteur. En deuxième position, TF1 avec 20 % des apports
des diffuseurs. Canal + est le premier diffuseur en termes de volume
commandé, avec 87 heures, associé à d'autres
diffuseurs, pour un investissement de 30 millions.
Canal J est la seule chaîne thématique commandant des oeuvres
d'animation. Elle maintient sa position avec un peu plus de 3 % des
apports des diffuseurs pour 31 heures de programmes, soit 10,5 % des
heures commandées.
b) Les prévisions d'exécution en 1997
Ce budget, tel qu'il résulte de la Loi de Finances pour
1997, est retracé dans le tableau ci-dessous en recettes et
dépenses pour ce qui est des prévisions initiales et en
réalisation de recettes arrêtées à la date du
30 juin.
·
Les recettes
Cinéma
1/ Le rendement de la taxe spéciale sur le prix des billets, soit
502 millions de francs, a été estimé sur la base
d'une fréquentation espérée de 132 millions de spectateurs.
La réalisation des recettes au 30 juin 1997, 269,504 millions
de francs, est supérieure de 8,35 % aux recettes enregistrées le
30 juin 1996 : 248,726 millions de francs. Si la tendance
se confirme, le nombre de spectateurs pourrait atteindre 140 millions
d'ici la fin de l'année, soit 10 millions de plus que prévu,
ce qui devrait avoir pour conséquence une plus-value de recettes.
2/ La clef de répartition de la taxe et du prélèvement
entre les deux sections cinéma et audiovisuel est identique à
celle de l'année précédente (38 % pour le
cinéma, 62 % pour l'audiovisuel).
Au 30 juin 1997, les recettes correspondant à la taxe et au
prélèvement s'élèvent à
306,983 millions de francs. L'objectif de 644,100 millions de francs
fixé par la loi de finances initiale pour 1997 ne sera probablement pas
atteint et l'on devrait constater sur cette ligne une moins-value de recettes.
3/ L'assujettissement de la vidéo au compte de soutien.
Le calcul a été fait sur la base des prévisions 1996
majorées de 12,5 %. La recette espérée est de
90 millions de francs. Cette recette est affectée pour 85 % au
cinéma et 15 % à l'audiovisuel.
4/ Le remboursement d'avances sur recettes.
Un nouveau mécanisme, prévoyant la réaffectation des
recettes réellement constatées à la ligne lors de
l'arrêté de report de fin d'exercice, sera mis en oeuvre à
partir de la gestion 1996. Seuls sont constatés sur cette ligne les
remboursements d'avances sur recettes antérieurs à 1996. A partir
du ler janvier 1996, les remboursements d'avances sont directement
réaffectés sur la ligne avances sur recettes et viennent en
complément de la dotation.
Audiovisuel
Pour la deuxième section, au 30 juin 1997, la remontée de
recettes s'élève à 500,866 millions de francs contre
505,419 millions de francs en 1996 à la même date. L'objectif
visé en loi de finances initiale, soit 1 050,900 millions de
francs, ne sera probablement pas atteint et l'on devrait constater sur cette
ligne une moins-value de recettes.
·
Les dépenses
S'agissant des dépenses, outre la reprise des éléments
retracés dans l'arrêté de report de 1996, les
crédits inscrits dans la colonne " crédits engagés et
ordonnancés " retracent le montant cumulé, par chapitre, des
tirages exercés sur le compte de soutien par le CNC pour la couverture
financière des différents mécanismes que gère
l'établissement dans les domaines cinématographique et
audiovisuel. A la date du 30 juin 1997, deux tirages ont été
exercés et trois autres sont prévus d'ici à la
clôture de l'exercice. Le montant de chaque tirage dépend d'une
part des besoins de l'établissement pour couvrir les engagements de
dépenses sur les différents chapitres, et d'autre part du niveau
de la trésorerie du compte de soutien (crédits non
mobilisés l'année précédente de l'année en
cours), les versements ne pouvant en aucun cas l'excéder.
COSIP : recettes 1996 et prévisions 1997
|
Prévision initiale |
Réalisation |
Loi de Finances 1997 |
Réalisation au 30/6/1997 |
A - Soutien de l'industrie cinématographique |
|
|
|
|
1- taxe spéciale cinéma |
502 000 000 |
504 283 155 |
502 000 000 |
269 503 957 |
2- remboursement des prêts |
- |
- |
- |
- |
3- remboursement des avances sur recettes |
|
|
|
|
4- prélèvement spécial sur les bénéfices des films pornographiques |
200 000 |
481 712 |
200 000 |
144 072 |
5- taxe spéciale sur les films pornographiques produits hors de France |
|
|
|
- |
6- contribution des sociétés de programmes |
|
|
|
|
7- taxe et prélèvement sur les recettes des sociétés de télévision |
586 800 000 |
586 844 320 |
644 100 000 |
306 982 810 |
8- taxe sur les vidéogrammes |
68 000 000 |
67 670 603 |
76 500 000 |
40 444 354 |
9- recettes diverses ou accidentelles |
1 500 000 |
15 310 867 |
5 000 000 |
5 038 817 |
99- contribution au budget général |
9 880 000 |
9 880 000 |
0 |
0 |
Total |
1 168 380 00 |
1 184 470 657 |
|
|
B- soutien de l'industrie de programmes audiovisuels |
|
|
|
|
10- contribution du budget général |
16 120 000 |
16 120 000 |
0 |
0 |
11- taxe et prélèvement sur les recettes des sociétés de télévision |
958 730 000 |
957 319 680 |
1 050 900 000 |
500 866 690 |
12- taxe sur les vidéogrammes |
12 000 000 |
11 941 871 |
13 500 000 |
7 137 239 |
13- remboursement des avances |
0 |
0 |
- |
- |
14- recettes diverses ou accidentelles |
- |
- |
0 |
0 |
Total |
986 850 000 |
985 381 551 |
|
|
TOTAL |
2 155 230 000 |
2 169 852 208 |
2 292 200 000 |
1 134 456 118 |
Dépenses 1996 et exécution 1997
|
LFI 1996 |
Reports 1995 sur 1996 |
Total des crédits dispon. |
Dépens. 1996 engagées et ordonnancées |
crédits non utilisées |
Loi de finances 1997 |
reports 1996 sur 1997 (J.O. du 12/7/1997) |
Total crédits engagés au 30/6/1997 |
A- Soutien financier de l'industrie cinématographique |
|
|
|
|
|
|
|
|
Art.10- subventions et garanties de recettes |
243 180 00 |
0 |
243 180 00 |
243 180 000 |
0 |
246 020 00 |
- |
100 000 000 |
art. 20 - soutien sélectif à la production : avances sur recettes |
124 000 000 |
0 |
124 000 000 |
124 000 000 |
124 000 000 |
- 145 000 000 |
- |
50 000 000 |
Art. 30 - subventions et garanties de prêts à la production de films de long métrage |
452 700 000 |
172 347 267 |
625 047 267 |
298 370 000 |
326 677 267 |
165 220 000 |
510 767 924 |
80 000 000 |
Art. 40 - subventions et garanties de prêts à l'exploitation cinématographique |
303 000 000 |
205 950 000 |
508 950 000 |
188 950 000 |
320 000 000 |
315 060 000 |
150 000 000 |
140 000 000 |
Art. 50 - frais de gestion |
45 500 000 |
0 |
45 500 000 |
45 500 000 |
0 |
56 500 000 |
2 000 000 |
0 |
Art. 60 restitutions de sommes indûment perçues |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
- |
- |
- |
Total chapitre 10 - section cinéma |
1 168 380 000 |
378 297 267 |
1 546 677 267 |
90 000 000 |
646 677 267 |
1 227 800 000 |
662 767 324 |
370 000 000 |
B - Soutien financier de l'industrie des programmes audiovisuels |
|
|
|
|
|
|
|
|
Art. 70- soutien à la production des programmes audiovisuels |
948 850 000 |
70 453 637 |
1 019 303 637 |
730 000 000 |
299 303 637 |
1 015 400 000 |
287 835 188 |
330 000 000 |
Art. 80 - frais de gestion |
38 000 000 |
2 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
0 |
49 000 000 |
0 |
0 |
Art. 90 - restitutions de sommes indûment perçues |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
- |
- |
- |
Total chapitre 11 - section audiovisuel |
986 850 000 |
72 453 637 |
1 059 303 637 |
770 000 000 |
289 303 637 |
1 064 400 000 |
287 835 188 |
330 000 000 |
Totaux |
2 155 230 000 |
450 750 904 |
2 605 980 904 |
1 670 000 000 |
935 980 904 |
2 292 200 000 |
950 603 112 |
700 000 000 |
2. Les efforts de promotion commerciale
Tout récemment les administrations intéressées, le Ministère des Affaires Etrangères, le CNC, le CFCE et les PEE à l'étranger, d'une part, les professionnels, d'autre part, se sont mobilisés pour mettre en place des structures et des actions appropriées.
a) La mobilisation du réseau des attachés audiovisuels
Les quarante attachés audiovisuels ou faisant office
d'attachés audiovisuels, répartis dans les principaux pays,
parfois avec une compétence régionale (Rio, Hong Kong, Amman)
sont un
relais essentiel pour les opérateurs privés (radios,
télévisions, exportateurs de programmes, distributeurs de films,
...) qui n'auraient pas les moyens de financer ainsi un réseau permanent
de correspondants à l'étranger
.
Le recueil systématique des informations susceptibles de les
intéresser, l'identification des partenaires étrangers les plus
adaptés à leurs besoins, le soutien et la mobilisation des
ambassadeurs à leur profit sont autant d'atouts pour nos partenaires
privés, malheureusement souvent encore trop peu nombreux à
s'intéresser à l'international.
b) Le soutien à des organismes professionnels relais des opérateurs privés
Le Ministère des Affaires étrangères
travaille en étroite liaison avec Unifrance Film et TVFI.
Il apporte son soutien à Unifrance Film International dans les pays qui
représentent ou pourraient représenter un marché
commercial pour le cinéma français.
Dans tous les pays où le marché est peu ou pas
développé, dès lors qu'Unifrance Film n'intervient pas, le
Ministère des Affaires étrangères peut mettre en oeuvre
une politique en faveur de l'exportation.
En 1994, la création de
TV France International
, association
regroupant la quasi-totalité des producteurs et distributeurs
français disposant d'un potentiel de ventes à l'étranger,
ainsi que les diffuseurs publics et privés, a constitué un
progrès déterminant.
C'est en étroite liaison avec le réseau des attachés
audiovisuels que TVFI mène une politique active de présence sur
les principaux marchés internationaux, en fédérant ou en
facilitant la représentation des professionnels français :
MIP Asie à Hongkong, NATPE à la Nouvelle Orléans, Discop
East à Budapest, CAPER à Buenos Aires, et après avoir
réalisé avec succès en 1996 un premier voyage
d'entreprises en Asie permettant à une quinzaine de ses membres de
prendre contact directement avec des acheteurs, dans trois pays de la
région, renouvelle l'expérience en 1997 en Amérique Latine
et la poursuit en Asie.
TVFI a mis en place une banque de données sur la production
française disponible sur Internet et sur CD-ROM qui permet de mieux
faire connaître les oeuvres proposées à la vente.
TVFI a, suivant en cela les recommandations du CAEF, cherché à
établir avec CFI une collaboration en matière de
commercialisation de programmes.
Le développement des exportations de programmes audiovisuels et leur
importance économique croissante a mis en évidence
la
nécessité de revoir la politique de diffusion culturelle
gratuite.
Une réflexion, menée conjointement avec l'ensemble des
professionnels, a abouti à la définition de règles
répartissant les tâches de manière à favoriser
l'ouverture de marchés tout en maintenant et poursuivant la
présence de nos programmes là où le contexte ne permet pas
encore d'envisager leur commercialisation.
B. LE SOUTIEN AUX EXPORTATIONS AUDIOVISUELLES, UNE CHANCE POUR NOTRE ÉCONOMIE ET UNE QUESTION DE SURVIE CULTURELLE
La
mondialisation économique
en cours est
également une
américanisation culturelle.
Le
phénomène ne date pas d'aujourd'hui. Il y a presque 20 ans
(c'était dans le rapport d'une Commission d'enquête), le
Sénat soulignait que les séries américaines
représentaient la moitié des émissions de fiction des
chaînes françaises. Avec l'avènement de la technologie
numérique, le flot va prendre une nouvelle ampleur : les vagues
d'images et de sons, que les satellites commencent à déverser,
vont mettre à l'heure américaine nos modes de consommation et,
bientôt, nos modes d'expression.
Sans verser dans un anti-américanisme de mauvais aloi, il existe
là un risque mortel pour notre pays, car,
si on se relève
d'une défaite diplomatique ou militaire, on ne se relève jamais
d'une défaite culturelle.
L'histoire des civilisations est là
pour nous le rappeler.
Si on laissait faire, la langue française pourrait bien devenir,
à l'échelle du globe, non cette grande langue régionale
qu'appelle de ses voeux B. Boutros-Ghali, mais une langue quasi morte, tandis
que nos valeurs humanistes se dilueraient dans une civilisation de "
l'entertainment ".
Bref, ce pourrait bien être
la fin de notre civilisation universelle
qui porte la marque de la France.
Elle laisserait alors la place à
cette
monoculture
teintée d'hédonisme, qui
prédomine de l'autre côté de l'Atlantique.
Mais l'enjeu n'est pas seulement culturel, il est également
économique.
1. Le constat : l'hégémonie américaine
Dans le secteur de la communication, la suprématie
américaine se transforme sous nos yeux en hégémonie.
Le marché mondial est dominé par des grands groupes, dont se
dégagent MM. Gates, Turner et Murdoch, certes concurrents, mais qui,
s'avançant masqués derrière les idées de
liberté et d'innovation, sont solidaires, dès qu'il s'agit
d'étendre l'emprise du complexe médiatico-financier sur le monde,
désormais intégré, de la communication.
Car, ce qui compte aujourd'hui, c'est la maîtrise des contenus, pour
lesquels les différents opérateurs se livrent une concurrence
acharnée.
Derrière les écrans, il y a flux financiers et, en
définitive, des emplois : le secteur de l'audiovisuel
(cinéma et télévision) représente, en France, plus
de 70 000 personnes travaillant dans 6 000 entreprises, et plus de
80 milliards de francs de chiffre d'affaires.
En France, les produits américains continuent de dominer les
marchés des produits audiovisuels.
La France, si l'on compare sa situation à celle des autres pays
européens, ferait plutôt de la résistance et certaines
données sont souvent interprétées de façon
favorable. Pour le cinéma, la part de marché - en termes de
nombres d'entrées - des films américains est passée, en
quinze ans, de 31 à 54 %, tandis que celle des films
français baissait de 50 à 37,5 %.
La domination américaine est également très nette
sur le petit écran, même si la tendance semble à
l'amélioration. En 1992, plus de 55 % des oeuvres de fiction
télévisuelles diffusées sur les chaînes nationales
étaient d'origine américaine. Toutefois, en 1996, cette
proportion a baissé pour atteindre néanmoins 46,5 %.
Mais, pour votre rapporteur, cette présentation n'est pas
convaincante. C'est faire preuve d'un esprit de résignation
inquiétant si l'on considère que notre pays se défend bien
quand plus de la moitié des images qu'il consomme provient
d'outre-Atlantique.
Les statistiques - même insuffisamment précises en ce qui concerne
les importations - sont là pour nous rappeler à la
réalité.
D'une part, les résultats de notre commerce extérieur sont
toujours aussi médiocres, malgré de premiers efforts en direction
des marchés étrangers. Il suffit de remarquer que les quelque 490
millions de francs de programmes que nous avons réussi à exporter
en 1996 dans le monde entier, ne représentent que la centième
partie de ce que les Américains ont vendu, la même année,
à la seule Europe comme produits audiovisuels.
2. Pour un fonds de soutien aux exportations audiovisuelles
L'amélioration des
performances accomplies par
les productions françaises sur le marché national et même
l'amorce d'une certaine reconquête du marché intérieur,
tiennent pour une très large part aux régimes des quotas
d'oeuvres nationales et européennes, que l'on a pu imposer au nom d'une
" exception culturelle ",
qui
ne sera pas
forcément
durable.
De plus, dans un espace vraiment sans frontières, on a tout lieu de
craindre que
les contraintes qui pèsent sur nos diffuseurs nationaux,
ne les handicapent dans la compétition internationale
, tandis que la
fragile sécurité résultant des quotas conduit à
perpétuer une production franco-française difficilement
exportable.
La seule solution durable consisterait à favoriser le
développement d'une industrie française de programmes
audiovisuels exportables
.
La France peut y parvenir, si elle en a la volonté et si elle s'en donne
les moyens opérationnels et financiers.
Tel est l'objet de la série d'amendements que votre rapporteur a
déposés
.
a) Une démarche volontariste orientée vers le marché mondial
Du constat initial, découlent
deux
objectifs
:
·
Réduire notre dépendance dans les domaines de
l'animation, des documentaires et de la fiction ;
· Produire des émissions exportables, c'est-à-dire
conçues, dès l'origine, pour répondre à la demande
étrangère.
Mais la compétitivité ne se décrète pas. Le
rôle de l'État, c'est de préparer, d'organiser l'adaptation
au marché. Et c'est bien la leçon que l'on peut tirer des
expériences réussies, qui peuvent servir de
référence.
L'exemple canadien
est là pour montrer qu'il est possible non
seulement de reconquérir son marché intérieur, mais de
partir à la conquête des marchés extérieurs. En
moins de quinze ans, le Canada est devenu le deuxième exportateur de
programmes audiovisuels grâce à une politique intelligente de
quotas et de " contenu canadien ". Dans ce pays, le volet défensif a
été complété par un système
diversifié d'aides à la production. Celui-ci est
géré par un organisme d'État, responsable de huit fonds
d'intervention spécifiques, dont l'objectif est le développement
d'entreprises prospères, travaillant pour le marché. Le
marché international, bien évidemment.
Le modèle agricole français
démontre
également qu'il est possible à partir d'une volonté
politique, de structures efficaces et de moyens financiers, mais aussi
grâce à une adaptation des mentalités de transformer un
secteur marqué par une longue tradition d'autosuffisance, en un champion
de l'exportation. Il s'agit d'opérer pour les industries
françaises de programmes audiovisuels une révolution du
même ordre que celle qu'a su accomplir l'agriculture française des
années 60 : cesser de produire essentiellement pour le
marché domestique ; créer les structures financières et
commerciales aptes à accompagner un vaste effort d'exportation.
b) Le dispositif proposé
·
Une structure d'intervention souple
Le principe est de privilégier, au niveau de la distribution des aides,
les projets présentant
un fort potentiel à l`exportation.
Il faut donc que les producteurs français se tournent vers le
marché, qui, aujourd'hui, est mondial.
Pour les inciter à le faire, il faudrait mettre en place de nouvelles
interventions qui, sans s'accompagner de la création d'un organisme
nouveau, pourraient venir
s'appuyer sur les dispositifs existants
- et
en particulier le Compte de soutien aux industries de programmes (COSIP)
pour les compléter dans un sens favorable à l'exportation.
Les
mécanismes de financement,
gérés par le " fonds
" ainsi créé, pourraient prendre trois formes :
- des prêts à conditions favorables, sous la forme
d'avances remboursables ;
- des taux de garanties incitatifs pour les anticipations de recettes
à l'exportation ;
- des préfinancements pour les actions ayant pour but la
prospection des marchés étrangers.
Tous ces financements seraient accordés par l'intermédiaire des
organismes responsables des procédures existantes, CNC, IFCIC et Coface,
qui devraient être associés à la mise au point de ces
nouvelles aides.
·
Des moyens financiers
Les ressources initiales du " fonds " seraient de
250 millions
de francs.
Elles auraient essentiellement deux origines :
· le produit de
l'extension aux abonnements aux chaînes du
câble et du satellite de la taxe perçue au bénéfice
du COSIP.
Cette mesure, qui devrait rapporter environ
100 millions de
francs,
aurait en outre l'avantage d'égaliser les conditions de
concurrence entre les chaînes quel que soit leur mode de diffusion ;
· la dotation pourrait être alimentée par une autre
voie, en l'occurrence une fraction - 0,5% - du produit des mises sur les jeux
de la Française des jeux, soit une somme de
150 millions de francs,
une telle idée avait d'ailleurs été
évoquée dans le rapport remis par M. Jacques Rigaud au Ministre
de la Culture, intitulé " Pour une refondation de la politique
culturelle ".
Le fonds qu'il est proposé de créer ne fera pas double emploi
avec celui, qui se trouve à l'étude à Bruxelles, pour le
cinéma et la télévision. Madame la Ministre de la Culture
et de la Communication insiste pour en obtenir la création rapide. Mais,
avec 200 millions de francs de dotation seulement et un mode de gestion que
l'on devine très traditionnel, cet instrument, qui ne doit faire que des
opérations de garantie, ne semble pas à la mesure de la situation.
Pour l'Europe et pour la France en particulier, il est indispensable de
construire une véritable industrie de programmes audiovisuels. Si
celle-ci ne se tourne pas vers la demande étrangère, elle sera
isolée et, tôt ou tard, marginalisée.
Il y a urgence. Il faut réagir en se donnant les moyens d'intervenir
massivement en faveur de programmes exportables. A défaut d'une action
d'envergure, non seulement la culture française risquerait de ne pas
survivre, mais les efforts financiers déjà accomplis l'auraient
été en pure perte.
Ce que les Canadiens ont réussi à faire en moins de 15 ans, ce
à quoi les agriculteurs français sont parvenus en à peine
une vingtaine d'années, ce que les Brésiliens s'apprêtent
à entreprendre, pourquoi la France n'en serait-elle pas capable ?
CONCLUSION : l'enjeu, c'est l'identité culturelle de la France
La France fait un effort, sans doute sans équivalent dans le monde, pour
la défense et la promotion de sa langue et de sa culture. Mais, en
dépit des actions engagées à tous les niveaux par les
pouvoirs publics, en dépit des succès obtenus - comme celui
de la reconnaissance de " l'exception culturelle " -,
ce combat
n'est jamais terminé.
La presse et l'audiovisuel sont un élément clé de notre
identité culturelle. Mais les batailles ne se gagnent pas à coups
de règlements, ni même de crédits budgétaires.
Face à la déferlante américaine, le maintien de notre
culture suppose la mobilisation de tous
.
Les aides à la presse, les quotas de production nationale, qu'ils
concernent les fictions présentées à la
télévision ou la chanson sur les radios ne suffiront pas à
protéger notre culture. Tout est devenu produit de grande consommation.
Et dans le grand marché mondial, le consommateur est roi. S'il ne lit,
n'entend et ne voit pas la différence, bref, s'il ne perçoit pas
de différence entre ce qui est produit chez lui et ce qui est
importé, l'issue du combat ne fait guère de doute. La culture
française ne résistera pas indéfiniment.
" A nous de faire préférer la culture
française "
pourrait-on dire en plagiant la formule sans
complexe d'une récente campagne de publicité. Ce qui est vrai
à l'échelle du monde, l'est tout autant à celle de la
France elle-même. Car cette action, il faut d'abord la mener à
l'intérieur de nos frontières, auprès des jeunes.
C'est dès l'école que tout se joue et que peut se créer
cette citoyenneté culturelle
sans laquelle la France n'a aucune
chance de préserver son identité et, par voie de
conséquence, ses industries culturelles.
A l'école de donner les moyens et le goût de communiquer.
Maîtrise des outils intellectuels, d'abord ; initiation aux
techniques modernes de communication, ensuite, sans oublier comme le fait
remarquer Dominique Wolton dans son livre " Penser la
communication "
que le " meilleur moyen de préparer au monde multimédia de
demain ne consiste pas à suréquiper les établissements
scolaires de téléviseurs, consoles et claviers interactifs, mais
plutôt à valoriser ce qui concerne la communication
directe
49(
*
)
".
Les médias et les industries culturelles ont besoin d'une culture
française vivante ; mais réciproquement, ils sont à
la fois le miroir et un lieu d'échange essentiel, où chacun
trouve des occasions d'enrichissement personnel et d'échange avec les
autres, le moyen de construire son identité, tout en faisant
l'expérience de la diversité, garantissant ainsi vitalité
à notre culture et cohésion à la société
française.
" Seule la télévision généraliste est apte,
dit Dominique Wolton, à offrir à la fois cette
égalité d'accès, fondement du modèle
démocratique, et cette palette de programme qui peut refléter
l'hétérogénéité sociale et culturelle. La
grille des programmes permet de retrouver les éléments
indispensables à " l'être ensemble "... La force de la
télévision généraliste est là : mettre
sur un pied d'égalité tous les programmes et ne pas dire ceux qui
sont destinés à tel ou tel public. Elle oblige chacun à
reconnaître l'existence de l'autre, processus indispensable dans les
sociétés contemporaines confrontées aux
multiculturalismes
"
50(
*
)
.
A nous de faire que les produits importés d'outre-Atlantique ne
constituent pas le commun dénominateur culturel qui ferait le
" lien social " des Français du XXIe siècle !