II. DOUBLE MENACE SUR LE PRÊT À TAUX ZÉRO ET LE 1 % LOGEMENT
Le prêt à taux zéro subit actuellement une double menace : celle du risque de solvabilité des ménages emprunteurs, l'apparition de sinistres pouvant remettre en cause la pertinence même de la réforme ; celle, plus immédiate, d'une impasse de son financement, qui touche également la participation des employeurs à l'effort de construction.
A. L'ABSENCE D'UN DISPOSITIF DE SÉCURISATION
Votre rapporteur spécial a rappelé à
plusieurs reprises qu'il considérait que le dispositif de
sécurisation de l'accession à la propriété
annoncé fin 1995 en même temps que le prêt à taux
zéro était un élément de la réforme de
l'accession d'importance égale à celle du prêt
lui-même. Il s'était inquiété de la mise en place de
ce dispositif auprès de l'ancien ministre délégué.
A cet égard, votre rapporteur fait siennes les propositions
exprimées récemment par nos collègues Paul Loridant et
Jean-Jacques Hyest
3(
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)
,
particulièrement sur la mise en place d'un dispositif de
prévention des sinistres de l'accession sociale, et sur l'extension du
prêt à taux zéro au logement ancien qui, en
atténuant le phénomène de "décote" des biens acquis
à l'aide de prêts sociaux, participe du même objectif.
Nos collègues écrivent ainsi, au sujet de la mise en place d'un
système de sécurisation :
"La réforme de l'accession sociale à la
propriété mise en place par Pierre-André Périssol
comprenait initialement un volet de sécurisation, que l'ancien ministre
considérait comme l'indispensable complément de la mise en place
du prêt à taux zéro. Il envisageait de faire financer ce
projet par la participation des employeurs à l'effort de construction,
mais le recours massif à cette dernière pour financer le PTZ
lui-même (1 milliard de francs en 1995 et 1996, 7 milliards de
francs en 1997 et 1998) l'a empêché de mener ce projet à
son terme.
Or, l'absence de ce deuxième pilier prive l'accession sociale d'un filet
de sécurité absolument indispensable, des ménages
extrêmement modestes ayant commencé à accéder
à la propriété à partir de fin 1995, avec des
durées de remboursement très longues (jusqu'à 21 ans).
Comment penser qu'aucune difficulté ne touchera ces ménages,
accédant aujourd'hui à la propriété par dizaines de
milliers ?
Il est donc urgent de mettre en place un système de
sécurisation, financé par l'Etat, et qui pourrait s'appuyer sur
les entreprises d'assurance et les organismes d'HLM.
Plusieurs pistes peuvent être explorées.
Il s'agit tout d'abord de la
mise en place d'une assurance contre les
difficultés de paiement occasionnées par le chômage
. Le
précédent gouvernement envisageait deux séquences de
garantie qui auraient pu concerner le PTZ et le PAS :
réduction d'un tiers de la mensualité à partir du
dixième mois de chômage ;
relogement prioritaire dans le parc HLM comme locataire après 26
mois de chômage.
Les réflexions sur ce sujet devraient être reprises. Elles
pourraient être étendues aux autres causes exogènes de
difficultés : décès, mobilité professionnelle,
problèmes familiaux".
Et au sujet de la nécessité d'étendre le prêt
à taux zéro au logement ancien :
"Nos outils publics d'accession à la propriété
comportent d'autant plus de risques de surendettement qu'ils orientent
davantage les familles modestes vers le logement neuf. Il s'agit d'un processus
immédiat d'appauvrissement : un logement neuf devient ancien à
peine acquis, et par ce fait même, perd une grande partie de sa valeur.
Deux objectifs complémentaires doivent être poursuivis :
faire en sorte que la valeur du logement soit maintenue, ou du moins
qu'elle ne soit pas artificiellement réduite ;
faciliter la fluidité du marché des logements devenus
anciens.
Pour cela, il est nécessaire de ne pas orienter systématiquement
la demande vers le logement neuf, de ne pas y concentrer les aides publiques
qui gonflent artificiellement les prix de l'accession sociale, et de ne pas
entraver le marché du logement ancien.
Trois mesures principales peuvent être prises à cette fin.
La première consiste à étendre le prêt à
taux zéro aux achats de logements anciens
. Une quotité de
travaux peut être envisagée, mais il faut qu'elle soit
réduite, en tout cas significativement plus faible que les actuels 35 %
du coût de l'opération. Cette mesure permettrait aux
acquéreurs de logements neufs en PTZ de revendre leurs logements
à des ménages de même condition sociale
bénéficiant des mêmes avantages. Cela réduirait cet
important facteur de surendettement qu'est la décote. Bien entendu, le
coût budgétaire d'une telle extension nécessiterait de
revoir les paramètres du PTZ pour en réduire la subvention
globale. Une réduction de la durée des différés
d'amortissement les plus longs (actuellement 17 ans), un léger
abaissement des plafonds de ressources sont envisageables, l'essentiel
étant de ne pas réduire la portée des PTZ comme celles des
PAP de la dernière génération. Un aménagement de
son mode de financement (par exemple par la réorientation progressive
des crédits de la prime d'épargne logement) peut également
être envisagé.
Une telle mesure paraît d'autant plus urgente que la réduction
d'impôt pour les intérêts d'emprunt pour l'acquisition de
logements anciens, qui avait été prorogée jusqu'à
la fin de 1997, ne sera pas reconduite. Il n'existera plus, à compter de
1998, d'incitation à acquérir des logements anciens, ce qui
accroîtra mécaniquement l'écart de prix avec les logements
neufs, toutes choses égales par ailleurs, et appauvrira les
acquéreurs de logements neufs déjà installés."
B. UN FINANCEMENT PRÉCARISÉ
Le financement du prêt à taux zéro par un
prélèvement de la moitié des ressources du "1 % logement"
fragilise aujourd'hui la situation tant de la réforme de l'accession
à la propriété que de la participation des employeurs
à l'effort de construction.
Après avoir mis en garde contre une évolution qu'elle pressentait
dès les prélèvements de 1995 et 1996, votre commission
avait accepté le principe des deux prélèvements de
7 milliards de francs sur le 1 % logement en 1997 et 1998, parce que ces
prélèvements faisaient partie d'une convention signée par
l'Etat et les partenaires sociaux. Cette convention prévoyait la
pérennisation du "1 % logement", fédéré au sein de
l'Union économique et sociale du logement (UESL) et sa modernisation,
afin qu'il ne prête plus le flanc aux critiques relatives à sa
gestion.
Toutefois, l'engagement signé par l'Etat de rechercher les moyens de
pérenniser l'action du 1 % logement ne se conçoit qu'en
allégeant, progressivement au moins, la charge du prêt à
taux zéro qui pèse sur lui à partir de 1999. Faute de
quoi, le 1 % logement devra rapidement interrompre la moitié de ses
interventions habituelles.
En effet, pour maintenir à peu près intacte sa capacité
financière d'intervention, malgré le prélèvement de
7 milliards de francs, l'UESL a dû se livrer à une gymnastique
financière qui comporte deux volets :
une mobilisation de la trésorerie disponible pour 2,78 milliards
de francs ;
une ligne de crédit bancaire, souscrite en mai dernier
auprès du Crédit local de France, pour un montant d'1,5 milliard
de francs en 1997 et 4,5 milliards de francs en 1998. Le
différentiel entre le taux d'intérêt de cet emprunt (5
à 6 %) et celui des prêts des collecteurs (2 %) sera pris en
charge par une contribution des associés collecteurs de l'UESL au fonds
d'intervention prévu à cet effet. Le coût de ce
différentiel serait de l'ordre de 105 millions de francs par an sur sept
ans.
Compte tenu de son coût, ce type de palliatif ne saurait constituer une
solution durable à la pérennité du 1 % logement, si les
prélèvements devaient se renouveler.
Or, le secrétaire d'Etat au logement concède que le gouvernement
ne détient pas pour 1999 d'autres solutions pour financer le prêt
à taux zéro, ce qui laisse augurer deux difficultés : ou
bien le 1 % logement sera à nouveau mis à contribution, et il
devra fortement restreindre ses autres interventions, ou bien la portée
du prêt à taux zéro sera à nouveau restreinte. Une
combinaison des deux mesures peut également voir le jour.
Pourtant, alors même que le 1 % logement dégage en faveur du
prêt à taux zéro des marges de manoeuvres
inespérées, puisque le prélèvement au titre de 1998
devrait rapporter 7,4 milliards de francs au lieu des 7 milliards de francs
initialement escomptés, le gouvernement ne prend pas de mesure
conservatoire pour faire face aux difficultés prévisibles en
1999. Il pourrait, par exemple, mettre en réserve les autorisations de
programme correspondant à la différence entre le coût
prévu en 1998 ; 6,63 milliards de francs , et la recette
escomptée, 7,4 milliards de francs. Mais tout au contraire, il effectue
sur le compte d'affectation spéciale un prélèvement de 260
millions de francs pour le prêt d'accession sociale, et surtout un
prélèvement de 500 millions de francs en faveur des aides
personnelles. Cette attitude laisse penser qu'il y a, du côté du
gouvernement, un défaut de volonté pour résoudre la
difficulté.
Quelles sont, aujourd'hui les pistes possibles pour financer le prêt
à taux zéro à partir de 1999 ?
Votre rapporteur en distingue quatre pour le moment :
- la première, qui manifesterait la volonté du gouvernement de
voir pérennisée cette réforme plébiscitée
par les Français, serait de réintégrer progressivement le
prêt à taux zéro dans le budget du logement. Lorsque c'est
nécessaire, le gouvernement sait trouver des ressources : il a ainsi
trouvé 1,3 milliard de francs pour 1998 en faveur du logement
locatif social ; il a ouvert 240 millions de francs de crédits nouveaux
en 1997 pour financer le solde de l'extension au prêt à taux
zéro dans l'ancien ; il a su trouver ainsi 2,68 milliards de francs
au cours de l'exercice 1997 pour financer les besoins des aides à la
personne sans recourir à un quelconque compte d'affectation
spéciale ; il a rebudgétisé la contribution aux fonds de
solidarité pour le logement parce que la contribution
prélevée sur les surloyers ne suffisaitt pas à la financer
;
- la seconde consisterait à solliciter à nouveau le "1 %
logement" en prévoyant une sortie "en sifflet" de sa
collaboration au
prêt à taux zéro. Une solution simple serait, à
terme, de faire distribuer directement le prêt (sans prêt
complémentaire) par les collecteurs de la PEEC, comme votre commission
l'avait préconisé à l'origine ;
- la troisième consisterait à faire appel à
l'excédent de la prime d'épargne logement qui n'est pas
affectée au logement. Votre rapporteur rappelle que la prime n'est pas
versée aux titulaires de comptes d'épargne-logement qui ne
prennent pas de prêt ;
- la quatrième pourrait consister à y affecter une partie des
excédents du livret A, notamment par la baisse de son taux
d'intérêt, laquelle permettrait à la Caisse des
dépôts et consignations de dégager des excédents
supplémentaires. La vocation du livret A est, et restera, de financer le
logement des ménages modestes et non d'offrir une rente à un
nombre de ménages qui excède très largement
l'épargne dite "populaire".
Il existe peut-être d'autres solutions. Votre rapporteur n'a pas
d'idée préconçue à cet égard, et toutes les
pistes possibles doivent être envisagées. Il rappelle toutefois
que la mise en place de la nouvelle avance à taux nul s'était
accompagnée de la suppression de quatre dépenses fiscales dont
les effets en surcroît de recettes sont encore présents dans le
budget de l'Etat.