N° 4
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 1er octobre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, portant réforme du service national,
Par M. Serge VINÇON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Xavier
de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet,
François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès,
Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel
Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel
Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert
Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe
de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel Henry, Roger
Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice
Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul
d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis
Ploton, Michel Rocard, André Rouvière, André Vallet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
199
,
205
et T.A.
5
.
Sénat
:
426
(1996-1997).
Défense.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Quand le Président de la République a, le 22 février 1996,
présenté un projet de réforme tendant à construire
l'"armée de nos besoins", et qui comportait le passage à une
armée professionnelle, plus adaptée au contexte de l'après
guerre froide, le Parlement a été très largement
associé à l'élaboration des contours de la réforme
du service national. L'Assemblée nationale, comme le Sénat, ont
ainsi proposé que cette réforme s'appuie sur le maintien du
recensement et d'une forme d'obligation destinée à sauvegarder un
lien privilégié entre la jeunesse et l'armée, sur la
possibilité de rétablir la conscription en cas de
résurgence d'une menace majeure, et sur la création de services
volontaires destinés à préserver, sous une autre forme,
l'héritage du service national.
Le projet de loi soumis au Parlement dès le début de
l'année 1997 tirait fidèlement les conséquences de ces
propositions.
Quand l'Assemblée nationale élue en 1993 a été
dissoute, l'élaboration des bases législatives de la
réforme du service national était bien avancée, puisque le
Sénat était prêt à procéder à la
deuxième lecture du précédent projet de loi.
Le présent rapport est donc le quatrième que votre commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces
armées consacre à la réforme du service national.
Bien que l'on puisse déplorer que le gouvernement issu des
dernières élections législatives ait souhaité
présenter au Parlement un nouveau projet de loi, votre rapporteur
propose d'aborder celui-ci dans un
esprit objectif
, compte tenu de
l'
urgence
qu'il y a d'asseoir sur des bases légales la
réforme du service national, et à préciser les
modalités de la conduite de la période de transition,
décisives pour de très nombreux appelés.
Votre rapporteur est donc d'avis que le Sénat adopte à
l'égard de ce texte un
point de vue constructif
et
cohérent
avec les positions adoptées lors de l'examen du
précédent projet, contribuant ainsi à améliorer un
texte crucial pour notre défense et pour notre jeunesse.
I. LE PRÉCÉDENT PROJET DE LOI PORTANT RÉFORME DU SERVICE NATIONAL : UN EXAMEN TRÈS LARGEMENT AVANCÉ
Lorsqu'est intervenue, en avril 1997, la dissolution de l'Assemblée nationale élue en 1993, un consensus très net s'était manifesté entre les deux assemblées sur les principales dispositions du précédent projet de loi portant réforme du service national. Cette indiscutable convergence n'a cependant pas empêché le Sénat d'exprimer un point de vue original, tant sur le contenu et la portée de la réforme, que sur la conduite de la période de transition.
A. UN LARGE CONSENSUS ENTRE ASSEMBLÉE NATIONALE ET SÉNAT SUR LES ASPECTS ESSENTIELS DU PRÉCÉDENT PROJET DE LOI
.
De manière spontanée, l'accord entre
les deux assemblées a été total sur les
grands
principes fondant la réforme du service national
.
Ainsi l'Assemblée nationale comme le Sénat ont-ils exprimé
le souci que la remise en cause du service national obligatoire
hérité de la IIIe République ne conduise pas à
supprimer tout lien entre la jeunesse et l'armée. Dans cette logique,
le maintien d'une forme d'obligation entre la jeunesse et la Nation
,
dénommée par la suite " rendez-vous citoyen ", avait
été préconisé dès le mois de mai 1996, soit
bien avant l'élaboration du précédent projet de loi, tant
par le Sénat que par l'Assemblée nationale
1(
*
)
. Institution résolument
innovante, le " rendez-vous citoyen " était conçu comme
un temps fort de l'accession des jeunes à la citoyenneté.
Dans cet esprit, il a été admis d'emblée que cette
obligation devrait être étendue aux jeunes filles, de même
que le
recensement
, dont le maintien n'a suscité aucune
hésitation au sein de la représentation nationale.
Parallèlement, les parlementaires ont jugé pertinent de ne pas
rejeter l'héritage que constituent les différentes
modalités d'accomplissement du service national prévues par la
loi n° 71-424 du 10 juin 1971 -service militaire, coopération, aide
technique, services dans la police et dans la sécurité civile,
protocoles-, tout en les fondant sur le
principe du volontariat.
Celui-ci a été considéré comme la seule formule
réaliste, de préférence à celle d'un service
militaire court -difficile à financer et sans intérêt sur
le plan opérationnel- et à l'hypothèse d'un service
national universel -concernant obligatoirement les filles comme les
garçons- et à dominante civile, qui posait d'insurmontables
problèmes financiers, éthiques et juridiques.
A travers le
volontariat
pouvait donc être offerte aux jeunes l'occasion de
participer à une mission d'intérêt général
susceptible de constituer, dans certains cas, une première
expérience professionnelle.
Conçu dans une logique de dévouement et de service rendu à
la Nation, le volontariat excluait une véritable
rémunération, mais devait donner lieu au versement d'une
indemnité modeste, de l'ordre de 2 000 F par mois, assortie dans
certains cas de prestations en nature (logement, transport ...). Le
dévouement des jeunes volontaires devait trouver une contrepartie dans
la reconnaissance de certains avantages (ouverture de droits à pension
de retraite, accès privilégié à divers prêts,
à des formations professionnelles et à des concours
d'accès à certains corps et cadres d'emploi de la fonction
publique, avantages fiscaux ...).
Par ailleurs, la convergence entre les deux assemblées s'est
exprimée sur la nécessité de
garantir la
réversibilité de la suppression de la conscription
, afin de
rendre possible la remontée en puissance de l'appel sous les drapeaux en
cas de péril majeur menaçant nos intérêts vitaux. La
représentation nationale a donc, dès le printemps 1996,
souligné la nécessité de préserver les
compétences de l'administration chargée du service national (la
Direction centrale du service national) en vue d'assurer l'éventuel
rétablissement de la conscription. C'est dans cette hypothèse
qu'a été préservée l'obligation du
recensement
.
Enfin, l'Assemblée nationale comme le Sénat se sont
prononcés pour que soit renforcé l'
esprit de défense
dès la scolarité, notamment à travers l'enseignement
de l'histoire et de l'instruction civique.
.
La convergence de vues entre les deux assemblées a
été également spontanée sur des
aspects moins
déterminants du projet de loi portant réforme du service
national,
qu'il s'agisse du souci d'organiser un
suivi efficace des
dossiers des jeunes,
dans la perspective de l'éventuelle
remontée en puissance de la conscription, ou de la volonté
d'
aménager la période de transition
, afin
d'
atténuer les conséquences, notamment sur le plan
professionnel,
susceptibles de résulter de leur incorporation pour
les jeunes gens assujettis, jusqu'en 2002, au service national obligatoire.