EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Par la ratification du Traité sur l'Union européenne
approuvée par le Peuple français lors du référendum
du 20 septembre 1992, la France s'est engagée vis-à-vis des ses
partenaires de l'Union européenne à ce que les ressortissants
communautaires résidant sur son territoire puissent participer aux
élections municipales dans les mêmes conditions que les
Français.
Les quatorze autres États membres de l'Union ont bien entendu tous pris
le même engagement, l'article 8B paragraphe I du Traité
de Rome, tel que modifié par l'article G du Traité sur
l'Union européenne -ou Traité de Maastricht- stipulant à
cet effet que :
"
Tout citoyen de l'Union résidant dans un État membre
dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales dans l'État
membre où il réside, dans les mêmes conditions que les
ressortissants de cet État. Ce droit sera exercé sous
réserve des modalités à arrêter, avant le
31 décembre 1994, par le conseil, statuant à
l'unanimité sur proposition de la commission et après
consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent
prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des
problèmes spécifiques à un État membre le
justifient
".
Ainsi que le stipulait le Traité, le Conseil a adopté à
l'unanimité -donc là encore avec la voix de la France- une
directive le 19 décembre 1994 "
fixant les modalités
d'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections
municipales pour les citoyens de l'Union résidant dans un État
membre dont ils n'ont pas la nationalité
".
Cette directive a d'ailleurs été complétée par une
nouvelle directive du Conseil du 13 mai 1996, nécessaire à
l'application de l'article 8 B paragraphe I, précité, par les
trois nouveaux États de l'Union européenne (l'Autriche, la
Finlande et la Suède).
Avec l'adoption et l'entrée en vigueur de ces différents
instruments européens, il faut donc considérer que dans l'ordre
juridique communautaire, le droit de vote et d'éligibilité des
ressortissants communautaires aux élections municipales dans leur
État de résidence est devenu une réalité, reconnue
et acceptée par tous les États membres, dont la France.
Cette réalité doit être traduite dans notre ordre juridique
interne, exercice essentiellement technique à partir du moment où
les appréciations d'opportunité ont déjà
été débattues et ont abouti à des décisions
qui s'imposent à tous.
*
* *
Comme le prévoit l'article 14 de la directive du
Conseil du 19 décembre 1994, les États membres de l'Union
européenne étaient tenus de prendre
avant le 1er janvier
1996
les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de
l'article 8 B, paragraphe I.
Votre rapporteur s'est tout d'abord enquis de l'état d'avancement des
procédures de transposition de cette directive chez nos partenaires,
ainsi que des modalités concrètes retenues par chacun d'entre eux
pour l'ouverture et l'exercice du droit de vote et d'éligibilité
des ressortissants communautaires résidant sur leur territoire.
Des renseignements -assez lacunaires, il faut le regretter- fournis par les
services du ministère de l'Intérieur et des informations
complémentaires réunies, notamment, par le service des Affaires
européennes du Sénat (dont plusieurs textes de transposition en
langue originale), il ressort que la quasi-totalité de nos partenaires
ont déjà procédé aux modifications adéquates
de leurs législations nationales propres.
Cette attitude mérite d'être saluée, même s'il faut
aussi considérer que l'exercice se révélait relativement
aisé dans plusieurs États -les Pays-Bas, par exemple- dont la
Constitution reconnaissait déjà, selon des modalités
variables, le droit de vote aux élections locales à certaines
catégories d'étrangers.
Quoi qu'il en soit, il apparaît qu'à ce jour, trois pays seulement
n'ont pas encore pris toutes les mesures requises : la Grèce, la
Belgique -où subsistent des difficultés d'ordre constitutionnel
très délicates- et la France, plus avancée puisque le
processus a été engagé il y a maintenant plus de cinq ans,
avec la révision constitutionnelle du 25 juin 1992.
La Belgique et la France pourraient d'ailleurs être sous le coup d'une
action en manquement devant la Cour de justice.
Toujours d'après ces renseignements, il semble enfin que les Etats ayant
déjà transposé la directive s'en soient tenus à ses
stipulations et n'aient pas adopté de mesures allant au-delà de
ce qu'elle autorisait expressément.
· Il faut rappeler que l'attribution aux ressortissants communautaires
résidant en France du droit de vote et d'éligibilité aux
élections municipales, tel qu'il était proposé à la
ratification des États membres signataires du Traité de
Maastricht, avait été jugée contraire à la
Constitution par le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de
la République le 11 mars 1992 en application de l'article 54 de la
Constitution (décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992).
Pour surmonter cet obstacle, la France a modifié sa Constitution en y
introduisant un nouvel article 88-3 à la rédaction duquel le
Sénat a pris une part active.
Cet article, tel qu'il résulte de la révision constitutionnelle
du 25 juin 1992, dispose aujourd'hui que :
"
Sous réserve de réciprocité et selon les
modalités prévues par le Traité sur l'Union
européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote
et d'éligibilité aux élections municipales peut être
accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. Ces
citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer
à la désignation des électeurs sénatoriaux et
à l'élection des sénateurs. Une loi organique votée
dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les
conditions d'application du présent article
".
Appelé à se prononcer sur la conformité du Traité
de Maastricht à la Constitution ainsi révisée, le Conseil
constitutionnel, dans sa décision n° 92-312 DC du 2 septembre
1992, a considéré que ce traité n'était plus
contraire à la Constitution et que
" la mise en cause, au regard
de la Constitution révisée, des stipulations du traité
relatives au droit de vote et d'éligibilité aux élections
municipales des citoyens de l'Union européenne résidant dans un
État de l'Union sans en être ressortissant, ne peut qu'être
écartée ".
· L'obstacle constitutionnel ayant été levé par la
révision du 25 juin 1992, et tous les doutes qui pouvaient subsister
ayant été apaisés par cette décision du 2 septembre
1992, il appartenait donc au Gouvernement de parfaire dans l'ordre juridique
interne le processus apte à traduire dans les faits l'engagement pris
par la France dans l'ordre communautaire.
A cet effet, le précédent Gouvernement a déposé le
2 août 1995 sur le Bureau de l'Assemblée nationale un projet de
loi organique (n° 2210). Ce projet n'a toutefois pas été
inscrit à l'ordre du jour.
Le projet de loi organique (n° 381) dont le Sénat est aujourd'hui
saisi répond à la même nécessité
d'exécuter de bonne foi l'engagement international auquel la France a
souscrit. En fait, ce projet reprend pratiquement mot pour mot les dispositions
du précédent projet de loi organique n° 2210.
· Reste à s'interroger sur les conditions dans lesquelles le
droit issu du Traité trouvera à s'exercer, car si le dispositif
communautaire pose un certain nombre de principes, il appartient à
chaque État de les mettre en oeuvre selon sa tradition juridique et sa
législation nationale propre.
A cet égard, la directive rappelle bien que l'article 8 B paragraphe 1
du traité ne suppose pas une harmonisation globale des régimes
électoraux des États membres et que, pour tenir compte du
principe de proportionnalité, le contenu de la législation
communautaire en la matière ne doit pas excéder ce qui est
nécessaire pour atteindre l'objectif fixé par le traité.
C'est dans cette perspective que les négociateurs de la directive ont
laissé aux États un certain nombre d'options, que le Parlement
est aujourd'hui invité à trancher pour ce qui concerne la France.
Pour autant, l'intervention du Parlement en ce domaine ne saurait être
cantonnée à une simple formalité de transposition d'une
banale directive. Elle représente au contraire un acte essentiel, tant
sur le fond que sur la forme.
En effet, il s'agit non seulement de donner effet à une directive mais
aussi de préciser les conditions d'application d'un des articles de
notre Constitution, ce qui justifie le recours à la procédure de
la loi organique, avec toute la solennité et les garanties qui s'y
attachent.
Comme le prévoit l'article 88-3 de la Constitution, cette loi organique
devra être adoptée dans les mêmes termes par les deux
assemblées.
En effet, dans la tradition constitutionnelle française, les
élections municipales ne sont pas simplement une procédure de
désignation d'assemblées chargées de gérer une
"
collectivité locale de base
", pour reprendre la
terminologie de la directive. En France,
les élections municipales
ont aussi une incidence directe sur l'élection des sénateurs,
chargés de représenter les collectivités territoriales de
la République au Parlement.
De surcroît, les maires, et par délégation les adjoints, ne
sont pas simplement les "
chefs des exécutifs
locaux
"
-toujours pour reprendre la terminologie de la directive- mais ils exercent
aussi d'importantes attributions au nom de l'État (ils sont officiers de
police judiciaires, officiers d'état civil et sont investis de pouvoirs
de police exercés sous le contrôle du représentant de
l'Etat dans le département).
C'est pour toutes ces raisons que, lors de la révision constitutionnelle
du 25 juin 1992, le Constituant a décidé que
l'ensemble de la
loi organique prévue par l'article 88-3 de la Constitution devrait
être adopté dans les mêmes termes par les deux
assemblées
.
De cette sorte, le Sénat, comme l'Assemblée nationale, disposent
du même pouvoir d'appréciation sur les dispositions organiques
à adopter en vue de la mise en oeuvre de l'article 88-3 de la
Constitution.
I. LA NÉCESSAIRE CONCILIATION ENTRE D'UNE PART LE TRAITÉ ET LA DIRECTIVE, D'AUTRE PART L'ARTICLE 88-3 DE LA CONSTITUTION
Ainsi que le constate l'exposé des motifs du projet de
loi organique,
la mise en oeuvre de l'article 8 B, paragraphe I du
Traité implique de transposer dans notre droit interne les dispositions
de nature législative contenues dans la directive du Conseil du 19
décembre 1994.
Mais le législateur organique doit aussi s'assurer du plein respect de
notre Constitution, sous le contrôle du Conseil constitutionnel
auquel la présente loi organique sera obligatoirement soumise,
conformément à l'article 61, alinéa premier de la
Constitution.
Les travaux de votre commission des Lois ont précisément
été axés sur la conciliation entre les prescriptions
tirées du droit communautaire et les règles posées par
notre Constitution,
en particulier par son article 88-3 qui -il faut le
rappeler- a précisément été élaboré
en vue de permettre le moment venu aux ressortissants communautaires de
participer aux élections municipales.
1. Le dispositif communautaire
· Le Traité de Maastricht et la directive fixent
un certain nombre de principes directeurs et définissent pour leur
application un cadre juridique auquel le législateur organique ne peut
que se référer.
L'article 88-3 de la Constitution dispose en effet très clairement que
le droit de vote et d'éligibilité peut être accordé
aux seuls citoyens de l'Union résidant en France "
selon les
modalités prévues par le traité sur l'Union
européenne signé le 7 février 1992
".
Dans sa décision du 2 septembre 1992 -rendue au regard de la
Constitution révisée le 25 juin 1992- le Conseil constitutionnel
a d'ailleurs indiqué par avance les rapports qui, selon lui, devraient
s'établir entre le dispositif communautaire et la loi organique
subséquente.
Il a ainsi considéré que les "
modalités
prévues par le traité sur l'Union européenne
"
devraient servir de référence pour la mise en oeuvre de l'article
88-3 de la Constitution :
"
considérant... qu'en se référant aux
" modalités prévues par le traité sur l'Union
européenne ", le pouvoir constituant a entendu prendre en compte le
fait qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 8 B ajouté au
traité instituant la Communauté européenne, le droit de
vote et d'éligibilité dans l'État membre de
résidence des citoyens de l'Union, autres que les nationaux de cet
État, sera exercé " sous réserve des modalités
à arrêter avant le 31 décembre 1994 par le Conseil statuant
à l'unanimité sur proposition de la Commission et après
consultation du Parlement européen " ;
"
Considérant, il est vrai, que la troisième phrase de
l'article 88-3 énonce que : " Une loi organique votée dans
les mêmes termes par les deux assemblées détermine les
conditions d'application du présent article
"
;
"
Mais considérant que le renvoi, pour la détermination
des conditions d'application de l'article 88-3, à une loi organique
postule que ce dernier texte soit lui-même conforme aux modalités
d'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections
municipales des ressortissants communautaires autres que les nationaux
français,
"
prévues par le traité sur l'Union
européenne
"
; qu'ainsi, la loi organique devra respecter
les prescriptions édictées à l'échelon de la
Communauté européenne pour la mise en oeuvre du droit reconnu par
l'article 8 B, paragraphe 1
".
La dernière phrase de ce dernier considérant résume
semble-t-il assez clairement la position du Conseil constitutionnel à ce
sujet. Elle signifie qu'il ne faut ni ajouter ni retrancher au Traité et
s'en tenir à la directive adoptée à l'unanimité des
Etats membres.
· Votre commission des Lois n'ignore certes pas que plusieurs des
principes posés par la directive ne répondent pas aux
préoccupations qu'elle avait exprimées dans sa résolution
du 16 juin 1994, alors que cette directive était encore en cours de
négociation.
En application du nouvel article 88-4 de la Constitution, la proposition de
directive adoptée par la Commission (n° E-233) avait en effet
été soumise par le Gouvernement à l'Assemblée
nationale et au Sénat dès sa transmission au Conseil des
Communautés, le 6 avril 1994 et avait donné lieu à
l'adoption d'une résolution dans chacune des deux assemblées,
selon les règles propres prévues par leur Règlement
respectif.
Pour ce qui concerne le Sénat, une proposition de résolution du
Président Jacques Larché fut examinée par la commission
des Lois le 16 juin 1994, sur le rapport de notre excellent
collègue, M. Paul Masson.
C'est ainsi que la commission des Lois avait adopté une
résolution invitant le Gouvernement à subordonner l'accord de la
France au respect de cinq principes :
1. - que la proportion d'étrangers communautaires élus dans les
conseils municipaux demeure inférieure à celle des
nationaux ;
2. - que soient précisées les dispositions peu explicites de
l'article 2 de la proposition de directive, de façon à
permettre clairement qu'en France, les conseillers municipaux étrangers
ne participent pas à l'élection du maire et des adjoints ;
3. - que la directive laisse aux États la faculté de subordonner
l'exercice du droit de vote par les électeurs communautaires à
une durée de résidence dans l'État, qu'ils fixent selon
leur législation nationale propre ;
4. - que la directive puisse ne s'appliquer en France qu'à compter du
premier renouvellement général des conseils municipaux
postérieur à la date prévue pour sa transposition par les
États membres ;
5. - que la directive indique clairement que les États membres ne sont
pas obligés de la mettre en oeuvre dans les territoires associés,
au nombre desquels figurent les territoires d'outre-mer et la
collectivité territoriale de Mayotte.
Dans une résolution postérieure du 24 octobre 1994,
l'Assemblée nationale avait d'ailleurs exprimé des
préoccupations assez proches de celles du Sénat, en particulier
sur deux points :
- que la directive préserve le droit de fixer des conditions
dérogatoires (notamment une condition de durée minimale de
résidence et en proportion maximum d'étrangers communautaires sur
les listes) dans les communes où la proportion des résidents
communautaires dépasse sensiblement la moyenne nationale ;
- que les ressortissants communautaires ne puissent participer aux
élections municipales en France qu'à compter du renouvellement
général des conseils municipaux de 2001.
Le principe de non-discrimination entre les nationaux et les autres
ressortissants communautaires, tel qu'il découle des termes de l'article
8 B, paragraphe I (les ressortissants communautaires résidant en France
doivent pouvoir participer aux élections municipales "
dans les
mêmes conditions
" que les électeurs
français) a cependant commandé un certain nombre de choix parmi
lesquels l'absence de conditions de durée de résidence dans les
États qui n'imposent pas une telle condition à leurs propres
nationaux.
Le projet de loi ne comporte donc pas de disposition relative à une
condition de durée minimale de résidence.
De même, la directive n'autorise les Etats à fixer
dérogatoirement -et pendant une durée strictement limitée-
une proportion maximum de ressortissants communautaires au sein du conseil
municipal que si la proportion des étrangers communautaires qui y
résident dépasse 20 % du nombre total des citoyens de
l'Union en âge de voter résidant dans cet Etat (nationaux + autres
ressortissants communautaires).
La France n'étant pas dans cette situation, le projet de loi organique
n'a donc pas réservé cette faculté.
La directive, si elle permet bien de réserver les fonctions de maire ou
d'adjoint aux seuls nationaux, définit la notion d'élection
municipale au sens du droit communautaire en y incluant non seulement
l'élection des membres de l'assemblée municipale, mais aussi
celle des membres de l'exécutif municipal. En d'autres termes, les
ressortissants communautaires élus conseillers municipaux pourront
participer à l'élection du maire et des adjoints.
Pareillement, l'article 14 de la directive a prévu que les États
devaient mettre en vigueur avant le 1er janvier 1996 les dispositions
législatives, réglementaires et administratives
nécessaires pour s'y conformer, alors que le Sénat avait
souhaité en 1994 que la réforme n'entre en vigueur qu'à
compter du renouvellement général des conseils municipaux de 2001.
· Pour autant, il convient aujourd'hui de replacer la résolution
de 1994 dans son contexte, où les stipulations les plus novatrices du
Traité sur l'Union européenne (la citoyenneté de l'Union
et la monnaie unique, notamment) revêtaient encore un caractère
quasi-expérimental dont il était difficile de prévoir les
développements ultérieurs.
Les évolutions enregistrées depuis lors (la participation sans
incident particulier des ressortissants communautaires aux élections
européennes dans leur État de résidence, par exemple,
ainsi que l'avancement de la politique monétaire commune) permettent
sans doute de porter aujourd'hui un regard différent sur les
modalités de mise en oeuvre de ce dispositif.
· Quoi qu'il en soit, la directive a été adoptée le
19 décembre 1994 par le Conseil à l'unanimité, donc avec
la voix de la France (exprimée ce jour là par M. Alain
Juppé, alors ministre des Affaires étrangères et par M.
Alain Lamassoure, ministre délégué aux Affaires
européennes). Elle a été publiée au
Journal
officiel des Communautés européennes
du 31 décembre
1994 et elle est donc entrée en vigueur.
2. Le cadre constitutionnel
Sans préjudice du respect des règles
communautaires, le législateur organique doit absolument prendre en
compte les règles prévues par notre Constitution, en particulier
par son article 88-3.
Cet article pose à cet égard quatre exigences précises :
1. le droit de vote et d'éligibilité peut être
accordé aux citoyens de l'Union européenne
sous
réserve de réciprocité
. Dans sa décision du
2 septembre 1992, le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de
viser cette réserve de réciprocité, dont il appartient
aujourd'hui au législateur organique de préciser la portée
;
2. ces droits peuvent être accordés aux citoyens de l'Union
résidant en France
, la condition de résidence en
France constituant en soi une exigence constitutionnelle de fond qui n'est pas
imposée aux électeurs français ;
3.
les ressortissants communautaires ne pourront en aucun cas exercer les
fonctions de maire ou d'adjoint
;
4.
ils ne pourront "
participer
" à la
désignation des électeurs sénatoriaux et à
l'élection des sénateurs
, le terme
"
participer
" devant en l'espèce être entendu
dans son acception la plus large, c'est-à-dire y prendre part à
quelque titre que ce soit.
Votre commission des Lois a constaté que la directive du Conseil du 19
décembre 1994 a suffisamment pris en compte les deux dernières
exigences de l'article 88-3 de la Constitution, puisqu'elle laisse aux
États :
- la possibilité de réserver à leurs nationaux les
fonctions d'exécutif des collectivités territoriales (les
fonctions de maire et d'adjoint, dans le cas de la France) ;
- la possibilité de disposer que les citoyens de l'Union "
ne
peuvent participer à la désignation des électeurs d'une
assemblée parlementaire ni à l'élection des membres de
cette assemblée "
(en l'occurrence, les membres du
collège électoral des sénateurs).
Les articles 8 et 9 (en ce qui concerne les fonctions de maire et d'adjoint) et
6 et 7 du projet de loi organique (en ce qui concerne l'élection des
sénateurs) en tirent les conséquences selon des modalités
auxquelles votre commission des Lois a accordé la plus grande attention.
En revanche, le projet de loi organique -pas plus que la directive, d'ailleurs-
ne comporte aucune mention particulière garantissant le respect de la
réserve de réciprocité, telle qu'elle a été
intentionnellement et expressément posée par l'article 88-3 de la
Constitution.
Votre commission des Lois a considéré que sur ce point, la loi
organique ne pouvait s'exonérer de cette exigence constitutionnelle en
ouvrant le droit de vote et d'éligibilité aux élections
municipales en France aux ressortissants d'États membres qui ne
l'accorderaient pas aux Français établis sur leur territoire.