Rapport n°415 - Projet de loi relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales
M. Pierre FAUCHON
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale - Rapport n° 415 -1996/1997
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I. LA NÉCESSAIRE CONCILIATION ENTRE D'UNE PART LE TRAITÉ ET LA DIRECTIVE, D'AUTRE PART L'ARTICLE 88-3 DE LA CONSTITUTION
-
II. LES PRINCIPALES RÉFLEXIONS SUSCITÉES PAR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE
- 1. Le problème de la résidence en France.
- 2. Le problème du " double vote " et du " double mandat "
- 3. La portée exacte de la clause de réciprocité
- 4. Le risque d'affaiblissement de la représentation des communes de 9 000 habitants et plus au sein du collège électoral des sénateurs.
- 5. La situation spécifique du Conseil de Paris
- 6. L'application du dispositif dans les TOM
- EXAMEN DES ARTICLES
-
CHAPITRE PREMIER
DE L'EXERCICE DU DROIT DE VOTE
AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES PAR LES RESSORTISSANTS
D'UN ÉTAT MEMBRE DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
AUTRE QUE LA FRANCE-
Article premier
Insertion dans le code électoral d'une section spécifique
relative à l'exercice du droit de vote aux élections municipales
par les ressortissants communautaires -
SECTION I BIS
(Articles L.O. 227-1 à L.O. 227-7 du code électoral)
Dispositions spéciales à l'exercice par les ressortissants
d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France
du droit de vote pour l'élection des conseillers municipaux
et des membres du Conseil de Paris -
Article L.O. 227-1
Disposition de principe reconnaissant aux ressortissants
communautaires résidant en France le droit de vote
aux élections municipales dans les mêmes conditions
que les citoyens Français -
Article L.O. 227-2
Création de listes électorales complémentaires
et conditions d'inscription sur ces listes -
Article L.O. 227-3
Modalités d'établissement et de révision
des listes électorales complémentaires -
Article L.O. 227-4
Pièces à produire lors de la demande d'inscription
sur une liste électorale complémentaire -
Article L.O. 227-5
Communication aux autres Etats-membres de l'identité de leurs ressortissants inscrits en France sur une liste électorale complémentaire -
Article L.O. 227-6
Radiation d'office de la liste électorale complémentaire
des ressortissants communautaires en cas de double vote -
Article L.O. 227-7
Dispositions pénales réprimant les infractions
relatives aux listes électorales complémentaires
-
Article premier
-
CHAPITRE II
DES RÈGLES SPÉCIFIQUES D'ÉLIGIBILITÉ DES RESSORTISSANTS
D'UN ETAT MEMBRE DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
AUTRE QUE LA FRANCE.-
Article 2
(Article L.O. 228-1 du code électoral)
Conditions générales de l'éligibilité des ressortissants communautaires comme conseiller municipal
-
Article 3
(Article L.O. 230-2 du code électoral)
Inéligibilité en France des ressortissants communautaires
déchus du droit d'éligibilité dans leur Etat d'origine -
Article 4
(Article L.O. 236-1 du code électoral)
Démission d'office des conseillers municipaux ressortissants communautaires en cas d'inéligibilité dans leur Etat d'origine -
Article 5
(Article L.O. 265-1 du code électoral)
Formalités applicables aux candidats ressortissants communautaires
(communes de 3500 habitants et plus) -
Article additionnel après l'article 5
(Article L.O. 256-1 du code électoral)
Extension aux communes de moins de 2 500 habitants et au-delà
des formalités spécifiques prévues par l'article 5
-
Article 2
-
CHAPITRE III
DU COLLÈGE ÉLECTORAL SÉNATORIAL-
Article 6
(Article L.O. 286-1 du code électoral)
Exclusion des ressortissants communautaires
de toute participation à l'élection des sénateurs -
Article 7
(Article L.O. 287-1 du code électoral)
Interdiction faite aux conseillers municipaux français,
lors de l'élection des délégués de la commune,
de voter pour un ressortissant communautaire
-
Article 6
-
CHAPITRE IV
DES FONCTIONS DE MAIRE ET D'ADJOINT-
Article 8
(Article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales)
Exclusion des ressortissants communautaires
des fonctions de maire ou d'adjoint -
Article 9
(Article L.O. 2121-6-1 du code général des collectivités territoriales)
Dissolution de plein droit d'un conseil municipal
dont le nombre des conseillers français serait insuffisant
pour permettre l'élection du maire et d'un adjoint -
Article additionnel après l'article 9
(article L.O. 238-1 du code électoral)
Interdiction de cumuler deux mandats de conseillers municipaux,
en France et dans un autre Etat de l'Union européenne
-
Article 8
-
CHAPITRE V
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES-
Article 10
(Article L.O. 271-1 du code électoral)
Participation des ressortissants communautaires
à l'élection des conseillers d'arrondissement -
Article 11
(Article L.O. 151-3-1 du code des communes)
Participation des ressortissants communautaires
à l'élection de l'organe délibérant des sections de commune -
Article 12
Extension de la loi organique aux territoires d'outre-mer
et à la collectivité territoriale de Mayotte -
Article 13
Dispositions transitoires - Intitulé du projet de loi organique
-
Article 10
N° 415
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26
juin 1997
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 septembre
1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi organique relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France , autres que les ressortissants français, du droit de vote et d' éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994,
Par M. Pierre FAUCHON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès,
vice-présidents
; Michel Rufin,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Michel
Charzat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt,
Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel
Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud
,
Georges
Othily, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir le numéro
:
Sénat
:
381
(1996-1997).
Elections et référendums.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le vendredi 12 septembre 1997, sous la
présidence de M. Jacques Larché, Président, votre
commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Pierre Fauchon,
le projet de loi organique n° 381 (1996-1997) relatif à l'exercice
par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres
que les ressortissants français, du droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales et portant
transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.
Ce projet de loi organique présenté par l'actuel Premier ministre
reprend exactement celui présenté en août 1995, qui n'avait
pas été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée
nationale.
Ce texte a pour objet de permettre la mise en oeuvre de l'article 8 B
paragraphe I du Traité de Maastricht, qui stipule :
"
Tout citoyen de l'Union résidant dans un Etat membre dont il
n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux
élections municipales dans l'Etat membre où il réside,
dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. Ce droit
sera exercé sous réserve des modalités à
arrêter, avant le 31 décembre 1994, par le conseil, statuant
à l'unanimité sur proposition de la commission et après
consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent
prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des
problèmes spécifiques à un Etat membre le
justifient
".
Pour pouvoir ratifier cette stipulation du Traité, la France a introduit
dans sa Constitution, lors de la révision constitutionnelle du 25 juin
1992, un article 88-3 issu, pour l'essentiel, de la rédaction
proposée à l'époque par le Sénat :
"
Sous réserve de réciprocité et selon les
modalités prévues par le Traité sur l'Union
européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales peut être
accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. Ces
citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer
à la désignation des électeurs sénatoriaux et
à l'élection des sénateurs. Une loi organique votée
dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les
conditions d'application du présent article
".
Comme le stipulait le Traité, le Conseil a adopté à
l'unanimité une directive le 19 décembre 1994
"
fixant les modalités d'exercice du droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales pour les citoyens
de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la
nationalité
".
Le projet de loi organique assure la transposition de cette directive
de
manière à permettre l'exercice effectif du droit de vote et
d'éligibilité aux municipales par les ressortissants
communautaires résidant en France.
Bien entendu,
ces droits ne seront ouverts qu'aux seuls ressortissants
communautaires et non aux étrangers ressortissants d'un pays ne faisant
pas partie de l'Union européenne.
En raison de l'incidence directe des élections municipales sur
l'élection des sénateurs, le Constituant a décidé
en 1992 que l'ensemble de la loi organique devrait être voté dans
les mêmes termes par les deux assemblées. Cette loi organique ne
pourrait donc pas, le cas échéant, être adoptée par
la procédure dite " du dernier mot à l'Assemblée
nationale ".
·
Les dispositions essentielles du projet de loi organique
1.
L'ouverture du droit de vote aux municipales, dans les mêmes
conditions que les nationaux, aux ressortissants communautaires résidant
en France, pourvu qu'ils s'inscrivent sur une liste électorale
complémentaire, analogue à celle créée en 1994 pour
les élections européennes.
2.
L'ouverture du droit d'éligibilité comme conseiller
municipal, les conseillers municipaux étrangers ne pouvant pas
être maire ou adjoint, ni en exercer les fonctions, même
temporairement (par délégation, par exemple).
3.
Les conseillers municipaux étrangers ne pourront ni être
membres du collège électoral des sénateurs, ni participer
à l'élection des délégués de la commune
à ce collège.
·
Les principales modifications adoptées par la commission des
Lois du Sénat
1.
Comme elle l'avait fait pour la loi du 5 février 1994, la
commission des Lois propose de préciser dans la loi organique que le
ressortissant communautaire ne sera considéré comme
résidant en France que s'il y a son domicile réel ou si sa
résidence y présente un caractère continu, ce qui
évite le vote des ressortissants qui n'auraient en France qu'une simple
résidence secondaire.
2.
Pour assurer le respect de la clause de réciprocité
prévue par l'article 88-3 de la Constitution, le droit de vote et
d'éligibilité ne serait ouvert qu'aux ressortissants
communautaires dont l'Etat d'origine accorde un droit équivalent aux
Français résidant sur son territoire, selon sa législation
nationale propre (la Belgique et la Grèce n'ayant pas encore
transposé la directive).
3.
La commission a supprimé les dispositions tendant à
interdire le " double vote " (en France et dans l'Etat
d'origine)
notamment parce que les autres Etats n'ont pas imposé une telle
interdiction aux Français qui y résident.
4.
En revanche
,
le " double mandat " serait
interdit :
le ressortissant cumulant un mandat de conseiller municipal en France et dans
son Etat d'origine devra opter pour l'un ou l'autre et, à défaut,
sera déclaré démissionnaire d'office du conseil municipal
français.
5.
La commission a supprimé l'article 9 (dissolution de plein
droit d'un conseil municipal ne comportant pas au moins deux conseillers
français), estimant que cette situation, au demeurant très peu
probable, pourra être réglée par les dispositions actuelles
(dissolution par décret en raison d'un dysfonctionnement
irrémédiable du conseil municipal).
6.
A la suite des observations de M. Maurice Ulrich et de M. Lucien
Lanier, la commission a prévu que les ressortissants communautaires
élus membres du Conseil de Paris ne pourront pas siéger à
ce Conseil lorsqu'il se réunit comme conseil général. En
effet, le Conseil de Paris est à la fois le conseil municipal de la
commune de Paris et le conseil général du département de
Paris.
7.
La loi organique ne serait pas rendue applicable aux TOM qui, selon
le traité de Rome, ont un statut de territoires associés mais ne
sont pas soumis à l'ensemble des dispositions du Traité de Rome.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Par la ratification du Traité sur l'Union européenne
approuvée par le Peuple français lors du référendum
du 20 septembre 1992, la France s'est engagée vis-à-vis des ses
partenaires de l'Union européenne à ce que les ressortissants
communautaires résidant sur son territoire puissent participer aux
élections municipales dans les mêmes conditions que les
Français.
Les quatorze autres États membres de l'Union ont bien entendu tous pris
le même engagement, l'article 8B paragraphe I du Traité
de Rome, tel que modifié par l'article G du Traité sur
l'Union européenne -ou Traité de Maastricht- stipulant à
cet effet que :
"
Tout citoyen de l'Union résidant dans un État membre
dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales dans l'État
membre où il réside, dans les mêmes conditions que les
ressortissants de cet État. Ce droit sera exercé sous
réserve des modalités à arrêter, avant le
31 décembre 1994, par le conseil, statuant à
l'unanimité sur proposition de la commission et après
consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent
prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des
problèmes spécifiques à un État membre le
justifient
".
Ainsi que le stipulait le Traité, le Conseil a adopté à
l'unanimité -donc là encore avec la voix de la France- une
directive le 19 décembre 1994 "
fixant les modalités
d'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections
municipales pour les citoyens de l'Union résidant dans un État
membre dont ils n'ont pas la nationalité
".
Cette directive a d'ailleurs été complétée par une
nouvelle directive du Conseil du 13 mai 1996, nécessaire à
l'application de l'article 8 B paragraphe I, précité, par les
trois nouveaux États de l'Union européenne (l'Autriche, la
Finlande et la Suède).
Avec l'adoption et l'entrée en vigueur de ces différents
instruments européens, il faut donc considérer que dans l'ordre
juridique communautaire, le droit de vote et d'éligibilité des
ressortissants communautaires aux élections municipales dans leur
État de résidence est devenu une réalité, reconnue
et acceptée par tous les États membres, dont la France.
Cette réalité doit être traduite dans notre ordre juridique
interne, exercice essentiellement technique à partir du moment où
les appréciations d'opportunité ont déjà
été débattues et ont abouti à des décisions
qui s'imposent à tous.
*
* *
Comme le prévoit l'article 14 de la directive du
Conseil du 19 décembre 1994, les États membres de l'Union
européenne étaient tenus de prendre
avant le 1er janvier
1996
les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de
l'article 8 B, paragraphe I.
Votre rapporteur s'est tout d'abord enquis de l'état d'avancement des
procédures de transposition de cette directive chez nos partenaires,
ainsi que des modalités concrètes retenues par chacun d'entre eux
pour l'ouverture et l'exercice du droit de vote et d'éligibilité
des ressortissants communautaires résidant sur leur territoire.
Des renseignements -assez lacunaires, il faut le regretter- fournis par les
services du ministère de l'Intérieur et des informations
complémentaires réunies, notamment, par le service des Affaires
européennes du Sénat (dont plusieurs textes de transposition en
langue originale), il ressort que la quasi-totalité de nos partenaires
ont déjà procédé aux modifications adéquates
de leurs législations nationales propres.
Cette attitude mérite d'être saluée, même s'il faut
aussi considérer que l'exercice se révélait relativement
aisé dans plusieurs États -les Pays-Bas, par exemple- dont la
Constitution reconnaissait déjà, selon des modalités
variables, le droit de vote aux élections locales à certaines
catégories d'étrangers.
Quoi qu'il en soit, il apparaît qu'à ce jour, trois pays seulement
n'ont pas encore pris toutes les mesures requises : la Grèce, la
Belgique -où subsistent des difficultés d'ordre constitutionnel
très délicates- et la France, plus avancée puisque le
processus a été engagé il y a maintenant plus de cinq ans,
avec la révision constitutionnelle du 25 juin 1992.
La Belgique et la France pourraient d'ailleurs être sous le coup d'une
action en manquement devant la Cour de justice.
Toujours d'après ces renseignements, il semble enfin que les Etats ayant
déjà transposé la directive s'en soient tenus à ses
stipulations et n'aient pas adopté de mesures allant au-delà de
ce qu'elle autorisait expressément.
· Il faut rappeler que l'attribution aux ressortissants communautaires
résidant en France du droit de vote et d'éligibilité aux
élections municipales, tel qu'il était proposé à la
ratification des États membres signataires du Traité de
Maastricht, avait été jugée contraire à la
Constitution par le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de
la République le 11 mars 1992 en application de l'article 54 de la
Constitution (décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992).
Pour surmonter cet obstacle, la France a modifié sa Constitution en y
introduisant un nouvel article 88-3 à la rédaction duquel le
Sénat a pris une part active.
Cet article, tel qu'il résulte de la révision constitutionnelle
du 25 juin 1992, dispose aujourd'hui que :
"
Sous réserve de réciprocité et selon les
modalités prévues par le Traité sur l'Union
européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote
et d'éligibilité aux élections municipales peut être
accordé aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. Ces
citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint ni participer
à la désignation des électeurs sénatoriaux et
à l'élection des sénateurs. Une loi organique votée
dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les
conditions d'application du présent article
".
Appelé à se prononcer sur la conformité du Traité
de Maastricht à la Constitution ainsi révisée, le Conseil
constitutionnel, dans sa décision n° 92-312 DC du 2 septembre
1992, a considéré que ce traité n'était plus
contraire à la Constitution et que
" la mise en cause, au regard
de la Constitution révisée, des stipulations du traité
relatives au droit de vote et d'éligibilité aux élections
municipales des citoyens de l'Union européenne résidant dans un
État de l'Union sans en être ressortissant, ne peut qu'être
écartée ".
· L'obstacle constitutionnel ayant été levé par la
révision du 25 juin 1992, et tous les doutes qui pouvaient subsister
ayant été apaisés par cette décision du 2 septembre
1992, il appartenait donc au Gouvernement de parfaire dans l'ordre juridique
interne le processus apte à traduire dans les faits l'engagement pris
par la France dans l'ordre communautaire.
A cet effet, le précédent Gouvernement a déposé le
2 août 1995 sur le Bureau de l'Assemblée nationale un projet de
loi organique (n° 2210). Ce projet n'a toutefois pas été
inscrit à l'ordre du jour.
Le projet de loi organique (n° 381) dont le Sénat est aujourd'hui
saisi répond à la même nécessité
d'exécuter de bonne foi l'engagement international auquel la France a
souscrit. En fait, ce projet reprend pratiquement mot pour mot les dispositions
du précédent projet de loi organique n° 2210.
· Reste à s'interroger sur les conditions dans lesquelles le
droit issu du Traité trouvera à s'exercer, car si le dispositif
communautaire pose un certain nombre de principes, il appartient à
chaque État de les mettre en oeuvre selon sa tradition juridique et sa
législation nationale propre.
A cet égard, la directive rappelle bien que l'article 8 B paragraphe 1
du traité ne suppose pas une harmonisation globale des régimes
électoraux des États membres et que, pour tenir compte du
principe de proportionnalité, le contenu de la législation
communautaire en la matière ne doit pas excéder ce qui est
nécessaire pour atteindre l'objectif fixé par le traité.
C'est dans cette perspective que les négociateurs de la directive ont
laissé aux États un certain nombre d'options, que le Parlement
est aujourd'hui invité à trancher pour ce qui concerne la France.
Pour autant, l'intervention du Parlement en ce domaine ne saurait être
cantonnée à une simple formalité de transposition d'une
banale directive. Elle représente au contraire un acte essentiel, tant
sur le fond que sur la forme.
En effet, il s'agit non seulement de donner effet à une directive mais
aussi de préciser les conditions d'application d'un des articles de
notre Constitution, ce qui justifie le recours à la procédure de
la loi organique, avec toute la solennité et les garanties qui s'y
attachent.
Comme le prévoit l'article 88-3 de la Constitution, cette loi organique
devra être adoptée dans les mêmes termes par les deux
assemblées.
En effet, dans la tradition constitutionnelle française, les
élections municipales ne sont pas simplement une procédure de
désignation d'assemblées chargées de gérer une
"
collectivité locale de base
", pour reprendre la
terminologie de la directive. En France,
les élections municipales
ont aussi une incidence directe sur l'élection des sénateurs,
chargés de représenter les collectivités territoriales de
la République au Parlement.
De surcroît, les maires, et par délégation les adjoints, ne
sont pas simplement les "
chefs des exécutifs
locaux
"
-toujours pour reprendre la terminologie de la directive- mais ils exercent
aussi d'importantes attributions au nom de l'État (ils sont officiers de
police judiciaires, officiers d'état civil et sont investis de pouvoirs
de police exercés sous le contrôle du représentant de
l'Etat dans le département).
C'est pour toutes ces raisons que, lors de la révision constitutionnelle
du 25 juin 1992, le Constituant a décidé que
l'ensemble de la
loi organique prévue par l'article 88-3 de la Constitution devrait
être adopté dans les mêmes termes par les deux
assemblées
.
De cette sorte, le Sénat, comme l'Assemblée nationale, disposent
du même pouvoir d'appréciation sur les dispositions organiques
à adopter en vue de la mise en oeuvre de l'article 88-3 de la
Constitution.
I. LA NÉCESSAIRE CONCILIATION ENTRE D'UNE PART LE TRAITÉ ET LA DIRECTIVE, D'AUTRE PART L'ARTICLE 88-3 DE LA CONSTITUTION
Ainsi que le constate l'exposé des motifs du projet de
loi organique,
la mise en oeuvre de l'article 8 B, paragraphe I du
Traité implique de transposer dans notre droit interne les dispositions
de nature législative contenues dans la directive du Conseil du 19
décembre 1994.
Mais le législateur organique doit aussi s'assurer du plein respect de
notre Constitution, sous le contrôle du Conseil constitutionnel
auquel la présente loi organique sera obligatoirement soumise,
conformément à l'article 61, alinéa premier de la
Constitution.
Les travaux de votre commission des Lois ont précisément
été axés sur la conciliation entre les prescriptions
tirées du droit communautaire et les règles posées par
notre Constitution,
en particulier par son article 88-3 qui -il faut le
rappeler- a précisément été élaboré
en vue de permettre le moment venu aux ressortissants communautaires de
participer aux élections municipales.
1. Le dispositif communautaire
· Le Traité de Maastricht et la directive fixent
un certain nombre de principes directeurs et définissent pour leur
application un cadre juridique auquel le législateur organique ne peut
que se référer.
L'article 88-3 de la Constitution dispose en effet très clairement que
le droit de vote et d'éligibilité peut être accordé
aux seuls citoyens de l'Union résidant en France "
selon les
modalités prévues par le traité sur l'Union
européenne signé le 7 février 1992
".
Dans sa décision du 2 septembre 1992 -rendue au regard de la
Constitution révisée le 25 juin 1992- le Conseil constitutionnel
a d'ailleurs indiqué par avance les rapports qui, selon lui, devraient
s'établir entre le dispositif communautaire et la loi organique
subséquente.
Il a ainsi considéré que les "
modalités
prévues par le traité sur l'Union européenne
"
devraient servir de référence pour la mise en oeuvre de l'article
88-3 de la Constitution :
"
considérant... qu'en se référant aux
" modalités prévues par le traité sur l'Union
européenne ", le pouvoir constituant a entendu prendre en compte le
fait qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 8 B ajouté au
traité instituant la Communauté européenne, le droit de
vote et d'éligibilité dans l'État membre de
résidence des citoyens de l'Union, autres que les nationaux de cet
État, sera exercé " sous réserve des modalités
à arrêter avant le 31 décembre 1994 par le Conseil statuant
à l'unanimité sur proposition de la Commission et après
consultation du Parlement européen " ;
"
Considérant, il est vrai, que la troisième phrase de
l'article 88-3 énonce que : " Une loi organique votée dans
les mêmes termes par les deux assemblées détermine les
conditions d'application du présent article
"
;
"
Mais considérant que le renvoi, pour la détermination
des conditions d'application de l'article 88-3, à une loi organique
postule que ce dernier texte soit lui-même conforme aux modalités
d'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections
municipales des ressortissants communautaires autres que les nationaux
français,
"
prévues par le traité sur l'Union
européenne
"
; qu'ainsi, la loi organique devra respecter
les prescriptions édictées à l'échelon de la
Communauté européenne pour la mise en oeuvre du droit reconnu par
l'article 8 B, paragraphe 1
".
La dernière phrase de ce dernier considérant résume
semble-t-il assez clairement la position du Conseil constitutionnel à ce
sujet. Elle signifie qu'il ne faut ni ajouter ni retrancher au Traité et
s'en tenir à la directive adoptée à l'unanimité des
Etats membres.
· Votre commission des Lois n'ignore certes pas que plusieurs des
principes posés par la directive ne répondent pas aux
préoccupations qu'elle avait exprimées dans sa résolution
du 16 juin 1994, alors que cette directive était encore en cours de
négociation.
En application du nouvel article 88-4 de la Constitution, la proposition de
directive adoptée par la Commission (n° E-233) avait en effet
été soumise par le Gouvernement à l'Assemblée
nationale et au Sénat dès sa transmission au Conseil des
Communautés, le 6 avril 1994 et avait donné lieu à
l'adoption d'une résolution dans chacune des deux assemblées,
selon les règles propres prévues par leur Règlement
respectif.
Pour ce qui concerne le Sénat, une proposition de résolution du
Président Jacques Larché fut examinée par la commission
des Lois le 16 juin 1994, sur le rapport de notre excellent
collègue, M. Paul Masson.
C'est ainsi que la commission des Lois avait adopté une
résolution invitant le Gouvernement à subordonner l'accord de la
France au respect de cinq principes :
1. - que la proportion d'étrangers communautaires élus dans les
conseils municipaux demeure inférieure à celle des
nationaux ;
2. - que soient précisées les dispositions peu explicites de
l'article 2 de la proposition de directive, de façon à
permettre clairement qu'en France, les conseillers municipaux étrangers
ne participent pas à l'élection du maire et des adjoints ;
3. - que la directive laisse aux États la faculté de subordonner
l'exercice du droit de vote par les électeurs communautaires à
une durée de résidence dans l'État, qu'ils fixent selon
leur législation nationale propre ;
4. - que la directive puisse ne s'appliquer en France qu'à compter du
premier renouvellement général des conseils municipaux
postérieur à la date prévue pour sa transposition par les
États membres ;
5. - que la directive indique clairement que les États membres ne sont
pas obligés de la mettre en oeuvre dans les territoires associés,
au nombre desquels figurent les territoires d'outre-mer et la
collectivité territoriale de Mayotte.
Dans une résolution postérieure du 24 octobre 1994,
l'Assemblée nationale avait d'ailleurs exprimé des
préoccupations assez proches de celles du Sénat, en particulier
sur deux points :
- que la directive préserve le droit de fixer des conditions
dérogatoires (notamment une condition de durée minimale de
résidence et en proportion maximum d'étrangers communautaires sur
les listes) dans les communes où la proportion des résidents
communautaires dépasse sensiblement la moyenne nationale ;
- que les ressortissants communautaires ne puissent participer aux
élections municipales en France qu'à compter du renouvellement
général des conseils municipaux de 2001.
Le principe de non-discrimination entre les nationaux et les autres
ressortissants communautaires, tel qu'il découle des termes de l'article
8 B, paragraphe I (les ressortissants communautaires résidant en France
doivent pouvoir participer aux élections municipales "
dans les
mêmes conditions
" que les électeurs
français) a cependant commandé un certain nombre de choix parmi
lesquels l'absence de conditions de durée de résidence dans les
États qui n'imposent pas une telle condition à leurs propres
nationaux.
Le projet de loi ne comporte donc pas de disposition relative à une
condition de durée minimale de résidence.
De même, la directive n'autorise les Etats à fixer
dérogatoirement -et pendant une durée strictement limitée-
une proportion maximum de ressortissants communautaires au sein du conseil
municipal que si la proportion des étrangers communautaires qui y
résident dépasse 20 % du nombre total des citoyens de
l'Union en âge de voter résidant dans cet Etat (nationaux + autres
ressortissants communautaires).
La France n'étant pas dans cette situation, le projet de loi organique
n'a donc pas réservé cette faculté.
La directive, si elle permet bien de réserver les fonctions de maire ou
d'adjoint aux seuls nationaux, définit la notion d'élection
municipale au sens du droit communautaire en y incluant non seulement
l'élection des membres de l'assemblée municipale, mais aussi
celle des membres de l'exécutif municipal. En d'autres termes, les
ressortissants communautaires élus conseillers municipaux pourront
participer à l'élection du maire et des adjoints.
Pareillement, l'article 14 de la directive a prévu que les États
devaient mettre en vigueur avant le 1er janvier 1996 les dispositions
législatives, réglementaires et administratives
nécessaires pour s'y conformer, alors que le Sénat avait
souhaité en 1994 que la réforme n'entre en vigueur qu'à
compter du renouvellement général des conseils municipaux de 2001.
· Pour autant, il convient aujourd'hui de replacer la résolution
de 1994 dans son contexte, où les stipulations les plus novatrices du
Traité sur l'Union européenne (la citoyenneté de l'Union
et la monnaie unique, notamment) revêtaient encore un caractère
quasi-expérimental dont il était difficile de prévoir les
développements ultérieurs.
Les évolutions enregistrées depuis lors (la participation sans
incident particulier des ressortissants communautaires aux élections
européennes dans leur État de résidence, par exemple,
ainsi que l'avancement de la politique monétaire commune) permettent
sans doute de porter aujourd'hui un regard différent sur les
modalités de mise en oeuvre de ce dispositif.
· Quoi qu'il en soit, la directive a été adoptée le
19 décembre 1994 par le Conseil à l'unanimité, donc avec
la voix de la France (exprimée ce jour là par M. Alain
Juppé, alors ministre des Affaires étrangères et par M.
Alain Lamassoure, ministre délégué aux Affaires
européennes). Elle a été publiée au
Journal
officiel des Communautés européennes
du 31 décembre
1994 et elle est donc entrée en vigueur.
2. Le cadre constitutionnel
Sans préjudice du respect des règles
communautaires, le législateur organique doit absolument prendre en
compte les règles prévues par notre Constitution, en particulier
par son article 88-3.
Cet article pose à cet égard quatre exigences précises :
1. le droit de vote et d'éligibilité peut être
accordé aux citoyens de l'Union européenne
sous
réserve de réciprocité
. Dans sa décision du
2 septembre 1992, le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de
viser cette réserve de réciprocité, dont il appartient
aujourd'hui au législateur organique de préciser la portée
;
2. ces droits peuvent être accordés aux citoyens de l'Union
résidant en France
, la condition de résidence en
France constituant en soi une exigence constitutionnelle de fond qui n'est pas
imposée aux électeurs français ;
3.
les ressortissants communautaires ne pourront en aucun cas exercer les
fonctions de maire ou d'adjoint
;
4.
ils ne pourront "
participer
" à la
désignation des électeurs sénatoriaux et à
l'élection des sénateurs
, le terme
"
participer
" devant en l'espèce être entendu
dans son acception la plus large, c'est-à-dire y prendre part à
quelque titre que ce soit.
Votre commission des Lois a constaté que la directive du Conseil du 19
décembre 1994 a suffisamment pris en compte les deux dernières
exigences de l'article 88-3 de la Constitution, puisqu'elle laisse aux
États :
- la possibilité de réserver à leurs nationaux les
fonctions d'exécutif des collectivités territoriales (les
fonctions de maire et d'adjoint, dans le cas de la France) ;
- la possibilité de disposer que les citoyens de l'Union "
ne
peuvent participer à la désignation des électeurs d'une
assemblée parlementaire ni à l'élection des membres de
cette assemblée "
(en l'occurrence, les membres du
collège électoral des sénateurs).
Les articles 8 et 9 (en ce qui concerne les fonctions de maire et d'adjoint) et
6 et 7 du projet de loi organique (en ce qui concerne l'élection des
sénateurs) en tirent les conséquences selon des modalités
auxquelles votre commission des Lois a accordé la plus grande attention.
En revanche, le projet de loi organique -pas plus que la directive, d'ailleurs-
ne comporte aucune mention particulière garantissant le respect de la
réserve de réciprocité, telle qu'elle a été
intentionnellement et expressément posée par l'article 88-3 de la
Constitution.
Votre commission des Lois a considéré que sur ce point, la loi
organique ne pouvait s'exonérer de cette exigence constitutionnelle en
ouvrant le droit de vote et d'éligibilité aux élections
municipales en France aux ressortissants d'États membres qui ne
l'accorderaient pas aux Français établis sur leur territoire.
II. LES PRINCIPALES RÉFLEXIONS SUSCITÉES PAR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE
Le projet de loi organique soumis à l'examen du
Sénat comporte cinq chapitres traitant respectivement :
chapitre Ier
: des modalités générales de
l'exercice du droit de vote aux élections municipales par les
ressortissants des autres États de l'Union européenne ;
chapitre II
: des règles spécifiques relatives à
leur éligibilité en tant que conseiller municipal, étant
entendu qu'ils demeureront exclus des fonctions de maire et d'adjoint, ainsi
que l'exige la Constitution ;
chapitre III
: des mesures particulières évitant que les
ressortissants communautaires ne participent à un titre quelconque
à l'élection des membres du collège électoral des
sénateurs ;
chapitre IV
: des règles à introduire dans le code
général des collectivités territoriales du fait que les
ressortissants communautaires demeurent exclus des fonctions de maire ou
d'adjoint ;
chapitre V
: de mesures "
diverses et
finales
" dont
les deux plus importantes concernent d'une part l'extension de la loi organique
aux territoires d'outre-mer et à Mayotte, de l'autre la date
d'entrée en vigueur du nouveau régime.
· Dans cet ensemble, votre commission des Lois a relevé que du
point de vue technique et juridique, les modalités proposées pour
l'exercice du droit de vote par les ressortissants communautaires ne posaient
pas de difficultés ni d'interrogations particulières.
Globalement, le dispositif repose sur l'existence d'une liste électorale
complémentaire dont le projet de loi organique précise les
modalités d'établissement et de contrôle. L'inscription sur
cette liste serait soumise à la production de différentes
pièces, déclarations et attestations dont l'existence et le
contenu sont déterminés par la directive du 19 décembre
1994.
Or, sur tous ces points, le projet de loi organique a opté pour des
solutions quasiment identiques à celles de la loi du 5 février
1994 relative à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne
résidant en France du droit de vote et d'éligibilité aux
élections au Parlement européen.
Le mécanisme de la liste électorale complémentaire n'a
donc rien d'innovant, et son extension aux élections municipales ne
devrait pas en soi poser de difficultés particulières.
·
Six points du projet de loi organique appellent en revanche une
attention toute particulière :
1. Le problème de la résidence en France.
La Constitution dispose clairement que le droit de vote et
d'éligibilité ne peut être reconnu qu'aux ressortissants
communautaires
résidant en France
, ce qui exclut
ipso jure
que ces droits puissent être exercés par des ressortissants
communautaires qui n'y résideraient pas, fussent-ils contribuables
locaux dans telle ou telle commune française.
Votre commission des Lois tient à formuler à ce propos deux
observations qui lui paraissent essentielles :
-
la résidence en France,
en vertu du dispositif communautaire
et conformément à la Constitution,
est la condition de fond
pour qu'un ressortissant communautaire puisse exercer en France les droits
reconnus par l'article 8 A, paragraphe I du Traité de Maastricht.
Cette observation s'inscrit dans le prolongement direct des longs
débats intervenus à ce sujet en 1994, tant lors de l'adoption de
la résolution de la commission des Lois que lors de l'examen de la loi
sur la participation des ressortissants communautaires aux élections
européennes.
Mais à partir du moment où le ressortissant communautaire
réside en France, il pourra, au même titre que les nationaux,
demander son inscription sur la liste électorale complémentaire,
soit de la commune où il a son domicile réel ou celle où
il habite depuis six mois au moins, soit de toute autre commune où il
figure depuis cinq ans au rôle d'une des contributions locales directes,
ainsi que le prévoit l'article L. 11 du code électoral.
-
la résidence en France est une exigence spécifique
imposée aux seuls ressortissants communautaires,
alors qu'elle n'est
pas requise des nationaux.
En cela, elle constitue par elle-même, non pas une discrimination, mais
une exception au principe de non-discrimination.
Il s'agit plus exactement
d'un préalable prévu par le Traité, qui figure dans la
Constitution et dont le législateur organique est donc fondé
à définir le contenu sous le seul contrôle du Conseil
constitutionnel.
Dans ce domaine, s'il est vrai que la directive n'autorise pas la France
à imposer au ressortissant communautaire une durée minimale de
résidence pour pouvoir y exercer son droit de vote et
d'éligibilité -à partir du moment où la
législation électorale n'impose pas une telle condition aux
électeurs français- rien n'interdit qu'elle définisse de
manière spécifique ce qu'il faut entendre par
" résidence en France ", puisque c'est de cette obligation
imposée aux seuls ressortissants communautaires que découle le
reste du dispositif.
Cette question n'est pas nouvelle et a suscité de longs débats
-au Sénat, en particulier- lors de l'élaboration de la loi du 5
février 1994 relative à la participation des ressortissants
communautaires aux élections européennes. Ils ont permis de fixer
clairement la notion de résidence en France, telle qu'elle doit
être entendue pour la mise en oeuvre du Traité de Maastricht.
A cette fin, l'article 2-1, dernier alinéa de la loi du 7 juillet 1977
modifiée par la loi du 5 février 1994 dispose que
les
ressortissants communautaires sont "
considérés comme
résidant en France s'ils y ont leur domicile réel ou si leur
résidence y a un caractère continu
".
Votre commission des Lois propose au Sénat de reprendre cette
disposition, mot pour mot, dans la présente loi organique.
2. Le problème du " double vote " et du " double mandat "
·
La directive ne comporte pas de stipulation
expresse interdisant le double vote, en France et dans l'État
d'origine.
Il semblerait que l'intention des auteurs de la directive ait été
-au moins dans la première phase de la négociation- de donner
à un ressortissant communautaire établi dans un autre pays la
possibilité expresse d'y voter tout en continuant de pouvoir voter dans
son État d'origine. La directive, dans sa rédaction
définitive, ne comporte pas une telle stipulation mais dans le silence
du texte, la Commission de Bruxelles considère que n'étant pas
interdit, le double vote demeure autorisé.
Votre commission constate néanmoins que le projet de loi organique
écarte clairement la possibilité du double vote.
Des renseignements réunis par votre rapporteur, il ressort que les
autres Etats membres n'ont pas interdit le " double vote ".
Votre
commission des Lois ne voit pas de raison d'interdire aux ressortissants
communautaires ce qui est permis aux Français résidant à
l'étranger.
Cette faculté de double électorat traduit seulement le fait que
le processus de construction de l'Europe, s'il justifie l'apparition d'une
citoyenneté européenne, n'abolit pas pour autant les
citoyennetés nationales en ce que ces deux citoyennetés ne sont
pas incompatibles.
·
Le problème du " double mandat " se pose en termes
assez différents puisqu'il s'agit là d'un cumul de fonctions
Le texte de la directive laisse simplement aux États membres la
possibilité d'étendre "
des incompatibilités entre
la qualité d'élu municipal et d'autres fonctions
"
à des fonctions équivalentes dans d'autres États membres.
L'article L. 238 du code électoral, qui figure dans la section relative
aux incompatibilités applicables aux conseils municipaux, dispose que
nul ne peut être membre de plusieurs conseils municipaux.
On pourrait concevoir que cette disposition s'applique aussi aux fonctions de
conseiller municipal dans un autre État membre, et suffise à
rendre effective l'interdiction d'être simultanément membre de
deux conseils municipaux, l'un en France, l'autre dans un État de
l'Union européenne. Pour autant, le projet de loi organique ne comporte
aucune disposition particulière à ce sujet, la mise en oeuvre de
l'article L. 238 risquant dès lors de s'avérer délicate si
la loi organique prévue par la Constitution ne le prévoit pas
expressément.
Dans cette perspective, votre commission des Lois a jugé
préférable d'inscrire dans le texte même de la loi
organique qu'un ressortissant communautaire ne pourra pas cumuler le mandat de
conseiller municipal en France avec un mandat équivalent dans son
État d'origine. A défaut d'opter pour l'un ou l'autre, il serait
déclaré démissionnaire d'office du conseil municipal.
3. La portée exacte de la clause de réciprocité
Votre commission s'est interrogée sur la portée
de la clause de réciprocité, telle qu'elle a été
intentionnellement et expressément inscrite dans l'article 88-3 de la
Constitution.
Cette question s'était déjà posée lors de la
révision constitutionnelle du 25 juin 1992, notamment à propos
de l'article du projet de révision relatif au droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales.
Appelé à se prononcer sur la conformité du Traité
de Maastricht à la Constitution, le Conseil constitutionnel avait en
effet considéré qu'en lui-même, cet engagement
international répondait à l'exigence de réciprocité
prescrite par le quinzième alinéa du Préambule de la
Constitution de 1946, puisqu'il ne prenait effet qu'après le
dépôt du dernier instrument de ratification.
Pour autant, le Constituant a souhaité dépasser cette notion. Il
a en effet pris soin d'inscrire dans le corps même de l'article 88-3 une
réserve de réciprocité particulière, qui s'applique
au seul régime du droit de vote et d'éligibilité, et qui
demeure distincte de la clause générale de
réciprocité conditionnant la validité de l'ensemble du
Traité de Maastricht.
Cette réserve de réciprocité de l'article 88-3 se rattache
plus à la conception de l'article 55 de la Constitution, qui vise
"
l'application par l'autre partie
", qu'à celle du
quinzième alinéa du Préambule de 1946, qui fait seulement
référence à la réciprocité de l'engagement
sans s'interroger sur son application effective.
Comme l'observait alors le Président Jacques Larché,
"
une conception plus pragmatique de la clause de
réciprocité consisterait à n'admettre au droit de vote
municipal en France que les seuls ressortissants des États qui
l'accordent dans les mêmes conditions aux Français établis
sur leur territoire. Cette conception serait plus conforme au sens de l'article
55 de la Constitution, qui exige une application réciproque du
Traité sans se borner à en exiger la ratification par l'autre
État partie.
"
En fait, la juxtaposition des termes " sous réserve de
réciprocité " et " et pour l'application du
Traité sur l'Union européenne " renforce cette seconde
interprétation, puisque l'application du Traité ne pourra
résulter que de son entrée en vigueur, c'est-à-dire,
conformément à son article R, lorsque tous les États
auront déposé les instruments de ratification.
"
Dans cette perspective, la mention expresse de la clause de
réciprocité vise nécessairement une autre obligation
juridique, sauf à la considérer comme totalement redondante et
dépourvue de toute portée normative, en méconnaissance des
dispositions de l'article 55 de la Constitution
".
Votre commission des Lois considère que cette analyse conserve toute son
actualité, d'autant qu'en dépit de la ratification du
Traité de Maastricht par tous les États membres, il est de fait
qu'en dehors de la France, deux autres pays n'ont pas encore rendu effectives
les stipulations de son article 8 A, paragraphe I.
Elle a estimé que la clause de réciprocité de l'article
88-3 doit s'apprécier selon des critères propres. Dans cette
optique, le législateur organique est fondé à
déterminer lui-même le contenu qu'il entend donner à cette
clause de réciprocité, sous le seul contrôle du Conseil
constitutionnel.
Votre commission des Lois propose à cette fin de
considérer que la réciprocité réside, non pas
dans la ratification du traité, mais dans la transposition de la
directive qui en fixe les conditions de mise en oeuvre.
La clause de réciprocité serait ainsi satisfaite à
partir du moment où les États auraient transposé la
directive dans leur législation nationale propre.
Selon cette formule, les Belges et les Grecs ne pourraient pas voter ou
être élus en France tant que les Français résidant
en Belgique et en Grèce ne pourront pas y voter ou y être
élus.
4. Le risque d'affaiblissement de la représentation des communes de 9 000 habitants et plus au sein du collège électoral des sénateurs.
· Dans les communes de 9 000 habitants et plus, tous
les membres du conseil municipal sont membres de droit du collège
électoral des sénateurs(article L. 285 du code
électoral).
Or, si conformément à l'article 88-3 de la Constitution, le
projet de loi organique exclut bien de ce collège les conseillers
municipaux étrangers, il n'a prévu aucun mécanisme de
désignation de délégués français
destinés à suppléer les conseillers municipaux
étrangers :
le nombre des délégués de la commune
et, partant, le " poids " de cette commune au sein du
collège
électoral s'en trouveraient donc amoindris.
Une disposition de ce type figurait pourtant dans l'avant-projet de loi
organique mais n'a finalement pas été retenue.
a)
Afin de sauvegarder l'équilibre de la représentation de
chaque commune au sein du collège électoral des sénateurs,
on aurait pu songer à rétablir un tel mécanisme
(même s'il n'est pas interdit de s'interroger sur le point de savoir si
cette disposition relève bien du domaine organique spécial
institué par l'article 88-3 de la Constitution).
Mais, à la réflexion, cette solution produirait des effets tout
à fait contestables, car désignés par les seuls
conseillers français, les remplaçants de conseillers municipaux
étrangers ne seraient pas nécessairement de même tendance
politique que ces derniers.
Pour peu que les conseillers étrangers soient minoritaires au sein du
conseil municipal -tel sera toujours le cas, si le Sénat approuvait la
proposition de votre commission des Lois- il serait paradoxal que les
délégués appelés à remplacer les conseillers
minoritaires soient choisis par la seule majorité et au sein de la seule
majorité.
Ce mécanisme déformerait la volonté de l'électeur
telle qu'elle s'est manifestée lors de l'élection du conseil
municipal.
b)
Pour prévenir cet inconvénient, votre rapporteur a
envisagé la possibilité de laisser les ressortissants
communautaires " présenter " une personne française
appelée à siéger à leur place au collège
électoral des sénateurs, à l'instar de ce qui est
prévu pour les députés, les conseillers régionaux
ou à l'Assemblée de Corse et les conseillers
généraux, membres de droit du collège électoral. En
pareil cas, en effet, l'article L. 287, alinéa 2, du code
électoral, prévoit que le maire leur désigne un
remplaçant sur la présentation du conseiller municipal à
remplacer.
Un tel système éviterait d'introduire une distorsion dans la
représentation de la commune mais se heurte au texte même de
l'article 88-3 de la Constitution, selon lequel les ressortissants
communautaires ne peuvent "
participer à la
désignation
" des électeurs sénatoriaux. Or, la
présentation d'un remplaçant est en soi une forme de
participation, surtout si elle lie l'autorité de désignation.
c)
Certains membres de la commission ont évoqué la
possibilité d'un système de suppléants, qui n'a pas
été retenu compte tenu du fait que le choix d'un suppléant
serait un acte de participation -fût-elle indirecte- à
l'élection des sénateurs et une discrimination, sans compter la
complexité qui en résulterait inévitablement.
·
En définitive, il semble bien que la réduction du
nombre des électeurs sénatoriaux dans les communes de 9 000
habitants et plus ayant élu des ressortissants communautaires au conseil
municipal soit non seulement inévitable, mais aussi logique, car elle
résultera d'un choix délibéré des
électeurs.
Le législateur organique n'a pas à éluder par un artifice
juridique les conséquences de ce choix.
C'est en revanche aux candidats aux élections municipales -au moment de
la composition des listes- et aux électeurs qu'il appartiendra de tenir
compte de cette donnée.
5. La situation spécifique du Conseil de Paris
Aux termes de l'article L. 2512-1 du code
général des collectivités territoriales, le territoire de
la ville de Paris recouvre à la fois la commune de Paris et le
département de Paris, les affaires de ces deux collectivités
étant réglées par une même assemblée, le
Conseil de Paris.
Or le projet de loi organique rendrait les ressortissants communautaires
éligibles au Conseil de Paris, mais sans régler la
difficulté tenant au fait que cette assemblée se réunit
aussi comme conseil général.
C'est pourquoi, à la suite des observations de M. Maurice Ulrich et de
M. Lucien Lanier, votre commission des lois propose au Sénat de
prévoir que les ressortissants communautaires élus membres du
Conseil de Paris ne pourront pas siéger à ce Conseil lorsqu'il se
réunit comme conseil général.
6. L'application du dispositif dans les TOM
· Comme l'ont montré les travaux
préparatoires de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992,
l'intention non équivoque des négociateurs du Traité de
Maastricht était de ne pas en imposer l'application aux territoires
d'outre-mer. Ce traité n'a d'ailleurs pas modifié la
quatrième partie du Traité de Rome qui définit
limitativement les dispositions applicables aux TOM.
Pour autant, il subsiste une incertitude concernant l'article 8 du
Traité, relatif à la citoyenneté de l'Union, dans la
mesure où il pose des principes généraux et
détermine les droits attachés à la citoyenneté de
l'Union, laquelle est détenue par tout ressortissant d'un État
membre.
· Soucieuse de préserver l'organisation particulière des
TOM, votre commission des Lois avait souhaité dans sa résolution
de 1994 que le dispositif ne s'y applique pas.
Or le projet de loi organique a pris une position contraire : selon son article
12, ce texte a vocation à s'appliquer dans les TOM et à Mayotte.
D'après les indications fournies à votre rapporteur, les
assemblées territoriales n'ont pas été consultées
sur le projet de loi organique.
Cependant, l'Assemblée de la Polynésie française a
adopté le 13 août 1997 une délibération (n°
97-148/APF) par laquelle :
- elle proteste "
solennellement sur la violation constatée de
l'article 74 de la Constitution aux termes duquel l'Assemblée doit
être consultée sur tout projet de loi touchant à
l'organisation particulière du territoire
" ;
- elle demande que soit supprimé l'article 12 du projet de loi
organique, c'est-à-dire la disposition d'extension aux territoires
d'outre-mer.
De fait, selon le Traité de Rome -dans lequel s'intègre l'article
8 B, paragraphe I- les TOM ont un statut de territoires associés mais ne
sont pas soumis à l'ensemble des dispositions de ce traité.
De surcroît, l'Assemblée de la Polynésie française
observe dans les considérants de sa délibération que
certaines dispositions du projet de loi ont vocation à s'intégrer
dans le code général des collectivités territoriales et ne
seraient donc pas susceptibles d'être mises en uvre telles quelles en
Polynésie, où ces matières sont encore
réglées par le code des communes.
Dans ces conditions, votre commission des Lois propose au Sénat de
supprimer dans l'article 12 du projet la disposition d'extension de la loi
organique aux Territoires d'outre-mer (en revanche, serait conservée la
disposition rendant cette loi organique applicable à Mayotte).
EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
DE L'EXERCICE DU DROIT DE VOTE
AUX
ÉLECTIONS MUNICIPALES PAR LES RESSORTISSANTS
D'UN ÉTAT MEMBRE
DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
AUTRE QUE LA FRANCE
Le chapitre premier du projet de loi organique, qui ne
comporte qu'un seul article, a pour objet d'insérer dans le code
électoral une nouvelle section relative à l'exercice du droit de
vote aux élections municipales par les ressortissants communautaires
résidant en France.
Cette section ne concerne que le droit de vote proprement dit, et non le droit
d'éligibilité ou les règles particulières
prévues par l'article 88-3 de la Constitution excluant les
conseillers municipaux étrangers des fonctions de maire ou d'adjoint et
de toute participation à l'élection des sénateurs (qui
font respectivement l'objet des chapitres II, III et IV du projet de loi
organique).
L'article G du Traité sur l'Union européenne et la directive du
Conseil du 19 décembre 1994 reconnaissent le droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat de
résidence à tous les citoyens "
de l'Union
européenne
".
L'expression "
citoyen de l'Union
" a été
reprise par l'article 88-3 de la Constitution et figure d'ailleurs
déjà dans la loi du 5 février 1994 relative à
l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en
France du droit de vote et d'éligibilité aux élections au
Parlement européen.
Votre commission des Lois propose donc au Sénat de viser dans cet
intitulé les Etats membres de
" l'Union
européenne
" plutôt que ceux de la
"
Communauté européenne
", étant
précisé que la même modification terminologique sera
proposée sur toutes les autres dispositions du projet de loi organique
faisant mention des Etats de la Communauté européenne.
Article premier
Insertion dans le code électoral
d'une section spécifique
relative à l'exercice du droit de
vote aux élections municipales
par les ressortissants
communautaires
Ainsi qu'il a été dit, cet article propose
d'insérer une nouvelle section I bis dans le chapitre premier
du Titre IV du Livre premier du code électoral, ce Titre IV regroupant
lui-même des dispositions spéciales à l'élection des
conseillers municipaux et des membres du Conseil de Paris.
Cette section comporterait sept articles L.O. 227-1 à
L.O. 227-7 dont la structure générale et l'ordonnancement
sont très analogues aux dispositions adoptées en 1994 pour
permettre aux ressortissants communautaires de participer en France aux
élections européennes : création d'une liste
électorale complémentaire, formalités d'inscription sur
cette liste, etc.
A la différence de la loi de 1994, néanmoins, et
conformément à l'article 88-3 de la Constitution, ces
nouveaux articles organiques du code électoral ne pourront
ultérieurement être modifiés, le cas échéant,
que par une nouvelle loi organique adoptée dans les mêmes termes
par les deux assemblées.
SECTION I BIS
(Articles L.O. 227-1 à
L.O. 227-7 du code électoral)
Dispositions spéciales
à l'exercice par les ressortissants
d'un Etat membre de la
Communauté européenne autre que la France
du droit de vote
pour l'élection des conseillers municipaux
et des membres du Conseil
de Paris
Pour les motifs exposés ci-avant, votre commission des Lois propose de substituer dans cet intitulé l'expression " l'Union européenne " à celle de " la Communauté européenne ".
Article L.O. 227-1
Disposition de principe reconnaissant
aux ressortissants
communautaires résidant en France le droit de
vote
aux élections municipales dans les mêmes conditions
que
les citoyens Français
L'article 3, alinéa 3, de la Constitution, dispose
que "
sont électeurs, dans les conditions
déterminées par la loi, tous les nationaux français
majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et
politiques
".
Cette règle constitutionnelle est reprise à l'article 2 du
code électoral : "
Sont électeurs les
Françaises et les Français, âgés de dix-huit ans
accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et n'étant
dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi
".
En reconnaissant la possibilité d'accorder aux
"
seuls
" ressortissants communautaires résidant en
France le droit de vote aux élections municipales, l'article 88-3
de la Constitution pose une exception à la règle
générale de l'article 3.
Le projet de loi organique propose donc d'introduire dans le code
électoral la même exception, tout en précisant que sous
réserve des modalités particulières prévues par la
directive du 19 décembre 1994, ce droit s'exercera "
dans
les mêmes conditions que les électeurs français
",
ainsi que le stipule le Traité de Maastricht.
Le deuxième alinéa de cet article précise, à propos
des ressortissants communautaires, que l'élection des membres du Conseil
de Paris -régie par des dispositions particulières- est
assimilée à celle des membres des conseils municipaux des autres
communes.
Pour les motifs exposés dans la première partie du présent
rapport,
votre commission des Lois propose au Sénat de
compléter cet article sur deux points essentiels :
1.
en précisant le caractère que devra présenter la
résidence en France
imposée aux ressortissants communautaires
pour pouvoir être inscrits sur une liste électorale
complémentaire.
Dans la mesure où les débats sur la loi du 5 février 1994
relative à la participation des ressortissants communautaires -ceux du
Sénat, en particulier- ont permis de fixer clairement la notion de
résidence en France, telle qu'elle doit être entendue pour la mise
en oeuvre du Traité de Maastricht, votre commission des Lois propose au
Sénat de reprendre, mot pour mot, le dispositif adopté à
cette occasion à l'article 2-1, dernier alinéa, de la loi de 1994.
Pour l'application de la présente loi organique, les ressortissants
communautaires seraient donc "
considérés comme
résidant en France s'ils y ont leur domicile réel ou si leur
résidence y a un caractère continu
".
2.
en introduisant une référence expresse à la
réserve de réciprocité
posée par l'article 88-3
de la Constitution. Le droit de vote ne serait ainsi ouvert qu'aux
ressortissants des Etats de l'Union qui l'accordent, dans les conditions
prévues par le Traité de Maastricht et selon leur
législation nationale propre, aux Français qui y résident.
Article L.O. 227-2
Création de listes
électorales complémentaires
et conditions d'inscription sur
ces listes
Comme, en son temps, la loi du 5 février 1994 sur
la participation des ressortissants communautaires aux élections
européennes, cet article propose la création de listes
électorales complémentaires sur lesquelles les citoyens de
l'Union devront être inscrits s'ils souhaitent participer aux
élections municipales.
· Le premier alinéa de cet article précise bien que
l'inscription des citoyens de l'Union sur une liste électorale
complémentaire se fera "
à leur demande
".
Il se trouve que le Parlement devrait prochainement être appelé
à examiner un projet de loi (n° 408) sur l'inscription
d'office sur les listes électorales des jeunes gens atteignant
l'âge de la majorité.
L'article 7, paragraphe 3, de la directive du 19 décembre 1994
stipule que les Etats membres dans lesquels le vote n'est pas obligatoire
-c'est le cas de la France- peuvent prévoir une inscription d'office sur
la liste électorale des ressortissants communautaires qui remplissent
les conditions pour y être électeur.
Dans l'hypothèse où le projet de loi n° 408 viendrait
à être adopté, la France serait donc en droit d'en
étendre l'application aux ressortissants communautaires mais cette
extension supposerait au préalable l'adoption d'une loi organique
modifiant le présent article L.O. 227-2. Cette loi organique
devrait être adoptée dans les mêmes termes par les deux
assemblées, conformément à l'article 88-3 de la
Constitution.
· Le deuxième alinéa de cet article précise les
conditions auxquelles les citoyens de l'Union autres que les Français
devront satisfaire pour pouvoir être inscrits sur une liste
électorale complémentaire. Indépendamment de la condition
de résidence en France, posée comme un cadre
général par l'article L.O. 227-1, ces conditions sont au
nombre de deux :
- l'électeur communautaire devra jouir de la capacité
électorale dans son Etat d'origine,
- il devra en outre remplir les autres conditions légales (autre que la
nationalité française) pour être électeur et
être inscrit sur une liste électorale en France.
· Votre rapporteur relève que la directive du
19 décembre 1994 ne subordonne pas explicitement l'exercice du
droit de vote dans l'Etat de résidence à la détention de
la capacité électorale dans l'Etat d'origine, différant en
cela de la directive du 6 décembre 1993 relative aux
élections européennes.
Pour autant, la directive du 19 décembre 1994 n'interdit pas aux
Etats membres d'imposer cette condition aux ressortissants communautaires,
ainsi que le précise la Déclaration au procès-verbal du
Conseil et de la Commission relative à l'article 3, telle qu'elle
figure en annexe de ladite directive.
Votre commission des Lois approuve l'exigence ainsi posée par le projet
de loi organique, car il serait choquant qu'un citoyen de l'Union
résidant en France puisse y voter aux élections municipales alors
qu'il serait privé du droit de vote dans son Etat d'origine.
Pour ce qui est des autres conditions légales, les électeurs
communautaires devront satisfaire aux mêmes règles que les
Français, telles qu'elles sont définies aux
articles L. 2 et suivants du code électoral (avoir 18 ans
accomplis, ne pas être majeur sous tutelle ni tomber sous le coup d'une
condamnation devenue définitive interdisant l'inscription sur une liste
électorale, etc.).
Article L.O. 227-3
Modalités
d'établissement et de révision
des listes électorales
complémentaires
· Le premier alinéa de cet article confie aux
autorités compétentes pour l'établissement et la
révision des listes électorales le soin de dresser et de
réviser les listes électorales complémentaires.
D'après les renseignements fournis à votre rapporteur,
l'expression "
autorités compétentes
" recouvre
l'ensemble des autorités administratives et juridictionnelles
françaises qui concourent à l'établissement et à la
révision des listes électorales, à titre principal ou dans
le cadre du contentieux de l'inscription.
Cet alinéa précise de surcroît que les listes
électorales complémentaires seraient établies par bureau
de vote, conformément à la règle générale
prévue par l'article L. 17, alinéa 2, du code
électoral.
· Le second alinéa du présent article fixe les
modalités d'établissement et de contrôle de
régularité des listes électorales complémentaires,
par référence à toutes les dispositions pertinentes du
code électoral, relatives aux listes électorales nationales.
Il est fait référence à ces dispositions dans leur
rédaction en vigueur à la date de publication de la
présente loi organique.
Ces dispositions ont une valeur législative simple. Or, si la
jurisprudence du Conseil constitutionnel admet que la loi organique puisse
rendre applicables à des matières relevant de son domaine propre
des dispositions de valeur législative simple, il faut que celles-ci
aient été adoptées antérieurement au vote de la loi
organique. Toute modification ultérieure des articles concernés
ne pourra donc être rendue applicable aux ressortissants communautaires
que moyennant l'adoption d'une nouvelle loi organique, qui devrait
elle-même être adoptée dans les mêmes termes par les
deux assemblées, ainsi que le prévoit l'article 88-3 de la
Constitution.
Cette observation vaut d'ailleurs pour l'ensemble des renvois à des
dispositions législatives simples opérés explicitement ou
implicitement par différents articles de la présente loi
organique, sans qu'il soit nécessaire de le préciser à
chaque fois.
Comme il a été dit, le Parlement devrait prochainement être
appelé à examiner un projet de loi (n° 408) sur
l'inscription d'office sur les listes électorales des jeunes gens
atteignant l'âge de la majorité. Or, l'article 2 de ce projet de
loi propose d'insérer dans le code électoral un nouvel article
(L. 17-1) qui, s'il venait à être créé,
n'aurait pas nécessairement vocation à s'appliquer aux
ressortissants communautaires.
Votre commission des Lois présente donc sur cet alinéa un
amendement dont l'adoption permettrait, le moment venu, de laisser le nouvel
article L. 17-1 en dehors de la liste des dispositions étendues aux
ressortissants communautaires par l'article L.O. 227-3.
· Le troisième alinéa précise que les listes
électorales complémentaires mentionneront, outre les indications
légales usuelles (nom, prénom, domicile, date et lieu de
naissance, etc.), l'indication de la nationalité des personnes qui y
sont inscrites. Il s'agit d'une mention spécifique à ces listes,
nécessaire à l'information des électeurs, des candidats et
des partis et groupements politiques (habilités à prendre
communication et copie de la liste en application de l'article L. 28 du
code électoral).
Cette mention de la nationalité n'a rien de discriminatoire, puisque la
mention de la nationalité française des personnes inscrites sur
les listes électorales nationales, quoique non précisée
explicitement, se déduit du fait même que l'inscription sur ces
listes est actuellement réservée aux Français.
· Le dernier alinéa de cet article étend au contentieux
des listes électorales complémentaires les règles
actuellement applicables au contentieux des listes électorales. Ce
contentieux relèverait donc du tribunal d'instance en premier et dernier
ressort, sous réserve du pourvoi en cassation.
Article L.O. 227-4
Pièces à produire
lors de la demande d'inscription
sur une liste électorale
complémentaire
Cet article fixe la liste des pièces à produire
à l'appui d'une demande d'inscription sur une liste électorale
complémentaire, étant précisé que cette liste est
quasiment la même que celle prévue pour la demande d'inscription
sur la liste électorale complémentaire en vue de la participation
aux élections européennes.
· En vertu de l'article 9 de la directive du
19 décembre 1994, l'électeur communautaire doit apporter
"
les mêmes preuves qu'un électeur national
",
les Etats pouvant en outre exiger qu'il fournisse "
un document
d'identité en cours de validité
", ainsi qu'une
"
déclaration formelle précisant sa nationalité et
son adresse dans l'Etat membre de résidence
".
Le présent article reprend cette énumération (mêmes
justifications que l'électeur national, document d'identité en
cours de validité et déclaration écrite précisant
la nationalité et l'adresse sur le territoire de la République).
Il prévoit de surcroît que l'électeur communautaire devra
préciser dans sa déclaration :
- qu'il n'est pas privé du droit de vote dans son Etat d'origine (de
façon à assurer le respect du principe posé par
l'article L.O. 227-2, alinéa 2) ;
- qu'il n'exercera son droit de vote aux élections municipales qu'en
France aussi longtemps qu'il sera inscrit sur la liste complémentaire.
En d'autres termes, les électeurs communautaires résidant en
France ne disposeront pas d'un "
double vote
" qui
leur
permettrait de voter aussi aux municipales dans leur Etat d'origine.
· Pour les motifs exposés dans la première partie du
présent rapport, votre commission des Lois, outre un amendement de
coordination faisant référence aux Etats "
de l'Union
européenne
", propose au Sénat de supprimer le dernier
alinéa de cet article (d), relatif à la déclaration aux
termes de laquelle le ressortissant communautaire précise qu'il
n'exercera son droit de vote qu'en France aussi longtemps qu'il sera inscrit
sur la liste complémentaire.
Article L.O. 227-5
Communication aux autres
Etats-membres de l'identité de leurs ressortissants inscrits en France
sur une liste électorale complémentaire
Cet article dispose que l'identité des ressortissants
communautaires inscrits en France sur une liste électorale
complémentaire sera communiquée, sur leur demande, aux Etats
d'origine selon des modalités à fixer par un décret
Conseil d'Etat.
Une procédure de ce type a été instituée pour les
élections européennes, où le " double vote " est
interdit, de manière à permettre à nos partenaires de
vérifier si leurs ressortissants résidant en France n'y ont pas
obtenu leur inscription sur une liste électorale complémentaire.
Mais on voit mal l'intérêt d'instituer la même
procédure pour les élections municipales, où ce
contrôle serait sans objet puisque le " double vote " n'y
est
pas interdit par nos partenaires de l'Union européenne.
Dans ces conditions, votre commission des Lois propose au Sénat de
supprimer cet article.
Article L.O. 227-6
Radiation d'office de la liste
électorale complémentaire
des ressortissants communautaires en
cas de double vote
Cet article prévoit un mécanisme de radiation
d'office de la liste électorale complémentaire des ressortissants
communautaires votant dans leur Etat d'origine en contravention avec
l'engagement pris de ne voter qu'en France aussi longtemps qu'ils seront
inscrits sur une telle liste.
Votre commission des Lois ayant proposé au Sénat de ne pas
imposer un tel engagement, elle présente par voie de conséquence
un amendement de suppression du présent article.
Article L.O. 227-7
Dispositions pénales
réprimant les infractions
relatives aux listes électorales
complémentaires
Les articles L. 86, L. 87, L. 88 et L. 113 du code
électoral répriment les infractions spécifiques relatives
à l'établissement des listes électorales ou à la
délivrance ou à la production frauduleuse de certificats
d'inscription ou de radiation sur ces listes. Ces infractions sont passibles
d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende (étant entendu que
conformément aux principes généraux du nouveau code
pénal, ces taux sont des maxima, le juge restant fondé à
prononcer une peine moindre).
Cet article tend à réprimer par les mêmes peines les
différentes infractions commises en matière de listes
électorales complémentaires.
Il faut noter que les incriminations correspondantes ne visent que les fraudes
aux listes électorales complémentaires proprement dites, et
qu'elles s'appliqueront aussi bien aux ressortissants communautaires qu'aux
nationaux reconnus coupables de telles fraudes.
En revanche, le projet de loi organique ne comporte pas de dispositions
particulières réprimant les autres infractions électorales
susceptibles d'être commises par des ressortissants communautaires
résidant en France lors des élections municipales. Ces
infractions sont en effet réprimées sans distinction de la
nationalité de leurs auteurs, les articles correspondants visant les
fraudes commises, selon le cas, par "
tout
candidat
",
"
tout électeur
" ou "
toute
personne
".
Sous réserve d'un amendement de forme tenant compte de la terminologie
en usage dans le nouveau code pénal, votre commission des Lois propose
au Sénat d'adopter cet article.
CHAPITRE II
DES RÈGLES SPÉCIFIQUES
D'ÉLIGIBILITÉ DES RESSORTISSANTS
D'UN ETAT MEMBRE DE LA
COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
AUTRE QUE LA FRANCE.
Ce chapitre a pour objet d'introduire dans le code
électoral les dispositions organiques permettant aux citoyens de l'Union
résidant en France d'être éligibles aux conseils municipaux
et précisant, en ce qui les concerne, les conditions spécifiques
susceptibles de leur être imposées.
Votre commission des Lois propose au Sénat de viser dans cet
intitulé les Etats membres de
" l'Union
européenne
" plutôt que ceux de la
"
Communauté européenne
".
Article 2
(Article L.O. 228-1 du code
électoral)
Conditions générales de
l'éligibilité des ressortissants communautaires comme conseiller
municipal
Cet article a pour objet d'insérer dans le code
électoral un nouvel article L.O. 228-1 fixant les conditions
générales de l'éligibilité au conseil municipal des
ressortissants d'un Etat de l'Union européenne autre que la France.
A cette fin, les intéressés devront :
- soit être inscrits sur la liste électorale complémentaire
de la commune, ce qui implique qu'ils satisfont aux conditions prévues
par l'article L.O. 227-2, alinéa 2, précité
(résidence en France et jouissance de la capacité
électorale dans leur Etat d'origine, notamment) ;
- soit remplir les conditions légales autres que de nationalité
pour être électeurs et inscrits sur une liste électorale
complémentaire d'une autre commune française et être
inscrits au rôle d'une des contributions directes de la commune ou
justifier qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de
l'année de l'élection.
La portée de ce dispositif, calqué sur les règles
d'éligibilité applicables aux citoyens français ( article
L. 228 du code électoral), mérite d'être
précisée :
· En premier lieu, l'éligibilité des ressortissants
communautaires suppose tout d'abord qu'ils soient inscrits sur une liste
électorale complémentaire ou qu'ils remplissent les conditions
pour y être inscrits.
Cette inscription, on l'a vu, est elle-même subordonnée au fait
que l'étranger réside en France. Cette résidence pourra se
situer dans la commune où il présente sa candidature ou bien dans
une autre commune mais elle devra en tout état de cause répondre
au critère posé par l'article L.O. 227-1 (domicile réel ou
résidence à caractère continu). En conséquence, un
ressortissant communautaire qui se contenterait de posséder en France
une résidence secondaire où il ne résiderait
qu'épisodiquement ne sera pas éligible comme conseiller
municipal, ni dans la commune où est établie sa résidence
secondaire, ni dans aucune autre commune française.
· En second lieu et en outre, ce ressortissant communautaire pourra,
à l'instar des nationaux, se présenter à l'élection
municipale :
- soit dans la commune sur la liste électorale complémentaire de
laquelle il est inscrit ;
- soit dans une commune où il est inscrit (ou devrait l'être) au
rôle d'une des contributions locales directes, au titre d'une
résidence secondaire, par exemple.
Ainsi, et pour s'en tenir à trois exemples pris au hasard des
nationalités :
- un Espagnol ayant sa résidence principale en Espagne et une
résidence secondaire en France ne pourra être inscrit sur la liste
électorale complémentaire d'aucune commune française et ne
sera donc ni électeur ni éligible en France, même dans la
commune de sa résidence secondaire ;
- un Hollandais ayant sa résidence principale dans une commune
française mais n'ayant pas de résidence secondaire en France
pourra, s'il s'inscrit sur la liste électorale complémentaire,
être élu dans sa commune de résidence ;
- un Italien résidant en France, même s'il n'est pas inscrit sur
la liste électorale complémentaire dans sa commune de
résidence, pourra être élu dans toute commune où il
serait inscrit au rôle des contributions locales directes, au titre d'une
résidence secondaire par exemple.
· Comme pour le droit de vote, votre commission des Lois relève
que l'article 88-3 de la Constitution pose deux conditions essentielles
à l'éligibilité des ressortissants communautaires :
- la réciprocité,
- la résidence en France.
Afin de tenir pleinement compte de la clause de réciprocité
prévue par l'article 88-3 de la Constitution, votre commission des Lois
propose de préciser clairement que le droit d'éligibilité
ne sera reconnu qu'aux ressortissants communautaires dont l'Etat d'origine
accorde aux citoyens français qui y résident un droit
équivalent, dans les conditions prévues par le Traité sur
l'Union européenne et selon sa législation nationale propre.
· S'agissant de la condition de résidence, en revanche, le texte
du projet de loi organique n'appelle pas d'adjonction particulière,
puisqu'il réserve l'éligibilité aux ressortissants
communautaires dûment inscrits sur la liste électorale de la
commune ou remplissant les conditions légales pour être inscrits
sur une liste électorale complémentaire en France. Or,
l'article L.O. 227-1 pose la résidence en France comme une
condition
sine qua non
pour pouvoir être inscrit sur une liste
électorale complémentaire.
· Pour les motifs exposés dans la première partie du
présent rapport, votre commission des Lois propose au Sénat de
compléter cet article par un alinéa disposant que les membres du
Conseil de Paris qui n'ont pas la nationalité française ne
pourront siéger à ce conseil lorsque qu'il se réunit en
qualité de conseil général.
Article 3
(Article L.O. 230-2 du code
électoral)
Inéligibilité en France des ressortissants
communautaires
déchus du droit d'éligibilité dans leur
Etat d'origine
Comme l'a prévu l'article L.O. 227-2 en ce qui concerne
le droit de vote proprement dit, cet article prévoit, à propos de
l'éligibilité, que les ressortissants communautaires
résidant en France "
déchus du droit
d'éligibilité
" dans leur Etat d'origine perdront du
même coup le droit d'être élus en France.
Ce mécanisme, qui découle naturellement du principe
d'unicité de la citoyenneté européenne, a d'ailleurs
expressément été prévu par la directive du 19
décembre 1994 : "
eu égard à l'importance
politique de la fonction d'élu municipal, il convient que les Etats
membres puissent prendre les mesures nécessaires pour éviter
qu'une personne déchue de son droit d'éligibilité dans son
Etat membre d'origine soit réintégrée dans ce droit du
seul fait de sa résidence dans un autre Etat membre ".
Il convient néanmoins de souligner que cet article vise uniquement les
cas de déchéance proprement dite de l'éligibilité
dans l'Etat d'origine, par suite d'une condamnation pénale, par exemple.
Pour le reste, l'éligibilité des ressortissants communautaires
s'appréciera, non par rapport à la législation nationale
de leur Etat d'origine, mais par rapport aux dispositions légales
françaises.
Ainsi, plusieurs Etats de l'Union européenne accordent le droit de vote
à 18 ans mais n'accordent le droit d'éligibilité aux
municipales qu'à un âge plus avancé. Cette circonstance ne
saurait faire échec à l'éligibilité dès
18 ans de leurs ressortissants résidant en France, puisque
l'âge d'éligibilité aux municipales y est fixé
à 18 ans révolus (article L. 228, alinéa premier, du code
électoral).
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve d'un
amendement terminologique ("
l'Union européenne
" du
lieu de la "
la Communauté européenne
"), votre
commission des Lois propose au Sénat d'adopter cet article.
Article 4
(Article L.O. 236-1 du code
électoral)
Démission d'office des conseillers municipaux
ressortissants communautaires en cas d'inéligibilité dans leur
Etat d'origine
En vertu de l'article L. 236 du code électoral, les
conseillers municipaux qui, pour certaines causes survenues
postérieurement à leur élection, se trouvent dans un cas
d'inéligibilité sont immédiatement déclarés
démissionnaires par le préfet, sauf réclamation
auprès du tribunal administratif et sauf recours au Conseil d'Etat (ce
recours est non suspensif lorsque la déclaration de démission
d'office résulte d'une condamnation pénale devenue
définitive). C'est le cas, notamment, des conseillers municipaux
privés du droit électoral en cours de mandat.
Le présent article a pour objet d'instituer un mécanisme
équivalent de démission d'office à l'encontre des
conseillers municipaux ressortissants d'un autre Etat de l'Union
européenne qui, pour une cause survenue postérieurement à
leur élection, se trouveraient déchus de leur droit
d'éligibilité dans leur Etat d'origine.
Outre un amendement terminologique (référence à
"
l'Union européenne
" plutôt qu'à la
"
Communauté européenne
"), votre commission des
Lois propose au Sénat de supprimer à la fin de l'article la
référence au représentant de l'Etat "
dans le
territoire
", à partir du moment où elle
considère que la loi organique ne doit pas être rendue applicable
dans les territoires d'outre-mer.
Article 5
(Article L.O. 265-1 du code
électoral)
Formalités applicables aux candidats ressortissants
communautaires
(communes de 3500 habitants et plus)
· Cet article du projet de loi organique propose
d'introduire dans le code électoral un nouvel article L.O. 265-1 fixant
les formalités spécifiques applicables aux citoyens de l'Union
candidats aux élections municipales en France. Trois formalités
spécifiques sont ainsi prévues :
1. La liste des candidats, chaque fois qu'elle comportera la candidature d'un
ressortissant de l'Union européenne autre que la France, devra porter,
en regard du nom du candidat étranger, l'indication de sa
nationalité.
Pas plus que la mention de la nationalité des personnes inscrites sur
les listes électorales complémentaires, cette mesure n'a rien de
discriminatoire car s'il est vrai que l'indication de nationalité n'a
jamais été exigée des candidats français, elle se
déduisait d'elle-même du simple fait que seuls les Français
étaient jusqu'à présent éligibles.
2. L'intéressé devra produire en outre :
- une déclaration certifiant qu'il n'est pas déchu du droit
d'éligibilité dans son Etat d'origine (de façon à
vérifier qu'il répond bien à l'exigence posée par
l'article L.O. 230-2 examiné ci-avant) ;
- des documents officiels qui justifient qu'il satisfait bien aux conditions
d'éligibilité posées par l'article L.O. 228-1, en d'autres
termes qu'il est bien inscrit sur la liste électorale
complémentaire ou qu'il remplit les conditions pour être inscrit
sur une telle liste et, dans ce cas, qu'il figure (ou devrait figurer au 1er
janvier de l'année de l'élection) sur le rôle des
contributions locales directes de la commune dans laquelle il se
présente.
3. En cas de doute sur la déclaration produite par
l'intéressé (concrètement, si un élément ou
une information porte à penser qu'il aurait été
déchu du droit d'éligibilité dans son Etat d'origine), le
ressortissant communautaire sera tenu de présenter une attestation des
autorités compétentes de l'Etat dont il a la nationalité,
certifiant qu'il n'est pas déchu du droit d'éligibilité
dans cet Etat ou qu'une telle déchéance n'est pas connue desdites
autorités.
Ce mécanisme de contrôle est strictement le même que celui
institué par la loi du 5 février 1994 en ce qui concerne la
vérification de non-déchéance de
l'éligibilité aux élections européennes dans l'Etat
d'origine.
· A s'en tenir au texte initial du projet de loi organique,
ces
dispositions ne trouveraient cependant à s'appliquer que dans les
communes de 3 500 habitants et plus
. Votre commission des Lois
considère que dans toute la mesure du possible, la candidature des
ressortissants communautaires dans les autres communes devra être
entourée des mêmes garanties. Tel sera l'objet de l'article
additionnel qu'elle propose d'insérer immédiatement après
cet article.
Sous le bénéfice de cette observation, et sous réserve
d'un amendement terminologique (référence à
"
l'Union européenne
"), votre commission des Lois
propose au Sénat d'adopter l'article 5 du projet de loi organique.
Article additionnel après l'article 5
(Article
L.O. 256-1 du code électoral)
Extension aux communes de moins de 2
500 habitants et au-delà
des formalités spécifiques
prévues par l'article 5
Comme il vient d'être indiqué, les
formalités particulières prévues par l'article 5 pour les
candidats ressortissants communautaires ne pourraient être mises en
oeuvre que dans les communes de 3 500 habitants et plus, car le nouvel article
L.O. 265-1 serait inséré dans la section II
(déclarations de candidature) du chapitre III du titre quatrième
du code électoral, chapitre traitant uniquement des dispositions
spéciales à ces communes.
Le projet de loi organique n'a en revanche prévu aucune garantie
équivalente pour les candidats ressortissants communautaires dans les
communes de moins de 3 500 habitants
.
Le silence du projet de loi organique tient probablement à une
singularité du régime juridique des élections municipales,
où une " déclaration de candidature "
stricto sensu
n'est imposée que dans les communes de 3 500 habitants et plus
(article L. 264 du code électoral).
Si l'on rapproche cette disposition de l'article 9 de la directive du 19
décembre 1994, aux termes duquel les Etats ont la possibilité
d'exiger certaines déclarations et attestations "
lors du
dépôt de la déclaration de candidature
", une
lecture purement
a contrario
de la directive pourrait ainsi faire
conclure qu'en l'absence de "
déclaration de
candidature
", ces déclarations et attestations ne pourraient
être exigées.
Votre commission des Lois estime cependant que les termes
"
dépôt de déclaration de candidature
",
tels qu'ils figurent à l'article 9 de la directive, ne doivent pas
être pris dans une acception purement formelle. Elle considère au
contraire que la directive a visé sous cette expression
générique l'acte de candidature au sens le plus large et qu'elle
n'interdirait donc aucunement d'exiger la production des mêmes
justificatifs dans toutes les communes, quelle que soit leur population.
Encore faut-il, pour être respectée, que cette obligation soit
assortie d'une sanction.
Or, dans les petites communes, les candidatures ne sont soumises à aucun
formalisme particulier et ne font l'objet d'aucun contrôle de
recevabilité, au point que les électeurs peuvent même
valablement voter pour telle ou telle personne qui n'aurait pas
manifesté l'intention d'être candidate. Les obligations
prévues par l'article L.O. 265-1, précité, ne peuvent donc
pas y être rendues applicables.
En revanche, dans les communes à partir de 2 500 habitants, les
candidatures isolées sont interdites et les bulletins distribués
aux électeurs doivent comporter une liste complète (article L.
256 du code électoral).
Votre commission des Lois propose donc au Sénat d'adopter un article
additionnel rendant applicable à ces communes de 2 500 habitants et plus
les dispositions de l'article L.O. 265-1, précité.
Quant à la sanction en cas de manquement, il appartiendrait aux
commissions de propagande instituées par l'article L. 241 du code
électoral de ne pas assurer la diffusion des bulletins correspondants.
CHAPITRE III
DU COLLÈGE ÉLECTORAL
SÉNATORIAL
Ainsi que le prescrit l'article 88-3 de la Constitution, les
citoyens de l'Union européenne autres que Français ne peuvent
participer à la désignation des électeurs
sénatoriaux et à l'élection des sénateurs.
La directive du 19 décembre 1994, "
considérant qu'il
convient également que la participation d'élus municipaux aux
élections législatives soit réservée aux
ressortissants du pays en question
", stipule d'ailleurs
expressément dans son article 5, paragraphe 4, que "
les Etats
membres peuvent également disposer que les citoyens de l'Union
élus membres d'un organe représentatif ne peuvent participer
à la désignation des électeurs d'une assemblée
parlementaire ni à l'élection des membres de cette
assemblée
".
Le présent projet de loi organique prévoit à cet effet que
les conseillers municipaux et les membres du Conseil de Paris qui n'ont pas la
nationalité française ne peuvent ni être membres à
un titre quelconque du collège électoral sénatorial, ni
participer à l'élection à ce collège de
délégués, de délégués
supplémentaires et de suppléants.
Article 6
(Article L.O. 286-1 du code
électoral)
Exclusion des ressortissants communautaires
de toute
participation à l'élection des sénateurs
Cet article propose d'insérer dans le code électoral un article L.O. 286-1 ayant pour objet d'écarter les ressortissants communautaires de toute participation à l'élection des sénateurs. Il répond donc bien, sur ce point, aux prescriptions de l'article 88-3 de la Constitution.
Article 7
(Article L.O. 287-1 du code
électoral)
Interdiction faite aux conseillers municipaux
français,
lors de l'élection des délégués
de la commune,
de voter pour un ressortissant communautaire
Dans la mesure où les ressortissants communautaires
siégeant au conseil municipal ne peuvent être élus en tant
que délégués de la commune au collège
électoral des sénateurs, il importe que les conseillers
municipaux français qui participent à l'élection de ces
délégués ne puissent -délibérément ou
par inadvertance- faire porter leur choix sur leurs collègues
dépourvus de la nationalité française. Tel est l'objet du
présent article.
La formulation proposée pour l'article L.O. 287-1 ("
le choix de
conseillers municipaux ne peut porter sur... "
) emprunte à
celle de l'actuel article L. 287, aux termes duquel "
le choix des
conseillers municipaux ne peut porter ni sur un député, ni sur un
conseiller régional, ni sur un conseiller à l'Assemblée de
Corse, ni sur un conseiller général ".
On aurait certes pu juger plus simple de compléter
l'énumération de l'article L. 287, mais le caractère
organique des dispositions d'application de l'article 88-3 impose l'insertion
d'un article " L.O. " spécifique.
Cette disposition évitera que des conseillers municipaux
étrangers soient désignés en dépit de leur
inéligibilité, avec toutes les difficultés contentieuses
ultérieures qui en résulteraient.
Votre commission des Lois propose au Sénat d'adopter cet article.
CHAPITRE IV
DES FONCTIONS DE MAIRE ET D'ADJOINT
L'article 88-3 de la Constitution dispose que les citoyens de
l'Union ne peuvent exercer les fonctions de maire et d'adjoint.
Le présent chapitre propose en conséquence d'insérer dans
le code général des collectivités territoriales (CGCT) les
mesures organiques permettant de répondre à cette exigence.
Là encore, ces nouveaux articles " L.O. " dudit code ne
pourront être modifiés, le cas échéant, que par une
loi organique votée dans les mêmes termes par les deux
assemblées.
Article 8
(Article L. 2122-4 du code
général des collectivités territoriales)
Exclusion des
ressortissants communautaires
des fonctions de maire ou d'adjoint
Cet article propose d'insérer dans le code
général des collectivités territoriales un nouvel article
L.O. 2122-4-1 aux termes duquel "
le conseiller municipal qui n'a pas la
nationalité française ne peut être élu maire ou
adjoint, ni en exercer même temporairement les fonctions ".
Cette disposition a une double portée.
1. Une inéligibilité spécifique
: la
non-possibilité pour un ressortissant communautaire d'être
élu maire ou adjoint s'analyse comme une inéligibilité,
dont la méconnaissance pourrait être sanctionnée dans les
mêmes conditions que toute élection d'un maire inéligible
(l'élection comme maire d'un conseiller municipal qui n'aurait pas 21
ans révolus, par exemple).
2. Une interdiction de portée générale
: les
conseillers municipaux étrangers ne pourront exercer, même
temporairement, les fonctions de maire ou d'adjoint. Cette interdiction vise
plusieurs cas de figure, notamment :
- la délégation de fonctions (article L. 2122-18 du CGCT). On
sait que le maire peut déléguer par arrêté une
partie de ses fonctions à ses adjoints et, en l'absence ou en cas
d'empêchement des adjoints, à des membres du conseil municipal.
Le texte proposé interdira que les fonctions du maire soient
déléguées aux membres non français du conseil
municipal
;
- la délégation spéciale prévue par l'article L.
2121-35 du CGCT (en cas de dissolution d'un conseil municipal, par exemple) ;
- le remplacement du maire dans la plénitude de ses fonctions par un des
conseillers municipaux désigné par le conseil ou pris dans
l'ordre du tableau, dans les cas prévus à l'article L. 2122-17 du
CGCT (en cas de suspension du maire, de révocation, etc.).
Le présent article répond donc bien à la posée par
l'article 88-3 de la Constitution.
Votre commission des Lois propose au Sénat d'adopter cet article.
Article 9
(Article L.O. 2121-6-1 du code
général des collectivités territoriales)
Dissolution de
plein droit d'un conseil municipal
dont le nombre des conseillers
français serait insuffisant
pour permettre l'élection du maire
et d'un adjoint
· Cet article propose de compléter la section 3
du chapitre premier du titre II du livre premier de la deuxième partie
du code général des collectivités territoriales
("
Organes de la commune
") par un nouvel article
L.O. 2121-6-1 aux termes duquel le conseil municipal serait dissous de
plein droit s'il ne comporte pas en son sein un nombre suffisant de conseillers
de nationalité française pour permettre l'élection du
maire et d'un adjoint (c'est-à-dire l'effectif minimal de
l'exécutif municipal, tel qu'il est déterminé par
l'article L. 2122-1 du CGCT).
En d'autres termes, un conseil municipal ne comportant pas au moins deux
Français serait dissous de plein droit.
·
Votre commission des Lois a décidé de supprimer cette
disposition.
Un conseil municipal ne comportant aucun Français ou n'en comportant
qu'un seul représente une hypothèse d'école tellement
improbable qu'elle ne justifie pas d'adopter une disposition organique
spécifique. A la limite, en acceptant d'acter cette possibilité
dans la loi organique, le législateur semblerait même l'envisager
comme un aléa somme toute banal dans la vie d'une commune.
D'autre part, cet article propose d'instituer une solution spécifique
pour régler une situation qui, d'un point de vue juridique, ne l'est
pas. On peut tout-à-fait imaginer d'autres cas où un conseil
municipal serait confronté à la même impossibilité
d'élire au moins un maire et un adjoint, par exemple si tous les
conseillers municipaux ont moins de 21 ans.
Le droit en vigueur permet déjà de régler de telles
situations, moyennant le recours à la dissolution selon les
procédures habituelles. Une disposition particulière n'est donc
pas nécessaire.
C'est pourquoi votre commission des Lois propose au Sénat de supprimer
purement et simplement cet article.
Article additionnel après l'article 9
(article
L.O. 238-1 du code électoral)
Interdiction de cumuler deux mandats de
conseillers municipaux,
en France et dans un autre Etat de l'Union
européenne
A partir du moment où le projet de loi organique ne
reconnaît pas aux ressortissants communautaires le droit de " double
vote "
-c'est-à-dire la possibilité de voter aux
élections municipales à la fois en France et dans un autre Etat
de l'Union européenne-
il paraît logique d'interdire aussi le
" double mandat ".
Or,
le projet de loi organique ne comporte pas de disposition
particulière à cet égard,
et en cas de double mandat,
rien n'indique qu'il pourrait être fait application de l'article L. 238
du code électoral, aux termes duquel "
nul ne peut être
membre de plusieurs conseils municipaux
". Les incompatibilités
étant " de droit étroit " -et en l'absence d'une
disposition organique expresse- les juridictions pourraient en effet
considérer que les assemblées délibérantes des
collectivités territoriales de base des autres Etats de l'Union
européenne ne sont pas des conseils municipaux au sens de l'article L.
238.
La directive du 19 décembre 1994 autorise les Etats à
étendre leur régime national d'incompatibilités
"
à des fonctions équivalentes exercées dans
d'autres États membres
".
Pour prévenir les contentieux,
votre commission des Lois propose de
tirer parti de cette faculté prévue par la directive et
d'introduire
dans le chapitre du code électoral traitant des
incompatibilités
une disposition organique selon laquelle le
ressortissant communautaire ne pourra être à la fois membre d'un
conseil municipal en France et de l'assemblée délibérante
d'une collectivité territoriale de base dans un autre Etat de l'Union
européenne.
Cette disposition ne créerait pas d'inéligibilité -on voit
d'ailleurs mal comment empêcher un ressortissant communautaire
d'être élu dans un autre Etat de l'Union européenne, si la
législation de cet Etat le lui permet- mais amènerait
l'intéressé à devoir opter dans les dix jours à
compter du jour où l'incompatibilité serait connue. A
défaut d'abandonner l'un ou l'autre de ses deux mandats incompatibles,
il serait déclaré démissionnaire d'office de son mandat de
conseiller municipal.
CHAPITRE V
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
Article 10
(Article L.O. 271-1 du code
électoral)
Participation des ressortissants
communautaires
à l'élection des conseillers
d'arrondissement
En raison de la structure extrêmement diverse de
l'administration territoriale des différents Etats membres de l'Union
européenne, la directive du 19 décembre 1994 a dû
définir précisément la notion
d' "
élections municipales
" au sens du
Traité sur l'Union européenne. Elles s'entendent ainsi comme
l'élection au suffrage universel direct "
au niveau des
collectivités locales de base et de leurs subdivisions
".
· S'agissant de la France, il est stipulé en annexe qu'aux fins
de l'article 2 paragraphe 1 point a) de la directive, on entend par
"
collectivité locale de base
" :
- la commune,
- l'arrondissement dans les villes déterminées par la
législation interne,
- la section de commune.
Le présent article a précisément pour objet de
préciser que dans les trois villes où notre législation a
institué des arrondissements -Paris, Lyon, Marseille- les ressortissants
communautaires inscrits sur la liste électorale complémentaire de
la commune participent à l'élection des conseillers
d'arrondissement dans les mêmes conditions que les électeurs
français.
· La référence aux "
mêmes conditions que
les électeurs français
" ne saurait faire obstacle
à la mise en uvre des autres conditions spécifiques
prévues par la présente loi organique en ce qui concerne les
ressortissants communautaires (l'obligation de résidence en France, par
exemple, la déclaration formelle, etc.). On remarque à ce propos
que les citoyens de l'Union ne pourront participer à l'élection
des conseillers d'arrondissement que s'ils sont inscrits sur la liste
électorale complémentaire de la commune, ce qui implique
a
priori
qu'ils remplissent bien ces autres conditions spécifiques.
· On note par ailleurs que la référence aux mêmes
conditions que les électeurs français renvoie implicitement
à la législation en vigueur applicable à ces derniers. Au
cas présent, l'article organique L.O. 271-1 du code électoral
fait donc implicitement référence aux dispositions relatives
à l'élection des conseillers d'arrondissement en vigueur au jour
du vote de la présente loi organique. Si ces conditions venaient
à être modifiées ultérieurement, les nouvelles
dispositions ne pourraient être rendues applicables aux ressortissants
communautaires que par une nouvelle loi organique, qui devrait être
adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées, en
application de l'article 88-3 de la Constitution.
Sous réserve d'un amendement terminologique (référence
à "
l'Union européenne
"), votre commission des
Lois propose d'adopter cet article.
Article 11
(Article L.O. 151-3-1 du code des communes)
Participation des ressortissants communautaires
à
l'élection de l'organe délibérant des sections de
commune
Pour les mêmes raisons, cet article propose de
procéder à la même extension que celle de l'article 10,
cette fois en ce qui concerne l'élection de l'organe
délibérant des sections de commune.
Singulièrement, le projet de loi organique se réfère
à l'ancien code des communes, désormais codifié dans le
code général des collectivités territoriales. Il convient
donc de modifier sur ce point la référence et le numéro de
l'article organique dont l'insertion est proposée.
Votre commission des Lois présente à cette fin un amendement
permettant également de procéder à la même
rectification terminologique ("
l'Union européenne
")
que dans les autres articles du projet de loi organique.
Bien entendu, la portée de la référence ainsi
opérée par le présent article ("
les mêmes
conditions que les électeurs français
") doit être
entendue sous les mêmes réserves et les mêmes limites que
pour les conseillers d'arrondissement (cf. article 10 ci-avant).
Article 12
Extension de la loi organique aux territoires
d'outre-mer
et à la collectivité territoriale de Mayotte
Cet article propose d'étendre les dispositions de la
présente loi organique aux territoires d'outre-mer et à la
collectivité territoriale de Mayotte.
Pour les motifs exposés dans la première partie du présent
rapport, votre commission des Lois propose au Sénat de supprimer de cet
article la disposition rendant la loi organique applicable dans les territoires
d'outre-mer. Cette loi organique serait en revanche applicable à
Mayotte.
Article 13
Dispositions transitoires
Cet article dispose qu'à titre transitoire et jusqu'au 1 er mars 1999, les ressortissants communautaires résidant en France pourront demander leur inscription sur une liste électorale complémentaire dans les conditions prévues par les articles L. 31 à L. 35 du code électoral, c'est-à-dire en dehors de la période normale de révision de ces listes, sous le contrôle du juge du tribunal d'instance.
Intitulé du projet de loi organique
Ainsi qu'il est prévu à l'article 14,
alinéa 2, de la directive du 19 décembre 1994, les Etats
sont tenus de faire figurer une référence à cette
directive lors de la publication officielle des dispositions nécessaires
à sa mise en oeuvre. L'intitulé du projet de loi organique en
tire les conséquences puisqu'il porte "
transposition de la
directive 94/80/CE du 19 décembre 1994
".
Eu égard à l'importance de cette loi organique -et comme elle
l'avait déjà fait en 1994 lors de l'examen de la loi simple sur
la participation des ressortissants communautaires aux élections
européennes- votre commission des Lois a considéré que cet
intitulé devait faire l'objet d'un examen aussi rigoureux que le reste
de la loi organique.
Dans cette optique, elle propose au Sénat de le modifier sur deux points
:
- en raison de la place des lois organiques dans la hiérarchie des
normes française, cet intitulé doit marquer que la loi organique
n'est pas simplement destinée à la transposition d'une directive
européenne, mais qu'elle est d'abord prise pour l'application de
l'article 88-3 de la Constitution ;
- d'autre part, il convient d'y faire référence aux
"
seuls "
citoyens de l'Union européenne, selon la
terminologie expressément voulue par le Constituant.
Votre commission des Lois propose donc au Sénat de rédiger comme
suit l'intitulé du projet de loi organique :
Projet de loi organique déterminant les conditions d'application de
l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les seuls
citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les
ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité
aux élections municipales, et portant transposition de la directive
94/80/CE du 19 décembre 1994.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle présente, votre commission des Lois propose au Sénat d'adopter le présent projet de loi organique.