3. Audition de MM. François Roussely, secrétaire général pour l'administration au ministère de la défense, et Dominique Conort, directeur de la fonction militaire et du personnel civil
La commission a entendu le mercredi 15 janvier 1997 M. François Roussely , secrétaire général pour l'administration au ministère de la défense, et M. Dominique Conort , directeur de la fonction militaire et du personnel civil.
Après avoir rappelé les différentes étapes qui avaient conduit à la réforme du service national, M. François Roussely a indiqué que le projet de loi sur le service national constituait un texte de portée générale qui permettrait de laisser place aux expérimentations nécessaires pendant les années 1997-1998.
M. François Roussely a ensuite souligné les trois principes qui inspiraient l'actuel projet de loi :
- respect de l'égalité et de l'universalité ;
- reconnaissance d'une obligation à caractère civique, même si elle pourra présenter un contenu militaire ;
- maintien d'une continuité dans le domaine de l'enseignement civique depuis l'école jusqu'à l'accès à la vie active.
Revenant sur les différents éléments du dispositif constituant le futur service national, M. François Roussely a d'abord évoqué le recensement, avancé à seize ans et nécessaire non seulement au bon fonctionnement du rendez-vous citoyen, mais aussi à la réactivation éventuelle de la conscription qui pourrait retrouver toute son utilité dans certaines circonstances.
Le secrétaire général pour l'administration a relevé en second lieu que le rendez-vous citoyen ne prévoyait, en principe, ni dispense ni exemption. Il a rappelé également que l'ensemble des administrations devait s'organiser, dans le cadre de la réforme de l'Etat, pour tenir compte des enseignements qui pourront être tirés de la fonction d'évaluation du rendez-vous citoyen, notamment dans le domaine de l'illettrisme et en matière sanitaire. Il a ajouté que l'existence de sanctions s'imposait compte tenu de l'importance présentée par le rendez-vous citoyen et de sa durée par ailleurs peu contraignante.
Revenant sur le volontariat, M. François Roussely a indiqué qu'il devait permettre aux jeunes de bénéficier d'une initiation à un moment charnière de leur existence et qu'à cet égard il ne pouvait s'assimiler ni à un premier emploi ni à un stage ; l'indemnité perçue par les volontaires devait en conséquence être identique pour tous, même si par ailleurs les défraiements couvrant les conditions de vie pouvaient varier en fonction des circonstances. M. François Roussely a observé que le service militaire adapté, dont l'efficacité faisait l'unanimité, serait maintenu. Il a conclu que la mise en place d'un Haut Conseil pour le service national apparaissait indispensable pour garantir la qualité du volontariat, mais aussi le suivi du rendez-vous citoyen. Il a précisé que cette instance ne pouvait s'assimiler à une autorité administrative indépendante car il appartenait notamment à l'Etat d'agréer les organismes proposant des volontariats.
M. Dominique Conort a présenté ensuite le dispositif relatif au volontariat en soulignant que sa complexité s'expliquait par la nécessité d'inscrire dans la loi des dispositions précises touchant aux droits des personnes et notamment au droit de la nationalité. Il a d'abord relevé que le volontariat ne pouvait s'identifier aux formes civiles actuelles du service national et qu'il ne visait pas à répondre à la logique de besoins qui inspirait le système actuel. Dès lors, a-t-il souligné, il était difficile de donner des chiffres précis sur le nombre de volontaires pour les différents organismes d'accueil, à l'exception des armées.
Rappelant les différentes formes de volontariat, M. Dominique Conort a souligné que le service de cohésion sociale et de solidarité ne couvrait pas uniquement le problème des exclus, mais portait sur toutes les formes de solidarité, notamment dans le domaine rural.
Le directeur de la fonction militaire et du personnel civil a ajouté que la durée du volontariat pourrait aller de neuf à vingt-quatre mois (notamment pour les services accomplis hors du territoire national), une période de dix à douze mois représentant sans doute la moyenne. Il a relevé qu'un fractionnement pouvait être envisagé pour certaines formes de volontariat très précises notamment dans le domaine de la sécurité civile ou pour les scientifiques du contingent (période de deux fois six mois).
M. Dominique Conort a ensuite évoqué le régime juridique des volontaires, en soulignant les mérites d'un système souple et déconcentré, sous le contrôle de l'Etat, permettant un contact direct entre les volontaires et les organismes d'accueil. Il a précisé que les volontaires dans les services de l'Etat dépendraient d'un régime de droit public et que ceux dépendant d'un employeur privé relèveraient d'un régime de droit privé. De façon générale, a ajouté M. Dominique Conort, le régime juridique des volontaires s'identifierait avec celui des personnels employés par le même organisme, sous réserve toutefois des conditions prévues pour mettre fin au volontariat. A ce sujet, M. Dominique Conort a relevé qu'une fin anticipée du volontariat était prévue dans trois hypothèses : reconnaissance d'un droit à l'erreur pour l'employeur ou le volontaire, pendant la formation ou un mois après, possibilité pour les volontaires d'occuper un emploi en donnant un préavis, sanction, enfin, à l'initiative de l'organisme d'accueil, si le volontaire commettait une faute disciplinaire grave.
M. Dominique Conort a estimé que, même si le dispositif permettant la reconnaissance par la nation du volontariat pouvait paraître insuffisant, il comprenait toutefois différentes mesures incitatives qui pourraient être complétées notamment par la mise en place d'accès préférentiels à des dispositifs existants.
M. Dominique Conort a enfin souligné les différentes mesures destinées à mettre à jour le code du service national dans le cadre la période de transition : simplification du régime des reports, service ramené de douze à dix mois pour les médecins, élargissement des possibilités de dispense (pour laquelle toutefois ne pourrait être invoquée l'occupation d'un emploi), consécration du service militaire adapté, inscription des protocoles dans un cadre législatif, extension de la libération par anticipation pour les formes civiles du service national pour lesquelles cette possibilité n'était pas prévue.
M. Dominique Conort a ensuite répondu aux différentes questions de M. Serge Vinçon en lui précisant d'abord que les jeunes Français établis hors de France effectueraient le rendez-vous citoyen sur le territoire national sans qu'il s'agisse nécessairement de la métropole. Il a précisé également que le volontariat militaire s'effectuerait sur une durée moyenne de douze mois qui pourrait comprendre des variantes (neuf mois pour la marine par exemple). Il a également précisé les dispositions du code du travail prévues par le projet de loi afin de protéger l'emploi des jeunes choisissant d'effectuer un volontariat. Il a ajouté qu'il n'existait aucun obstacle juridique interdisant à la gendarmerie de recourir à des engagés pour une période de deux ans renouvelable une fois. Il a observé enfin qu'il n'y aurait pas d'officiers parmi les volontaires militaires, en soulignant toutefois la place des " réservistes professionnels " dans le cadre de la future loi sur les réserves.
M. Nicolas About s'est demandé si le rendez-vous citoyen ne pouvait pas constituer un moment privilégié pour reconnaître solennellement la citoyenneté française. M. Dominique Conort a relevé que si cette perspective ne s'inscrivait pas directement dans le cadre du rendez-vous citoyen, celui-ci se conclurait toutefois par la remise solennelle d'un brevet.
M. Guy Robert , après avoir souligné l'importance qu'il accordait à " l'école de la citoyenneté ", s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles serait garantie l'homogénéité des informations dispensées par les différents intervenants dans le cadre du rendez-vous citoyen. M. François Roussely a relevé à ce propos que l'homogénéité de l'information serait garantie d'une part par la qualité des intervenants et d'autre part par le contrôle exercé par le Haut Conseil du service national.
M. Xavier de Villepin, président , a enfin demandé dans quelles conditions des tâches intéressantes pourraient être confiées aux volontaires eu égard à la rédaction de l'article L. 2.7 du projet de loi qui interdit de confier à des volontaires des emplois " nécessaires au fonctionnement normal de l'organisme d'accueil ". Il a souhaité savoir à ce propos si une liste des fonctions disponibles avait pu être arrêtée. Il s'est interrogé en outre sur les perspectives présentées par le volontariat sous ses différentes formes, et notamment en coopération. M. François Roussely a relevé que le volontariat devait permettre aux jeunes gens d'occuper des fonctions qui soient formatrices sans revêtir un caractère permanent. Il a cité à cet égard l'exemple de CSNE (coopérants du service national en entreprise) qui pourraient être chargés d'identifier de nouveaux marchés mais devraient céder la place à un salarié de droit commun dans l'hypothèse où leur fonction devrait se pérenniser.