2. Audition du général Jean-Pierre Fassier, directeur central du service national
La commission a entendu le mercredi 15 janvier 1997 le général Jean-Pierre Fassier, directeur central du service national.
Le général Jean-Pierre Fassier a tout d'abord constaté qu'à l'amorce de la période transitoire qui se prolongera jusqu'en 2002, aucune modification dans le comportement des jeunes gens à l'égard du service national n'avait pu être observée. Il a considéré que les forces armées comme les ministères civils étaient donc assurés, durant cette période, de disposer des ressources humaines correspondant à leurs besoins. Il a précisé que l'excédent prévisible des ressources par rapport aux besoins permettrait d'assouplir certaines dispositions du code du service national et même, à compter de l'an 2000, d'envisager une réduction de la durée du service. Il a en revanche observé que dès 1997, le nombre d'appelés en mesure d'occuper des emplois à caractère professionnel, tels que ceux de mécaniciens ou de cuisiniers, diminuerait en raison de la suppression de l'obligation pour les jeunes nés à partir de 1979, ce qui conduira les armées à privilégier ce type de postes dans leur politique de recrutement d'engagés.
Le général Jean-Pierre Fassier a ensuite présenté les modalités envisagées de mise en oeuvre du rendez-vous citoyen. Rappelant qu'il devait favoriser la prise de conscience de l'appartenance à une même communauté, il a souligné l'intérêt manifeste du rendez-vous citoyen pour les jeunes, qui recevront une information sur l'orientation professionnelle et sur les formes de volontariat et qui pourront bénéficier d'un accompagnement personnalisé adapté à leurs difficultés. Il a considéré que les ministères civils devraient renforcer leur présence pour susciter les volontariats et que le ministère de la défense trouverait dans le rendez-vous citoyen le moyen privilégié de présenter le rôle et les carrières de la défense. Il a enfin précisé que les associations seraient présentes, traduisant l'implication des forces vives de la société civile dans la recherche de la cohésion nationale.
Le général Jean-Pierre Fassier a ensuite présenté l'organisation des centres du rendez-vous citoyen qui s'articuleront autour de trois composantes : un centre d'évaluation et deux sites d'information et d'orientation.
Les centres d'évaluation, qui se substitueront aux actuels centres de sélection, procéderont, a-t-il indiqué, aux examens médicaux et psychotechniques ainsi qu'aux tests relatifs à la maîtrise de la lecture et de l'écriture ; ils conserveront la capacité d'expertise nécessaire permettant de gérer une éventuelle remontée en puissance de la conscription.
Les sites d'information et d'orientation, a-t-il ajouté, assureront l'information sur la citoyenneté, l'orientation et les volontariats ; ils fonctionneront sur une plage horaire allant de 8 heures à 22 heures et permettront la pratique d'activités culturelles et sportives.
Le général Jean-Pierre Fassier a précisé que chaque centre recevrait entre 800 et 1.200 jeunes par semaine, durant 40 semaines, et serait dirigé par un officier supérieur disposant de 600 personnes, dont 90 seraient fournies par les ministères civils.
Il a indiqué que le nombre de centres d'évaluation, à l'horizon 2000, s'élèverait à douze, mais que, dès 1997, une expérimentation serait mise en place, à petite échelle tout d'abord, au travers du centre de Mâcon qui accueillera 200 jeunes par semaine, puis en grandeur réelle à partir de septembre sur les deux plates-formes de Cambrai/Compiègne et de Tarascon/Nîmes, qui pourront traiter un flux hebdomadaire de 800 à 1.200 jeunes ; cette expérimentation permettra de valider l'organisation et de mieux définir le rôle du " médiateur-citoyen " et des intervenants éducatifs et associatifs, la formation des intervenants ayant déjà débuté depuis novembre 1996.
Il a ensuite précisé que des structures de pilotage de l'expérimentation avaient d'ores et déjà été mises en place, en préfiguration du futur Haut Conseil du service national, dont la création est prévue par le projet de loi.
A la suite de cet exposé, M. Serge Vinçon a interrogé le général Jean-Pierre Fassier sur les procédures d'exemption pour motif médical et sur un éventuel raccourcissement de la durée légale du service.
M. Philippe de Gaulle, après avoir souligné la bonne volonté manifestée par l'armée dans la mise en oeuvre de la réforme, a estimé trop longue et inadaptée la durée de cinq jours prévue pour le rendez-vous citoyen par le projet de loi. Il s'est interrogé sur le rôle du médiateur citoyen et sur les motifs du choix des centres expérimentaux retenus.
M. André Boyer s'est inquiété des conséquences des déficits d'appelés dans certains emplois qualifiés qui se manifesteraient dès 1997 en raison de la suppression de l'obligation et a souhaité obtenir des précisions sur les examens médicaux qui seront pratiqués dans les centres d'évaluation.
M. Daniel Goulet s'est interrogé sur la contribution de l'éducation nationale à la mise en place du rendez-vous citoyen et sur le devenir du statut d'objecteur de conscience.
M. André Dulait a évoqué l'organisation de l'évaluation médicale au sein des centres et la situation des doubles nationaux au regard du futur service national.
M. Roger Husson s'est interrogé sur la place des personnels civils et des réservistes dans l'encadrement du rendez-vous citoyen, sur l'avenir des bureaux du service national, sur le délai laissé aux jeunes pour effectuer une demande de volontariat et sur la mise en place du Haut Conseil du service national.
Enfin, M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le général Jean-Pierre Fassier sur les moyens financiers alloués au rendez-vous citoyen en 1997 et sur les possibilités d'en renforcer le contenu militaire. Il a estimé nécessaire que le rendez-vous citoyen soit l'occasion de présenter les possibilités d'engagement dans les armées et le rôle des réservistes. Il s'est enfin interrogé sur les économies qui seraient réalisées si la durée du rendez-vous citoyen était réduite et sur les modalités d'accomplissement du rendez-vous citoyen pour les jeunes Français résidant à l'étranger.
En réponse aux intervenants, le général Jean-Pierre Fassier a apporté les précisions suivantes :
- le financement du rendez-vous citoyen a été prévu dans le budget de la défense pour 1997 ;
- une commission médicale, statuant sur titres, se prononcera en amont sur les exemptions médicales ;
- l'excédent prévisible de la ressource pourrait permettre d'envisager, à partir de l'an 2000, un raccourcissement de la durée légale du service, qui pourrait concerner aussi bien les formes civiles que les formes militaires ; cet ajustement maintiendrait l'égalité devant l'obligation du service ;
- le centre de Mâcon pourra fonctionner dans un délai d'un mois à six semaines après le vote de la loi et deux plates-formes supplémentaires fonctionneront, en grandeur réelle, dès septembre 1997 ;
- seule une partie des jeunes de la classe 1999 sera appelée en 1997 dans les centres d'évaluation existants, les autres devant être dirigés, au cours des trois années qui suivront, dans les centres qui seront progresssivement créés ;
- un vivier de 5.000 à 8.000 médiateurs-citoyens, dont les conditions de recrutement et d'agrément devraient être définies par le secrétariat d'Etat à l'action humanitaire, serait nécessaire afin de renforcer les équipes pédagogiques des centres si l'expérience de Mâcon s'avérait concluante ;
- une réduction du nombre de bureaux du service national devrait être envisagée après 1999 ;
- les examens médicaux seront conduits par des équipes d'une vingtaine de médecins par centre, dont deux ou trois seraient issus du service de santé des armées et les autres recrutés par convention ;
- le ministère de l'éducation nationale s'est d'ores et déjà fortement impliqué dans la préparation et la mise en oeuvre du rendez-vous citoyen ;
- l'objection de conscience perdra sa raison d'être avec la suppression de l'obligation, le principe même de l'objection de conscience étant toutefois maintenu pour le cas où la conscription serait réactivée ;
- les officiers supérieurs chargés de diriger les plates-formes du rendez-vous citoyen seront assistés d'un adjoint civil ;
- les demandes de volontariat pourront être formulées après le rendez-vous citoyen ;
- une information sur les réserves sera dispensée lors du rendez-vous citoyen ;
- le projet de loi sur les réserves pourrait permettre l'emploi de réservistes pour l'encadrement du rendez-vous citoyen ;
- alors que l'encadrement des centres de sélection relève actuellement à près de 90 % de l'armée de terre, celui des futures plates-formes du rendez-vous citoyen sera résolument interarmées ;
- enfin, a rappelé le général Jean-Pierre Fassier, sur les cinq journées du rendez-vous citoyen, on peut considérer que deux répondent plus spécifiquement aux préoccupations liées à la défense militaire.