B. DES DIFFICULTÉS CROISSANTES À CONCILIER UN ENGAGEMENT DE SAPEUR-POMPIER VOLONTAIRE AVEC UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE
1. L'exercice majoritaire d'une activité professionnelle
Les sapeurs-pompiers volontaires exercent aujourd'hui très majoritairement, pour 85 % d'entre eux, une activité professionnelle.
En effet, 69 % des sapeurs-pompiers volontaires travaillent dans le secteur privé ; 50 % en tant que salariés (dont 34 % dans des entreprises de plus de 10 salariés et 16 % dans des entreprises de moins de dix salariés) et 19 % en tant que non salariés (5 % exercent une profession libérale, 7 % sont agriculteurs et 7 % sont chefs d'entreprise).
En outre, 16 % des sapeurs-pompiers volontaires travaillent dans le secteur public : 4 % dans la fonction publique d'État et 12 % dans l'administration territoriale et hospitalière.
2. Le problème de la disponibilité
Or, les sapeurs-pompiers volontaires qui exercent une activité professionnelle rencontrent de plus en plus de difficultés à s'absenter de leur travail pour assurer leurs missions opérationnelles et participer à des activités de formation, en l'absence de toute disposition légale les y autorisant et de toute compensation prévue en faveur des employeurs. Ainsi, la Cour de cassation, par un arrêt du 3 juillet 1991, a-t-elle dû admettre le bien-fondé du licenciement sans préavis ni indemnité d'un sapeur-pompier volontaire qui s'était absenté pendant une semaine sans en avertir son employeur pour participer à la lutte contre les incendies de forêts au cours de l'été 1986.
Ces difficultés sont accrues par la concentration des emplois en zone urbaine et l'éloignement croissant entre le lieu de résidence et le lieu de travail, qui rendent particulièrement délicate la mobilisation rapide des effectifs des centres de secours situés à la périphérie des villes.
En outre, la désertification rurale risque de poser à terme le problème de la continuité territoriale des services publics de secours.
Au total, les contraintes de la vie professionnelle et la précarité de l'emploi, auxquelles viennent s'ajouter le souci de préserver la vie familiale et les activités de loisirs, tendent à restreindre l'attrait d'un engagement civique au service de la collectivité en tant que sapeur-pompier volontaire.
C. UNE ACTIVITÉ S'EXERÇANT EN L'ABSENCE DE CADRE JURIDIQUE HOMOGÈNE
1. La quasi-absence de dispositions législatives concernant les sapeurs-pompiers volontaires
Aucune disposition législative ne régit aujourd'hui la situation des sapeurs-pompiers volontaires, à l'exception notable mais récente de la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service.
En particulier, la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires n'est aujourd'hui prévue par aucun texte, hormis une circulaire interministérielle du 28 septembre 1993 « relative au régime applicable en matière déformation et de disponibilité opérationnelles aux agents ayant la qualité de sapeur-pompier volontaire et relevant des statuts de la fonction publique de l'État, territoriale et hospitalière » , dont le champ d'application se limite au secteur public.
Il apparaît donc indispensable de faire bénéficier les sapeurs-pompiers volontaires des dispositions législatives spécifiques auxquelles ils peuvent légitimement prétendre, compte tenu de l'importance du rôle social qui est le leur.
2. Une réglementation recouvrant des pratiques locales très diverses
En dehors de la loi du 31 décembre 1991 précitée, les textes intéressant les sapeurs-pompiers volontaires revêtent la forme de décrets, d'arrêtés ou de circulaires.
Ces dispositions réglementaires prévoient notamment des conditions à l'engagement en tant que sapeur-pompier volontaire : avoir plus de 16 ans, le consentement des représentants légaux étant exigé pour les mineurs, jouir de ses droits civiques, être de bonne moralité et apte physiquement.
L'engagement est souscrit pour une période de cinq ans renouvelable, des engagements de deux mois au moins, renouvelable chaque année, pouvant être souscrits pour répondre à l'augmentation saisonnière de certains risques. La cessation d'activité intervient à 60 ans pour les officiers et à 55 ans pour les non-officiers.
Par ailleurs, les sapeurs-pompiers volontaires perçoivent des indemnités sous forme de vacations horaires en fonction de leur grade, dont le montant, fixé par arrêté, s'échelonnait en 1994 entre 40,29 F pour un sapeur-pompier volontaire de base et 60,59 F pour un officier. Cependant, les vacations n'ont pas de caractère obligatoire et sont versées directement par la collectivité locale qui emploie les volontaires. Elles ne constituent pas une rémunération mais seulement une indemnisation du temps consacré au service public, la reconnaissance matérielle de l'accomplissement d'une mission d'intérêt général.
En outre, un arrêté du 18 août 1981 précise qu'une allocation annuelle de vétérance peut être allouée aux anciens sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins 20 années de services effectifs et ayant atteint la limite d'âge de leur grade. Son montant maximum est fixé à 1 852 F pour 1994 et à 1 871 F pour 1995.
Cette allocation, qui constitue la reconnaissance matérielle des services accomplis par l'ancien sapeur-pompier volontaire, est actuellement versée à environ 80 % des bénéficiaires potentiels, le plus souvent par les services départementaux d'incendie et de secours.
Cependant, les sommes effectivement versées aux anciens sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas connues avec précision. En effet, malgré une enquête effectuée par la direction de la sécurité civile du ministère de l'Intérieur, il n'a pas été possible de recueillir des données exhaustives.
Le montant moyen effectivement reçu est estimé à 1 550 F. Si la majorité des collectivités locales s'en tient au maximum autorisé, dans quelques départements aucune allocation n'est versée alors que dans d'autres les centres de première intervention sont exclus.
Enfin, dans certains départements, les anciens sapeurs-pompiers volontaires touchent une allocation beaucoup plus élevée. En effet, des allocations parallèles -dont il est très difficile d'appréhender le montant subsistent, financées par de nombreuses amicales de corps ou d'unions départementales, souvent subventionnées par les collectivités locales.
Ces quelques données d'ensemble soulignent la nécessité et l'urgence de doter les sapeurs-pompiers volontaires d'un statut législatif adapté.
Il apparaît en effet indispensable de préserver l'avenir du volontariat, ne serait-ce que pour de simples raisons de coût. En effet, le coût d'un sapeur-pompier volontaire peut se limiter à 5 000 F par an alors que celui d'un sapeur-pompier professionnel atteint environ 200 000 F par an.