B. LA CONSTRUCTION ET L'URBANISME À MAYOTTE : À LA CROISÉE DES CONTRAINTES DÉMOGRAPHIQUES, FONCIÈRES ET ENVIRONNEMENTALES, UNE SITUATION STRUCTURELLEMENT COMPLEXE
Les dégâts causés par le passage de Chido et Dikeledi sont d'autant plus critiques que la situation du logement à Mayotte est structurellement très dégradée : la forte pression migratoire, combinée à un taux de pauvreté très élevé (84 % de la population) crée une forte tension sur le logement. Plus du tiers du parc de logement est constitué d'habitats de fortune, majoritairement en tôle. La situation est particulièrement dramatique dans les bidonvilles où s'entassent majoritairement des immigrés en situation irrégulière, dans des constructions érigées sans droit ni titre.
Même parmi les logements « en dur », près de 30 % présenteraient de graves défauts de construction. Ce phénomène est en particulier lié à l'auto-construction, de plus en plus courante à Mayotte, y compris dans les dernières années ; plus de deux tiers des constructions sont effectuées sans autorisation d'urbanisme, dans une île pourtant soumise à des aléas naturels sur plus de 90 % de sa surface.
C. DES MESURES D'ACCÉLÉRATION PEU ADAPTÉES AUX SPÉCIFICITÉS DU TERRITOIRE MAHORAIS
1. Un projet de loi rédigé dans l'urgence, mais dont l'adoption aura tardé
Élaboré dans l'urgence par le précédent gouvernement démissionnaire, le projet de loi pour la reconstruction de Mayotte a été présenté au Conseil d'État dès le 22 décembre 2024, moins de 10 jours après le passage du cyclone.
Il sera finalement examiné en séance publique au Sénat début février 2025, pour une entrée en vigueur au plus tôt à la fin février. En pleine saison des pluies, alors que près de 90 % des Mahorais sont sans toiture, ces délais paraissent bien peu adaptés à la réalité du terrain. Il faudra attendre encore plusieurs semaines avant la publication des ordonnances portant certaines mesures législatives, comme celles adaptant les règles de construction.
2. Un projet de loi utile pour répondre à l'urgence et préparer la reconstruction
Le projet de loi prévoit des mesures appelées à se déployer dans trois temporalités différentes :
Pour la mise à l'abri, dans les meilleurs délais, des victimes du cyclone, l'article 3 prévoit de dispenser de toute autorisation d'urbanisme les constructions à usage de relogement d'urgence.
Pour accélérer la reconstruction des bâtiments et infrastructures détruits ou endommagés par le cyclone, le texte prévoit :
Des dispositions relatives à l'urbanisme et à la construction :
o l'article 4 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour déroger aux règles de construction applicables à Mayotte (excepté en matière de sécurité), en vue de faciliter et d'accélérer la reconstruction ;
o les articles 5 à 9 simplifient et accélèrent les procédures d'urbanisme pour la reconstruction à l'identique ou quasi à l'identique des bâtiments et infrastructures détruites par le cyclone (articles 5 à 9). L'article 6 prévoit en outre une extension du droit à la reconstruction à l'identique pour les bâtiments régulièrement édifiés, afin de garantir d'une part qu'ils pourront bénéficier d'améliorations, d'autre part que ne pourront leur être opposables des règles d'urbanisme entrées en vigueur après leur édification ;
o plusieurs articles additionnels, introduits à l'Assemblée nationale, ont introduit des dérogations temporaires visant à accélérer la remise en état du réseau électrique et du réseau de télécommunications à Mayotte.
Des dispositions financières :
o l'article 16 porte à 75 % le taux de la réduction d'impôt sur le revenu pour les dons des particuliers faits en vue de la reconstruction de Mayotte (dans la limite d'un plafond annuel de 1 000 euros) ;
o l'article 17 suspend les recouvrements forcés de créances fiscales pour les entreprises et pour les particuliers mahorais.
Afin de coordonner la reconstruction, l'article 1er prévoit en outre la mise en place d'un établissement public chargé de la coordination de la reconstruction de Mayotte, qui pourrait notamment assurer la maîtrise d'ouvrage de certains projets, qu'ils soient publics ou privés.