B. LA PRODUCTION AGRICOLE N'ATTIRE PLUS, ET LES RARES CANDIDATS À L'INSTALLATION AYANT CETTE VOCATION SONT SOUVENT DÉCOURAGÉS
Près de 125 000 exploitations agricoles, soit environ un tiers d'entre elles, dégagent un chiffre d'affaires de moins de 25 000 € par an, témoignant de l'absence de viabilité économique d'un grand nombre d'entre elles voire, selon les rapporteurs, d'un discrédit qui serait jeté aujourd'hui sur l'acte de production par rapport à d'autres préoccupations.
Entre phénomène sociétaire et
micro-fermes en permaculture,
les exploitations familiales traditionnelles
cherchent leur modèle
La ferme moyenne est à la peine entre, d'une part, certaines grandes exploitations dont le fonctionnement s'approche peu à peu de l'« agriculture de firme », nourrissant la majeure partie de la population par l'ampleur des volumes qu'elles produisent, et, d'autre part, une kyrielle de micro-exploitations spécialisées dans des productions de niche, ne contribuant pas ou peu à l'objectif de souveraineté alimentaire, tout en bénéficiant d'une image favorable dans la société et de soutiens publics importants.
C'est pourquoi l'enjeu du renouvellement des générations se pose avec une extrême acuité en France : il se double d'un déficit d'attractivité dans l'agroalimentaire et de l'« extrême fragilité des structures d'exploitation familiales » (B. Hervieu) que la « révolte des tracteurs » à l'hiver 2023-24 a rendu patente, en même temps qu'elle a souligné les fortes contraintes inhérentes aux « métiers du vivant ».
Le manque d'incitations économiques à la modernisation des bâtiments d'élevage ou à l'acquisition d'outils innovants d'aide à la décision, dans les dernières années de la carrière d'un exploitant, constitue aujourd'hui un obstacle majeur à la reprise d'une exploitation, grevant la capacité d'investissement des jeunes agriculteurs pour mener à bien leurs projets ou adapter leurs pratiques.
Il en résulte un fort degré d'incertitude quant à l'identité du potentiel repreneur dans certaines régions à forte tradition agricole : ainsi, « les régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes ont pour caractéristiques d'avoir des surfaces agricoles utiles (SAU) importantes, le plus haut niveau de SAU à reprendre dans les sept prochaines années et des taux d'incertitudes élevés », selon le rapport précité de la Cour des Comptes. Autant de régions dans lesquelles la contestation de l'hiver 2023-24 a été particulièrement vive.