N° 250

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 janvier 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations
en
agriculture,

Par MM. Laurent DUPLOMB et Franck MENONVILLE,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

2436, 2600 et T.A. 300

Sénat :

639 (2023-2024), 184, 187 et 251 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La commission des affaires économiques du Sénat a adopté, le 21 janvier 2025, le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (plus communément appelé PLOA). Le texte issu des débats de commission, enrichi de 133 amendements dont 77 de ses rapporteurs, et dont les articles les plus importants ont été profondément remaniés, entend dessiner un cap clair pour l'agriculture française fondé sur une triple ambition :

Promesse de campagne d'Emmanuel Macron lors de l'élection présidentielle de 2022, attendu de longue date par les jeunes agriculteurs, ce texte avait initialement vocation à traiter des problématiques de l'orientation-formation, de l'installation-transmission et, subsidiairement, de l'adaptation au changement climatique en agriculture.

Pour répondre à la protestation des agriculteurs de l'hiver 2023-24, il a été complété, avant dépôt, par deux titres dédiés à la souveraineté alimentaire (proclamations de principe à la portée normative relative, art. 1er) et à la simplification normative en matière environnementale (allègements assez techniques et circonscrits, titre IV). De l'hybridation de ces mesures est né un grand malentendu : alors que le texte est d'abord la traduction législative de concertations sur le renouvellement des générations menées depuis 2022, il est présenté médiatiquement comme une réponse à la crise agricole... ce qu'en tout état de cause, il n'est pas.

C'est pourquoi l'examen des 45 articles du texte doit être considéré comme un maillon d'une séquence agricole plus large : reprise du débat budgétaire, discussion des propositions de loi contraintes agricoles, démocratie agricole et gestion durable et reconquête de la haie, et enfin élections professionnelles agricoles, conduisant à la désignation du bureau des chambres d'agriculture pour six ans. À l'approche du salon de l'agriculture, la commission des affaires économiques réaffirme, par l'adoption de ce texte, son plein soutien au monde agricole et son souci de lui apporter des réponses concrètes.

I. VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION AGRICOLE, DÉFICIT D'ATTRACTIVITÉ DES MÉTIERS DU VIVANT : DEUX DÉFIS DE TAILLE POUR L'AGRICULTURE FRANÇAISE

A. UN MONDE AGRICOLE EN PROIE À UN BOULEVERSEMENT DÉMOGRAPHIQUE, QUI MENACE À MOYEN TERME SON POTENTIEL DE PRODUCTION ET D'ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Selon les projections de la Cour des comptes, le nombre d'exploitations devant passer de 389 779 en 2020 à 292 592 en 2035, c'est un véritable « plan social » de 100 000 fermes en 15 ans qui se profile dans l'hexagone (1 exploitation sur 4 aujourd'hui en activité). Cette tendance porte en elle le risque d'une « désagricolisation » de la France, et en particulier d'une décapitalisation dans l'élevage, sur le modèle de la désindustrialisation connue par le pays depuis les années 1980.

Source : Cour des comptes

Cette mutation de l'agriculture française s'opère à bas bruit, par le non-renouvellement passif des exploitants en fin d'activité. 50 % des 496 000 exploitants agricoles actifs en 2020 auront atteint l'âge légal de la retraite (64 ans) à horizon 2030.

Ce défi est plus marqué encore dans certaines régions comme dans les Outre-mer, le Sud-Ouest, l'arc méditerranéen, la Normandie, l'Île-de-France et l'Alsace, ainsi que l'illustre le graphique ci-contre. Cet « hiver démographique agricole » n'est pas propre à la France mais commun aux pays d'Europe de l'Ouest, dans un contexte de poursuite de la tertiarisation de l'économie. Si les effets de cette tendance sur la production agricole ont été limités jusqu'ici, les rapporteurs craignent qu'ils ne finissent par se manifester par un déclin de notre base productive en passant sous un seuil critique.

Avec le départ à la retraite potentiel d'un agriculteur sur deux à horizon 2030, la ferme France entre dans une période critique qu'il est crucial de bien négocier, car les orientations politiques d'aujourd'hui « figeront » les systèmes de production des quarante prochaines années.

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