II. S'ATTAQUER DE FRONT AUX PROBLÈMES DE COMPÉTITIVITÉ DE NOTRE AGRICULTURE POUR PRÉPARER LES DÉFIS DE DEMAIN
A. LE PROJET DE LOI INITIAL : UN TEXTE À LA FOIS BAVARD SUR CERTAINS ASPECTS ET MUET SUR D'AUTRES
Les dispositions « pré-crise » du texte, bien que traitant du sujet essentiel de l'enseignement et de l'innovation, sont souvent bavardes (art. 2, programmatique sur les objectifs des politiques d'orientation de formation en matière agricole) au point que l'on a pu même douter parfois du fait que leur place soit bien dans la loi (art. 6, consacrant les plans prioritaires pluriannuels de transition et de souveraineté ou « 3PTS »).
Les ajouts « post-crise » du Gouvernement, davantage que des mesures améliorant la compétitivité, sont des mesures de simplification administrative qui portent de surcroît sur des sujets assez périphériques dans la vie des exploitations, quoique fortement symboliques - sécurisation des opérations de destruction de haies dans le cadre d'une gestion dynamique de celles-ci (art. 14), du compostage de la laine au sein de l'exploitation (art. 16) et de la détention de chiens de protection de troupeaux (art. 16).
Certains articles concernent un très faible nombre d'exploitations, par exemple 57 projets d'ouvrage de stockage d'eau et 54 projets de création ou d'extension d'élevage pour la réforme accélérant les recours contre ces projets (art. 15), et quelques affaires pénales chaque année pour dommages causés par des chiens de protection de troupeau (art. 16).
D'autres encore se bornent à appliquer à l'agriculture des outils de simplification existant dans d'autres domaines ou déjà mis en oeuvre sur le terrain. Ainsi, à l'article 15 sur l'accélération des contentieux et l'atténuation de leurs effets, le Gouvernement s'est limité à « copier-coller » deux régimes récemment mis en place dans les domaines de l'urbanisme et de l'énergie. À l'article 14, qui vise à simplifier les démarches en cas de destruction de haies, et à l'article 10, qui instaure un « guichet unique de l'installation et de la transmission » intitulé France services agriculture, le Gouvernement se contente d'inscrire ou de réinscrire dans la loi des processus qui sont à peu de choses près déjà mis en oeuvre sur le terrain.
Il faut par ailleurs signaler certaines dispositions non agricoles, comme l'article 7, qui délègue des actes vétérinaires aux auxiliaires et étudiants vétérinaires, mais concerne les animaux de compagnie davantage que les animaux de rente puisqu'ils ne sont autorisés qu'en clinique, ou encore l'attribution de compétences aux départements concernant le petit cycle de l'eau (art. 18).
Plusieurs des ajouts « post-crise » constituaient enfin des « coquilles pour l'instant vides » :
v trois habilitations à légiférer par ordonnance, aux articles 13 (révision du quantum des peines en matière d'atteinte à l'environnement), 16 (chiens de protection) et 17 (aquaculture),
v et deux « blancs-seings » législatifs à une réforme par décret des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) aux articles 16 et 17.
Il faut souligner a contrario que le Gouvernement a procédé à plusieurs réformes structurantes sans passer par la loi ni consulter le Parlement (annulation de la hausse du gazole non routier, décret du 10 mai 2024 pour accélérer le traitement des recours contre les projets agricoles, révision du plan Ecophyto...).
Les rapporteurs observent que ce texte n'est pas une véritable loi d'orientation, à l'instar de celles de 1960 et 1962, qui avaient été structurantes pour le développement de l'agriculture française.