C. LA VOILURE DES DISPOSITIFS DE FORMATION PROFESSIONNELLE DES DEMANDEURS D'EMPLOI ET DES SALARIÉS A ÉTÉ FORTEMENT RÉDUITE
1. Le FNE-Formation, fortement mis à contribution en 2024, serait stabilisé en 2025
Courant 2024, les rapporteurs spéciaux ont réalisé un contrôle budgétaire sur le FNE-Formation33(*), instrument à la main du ministre chargé de l'emploi et de son administration, la délégation à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), qui a été fortement mobilisé entre 2020 et 2022 pour préserver les compétences des salariés placés en activité partielle pendant les confinements. Ensuite, le FNE-Formation a continué d'être mobilisé pendant la crise, tout en étant progressivement réorienté, dans le cadre du plan de relance en 2021-2022 et du plan de réduction des tensions de recrutement en 2022.
Évolution comparée des crédits ouverts et du nombre d'actions de formation financées au titre du FNE-Formation entre 2018 et 2024
(en nombre d'actions et en millions d'euros)
Note : Les données pour 2024 sont prévisionnelles.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP
Au titre de l'année 2023, le dispositif a été réorienté vers le financement de formations visant à accompagner les entreprises face aux grandes « transitions » : la transition écologique, la transition alimentaire et agricole, la transition numérique, ainsi que les formations liées à l'organisation des grands événements sportifs internationaux. Cette réorientation inscrit le FNE-Formation dans une logique politique conforme aux engagements internationaux de la France en matière de sauvegarde du climat, neuf ans après les accords de Paris.
Répartition
des 262 276 actions de formation
réalisées
en 2023 par motif de recours
Source : commission des finances du Sénat d'après les données fournies par la DGEFP
L'efficience du FNE-Formation n'était pas avérée, il y a encore quelques années. Ainsi, la Cour des comptes relevait, dans un rapport publié en 2023, la « portée limitée du FNE-Formation » durant la crise sanitaire, et notait que les incitations à la formation étaient « plus opportunistes que susceptibles de conjurer les effets de la crise ».
Il convient de nuancer cette affirmation, compte tenu de la difficulté de démontrer qu'un tel effet d'aubaine a bien été suscité, au travers par exemple d'un désengagement des entreprises. Alors que le suivi du FNE-Formation dans les documents budgétaires apparaît très élémentaire, une analyse du « coût unitaire » du FNE-Formation, c'est-à-dire du coût par action de formation financée, suggère une efficience croissante du dispositif.
Si les dépenses de FNE-Formation par action de formation connaissent une progression entre 2020 et les années 2021-2022, principalement imputable à l'allongement des formations, le coût d'une heure de formation est quant à lui à la baisse, passant de 37 euros l'heure en 2020 à 25,5 euros en 2023.
Le FNE-Formation apparaît plus efficient que d'autres dispositifs comparables : le coût unitaire du Compte personnel de formation (CPF) lui est une fois et demi supérieur ; quant à celui du dispositif Transitions collectives, dit « Transco », il représente au moins 32 fois celui du FNE-Formation.
Comparaison du coût unitaire d'une action de
formation au titre du
FNE-Formation et d'autres dispositifs de formation
professionnelle des salariés
(en millions d'euros, en unités et en euros par action)
2021 |
2022 |
||||||
Gestionnaire |
Engagements |
Nombre d'actions |
Coût unitaire |
Engagements |
Nombre d'actions |
Coût unitaire |
|
FNE-Formation |
OPCO |
364,7 |
420 284 |
867,7 |
442,9 |
488 165 |
907,3 |
Projet de transition professionnelle (PTP) |
Associations Transitions Pro |
596,0 |
19 835 |
30 046,5 |
602,8 |
18 795 |
32 073,6 |
Transitions collectives |
Associations Transitions Pro |
4,2 |
100 |
41 727,0 |
7,2 |
255 |
28 055,8 |
Compte personnel de formation (CPF) |
Caisse des dépôts et consignations |
2 835,1 |
2 044 365 |
1 386,8 |
2 637,9 |
1 797 943 |
1 467,2 |
VAE financée par les AT Pro |
Associations Transitions Pro |
5,7 |
2 945 |
1 940,3 |
4,9 |
2 546 |
1 933,7 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la direction du budget
En 2024, les crédits initialement budgétés pour le FNE-formation dans la loi de finances initiale s'élevaient à 273 millions d'euros en AE. Toutefois, le décret du 21 février 202434(*) ayant procédé à une annulation de 1,1 milliard d'euros sur la mission « Travail et emploi », ce montant a immédiatement été voué à diminuer. Ainsi, la direction du budget a indiqué lors de son audition que « la reprogrammation [était] en cours et devrait aboutir à une enveloppe légèrement inférieure à 100 millions d'euros. »
Les crédits alloués au titre du FNE-Formation en 2024 se sont établis à 96 millions d'euros en AE, soit une diminution de 63 % par rapport aux montants conventionnés en 2023.
Évolution des crédits alloués
au FNE-Formation
entre 2020 et 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP
Dans leur rapport, les rapporteurs avaient recommandé de « stabiliser le financement et le fonctionnement du FNE-Formation »35(*), en particulier en maintenant ses crédits à leur niveau de 2024 après le décret d'annulation. Ils constatent que cette recommandation a, à ce stade, été suivie, puisque les crédits inscrits à ce titre dans le PLF pour 2025 s'élèvent à 100 millions d'euros en AE et 101 millions d'euros en CP, soit un montant comparable aux 96 millions d'euros restant après l'adoption du décret d'annulations de crédit du 21 février 2024.
Enfin, les rapporteurs spéciaux renouvellent leurs interrogations sur la décision de faire porter les économies demandées sur la mission « Travail et emploi » sur un dispositif dont le coût moyen est sensiblement plus faible que le coût moyen d'autres dispositifs, décision qui paraît plus dictée par l'urgence de réduire les dépenses que par l'efficience de la dépense publique.
Ils estiment à nouveau que le FNE-Formation ne saurait constituer à l'avenir un gisement viable d'économies : une nouvelle diminution des crédits qui lui sont alloués reviendrait, en réalité, à supprimer ce dispositif.
2. Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) : un suivi rendu difficile par la dispersion des financements
La majorité des dépenses liées au PIC sont budgétées au sein de la mission « Travail et emploi ». Outre le volet national, des pactes régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC) ont également été contractualisés avec les régions. Les deux volets, national et régional, connaitraient une diminution en 2025 : les crédits dédiés au PIC s'établiraient ainsi à 573,7 millions d'euros en AE et 669,42 millions d'euros en CP ; quant aux crédits des PRIC, ils sont fixés à 249,3 millions d'euros en AE et 370,8 millions d'euros en CP, ce qui représente une importante diminution (- 37,8 % en AE et - 45 % en CP).
S'agissant du volet national, l'attention des rapporteurs spéciaux a été attirée sur le sort des crédits du « PIC-IAE », c'est-à-dire des crédits du PIC destinés à la formation des bénéficiaires de l'insertion par l'activité économique, dont le statut hybride les rend éligibles à ce dispositif de formation des demandeurs d'emploi. Interrogée en ce sens par les rapporteurs spéciaux, l'administration a indiqué que la diminution exacte des crédits du PIC-IAE n'était pas encore connu, mais que la nouvelle contractualisation avec les régions prévoyait l'intégration des salariés des structures de l'IAE dans les PRIC. Ainsi, il est possible qu'un financement accru des régions compense la baisse du financement de l'État.
Les financements de l'État sont en outre complétés par France Compétences, qui participe également à la formation des demandeurs d'emplois au titre du Plan d'investissement dans les compétences (PIC) par le biais d'un fonds de concours.
Depuis 2023, le financement du PIC par France Compétences a diminué. Il s'établit à un niveau de 800 millions d'euros en 2024 selon le budget initial de l'opérateur. En outre, cette charge est partiellement financée par des reports de crédits, en raison des importantes sous-consommations de crédits constatés sur les exercices précédents.
En 2025 il est prévu que la participation de France Compétences soit maintenue à 800 millions d'euros en AE mais soit portée à 1 150 millions d'euros en CP.
* 33 « Les métamorphoses du FNE-Formation », Rapport n° 637 (2023-2024) fait par M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 29 mai 2024.
* 34 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 35 « Les métamorphoses du FNE-Formation », Rapport n° 637 (2023-2024) fait par M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 29 mai 2024.