N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 32

TRAVAIL, EMPLOI ET ADMINISTRATION DES MINISTÈRES SOCIAUX

Rapporteur spécial et Rapporteure spéciale :

M. Emmanuel CAPUS et Mme Ghislaine SENÉE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

I. SI LES MOYENS DE LA MISSION DIMINUENT EN 2025, ILS SE MAINTIENNENT NÉANMOINS À UN NIVEAU TRÈS ÉLEVÉ

A. UNE BUDGÉTISATION EN RECUL PAR RAPPORT À LA LFI 2024

S'établissant autour de 21 milliards d'euros pour 2025, les crédits de la mission « Travail et emploi » enregistrent par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 une diminution en autorisations d'engagement (- 6,4 %) et en crédits de paiement (- 4,5 %) à périmètre courant.

La baisse des crédits est principalement due au programme 103 « Adaptation aux mutations économiques et développement de l'emploi », qui porte les dépenses de formation professionnelle et d'apprentissage (- 19,4 % en AE et - 13,9 % en CP).

Cette diminution est plus forte encore à périmètre constant, c'est-à-dire sans tenir compte de l'augmentation des crédits du programme support (155), vers lequel sont transférés les crédits auparavant budgétés sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Sans cette mesure de périmètre, la diminution des crédits est de 11,9 % en AE et 10,5 % en CP.

Évolution des crédits de la mission « Travail et emploi » entre 2020 et 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par rapport à l'exécution attendue pour 2024, la diminution des crédits de la mission apparaît légèrement moindre. En effet, le décret du 21 février 2024 a procédé à une annulation de 1,1 milliard d'euros en AE et en CP sur la mission.

B. BIEN QU'EN BAISSE, LES CRÉDITS DE LA MISSION SE MAINTIENNENT À UN NIVEAU ÉLEVÉ, PROCHE DES PLAFONDS TRÈS AMBITIEUX DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

La trajectoire triennale des dépenses de la mission « Travail et emploi » dans le PLF 2025 prévoit que les crédits de la mission, qui se sont établis à 20,9 milliards d'euros en 2023 et devraient atteindre 22,6 milliards d'euros en 2024, s'établissent à 21,6 milliards d'euros en 2025 et à 20,7 milliards d'euros en 2026.

Cette trajectoire est conforme à celle fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui prévoit un plafond de dépenses de 22,4 milliards d'euros en 2025 et de 21,6 milliards d'euros en 2026.

Cette trajectoire a ensuite été largement revue à la hausse, entre le dépôt du projet de loi de programmation en septembre 2022 et sa promulgation fin 2023. Pour autant, la trajectoire de dépense de la mission demeure largement supérieure à la trajectoire initialement prévue dans le projet de LPFP déposé devant le Parlement, du fait de la prolongation de l'effort en faveur de l'apprentissage et de la persistance des difficultés financières de France Compétences, qui a rendu nécessaire la pérennisation d'une dotation de l'État.

Comparaison des trajectoires pluriannuelle des crédits de la mission
dans la LPFP 2023-2027 et dans le PLF2025

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de LPFP et les documents budgétaires

II. LA DIMINUTION DES CRÉDITS IMPLIQUE D'IMPORTANTES « COUPES » DANS LES DÉPENSES DE LA MISSION

Les opérateurs de la mission seront directement touchés par la diminution des crédits. De fait, si France Travail voit sa subvention pour charges de service public préservée (1,35 milliard d'euros), son plafond d'emploi fait l'objet d'une baisse de 500 ETPT. Le Gouvernement fait valoir que cette réduction ne représente que 1 % des effectifs de l'opérateur. Il conviendra pour autant de rester vigilant pour assurer la mise en oeuvre de la loi pour le plein emploi à compter de 2025.

De même, la dotation versée par l'État à France Compétences diminue sensiblement en 2025, pour s'établir à 2 026 millions d'euros, contre 2 500 millions d'euros en LFI 2024 (- 19 %). Cette diminution est permise par la réalisation de plusieurs mesures d'économies sur les dépenses de l'opérateur durant l'exercice 2024.

Le Gouvernement a d'ailleurs déposé un amendement de crédits à l'Assemblée nationale visant à diminuer de 675 millions d'euros supplémentaires les crédits de la mission, notamment par des mesures d'économies sur les opérateurs, dont France Compétences.

Au sein du service public de l'emploi (SPE), les missions locales font également l'objet d'une diminution du financement de l'État (de 37 millions d'euros en AE mais de 140 millions d'euros en CP), qui devrait être ciblée sur les missions locales les plus excédentaires afin de maintenir les objectifs d'entrées en contrat d'engagement jeunes (CEJ), fixés à 200 000 en 2025 comme en 2024.

Exemples illustrant la réduction des moyens des dispositifs d'accès à l'emploi

 
 
 

Diminution des effectifs de France Travail

Diminution de la dotation à France Compétences

Diminution en CP des crédits des missions locales

Source : commission des finances du Sénat

Enfin, on note une diminution des moyens consacrés aux divers dispositifs d'emplois aidés. Si le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) est globalement préservé, les contrats aidés dans le secteur marchand seront supprimé à compter de 2025, de même que les emplois francs. Ces dispositifs étaient jugés inefficients, une évaluation du second ayant même conclu à des effets d'aubaines très importants, de l'ordre de 77 %.

III. APRÈS « LES ANNÉES FOLLES » (OFCE), LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME DU FINANCEMENT DE L'APPRENTISSAGE

A. L'APPRENTISSAGE : UN COÛT COLOSSAL POUR LES FINANCES PUBLIQUES

Les dépenses publiques soutenant l'apprentissage sont très élevées. S'agissant du coût supporté par l'État seul, il est estimé à environ 7 milliards d'euros en 2024. Mais le soutien public à l'apprentissage n'est pas limité aux dépenses de l'État ; il inclut également des exonérations de cotisations sociales, des droits ouverts à l'assurance chômage ou encore les coûts pédagogiques financés par France Compétences... Le coût pour les finances publiques de l'ensemble de ces dispositifs de soutien à l'apprentissage est colossal, puisqu'il avoisine les 25 milliards d'euros.

Répartition du coût de l'apprentissage pour les finances publiques

(en milliards d'euros)

Source : Coquet B., OFCE Policy Brief, septembre 2024

B. UN NÉCESSAIRE CIBLAGE DU SOUTIEN PUBLIC À L'APPRENTISSAGE

Le PLF 2025 prévoit une baisse de 663 millions d'euros en AE des aides aux employeurs d'apprentis par rapport à la LFI 2024. Cette diminution traduit la volonté du Gouvernement de réaliser une économie de 1,2 milliard d'euros par rapport à l'évolution tendancielle de ces dépenses. Toutefois, les modalités pour parvenir à ce résultat ne sont pas encore arbitrées ; la mesure que le Gouvernement prendra pourrait être une diminution du montant de l'aide à l'embauche de 6 000 euros à 4 500 euros, ou une mesure de ciblage des aides sur les petites entreprises ou les apprentis les moins qualifiés.

Les rapporteurs spéciaux considèrent qu'un meilleur ciblage des aides aux employeurs d'apprentis permettrait à la fois de réaliser des économies et d'améliorer la pertinence de la dépense en réservant le soutien public aux entreprises et aux jeunes pour qui ce soutien est déterminant. Dans la continuité de leurs travaux sur le PLF pour 2024, ils proposent ainsi à la commission un amendement tendant à exclure du bénéfice de l'aide aux employeurs d'apprentis les contrats d'apprentissage signés entre une entreprise de plus de 250 salariés et un jeune préparant un diplôme de niveau licence ou plus élevé.

Les rapporteurs spéciaux ont également souhaité reconsidérer la prise en charge des coûts pédagogiques des contrats d'apprentissage, financé par France Compétences au niveau de prise en charge (NPEC) fixé par les branches professionnelles. En effet, les revues de dépenses des inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) ont mis en évidence le coût comparativement plus élevé des formations de niveau licence et master. Conformément aux recommandations des inspections, ils présentent un amendement visant à limiter le financement des NPEC pour ces formations à 90 % pour le niveau licence et 80 % pour le niveau master.

Ces deux amendements sont accompagnés d'amendements de crédits qui en tirent les conséquences sur les crédits de la mission.

Réunie le mardi 12 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par de deux amendements de crédits minorant de 770 millions d'euros (CP) les crédits de la mission afin de tirer les conséquences d'une révision du ciblage des aides aux employeurs d'apprentis et de la prise en charge des coûts pédagogiques des contrats d'apprentissage. En outre, elle a proposé l'adoption de deux articles additionnels rattachés après l'article 64 visant à améliorer le ciblage des aides aux employeurs d'apprentis et à modifier les conditions de la prise en charge des coûts pédagogiques des contrats d'apprentissage.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 92,6 % des réponses étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

PREMIÈRE PARTIE 
LA MISSION « TRAVAIL, EMPLOI ET ADMINISTRATION DES MINISTÈRES SOCIAUX » EST FORTEMENT MISE À CONTRIBUTION POUR RÉDUIRE LE DÉFICIT PUBLIC

I. UNE BUDGÉTISATION DE LA MISSION EN RECUL PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2024, DONT LES CRÉDITS SE MAINTIENNENT NÉANMOINS À UN NIVEAU INÉDIT

A. TOUS LES PROGRAMMES DE LA MISSION VOIENT LEURS CRÉDITS DIMINUER À PÉRIMÈTRE CONSTANT, BIEN QUE LES CRÉDITS DU PROGRAMME SUPPORT, QUI BÉNÉFICIE D'UNE IMPORTANTE MESURE DE PÉRIMÈTRE, AUGMENTENT À PÉRIMÈTRE COURANT

Avec 21,6 milliards d'euros en CP prévus par le projet de loi de finances pour 2025, la mission « Travail et emploi » enregistre sa première réduction de crédits depuis 2020. C'est une diminution de 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement (- 6,4 %) et de 1,0 milliard d'euros en crédits de paiement (- 4,5 %).

Évolution des crédits de la mission « Travail et emploi » entre 2020 et 2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour mémoire, la mission se décompose en quatre programmes :

le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » se fixe pour objectif principal de « favoriser l'accès et le retour à l'emploi de tous les publics en s'appuyant sur les structures du service public de l'emploi et en mobilisant au mieux les outils d'insertion professionnelle au bénéfice des personnes les plus éloignées de l'emploi ». Les crédits demandés pour ce programme connaîtraient une légère diminution en CP dans le projet de loi de finances pour 2025 : ils s'élèvent à 7,2 milliards d'euros en CP. En loi de finances initiale pour 2024, ils s'établissaient à 7,4 milliards d'euros en CP, soit une diminution de 4,43 %.

le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » se fixe pour objectifs de « sécuriser l'emploi par l'anticipation des mutations économiques », de « contribuer à la revitalisation des territoires et au reclassement des salariés licenciés pour motif économique », de « faciliter l'insertion dans l'emploi par le développement de l'alternance » et enfin « d'édifier une société de compétences via le Plan d'investissement dans les compétences (PIC) ». Les crédits demandés pour ce programme connaîtraient une forte baisse de 19,4 % en AE, avec 11,7 milliards d'euros (contre 14,5 milliards d'euros ouverts dans la LFI 2024), et de 13,9 % en CP, avec 12,3 milliards d'euros (contre 14,3 milliards d'euros ouverts dans la LFI 2024.

le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » vise notamment à améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur privé concurrentiel, à contribuer à la prévention et à la réduction des risques professionnels, à la dynamisation de la négociation collective et à l'amélioration du dialogue social et enfin à lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement, en s'appuyant sur les services de l'inspection du travail. Les crédits demandés pour 2025 s'élèvent à 44,2 millions d'euros en AE, soit une diminution très importante par rapport aux crédits ouverts en LFI 2024 (184,6 millions d'euros) et à 83,6 millions d'euros en CP, soit un montant réduit par rapport à la prévision initiale pour 2024 (110,0 millions d'euros). La cause de ces importantes variations correspond pour l'essentiel au cycle des élections professionnelles ;

- enfin, le programme 155, qui constitue le programme d'appui et de soutien serait rebaptisé « Soutien des ministères sociaux ». Si les crédits demandés sont globalement stables à périmètre constant, ils connaissent à périmètre courant une forte hausse (+ 181,8 %, en AE et + 194,2 % en CP), du fait du transfert à la mission « Travail et emploi » des crédits auparavant budgétés sur le programme 124 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». De 688,5 millions d'euros en AE et 687,3 millions d'euros en CP en 2024, les crédits du programme 155 s'établissent à 1,9 milliard d'euros en AE et 2 milliards d'euros en CP en 2025.

Le poids budgétaire des deux principaux programmes de la mission - « Accès et retour à l'emploi » (programme 102) d'une part, et « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » (programme 103) d'autre part - demeure prépondérant en 2025, puisqu'ils représentent 90,2 % des dotations.

Évolution par programmes des crédits de la mission « Travail et emploi »
entre la LFI pour 2024 et le PLF pour 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

N° et intitulé du programme

LFI 2024

PLF 2025 (courant)

PLF 2025 (constant)

Évolution
PLF 2025 / LFI 2024
(périmètre courant)

Évolution
PLF 2025 / LFI 2024
(périmètre constant)

102 - Accès et retour à l'emploi

AE

7 536,9

7 773,6

7 773,6

+ 3,1 %

+ 3,1 %

CP

7 543,2

7 208,7

7 208,7

- 4,4 %

- 4,4 %

103 - Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

AE

14 544,9

11 721,8

11 721,8

- 19,4 %

- 19,4 %

CP

14 308,7

12 318,7

12 318,7

- 13,9 %

- 13,9 %

111 - Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

AE

184,6

44,2

44,2

- 76,0 %

- 76,0 %

CP

110,0

83,6

83,6

- 24,0 %

- 24,0 %

155 - Soutien des ministères sociaux

AE

688,6

1 940,3

685,2

+ 181,8 %

- 0,5 %

CP

687,3

2 022,0

670,2

+ 194,2 %

- 2,5 %

TOTAL MISSION

AE

22 954,9

21 479,9

20 224,8

- 6,4 %

- 11,9 %

CP

22 649,2

21 633,0

20 281,2

- 4,5 %

- 10,5 %

Note : les données à périmètre constant sont obtenues en retranchant les dépenses budgétées en 2024 dans le programme 124 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » des dépenses budgétés pour 2025 dans le nouveau programme 155.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La diminution des crédits constatée à périmètre courant (- 6,4 % en AE et - 4,5 % en CP) est plus importante encore à périmètre constant (- 11,9 % en AE et - 10,5 % en CP), c'est-à-dire abstraction faite de la budgétisation sur le programme 155, à compter de 2025, des près de 1,3 milliard d'euros auparavant inscrits sur le programme 124 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Malgré la diminution des crédits constatée entre la LFI pour 2024 et le PLF pour 2025, le niveau des crédits alloués à la mission se stabilise à un niveau très élevé (plus de 20 milliards d'euros) soit une augmentation de 47 % par rapport à l'exécution de 2020.

B. PAR RAPPORT À L'EXÉCUTION ATTENDUE POUR 2024, LA RÉDUCTION DES CRÉDITS DE LA MISSION PROPOSÉE POUR 2025 N'APPARAÎT PAS EXCESSIVE

1. En 2024, la mission « Travail et emploi » a fait l'objet d'importantes annulations de crédits en cours d'exercice

En 2024, la mission « Travail et emploi » a connu une exécution chaotique du fait de l'annulation par décret, dès février1(*), de la somme de 1,1 milliard d'euros d'AE et de CP.

Cette somme a porté principalement sur le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » (863,6 millions d'euros en AE et en CP), mais a également touché les autres programmes de la mission.

En revanche, les « gels » de crédits c'est-à-dire les crédits mis en réserve et soustraits à l'administration compétente par le ministère des finances, ont été relativement marginaux sur l'exercice 2024 puisqu'ils sont systématiquement inférieurs, au 14 août 2024, à leur niveau initial.

Récapitulatif de l'exécution du premier semestre 2024

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2024 

Réserve initiale

Annulation 21/02/2024

Réserve au 8 avril 2024

Réserve au 14 août 2024

 
 

102

AE

7 536,9

362,2

228,0

242,9

242,9

 

CP

7 543,2

362,6

228,0

243,4

243,4

 

103

AE

14 544,9

796,8

863,6

179,6

179,6

 

CP

14 308,7

783,8

863,6

179,6

179,6

 

111

AE

184,6

9,6

5,0

7,4

7,4

 

CP

110,0

5,5

5,0

2,1

2,1

 

155

AE

688,6

8,3

3,5

6,4

6,4

 

CP

687,3

8,2

3,5

6,3

6,3

 

Total mission

AE

22 954,9

1 176,9

1 100,0

436,4

436,4

 

CP

22 649,2

1 160,0

1 100,0

431,4

431,4

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) Le programme « Accès et retour à l'emploi » (P102) a subi 228 millions d'euros d'annulation de crédits

Le décret du 21 février 2024 a procédé à une annulation de 228 millions d'euros sur le programme 102. Cette annulation, qui représente 3 % des crédits alloués à ce programme en LFI pour 2024 a eu un impact important sur les dispositifs favorisant l'accès à l'emploi. En l'effet, l'administration s'est vue obligée de prendre des mesures pour tenir compte de cette baisse des moyens, parmi lesquelles :

- une baisse du montant alloué à l'allocation du parcours contractualisé d'accompagnement dans l'emploi et l'autonomie (PACEA), pour une économie de 41 millions d'euros (soit environ 40 % des crédits consacrés à ce dispositif) ;

- une réduction du financement des missions locales de 27 millions d'euros en AE et 37 millions d'euros en CP, leur financement s'établissant à 608 millions d'euros en AE et 595 millions d'euros en CP après l'annulation, soit une diminution de 5,8 % en CP ;

- une réduction du nombre de contrats aidés dans le secteur marchand, pour environ 4 000 contrats en moins, soit - 19 millions d'euros en AE et 4 millions d'euros en CP ;

l'absence de lancement d'un nouvel appel à projets dans le cadre du contrat d'engagement jeunes (CEJ), pour une économie de 31 millions d'euros en AE et 13 millions d'euros en CP.

b) Le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » (P103) a été le principal concerné par les annulations de crédits décidées par le précédent Gouvernement

Les annulations de crédits décidées par le précédent Gouvernement ont été plus importantes s'agissant du programme 103, où elles ont représenté 863,6 millions d'euros, soit 6 % des crédits du programme. À nouveau, l'administration a pris des mesures visant à répercuter cette baisse de moyens sur les dispositifs de formation professionnelle, avec en particulier :

- la suppression de l'aide versée par l'État aux employeurs de personnes bénéficiant d'un contrat de professionnalisation, impliquant une diminution de 78,9 % des crédits en AE (- 236 millions d'euros sur les 299 millions d'euros prévus dans la LFI 2024) et une réduction de 18 millions en CP ;

- la baisse de plusieurs dispositifs relevant du plan d'investissement dans les compétences (PIC), pour une économie de 178 millions d'euros en AE et de 196 millions d'euros en CP ;

- la réduction des crédits dédiés à plusieurs dispositifs de formation professionnelle des salariés, notamment le FNE-Formation (- 118 millions d'euros en AE et - 48 millions d'euros en CP sur l'ensemble des dispositifs) ;

- enfin, diverses mesures d'économies portant sur les dispositifs financés par France Compétences, notamment l'introduction d'un reste à charge à hauteur de 100 euros pour le recours au Compte personnel de formation (CPF), l'encadrement du recours au CPF pour financer le permis de conduire, la réduction de l'enveloppe dédiée aux transitions professionnelles ou encore une nouvelle diminution des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage par l'opérateur. Ces diverses mesures d'économies ont permis de baisser la subvention de l'État à France Compétences de 312 millions d'euros en AE et en CP (- 12,5 % par rapport aux 2,5 milliards d'euros budgétés au titre de cette subvention dans la LFI pour 2024).

Si les annulations portant sur les dispositifs financés directement par la mission ont négativement affecté leur fonctionnement, comme le rapport de contrôle budgétaire des rapporteurs spéciaux l'a montré s'agissant du FNE-Formation2(*), la portée des coupes relatives à la subvention versée à France Compétences doit être nuancée.

Premièrement, la diminution de la subvention ne vient que répercuter la baisse des charges de l'opérateur. Ensuite, une diminution de 312 millions d'euros de la subvention d'équilibre ne représente jamais que 2,2 % des recettes prévisionnelles de France Compétences en 2024. Enfin, les économies réalisées en 2024 étaient, pour certaines, déjà prévues : c'est en particulier le cas de l'introduction d'un reste à charge sur le Compte personnel de formation, dont le principe a été adopté dès la loi de finances initiale pour 20233(*), mais qui avait tardé à se matérialiser.

c) Les programmes 111 et 155 ont subi des annulations de crédits pour des montants très faibles

Bien que facialement peu concernés, les programmes 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations au travail » et 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » ont pu subir des coupes budgétaires non négligeables du fait du décret d'annulation du 21 février 2024.

En effet, 5 millions d'euros ont été annulés sur le programme 111, soit 4,5 % de ses crédits. Cette annulation a principalement porté sur la formation continue des conseillers prud'hommaux (2,6 millions d'euros en AE et 2,3 millions d'euros en CP) et sur le fonds pour l'amélioration des conditions de travail (1,4 millions d'euros en AE et en CP).

Le programme 155 a été peu touché par les annulations de crédits : 3,5 millions d'euros ont été annulés, soit moins de 1 % des crédits. Les dépenses relatives aux systèmes d'information ont été les plus concernées
(- 1,6 millions d'euros).

2. Le projet de loi de finances de fin de gestion ne prévoit pas d'évolution majeure des décaissements

Le projet de loi de fin de gestion (PLFG) pour 20244(*) prévoit d'annuler 556,4 millions d'euros en AE et d'ouvrir 65,5 millions d'euros en CP pour clore l'exercice en cours.

Sur les programmes 102, 111 et 155, les annulations d'AE et de CP correspondent peu ou prou au montant de la réserve de précaution après le « surgel » décidé par le précédent Gouvernement, à date du 14 août 2024.

Sur le programme 103, qui porte notamment les crédits dédiés au financement de l'apprentissage, on constate toutefois des mouvements plus erratiques. En effet, une annulation de 334 millions d'euros en AE est demandée sur ce programme, tandis qu'en CP le Gouvernement demande au contraire l'ouverture de 350 millions d'euros.

Ouvertures et annulations demandées dans le PLFG 2024

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2024 

Annulation 21 fév. 2024

Réserve au 14 août 2024

Ouvertures (+) et annulations (-) prévues dans le PLFG 2024

 
 

102

AE

7 536,9

- 228,0

242,9

- 209,7

 

CP

7 543,2

- 228,0

243,4

- 277,2

 

103

AE

14 544,9

- 863,6

179,6

- 334,9

 

CP

14 308,7

- 863,6

179,6

+ 350,2

 

111

AE

184,6

- 5,0

7,4

- 7,4

 

CP

110,0

- 5,0

2,1

- 3,2

 

155

AE

688,6

- 3,5

6,4

- 4,3

 

CP

687,3

- 3,5

6,3

- 4,2

 

Total mission

AE

22 954,9

- 1 100,0

436,4

- 556,4

 

CP

22 649,2

- 1 100,0

431,4

65,5

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après le PLFG 2024.

Le projet déposé à l'Assemblée nationale par le Gouvernement indique que les annulations en AE visent à tenir compte de la révision à la baisse des prévisions de compensation de cotisations sociales et de l'annulation de la réserve de précaution. Aucune annulation n'est prévue en CP. Au contraire, une ouverture de 350 millions d'euros en CP vise, selon le Gouvernement, à « ajuster les versements au rythme et au niveau des décaissements effectifs des primes aux employeurs d'apprentis, qui ne peuvent être entièrement absorbé par la mobilisation de la réserve de précaution. »

Les rapporteurs spéciaux constatent ainsi une fois de plus que l'évolution des crédits de la mission est surdéterminée par la dynamique de l'apprentissage.

3. En 2025, les crédits proposés diminueraient d'environ 2 milliards d'euros par rapport à l'exécution attendue pour 2024

Comme l'illustre le tableau infra, le projet de loi de finances pour 2025 inscrit les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » dans une dynamique baissière par rapport à l'exécution attendue pour 2024.

S'agissant des crédits de paiement, qui permettent le suivi des décaissements effectifs de l'État, l'exécution 2024 présenterait une minoration de 1,1 milliard d'euros du fait du décret d'annulation de crédits du 21 février 2024 et une très légère augmentation, de 65,5 millions d'euros, du fait des ouvertures demandées sur le programme 103 dans le PLFG 2024 qui compense les annulations demandées sur les autres programmes.

En tenant compte de la mesure de périmètre résultant du transfert des crédits du programme 124 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui représente environ 1 352 millions d'euros, on peut ainsi affirmer que les crédits de la mission diminueraient de 1,3 milliard d'euros entre l'exécution attendue pour 2024 et le PLF pour 2025.

Pour déterminer le niveau des crédits effectivement proposés pour 2025, il convient enfin de tenir compte de la volonté affichée par le Gouvernement de déposer des amendements de crédits afin de diminuer les dépenses de l'État de 5 milliards d'euros supplémentaires par rapport au PLF initialement présenté devant le Parlement. Ainsi, la mission pourrait être amenée à davantage contribuer. Le Gouvernement a en effet déposé, à l'Assemblée nationale, un amendement de crédits visant à faire contribuer la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » à hauteur de 675 millions d'euros supplémentaires.

Cette nouvelle baisse des crédits de la mission viserait, selon le Gouvernement, à réduire les crédits alloués aux opérateurs ainsi qu'à tenir compte des mesures transversales prises en matière de masse salariale (indemnités journalières, ajout de deux jours de carence).

Répartition des diminutions de crédits demandées par le Gouvernement

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2024 

Annulation 21 fév. 2024

Réserve au 14 août 2024

Ouvertures (+) et annulations (-) prévues dans le PLFG 2024

Amendement de crédits à venir

 
 

102

AE

7 536,9

- 228,0

242,9

- 209,7

- 15,5

 

CP

7 543,2

- 228,0

243,4

- 277,2

- 15,5

 

103

AE

14 544,9

- 863,6

179,6

- 334,9

- 654,0

 

CP

14 308,7

- 863,6

179,6

+ 350,2

- 654,0

 

111

AE

184,6

- 5,0

7,4

- 7,4

- 0,1

 

CP

110,0

- 5,0

2,1

- 3,2

- 0,1

 

155

AE

688,6

- 3,5

6,4

- 4,3

- 5,7

 

CP

687,3

- 3,5

6,3

- 4,2

- 5,7

 

Total mission

AE

22 954,9

- 1 100,0

436,4

- 556,4

- 675,3

 

CP

22 649,2

- 1 100,0

431,4

65,5

- 675,3

 

Source : commission des finances du Sénat

Les crédits proposés par le Gouvernement ne s'élèveraient ainsi pas à 21,6 milliards d'euros, mais à 20,9 milliards d'euros. La diminution des crédits par rapport à l'exécution attendue pour 2024 seraient ainsi de 2 milliards d'euros à périmètre constant.

Évolution par programmes des crédits (CP) de la mission
entre la LFI 2024 et le PLF 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

C. BIEN QU'EN BAISSE, LES CRÉDITS ALLOUÉS À LA MISSION SE MAINTIENNENT À UN NIVEAU ÉLEVÉ, PROCHE DES PLAFONDS TRÈS AMBITIEUX FIXÉS DANS LA DERNIÈRE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

La trajectoire triennale des dépenses de la mission « Travail et emploi » annexée au projet de loi de finances pour 2025 prévoit que les crédits de la mission, qui se sont établis à 20,9 milliards d'euros en 2023 et devraient atteindre 22,6 milliards d'euros en 2024, s'établissement à 21,6 milliards d'euros en 2025 et à 20,7 milliards d'euros en 2026.

Comparaison des trajectoires pluriannuelles des crédits de la mission
dans la LPFP 2023-2027 et le PLF 2025

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Note : les trajectoires prévisionnelles correspondent aux prévisions triennales inscrites dans le projet annuel de performances de la mission pour le PLF 2024.

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et le projet annuel de performances annexé au PLF 2025.

La trajectoire pluriannuelle fixée pour la mission « Travail et emploi » dans le projet de loi de finances pour 2025 est conforme à celle fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Si le niveau des dépenses (hors contribution au CAS « Pensions ») prévu dans la LFI pour 2024 (22,5 milliards d'euros) est légèrement supérieur au plafond de dépenses fixé par la LPFP pour cette même année (22,4 milliards d'euros), l'annulation de 1,1 milliard d'euros intervenue en février dernier ainsi que la stabilité des décaissements prévus par le PLFG pour 2024 devraient avoir pour effet de faire s'établir l'exécution 2024 en-deçà du plafond de la LPFP.

Pour les années suivantes, la trajectoire des dépenses de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » (hors contribution au CAS « Pensions ») devraient demeurer inférieures au plafond fixé par la LPFP : avec 21,4 milliards d'euros en 2025, la prévision de la LPFP serait confortablement respectée (22,4 milliards d'euros) ; en 2026, les 20,4 milliards d'euros prévus permettraient à nouveau de placer la mission en conformité avec les plafonds de la LPFP (21,6 milliards d'euros).

Toutefois, cette trajectoire a été largement revue à la hausse depuis entre dépôt du projet de loi de programmation à l'Assemblée nationale, en septembre 2022, et sa promulgation fin 2023. En effet, les moyens alors dévolus à la mission « Travail et emploi » étaient prévus pour être ramenés à 17 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en 2024, puis à 16,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 16,3 milliards d'euros en crédits de paiement en 2025. La mission « Travail et emploi » aurait donc été l'une des principales contributrices au freinage de l'évolution des dépenses de l'État.

Les dépenses prévues pour 2025 et 2026 s'établissement encore, malgré la baisse annoncée des crédits, largement au-dessus de cette trajectoire initiale. Cela n'est guère étonnant, compte tenu de la prolongation de l'effort en faveur de l'apprentissage décidé en 2023 et de la persistance de « l'impasse financière »5(*) de son financement par l'opérateur France Compétences, qui a rendu nécessaire la pérennisation du versement par l'État d'une subvention d'équilibre de 2,5 milliards d'euros dans la LFI pour 2024.

II. LA DIMINUTION DES DÉPENSES DE LA MISSION POURRAIT AVOIR UN EFFET RÉCESSIF SUR L'EMPLOI MAIS RELATIVEMENT MARGINAL SUR LE CHÔMAGE

A. LA STABILISATION DES DÉPENSES D'INDEMNISATION DU CHÔMAGE ET DE CERTAINES DÉPENSES DE SOUTIEN À L'EMPLOI, SIGNES D'UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE INCERTAIN

1. Les dépenses d'indemnisation de la perte d'activité continuent de reculer avec la résorption du chômage
a) Les dépenses liées à l'activité partielle poursuivent leur résorption

Destinée à éviter le licenciement économique, l'activité partielle permet à l'entreprise rencontrant des difficultés ponctuelles de réduire l'horaire de travail ou de fermer temporairement l'établissement. L'employeur verse alors aux salariés une allocation pour les heures non travaillées et reçoit en contrepartie une aide financée par l'État et l'Unédic.

Ce dispositif a été fortement remanié en mars 2020, à l'occasion de la crise sanitaire, avec une prise en charge exceptionnelle supprimant le reste à charge des entreprises et un élargissement des catégories d'entreprises et de salariés concernés. Il a été resserré à partir du printemps 2021, en fonction de l'allègement des mesures de restriction d'activités. Ces mesures ont progressivement pris fin entre novembre 2021 et fin mars 2022.

En parallèle, a été mis en place un nouveau dispositif d'activité partielle de longue durée (APLD) pour les entreprises confrontées à une réduction d'activité durable6(*). Reposant sur la négociation collective, il leur permet de diminuer l'horaire de travail, dans la limite d'une réduction de 40 % de la durée du travail par salarié, en contrepartie d'engagements portant notamment sur le maintien de l'emploi et la formation. Dans ce dispositif, l'employeur bénéficie d'un reste à charge de 15 %.

Le recours à l'activité partielle de longue durée, dont la durée maximale a été fixée à 12 mois7(*), est lui aussi appelé à se réduire. En effet, il n'est plus possible pour une entreprise de mettre en place un dispositif d'APLD depuis le 1er janvier 2023, et les dispositifs qui l'ont été avant cette date ne pourront continuer à s'appliquer que jusqu'au 31 décembre 2026.

Ainsi, en 2025, le montant prévu par le projet de loi de finances s'élève à 154,9 millions d'euros, en diminution de 31,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

b) Une stabilisation des indemnités en faveur des demandeurs d'emploi prises en charge par l'État, signe d'une conjoncture incertaine

L'amélioration de la situation de l'emploi a un effet direct sur les dépenses d'allocations chômage prises en charge par l'État. En effet, les crédits destinés à la prise en charge par l'État des dépenses du régime de solidarité s'élèvent pour 2025 à 1,796 milliard d'euros, en hausse de près de 71 millions d'euros (+ 4,1 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Ces crédits concernent principalement l'allocation de solidarité spécifique destinée aux chômeurs arrivés en fin de droits dans le régime d'assurance chômage.

En LFI 2024, les crédits s'étaient établis à 1,725 milliard d'euros. Leur stabilisation dans la prévision pour 2025, qui amorce même une légère augmentation, pourrait être le signe d'une conjoncture incertaine pour le marché de l'emploi.

2. Le coût des exonérations de cotisations sociales en faveur de l'emploi, directement conditionné par le nombre de salariés concernés, serait stable entre 2024 et 2025

La mission « Travail et emploi » finance, sur le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », l'essentiel de la compensation aux administrations sociales des exonérations « ciblées » de cotisations sociales, les missions « Outre-mer » et « Agriculture » assurant celles concernant certains dispositifs spécifiques. S'agissant des exonérations « ciblées », les principaux dispositifs compensés par la mission concernent :

- la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (860 millions d'euros en 2025) dite TEPA ;

- l'aide aux créateurs ou repreneurs d'entreprise - ACRE (387 millions d'euros en 2025) ;

- la déduction forfaitaire pour les particuliers employeurs (390 millions d'euros en 2025) ;

- l'aide à domicile employée par un particulier fragile ou une association ou une entreprise, auprès d'une personne fragile (2 074 millions d'euros en 2025).

Dans l'ensemble, ces exonérations « ciblées » seraient stables entre la LFI pour 2024 et le PLF pour 2025 (- 0,9 %). Dans le détail, les déductions TEPA et ACRE diminuent (respectivement - 11,3 % et - 14,6 %) tandis que le coût des autres exonérations augmente (entre + 1,8 % et + 7,6 %).

L'amélioration de la situation de l'emploi a donc un double effet sur les crédits de la mission : d'une part elle permet la diminution des dépenses liées à l'indemnisation des demandeurs d'emploi ; d'autre part elle est corrélée à une augmentation des dépenses en faveur de l'emploi. Le deuxième effet compense toutefois largement le premier, de telle sorte que les crédits de la mission « Travail et emploi » augmentent à mesure que se réduit le chômage.

B. LA RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES POURRAIT AVOIR UN IMPACT RÉCESSIF SUR LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE, AVEC UN EFFET INCERTAIN, MAIS PROBABLEMENT NÉGATIF, SUR L'EMPLOI

1. La dépense publique en faveur de l'apprentissage, jusqu'alors incontrôlée, diminuerait enfin en 2025
a) S'il est difficile à estimer avec précision, le coût budgétaire de l'apprentissage est indéniablement très élevé

Les dépenses publiques soutenant l'apprentissage ont été très élevées en 2023 et le resteront en 2024. S'agissant du coût supporté par l'État seul, les rapporteurs spéciaux l'avaient estimé à environ 7 milliards d'euros dans leur dernier rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 20248(*).

Ce chiffre porte néanmoins sur un périmètre très incomplet, l'apprentissage étant principalement financé par France Compétences via les opérateurs de compétences (Opco). La Cour des comptes a chiffré le coût des dispositifs d'alternance à 16,8 milliards d'euros en 20239(*). Quant à la revue des dépenses conduite par les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas)10(*), elle actualise certains chiffrages et apporte de nombreuses informations nouvelles mais sans en consolider le coût.

À la connaissance des rapporteurs spéciaux, l'estimation la plus récente et la plus complète du coût faramineux de l'apprentissage pour les finances publiques a été publiée dans un Policy Brief de l'office français des conjonctures économiques (OFCE)11(*) : il s'élèverait à 24,9 milliards d'euros en 2023 et à 24,6 milliards d'euros en 2024.

Répartition du coût de l'apprentissage pour les finances publiques

(en millions d'euros)

Source : Bruno Coquet, article cité. Se reporter à l'article pour les précisions méthodologiques

Cette estimation inclut, outre le coût des aides à l'embauche des apprentis et, pour les années précédant 2021, le coût des diverses aides qui préexistaient à l'introduction de l'aide unique :

- le coût de l'ensemble des exonérations de cotisations dont les rémunérations des apprentis font l'objet, qu'il s'agisse des exonérations de cotisations employeurs ou des cotisations salariales ;

- le coût de l'exonération d'impôt sur le revenu jusqu'au niveau du SMIC dont fait l'objet la rémunération des apprentis ;

- le coût pour l'Assurance chômage de l'ouverture de droits à ce titre, durant leur apprentissage, par les apprentis qui bénéficient ensuite des prestations associées ;

- les coûts pédagogiques, couverts par France Compétences et les Opco via les niveaux de prise en charge (NPEC) déterminés en lien avec les branches professionnelles.

Ce chiffrage reste, selon son auteur, « prudent, notamment parce que, comme tous les chiffrages officiels, il ne prend pas en compte certaines dépenses telles que le coût des trimestres de retraites alloués aux apprentis (12 milliards d'euros par an) ». Inversement, « les bourses économisées du fait que certains apprentis n'y sont pas éligibles alors qu'ils l'auraient été en tant qu'étudiants non-apprentis » pourrait faire diminuer cette estimation.

b) Le coût de l'apprentissage pour les finances publiques diminuerait en 2025, sous l'effet de diverses mesures en recettes et en dépenses

Le projet de loi de finances pour 2025, en particulier dans la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », prévoit plusieurs diminutions de dépenses finançant l'alternance.

En effet, les crédits dédiés à « l'aide unique exceptionnelle », issue de la fusion en 2023 entre l'aide unique (disparue en 2024) et l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis créée à l'occasion de la crise sanitaire, diminueraient de 17 % en AE. Cette diminution traduit la perspective d'une mesure paramétrique qui serait prise par voie réglementaire et qui pourrait ainsi générer plus d'un demi-milliard d'euros d'économies (- 663 millions d'euros en AE entre la LFI 2024 et le PLF 2025)12(*).

La nature de cette mesure d'économie, actuellement en arbitrage, n'est pas encore connue. Il pourrait s'agir d'un meilleur ciblage de l'aide à l'embauche, comme les rapporteurs spéciaux l'avaient recommandé lors de l'examen du PLF pour 2024 ; elle pourrait également prendre la forme d'une diminution du montant forfaitaire de la prime de 6 000 euros à 4 500 euros, ou d'une combinaison de plusieurs mesures similaires.

De même, les dépenses liées à la prise en charge des contrats de professionnalisation seraient nulles (ou quasi nulles) en 2025, du fait de la suppression de cette aide décidée à la suite du décret d'annulations du 21 février 2024.

Évolution du coût de l'alternance pour la mission « Travail et emploi »
entre la LFI pour 2024 et le PLF pour 2025

(en millions d'euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution 2025/2024

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aide exceptionnelle aux contrats d'apprentissage

3 906

3 530

3 243

3 465

-  17,0 %

-  1,8 %

Aide unique aux contrats d'apprentissage

0

136

0

0

-

-  100,0 %

Aide aux contrats de professionnalisation

303

273

0

26

-  100,0 %

- 90,5 %

Dotation versée à France compétences

2 500

2 500

2 026

2 026

-  19,0 %

-  19,0 %

Exonération de cotisations sociales des contrats d'apprentissage

1 697

1 697

1 310

1 310

-  22,8 %

-  22,8 %

Exonération IR du salaire des apprentis (perte de recette estimée V&M tome II)

373

373

-

TOTAL

8 779

8 509

6 952

7 200

- 20,8 %

- 15,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au total, le coût de l'apprentissage pour la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » serait de 6,9 milliards d'euros en AE et 7,2 milliards d'euros en CP en 2025, soit une diminution de 20,8 % en AE et 15,4 % en CP par rapport à 2024.

En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, dans sa rédaction au moment de son dépôt à l'Assemblée nationale, prévoit à son article 7 de diminuer le coût pour les finances publiques :

- d'une part, avec l'exclusion des salaires des apprentis de l'assiette de la CSG-CRDS, qui serait transformée en une exonération à hauteur de 50 % du SMIC afin de générer environ 360 millions d'euros de recettes de CSG-CRDS par an ;

- d'autre part, compte tenu du seuil d'assujettissement aux cotisations salariales de la rémunération des apprentis, aujourd'hui fixé à 79 % du SMIC, qui serait abaissé à 50 % du SMIC par voie réglementaire, générant environ 300 millions d'euros par ans d'économies sur la compensation versée à la sécurité sociale par le budget de l'État. L'estimation de dépenses de compensation de ces exonérations inscrites sur la mission pour 2025 (387 millions d'euros, soit - 22,8 %) tient vraisemblablement compte de cette mesure.

2. La réduction du déficit structurel aura vraisemblablement un impact récessif non négligeable, avec des effets négatifs sur l'emploi

La faible dynamique des créations d'emploi, en diminution depuis 2023, devrait se poursuivre en 2024 et en 2025. Selon l'OFCE13(*), les créations d'emplois ont continué de ralentir, avec 210 000 créations nettes en glissement annuel (soit une hausse de 1,1 %) par rapport aux 499 000 enregistrées en 2022 (+ 2,4 %). Sur la première moitié de l'année 2024, l'économie française a continué de créer des emplois, mais à un rythme plus modéré : + 73 000 par rapport à fin 2023.

Selon les prévisions des conjoncturistes, l'emploi diminuerait de 0,5 % en 2024, ce qui représente environ 140 000 destructions d'emploi. L'emploi salarié marquerait en particulier un coût d'arrêt au second semestre (- 31 000 emplois), notamment du fait de la baisse des financements dédiés aux politiques de l'emploi (- 64 000 emplois), que ne compenserait que partiellement l'évolution anticipée de l'activité (+ 25 000 emplois).

La résorption des politiques volontaristes en faveur de l'emploi annoncée dans le PLF pour 2025 serait donc la principale responsable du ralentissement des créations d'emplois.

Dans le détail, la réforme des allègements généraux de cotisations patronales dans le PLFSS 2025, mesure d'économies de 5,1 milliards d'euros l'année prochaine, aurait pour conséquence une suppression d'environ 15 000 emplois la première année.

En outre, la réduction des enveloppes dédiées aux divers dispositifs d'insertion, dont l'État contrôle à la fois le volume et les modalités, aurait pour conséquence une réduction du nombre de leurs bénéficiaires. C'est notamment le cas des emplois francs, qui sont supprimés à compter de 2025, mais aussi des contrats aidés, qui ne pourront plus être conclus dans le secteur marchand en 2025. Les enveloppes dédiées aux contrats aidés dans le secteur non marchand seraient maintenues, mais leur évolution serait sévèrement contrainte, voire diminuée. Ainsi, le nombre de bénéficiaires de ces dispositifs, qui avaient atteint 84 000 après les premières coupes budgétaires en 2024, serait réduit à 73 000 fin 2025 selon les estimations de l'OFCE.

La baisse du soutien public à l'apprentissage résulterait en une résorption de ce dispositif, qui diminuerait sensiblement au second semestre 2025 en raison de la concentration des entrées en apprentissage autour du mois de septembre. Une part significative des suppressions d'emplois, à hauteur de 55 000 emplois non créés, en résulterait.

Évolutions des entrées en emploi aidé sur les 12 derniers mois
entre 2012 et 2025

(en milliers)

Source : OFCE, article cité.

Cette baisse du niveau de l'emploi explique probablement la diminution prévue des crédits consacrés à la compensation à la sécurité sociale des exonérations « ciblées » de cotisations sociales, hors les exonérations à destination des particuliers employeurs : ainsi, les montants de l'exonération TEPA diminueraient de 110 millions d'euros (- 11,3 %) et ceux consacrés à l'exonération pour les créateurs et repreneurs d'activité (ACRE) également (- 14,6 %). Comme mentionné plus haut, le coût de l'exonération de cotisations sur les rémunérations des apprentis diminuerait également de 386 millions d'euros (soit - 22,8 %), en raison de la baisse des entrées en apprentissage.

Pour l'OFCE, la conséquence de cette contraction des dépenses publiques en faveur de l'emploi serait une hausse du taux de chômage, qui, de 7,2 % au second semestre 2024, augmenterait à 7,5 % à la fin de l'année et s'établirait à 8 % à la fin de l'année 2025.

Comme l'a relevé l'économiste Bruno Coquet, entendu par les rapporteurs spéciaux, la baisse des entrées en apprentissage n'a que peu d'impact sur l'évolution du taux de chômage, dans la mesure où la majorité des apprentis étaient, avant leur entrée dans le dispositif, des étudiants et non des chômeurs. L'OFCE14(*) relève ainsi que « l'impact [du resserrement budgétaire] sur le chômage serait limité en raison du fait que l'essentiel de ces destructions d'emploi proviendrait de l'apprentissage. »

C. LE MAINTIEN D'UNE CONTRIBUTION DE L'UNÉDIC MALGRÉ LA DÉGRADATION DE LA CONJONCTURE

1. De 2023 à 2026, une moindre compensation des exonérations de cotisations versée à l'assurance chômage

Les réformes de l'Assurance chômage entre 2019 et 2021, combinées à une orientation très favorable du marché de l'emploi depuis 2022, ont permis à l'Unédic de retrouver un excédent. Alors qu'elle était déficitaire en 2019 (- 1,9 milliard d'euros), son solde de 2022 s'est établi à + 4,3 milliards d'euros, et à + 1,6 milliards d'euros en 2023. La dette l'Unédic a ainsi diminué légèrement et atteindra 58,4 milliards d'euros fin 2024.

Cette amélioration de la situation financière du régime d'assurance chômage a ainsi incité le Gouvernement à opérer une reprise de 2,6 milliards d'euros d'excédents de l'Unédic sur la fraction de TVA affectée à l'Acoss dans la loi de finances initiale pour 202415(*), après 2 milliards d'euros en 202316(*). Cette tendance se poursuit en 2025, bien que dans une moindre proportion, puisque 3,35 milliards d'euros supplémentaires seraient prélevés, soit une augmentation de 750 millions d'euros entre 2024 et 2025.

Ainsi, entre 2023 et 2026, une reprise d'excédents sur la fraction de TVA affectée à l'Unédic devait permettre au régime d'assurance chômage de contribuer « au financement des politiques visant le plein emploi17(*) ».

En 2023, le montant de cette reprise a été de 2 milliards d'euros ; il a ensuite été de 2,6 milliards d'euros en 202418(*). Pour 2025, il serait de 3,35 milliards d'euros (+ 750 millions d'euros).

Reprise d'excédents de l'Unédic
prévue et en cours de réalisation entre 2023 et 2026

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

Document de cadrage

2 000

2 500

3 000 < x < 3 200

3 500 < x < 4 100

Lois de finances et PLF 2025

2 000

2 600

3 350

-

Source : document de cadrage relatif à la négociation de la convention de l'assurance chômage et projet de loi de finances pour 2025

Cette trajectoire est globalement conforme à la prévision du document de cadrage. Elle lui est légèrement supérieure, principalement en raison d'un réhaussement de 100 millions d'euros de la contribution demandée à l'Unédic pour 2024, à la suite de l'adoption d'un amendement du Gouvernement en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale19(*).

2. Une contribution controversée de l'Unédic au financement des politiques de l'emploi
a) La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus : pour regrettable qu'elle soit pour l'Unédic, une contribution de l'assurance chômage aux politiques de l'emploi n'est pas injustifiée

Le rapporteur spécial constate qu'il n'est pas illogique que l'Unédic contribue au financement de la politique du développement de l'emploi et des compétences. Il est en effet compréhensible que l'assurance chômage participe au financement de politiques dont elle profite. Il relève également que la logique du transfert entre le budget de l'Unédic et celui de l'État repose sur le constat que l'assurance chômage enregistre à la fois l'effet sur ses recettes de la progression de l'emploi salarié et celui sur ses dépenses du recul du chômage.

Contributions d'assurance chômage (haut)
Dépenses d'allocation chômage (bas)

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, prévisions financières de l'Unédic - octobre 2024

Avec le maintien de l'emploi à un niveau relativement élevé, les ressources de l'assurance chômage, principalement constituées de contributions assises sur la masse salariale du secteur privé, augmenteraient. Malgré le prélèvement réalisé par l'État sur la fraction de TVA versée à l'Assurance chômage, les recettes de l'Unédic représenteraient 46,0 milliards d'euros en 2026 contre 44,0 milliards d'euros en 2023 soit une augmentation de près de 4,5 % en trois ans.

À l'inverse, les dépenses d'allocation chômages connaitraient une décrue sur la même période : alors qu'elles devraient représenter 35,0 milliards d'euros en 2023, elles s'établiraient à 34,3 milliards d'euros en 2026, soit, après une légère augmentation entre 2023 et 2024, une diminution de près de 8,9 % entre 2024 et 2026.

Ces moindres excédents provoquent en conséquence un ralentissement de la trajectoire de désendettement de l'Unédic. Ainsi, alors que la dette de l'Assurance chômage aurait été d'environ 54 milliards d'euros en 2024 sans prélèvement, elle s'établirait toujours à 59,0 milliards d'euros à fin 2024 du fait de ce prélèvement.

Selon les projections financières de l'Unédic, un apurement de 50 % de la dette de l'Assurance chômage à horizon 2026 aurait été possible sans reprise d'excédent. Même en tenant compte de la diminution programmée de ses recettes, cette perspective d'amortissement, bien que réduite, demeure : la dette de l'Unédic s'établirait à 44,3 milliards d'euros en 2027.

Prévision d'évolution de l'endettement
du régime d'assurance chômage entre 2022 et 2027

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, prévisions financières de l'Unédic - octobre 2024

Le risque lié à l'endettement de l'Assurance chômage est d'autant plus réduit que l'article 52 du présent projet de loi prévoit d'accorder à l'Unédic la garantie de l'État pour un montant de 4 milliards d'euros en principal. Il n'apparaît donc pas exact d'affirmer que la reprise d'excédent de l'Unédic par l'État se serait fait sans tenir compte de la situation financière de l'Assurance chômage et sans soutien de la part du Gouvernement.

b) La position de la rapporteure spéciale Ghislaine Senée : un prélèvement maintenu malgré la dégradation de la situation de l'Unédic et en méconnaissance du fonctionnement contracyclique de l'Assurance chômage

La rapporteure spéciale considère que la reprise des excédents de l'Unédic ne se justifie pas, compte tenu du niveau d'endettement important de l'assurance chômage. Elle relève qu'une partie de cette dette - environ un tiers - résulte des mesures décidées par l'État durant la crise sanitaire, et que si l'État procède à une ponction de recettes lorsque la situation s'améliore, il n'a pas procédé à une reprise de cette dette lorsque la situation était critique.

Bien qu'excédentaire, le régime d'Assurance chômage doit compter sur un endettement important, de 59,0 milliards d'euros fin 2024. Les moindres recettes de TVA transférées par l'État viennent atténuer la dynamique des ressources du régime d'Assurance chômage. Si le solde demeure excédentaire en 2024 (0,3 milliard d'euros, son point le plus bas entre 2023 et 2027 selon les prévisions), il est significativement moindre que ce qu'il aurait été en l'absence de prélèvement de l'État.

Prévision d'évolution du solde financier de l'Unédic
avec et sans prélèvement de l'État entre 2022 et 2027

(en milliards d'euros)

Source : Unédic, prévisions financières de l'Unédic - octobre 2024

En effet, l'excédent du régime d'Assurance chômage aurait pu être de 3,1 milliards d'euros en 2024 - soit plus de dix fois supérieur à son niveau attendu à la fin de l'année. En 2025, l'excédent attendu est de 1,8 milliard d'euros, alors qu'il aurait pu être de 5,2 milliards d'euros en l'absence de prélèvement de l'État à hauteur de 3,35 milliards d'euros.

Cette diminution des excédents, qui ralentit considérablement la trajectoire de désendettement de l'Unédic, est loin d'être anecdotique compte tenu du rôle de « stabilisateur automatique » de l'Assurance chômage, qui s'endette lorsque la conjoncture est défavorable et doit se désendetter lorsque celle-ci présente une embellie - en prévision de la prochaine crise qui impliquera une nouvelle hausse de l'endettement.

La rapporteure spéciale relève en outre que, contrairement à 2022, le remboursement des emprunts de moyen et long terme n'a pas pu être effectué grâce aux ressources propres du régime. En effet, en 2023, la variation de trésorerie a été positive mais inférieure au montant des remboursements obligataires de cette même année, du fait du prélèvement de 2 milliards d'euros par l'État intervenu en fin d'année, qui ne pouvait être anticipé.

En 2024, cette situation devrait se reproduire puisque 4,1 milliards d'euros d'emprunts de moyen et long terme seront remboursés. Alors que les prélèvements de l'État limitent la capacité de désendettement de l'Unédic, elle recourt de manière accrue aux marchés financiers, dans un contexte cette fois de taux d'intérêt élevés, engendrant ainsi une hausse des dépenses nettes d'intérêt qui représenterait près de 1 milliard d'euros sur la période 2023-2027.

La rapporteure spéciale s'interroge également sur la portée de la « contribution » de l'Unédic aux politiques de l'emploi dans la mesure où, si l'évaluation préalable de l'article 38 du PLF 202520(*) indique toujours que la contribution de l'Unédic a « vocation à financer les politiques visant le plein emploi », elle s'accompagnerait pour 2025 de la diminution sensible des crédits de la mission « Travail et emploi ». En l'absence de « fléchage » du prélèvement de l'État sur les recettes de l'Assurance chômage spécifiquement vers les dépenses de la mission « Travail et emploi », il semble difficile d'affirmer qu'il s'agit d'une contribution à une politique publique et non, plus cyniquement, au désendettement désordonné de l'État.

La rapporteure spéciale rappelle, enfin, que l'Unédic est appelée à doublement participer au financement des politiques menées par l'État car, outre une reprise de ses excédents, elle doit également contribuer à hauteur de 11 % de ses recettes au financement de France Travail.

DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

La très grande majorité des dispositifs financés par la mission fait face à une diminution de crédits liée aux restrictions budgétaires.

Évolution des crédits des principaux dispositifs en faveur de l'emploi et des compétences portés par la mission « Travail et emploi »

(en millions d'euros)

 

2024

2025

Évolution 2025/2024

Programme 102

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Indemnisation demandeurs d'emploi

1 725

1 725

1 796

1 796

+ 4,1 %

+ 4,1 %

Financement missions locales

635

632

598

492

- 5,8 %

- 22,2 %

Contrats aidés

400

398

230

234

- 42,5 %

- 41,2 %

dont PEC (secteur non-marchand)

331

335

229

231

- 30,8 %

- 31,0 %

dont CIE (secteur marchand)

68

63

1

3

- 98,5 %

- 95,2 %

Insertion par l'activité économique (IAE)

1 500

1 500

1 523

1 497

+ 1,5 %

- 0,2 %

dont ateliers et chantiers d'insertion (ACI)

1 053

1 053

1 319

1 036

+ 25,3 %

- 1,6 %

dont entreprises d'insertion (EI)

277

277

344

266

+ 24,2 %

- 4,0 %

Dispositifs en faveur des personnes handicapées

520

520

595

508

+ 14,4 %

- 2,3 %

dont entreprises adaptées (EA)

465

465

550

472

+ 18,3 %

+ 1,5 %

Territoire zéro chômeur de longue durée

69

69

81

81

+ 17,4 %

+ 17,4 %

Dispositifs en faveur de l'emploi des jeunes

888

888

964

980

+ 8,6 %

+ 10,4 %

dont allocation "contrat d'engagement jeunes" (CEJ)

787

787

786

786

- 0,1 %

- 0,1 %

dont allocation "parcours contractualisé d'accompagnement dans l'emploi et l'autonomie" (PACEA)

101

101

44

44

- 56,4 %

- 56,4 %

Programme 103

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aides aux employeurs d'apprentis

3 906

3 530

3 243

3 465

- 17,0 %

- 1,8 %

Exonérations contrats d'apprentissage

1 696

1 696

1 310

1 310

- 22,8 %

- 22,8 %

Activité partielle

225

225

155

155

- 31,1 %

- 31,1 %

Formation des salariés

281

253

108

109

- 61,6 %

- 56,9 %

dont FNE-Formation

273

245

100

101

- 63,4 %

- 58,8 %

dont Transitions collectives

8

8

8

8

0,0

0,0

Emplois francs

273

104

0

91

- 100,0 %

- 12,5 %

Exonérations diverses

3 746

3 746

3 711

3 711

- 0,9 %

- 0,9 %

dont déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (TEPA)

970

970

860

860

- 11,3 %

- 11,3 %

dont aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE)

453

453

387

387

- 14,6 %

- 14,6 %

dont exonération particulier-employeur

383

383

390

390

+ 1,8 %

+ 1,8 %

dont exonération particulier-employeur fragile (direct ou mandataire)

967

967

1 027

1 027

+ 6,2 %

+ 6,2 %

dont exonération particulier-employeur fragile (prestataire)

973

973

1 047

1 047

+ 7,6 %

+ 7,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

I. LA MISSION « TRAVAIL, EMPLOI ET ADMINISTRATION DES MINISTÈRES SOCIAUX » FAIT L'OBJET D'IMPORTANTES COUPES BUDGÉTAIRES

A. SI, PARMI LES OPÉRATEURS, FRANCE TRAVAIL EST MIEUX PRÉSERVÉ, D'AUTRES STRUCTURES DU SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI SONT FORTEMENT MISES À CONTRIBUTION

Le financement des opérateurs rattachés à la mission « Travail et emploi » sera stable en 2025. Au total, la somme des subventions pour charges de service public et des transferts inscrits sur la mission passerait de 6 903,2 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2024, à 6 894,5 millions d'euros pour 2025, soit une diminution de 0,1 %.

Évolution des subventions pour charges de service public (SCSP)
et des transferts versés aux opérateurs (CP)

(en milliers d'euros)

Opérateur
(Programme de rattachement)

2024

2025

Variation 2025-2024

France Travail (SCSP - P102)

1 250 447

1 350 447

+ 8,0 %

France Travail (transferts P102 et P103)

2 223 289

2 650 564

+ 19,2 %

France Travail (total)

3 473 736

4 001 011

+ 15,2 %

EPIDE (P102)

80 985

84 317

+ 4,1 %

GIP plateforme inclusion (P102)

8 780

8 780

0,0

Centre INFFO (P103)

3 826

3 826

0,0

AFPA (P103)

171 133

115 000

- 32,8 %

France compétences (P103)

2 500 000

2 026 046

- 19,0 %

GIP Les entreprises s'engagent (P103)

2 500

5 500

+ 120,0 %

ANACT (P111)

14 690

13 890

- 5,4 %

ANACT (transferts P103)

3 909

0

- 100,0 %

ANACT (total)

18 599

13 890

- 25,3 %

Agences régionales de santé (P124-155)

630 220

623 000

- 1,1 %

INTEFP (P155)

13 373

13 150

- 1,7 %

TOTAL

6 903 152

6 894 520

- 0,1 %

Note : Établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente (Centre INFFO), Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT), Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette stabilité cache en réalité des évolutions en sens contraires des deux principales subventions versées par la mission aux deux principaux opérateurs qui lui sont rattachés : en effet, alors que la subvention versée à France Travail augmente (+ 15,2 %) celle de France Compétences diminue (- 19,3 %).

1. La diminution de la subvention de France Compétences résulte des économies décidées en cours de gestion en 2024

L'État verse, depuis la LFI pour 2023, une subvention pérenne en faveur de l'opérateur France Compétences (2,026 millions d'euros en PLF 2025). Cette attribution conséquente répond à une recommandation de la Cour des comptes, qui avait qualifié la situation financière de France Compétences « d'impasse financière »21(*), mais aussi des commissions des finances et des affaires sociales du Sénat.22(*)

Cette dotation a vocation à combler un important besoin de financement de France Compétences, dû à un déséquilibre structurel des ressources et des charges de l'opérateur. Jusqu'avant l'inscription de cette dotation en LFI, l'État ouvrait des dotations « exceptionnelles » en urgence pour combler le déficit de France Compétences23(*).

En 2025, cette dotation serait significativement réduite, passant de 2 500 millions d'euros dans la LFI pour 2024 à 2 026 millions d'euros dans le PLF pour 2025, soit une diminution de 474 millions d'euros (- 19,0 %). Toutefois, en comparaison avec l'exécution attendue pour 2024, la diminution de la subvention versée à France Compétences en 2025 paraît moins importante, dans la mesure où elle intègre une diminution de 312 millions d'euros décidée en cours d'exercice 2024 en raison du décret du 21 février 2024 d'annulation de crédits.

Évolution de la subvention versée à France Compétences entre 2024 et 2025

(en millions d'euros)

LFI 2024

Exécution attendue en 2024

PLF 2025

Évolution PLF 2025 / LFI 2024

Évolution PLF 2025 / exécution 2024

2 500

2 188

2 026

- 19,0 %

- 7,4 %

Source : commission des finances du Sénat

Par rapport à l'exécution attendue en 2024, la diminution de la dotation versée à France Compétences apparaît moins significative : elle passerait de 2 188 millions à 2 026 millions d'euros, soit une diminution de « seulement » 162 millions d'euros (- 7,4 %).

2. Alors que les moyens financiers alloués à France Travail augmentent, ses moyens humains diminueraient en 2025

Les financements versés à France Travail via la mission augmentent significativement par rapport à la LFI pour 2024 : ainsi, la subvention pour charges de service public budgétée sur le programme 102 est orientée à la hausse (1,35 milliard d'euros, soit + 100 millions d'euros par rapport à 2024), de même que les transferts en provenance des programmes 102 et 103, qui s'établissent à 2,65 milliards d'euros pour 2025.

Les crédits alloués par l'État à Pôle emploi connaitraient donc une hausse de 15,2 % entre la loi de finances initiale pour 2024 et le présent projet de loi.

Ce niveau de soutien a été qualifié de « bonne surprise » par le directeur général de France Travail lors de son audition par les rapporteurs spéciaux. En effet, avec une augmentation de 100 millions d'euros, la subvention pour charges de service public s'établit à un niveau bien supérieur à ce qui était prévu dans la lettre plafond élaborée par le précédent Premier ministre, qui prévoyait une diminution de 325 millions d'euros.

Toutefois, si les plafonds d'emploi des opérateurs rattachés à la mission « Travail et emploi » sont globalement stables par rapport à 2024, le plafond d'emploi de l'opérateur France Travail est amputé de 500 équivalents temps plein (ETP). L'engagement pris par l'opérateur dans le cadre de la loi pour le plein emploi24(*) consiste principalement à renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi, avec un effort particulier en direction des publics éloignés de l'emploi comme les personnes handicapées ou les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), qui doivent tous être inscrits à France Travail au 1er janvier 2025 - seuls 40 % d'entre eux étaient accompagnés par Pôle emploi avant la réforme.

France Travail a fait valoir que la diminution de ses moyens humains de l'opérateur pourrait à terme remettre en cause l'objectif de permettre à chaque conseiller de l'opérateur d'accompagner l'ensemble des demandeurs d'emploi orientés vers lui.

S'il est vrai que la diminution de 500 EPT du plafond d'emploi de France Travail aurait pour effet d'« annuler » la hausse des effectifs amorcées par la loi de finances initiale pour 2024, qui avait permis une augmentation des moyens humains de l'opérateur à hauteur de 300 ETP, l'administration fait valoir que, France Travail étant le premier opérateur de l'État en termes d'effectifs (52 552 ETPT prévus pour 2025), une contribution à hauteur de 1 % de son plafond d'emplois ne semble pas excessive, d'autant que tous les demandeurs d'emploi qui seront inscrits à France Travail à compter de 2025 n'auront pas vocation à être accompagnés par l'opérateur.

Évolution des plafonds d'emplois des opérateurs
entre la LFI 2024 et le PLF 2025

(en ETPT)

Opérateur
(Programme de rattachement)

2024

2025

Variation 2025-2024

France Travail (P102)

53 052

52 552

- 500

dont sous plafond

49 147

48 647

- 500

dont hors plafond

3 905

3 905

0

EPIDE (P102)

1 142

1 142

0

GIP plateforme inclusion (P102)

35

35

0

Centre INFFO (P103)

72

72

0

AFPA (P103)

5 487

5 355

- 132

France compétences (P103)

91

91

0

GIP Les entreprises s'engagent (P103)

11

11

0

ANACT (P111)

290

290

0

dont sous plafond

265

265

0

dont hors plafond

25

25

0

Agences régionales de santé (P124-155)

8 342

8 273

-  69

INTEFP (P155)

99

100

+ 1

dont sous plafond

91

91

0

dont hors plafond

8

9

+ 1

TOTAL

68 621

67 921

-  700

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Au sein du service public de l'emploi, les missions locales seraient également mises à contribution

En 2024, le financement des missions locales par l'État a diminué à la suite du décret du 21 février 2024 portant annulation de crédits : il s'est établi à 608 millions d'euros en AE et 595 millions d'euros en CP après l'annulation, soit une diminution de 5,8 % en CP, correspondant à la diminution des crédits « PACEA » et au contingentement des effectifs du contrat d'engagement jeunes (CEJ) à 200 000 d'entrées.

Le PLF 2025 prévoit une nouvelle diminution portant les financements de l'État à 598 millions d'euros en AE et 492 millions d'euros en CP. Les AE seraient ainsi plutôt stables par rapport à l'exécution attendue pour 2024. La diminution des CP inquiète cependant les missions locales, qui craignent de manquer de moyens pour accompagner l'ensemble des jeunes en difficulté qui le demandent. Entendu par les rapporteurs spéciaux, l'administration a indiqué que cette diminution des décaissements correspondrait à la mise à contribution des excédents de trésorerie de certaines missions locales, qui ont pu bénéficier d'un phénomène de surfinancement les années précédentes - les crédits dédiés aux missions locales sont en effet passés de 372 à 623 millions d'euros entre la LFI pour 2020 et la LFI pour 2024.

B. CERTAINS DISPOSITIFS D'EMPLOI AIDÉS SONT MAINTENUS TANDIS QUE D'AUTRES, MOINS EFFICIENTS, SONT SUPPRIMÉS

1. Le soutien à l'insertion par l'activité économique (IAE) et aux entreprises adaptées (EA) reste stable, mais des inquiétudes demeurent
a) Les moyens alloués aux structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) seraient stabilisés sans dissiper les appréhensions

Les crédits dédiés à l'insertion par l'activité économique (IAE) sont relativement préservés en 2025. Ils s'établiraient en effet légèrement en deçà de 1,5 milliard d'euros en CP dans le présent projet de loi de finances, soit un niveau quasiment identique à celui de la LFI 2024 (- 0,2 %). Le niveau des AE est même supérieur à celui de la LFI 2024, s'établissant à 1,9 milliard d'euros contre 1,5 milliard d'euros l'année précédente (+ 25,5 %).

À première vue, les moyens dédiés à l'IAE semblent donc sanctuarisés. Dans le détail toutefois, un certain nombre d'éléments invite à se garder d'un optimisme excessif.

En effet, à l'exception des « autres dispositifs » expérimentaux et relativement marginaux, les crédits de paiement dédiés à chaque catégorie de structure d'IAE diminueraient en 2025, de - 4,1 % pour les entreprises d'insertion (EI) à - 1,6 % pour les ateliers et chantiers d'insertion (ACI). Or, comme l'a indiqué la Fédération des entreprises d'insertion (FEI) aux rapporteurs spéciaux, la hausse du SMIC de 2 %, qui devraient s'appliquer aux aides au poste, aurait dû conduire à revaloriser ces dernières. En l'absence d'une telle revalorisation, une diminution des effectifs des personnes accompagnées est à craindre.

Évolution des crédits alloués aux structures d'insertion par l'activité économique entre la LFI 2024 et le PLF 2025

(en millions d'euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution 2025/2024

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Ateliers et chantiers d'insertion (ACI)

1 053,2

1 053,2

1 319,4

1 036,3

+ 25,3 %

- 1,6 %

Associations intermédiaires (AI)

30,4

30,4

36,7

29,3

+ 20,7 %

- 3,6 %

Entreprises d'insertion (EI)

277,6

277,6

343,8

266,2

+ 23,8 %

- 4,1 %

Entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI)

82,4

82,4

98,0

79,8

+ 18,9 %

- 3,2 %

Entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI)

13,0

13,0

12,8

12,8

- 1,5 %

- 1,5 %

Autres dispositifs

44,0

44,0

72,8

72,6

+ 65,5 %

+ 65,0 %

TOTAL

1 500,6

1 500,6

1 883,5

1 497,0

+ 25,5 %

- 0,2 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'évolution importante des AE doit également inviter, paradoxalement, à la prudence : selon la FEI, il s'agit d'un « jeu d'écriture » visant à reporter sur 2025 des engagements juridiques qui auraient dû être pris en 2024 - et traduisant par exemple des déclarations tardives de postes. La hausse des AE prévus en 2025 est donc en partie fictive, puisqu'elle vise à compenser des annulations et gels de crédits subis durant l'exercice 2024.

b) La « sécurisation » des moyens des entreprises adaptées (EA) imaginée par le Gouvernement inquiète plus qu'elle ne rassure

Les entreprises adaptées (EA) sont des entreprises du milieu ordinaire de travail (par opposition, par exemple, aux établissements et services d'aide par le travail - ESAT) qui présentent la particularité d'employer une proportion significative de travailleurs en situation de handicap au sein de leur effectif25(*).

Pour chacun de ceux-ci, elles perçoivent des aides financées par le ministère chargé du travail et budgétées au sein du programme 102 « Accès et retour à l'emploi ». Pour 2025, le financement prévu pour les entreprises adaptées est de 595,1 millions d'euros en AE et 507,8 millions d'euros en CP, incluant un financement à hauteur de 50 millions d'euros du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (FIPH), versée par l'association gestionnaire de ce fonds, l'Agefiph.

Aujourd'hui, l'Agefiph contribue au financement des entreprises adaptées (EA) par le biais d'un fonds de concours de 50 millions d'euros conformément à une convention bipartite avec l'État depuis 2019.

Ce circuit de financement est toutefois peu sécurisant en raison d'une imprévisibilité accrue du rendement de la contribution annuelle depuis le transfert de son recouvrement aux URSSAF et la réforme de ses modalités de calcul. Ainsi, le montant effectivement perçu par l'Agefiph s'est avéré inférieur de - 13,5 % aux prévisions en 2022 et de - 6,5 % en 202326(*), ce qui a abouti à creuser le déficit de l'Agefiph (- 46,8 millions d'euros en 2022 et - 60,5 millions d'euros en 2023).

Pour l'Agefiph, il est donc difficile de s'engager sur un niveau de dépense alors que le niveau de ses ressources est si incertain. Pour les entreprises adaptées, le montant du fonds de concours n'est pas non plus garanti : en 2024, le niveau de financement attendu de l'Agefiph n'a pas été atteint, puisqu'il s'est élevé à seulement 15 millions d'euros sur les 50 attendus. En 2023, il était de 25 millions d'euros, soit deux fois moindre qu'attendu27(*).

Pour mettre fin à cette situation, l'article 33 du PLF pour 2025 propose de créer un « plafond mordant » afin d'écrêter les recettes du FIPH à hauteur de 457 millions d'euros, ce qui permettrait en théorie de reverser directement au budget général de l'État les 50 millions d'euros de l'Agefiph. Cette somme viendrait augmenter à due concurrence le niveau des crédits dédiés aux entreprises adaptées au sein de la mission « Travail et emploi ».

Part de la contribution affectée au financement
des entreprises adaptées en 2025

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat

Cette « solution » pour sécuriser le financement des entreprises adaptées n'a pas été favorablement accueillie par l'Agefiph elle-même, qui a indiqué par la voie de son président « espérer qu'il y aura un retour sur cette décision ». Un amendement supprimant le plafond mordant a par la suite été adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Les rapporteurs spéciaux relèvent que, compte tenu du niveau variable des montants recouvrés au titre de la contribution au FIPH, le montant de l'écrêtement réalisé via le plafond mordant n'est pas garanti.

Le Gouvernement a ainsi déposé, au stade de la séance publique, son propre amendement pour supprimer le plafonnement et le remplacer par une ponction de 50 millions d'euros sur les recettes de l'Agefiph. Entendue par les rapporteurs spéciaux, la DGEFP a indiqué que cette nouvelle modalité de contribution de l'Agefiph au financement des entreprises adaptées avait été acceptée par l'association.

2. La suppression annoncée des emplois francs et des contrats aidés dans le secteur marchand

Deux mesures conséquentes du projet de loi de finances pour 2025 consistent en la suppression de deux dispositifs d'emploi aidé : les contrats aidés dans le secteur marchand, d'une part, et les emplois francs, d'autre part. Cette suppression fait suite aux constats répétés de la faible efficience de ces dispositifs, voire d'effets d'aubaines importants.

Ainsi, il est reconnu que, pour les contrats aidés dans le secteur marchand (les « contrats uniques d'insertion » et « contrats initiatives emploi » - CUI et CIE), l'effet d'aubaine28(*) était supérieur à celui observable pour les contrats aidés dans le secteur non-marchand (dits « parcours emplois compétences » - PEC).

Une étude de 2023 a ainsi estimé l'effet d'aubaine des contrats aidés à 26 % dans le secteur non marchand, mais jusqu'à 61 % dans le secteur marchand : autrement dit, « sur 100 contrats aidés créés, 26 l'auraient été même en l'absence de la subvention dans le secteur non-marchand, et 61 dans le secteur marchand. »29(*) En conséquence, le PLF pour 2025 prévoit l'extinction des CUI-CIE, dont les crédits passeraient de 68 millions d'euros en AE et 63 millions d'euros en CP en 2024 à 1 million d'euros en AE et 3 millions d'euros en CP, des montants résiduels traduisant la fin du dispositif.

Les emplois francs sont quant à eux un dispositif réglementaire30(*) consistant en une aide à l'embauche pour les employeurs recrutant des salariés résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), visant à lever les freins qu'ils rencontrent dans l'accès à l'emploi et notamment les discriminations à l'embauche dont ils font l'objet. Ayant fait l'objet de revues de dépenses en 202431(*), ce dispositif a été jugé « peu dynamique, avec un nombre d'entrées faible », sans « effet concluant sur l'accès à l'emploi des habitants de QPV », et présentant « des effets d'aubaines importants ».

La réduction des crédits dédiés aux emplois francs dans le PLF 2025 (nuls en AE et de 91 millions d'euros en CP pour solder les contrats déjà signés) traduit la décision du Gouvernement d'abandonner entièrement ce dispositif compte tenu des effets d'aubaine importants (77 %) qu'il génère32(*).

C. LA VOILURE DES DISPOSITIFS DE FORMATION PROFESSIONNELLE DES DEMANDEURS D'EMPLOI ET DES SALARIÉS A ÉTÉ FORTEMENT RÉDUITE

1. Le FNE-Formation, fortement mis à contribution en 2024, serait stabilisé en 2025

Courant 2024, les rapporteurs spéciaux ont réalisé un contrôle budgétaire sur le FNE-Formation33(*), instrument à la main du ministre chargé de l'emploi et de son administration, la délégation à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), qui a été fortement mobilisé entre 2020 et 2022 pour préserver les compétences des salariés placés en activité partielle pendant les confinements. Ensuite, le FNE-Formation a continué d'être mobilisé pendant la crise, tout en étant progressivement réorienté, dans le cadre du plan de relance en 2021-2022 et du plan de réduction des tensions de recrutement en 2022.

Évolution comparée des crédits ouverts et du nombre d'actions de formation financées au titre du FNE-Formation entre 2018 et 2024

(en nombre d'actions et en millions d'euros)

Note : Les données pour 2024 sont prévisionnelles.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Au titre de l'année 2023, le dispositif a été réorienté vers le financement de formations visant à accompagner les entreprises face aux grandes « transitions » : la transition écologique, la transition alimentaire et agricole, la transition numérique, ainsi que les formations liées à l'organisation des grands événements sportifs internationaux. Cette réorientation inscrit le FNE-Formation dans une logique politique conforme aux engagements internationaux de la France en matière de sauvegarde du climat, neuf ans après les accords de Paris.

Répartition des 262 276 actions de formation
réalisées en 2023 par motif de recours

Source : commission des finances du Sénat d'après les données fournies par la DGEFP

L'efficience du FNE-Formation n'était pas avérée, il y a encore quelques années. Ainsi, la Cour des comptes relevait, dans un rapport publié en 2023, la « portée limitée du FNE-Formation » durant la crise sanitaire, et notait que les incitations à la formation étaient « plus opportunistes que susceptibles de conjurer les effets de la crise ».

Il convient de nuancer cette affirmation, compte tenu de la difficulté de démontrer qu'un tel effet d'aubaine a bien été suscité, au travers par exemple d'un désengagement des entreprises. Alors que le suivi du FNE-Formation dans les documents budgétaires apparaît très élémentaire, une analyse du « coût unitaire » du FNE-Formation, c'est-à-dire du coût par action de formation financée, suggère une efficience croissante du dispositif.

Si les dépenses de FNE-Formation par action de formation connaissent une progression entre 2020 et les années 2021-2022, principalement imputable à l'allongement des formations, le coût d'une heure de formation est quant à lui à la baisse, passant de 37 euros l'heure en 2020 à 25,5 euros en 2023.

Le FNE-Formation apparaît plus efficient que d'autres dispositifs comparables : le coût unitaire du Compte personnel de formation (CPF) lui est une fois et demi supérieur ; quant à celui du dispositif Transitions collectives, dit « Transco », il représente au moins 32 fois celui du FNE-Formation.

Comparaison du coût unitaire d'une action de formation au titre du
FNE-Formation et d'autres dispositifs de formation professionnelle des salariés

(en millions d'euros, en unités et en euros par action)

   

2021

2022

 

Gestionnaire

Engagements

Nombre d'actions

Coût unitaire

Engagements

Nombre d'actions

Coût unitaire

FNE-Formation

OPCO

364,7

420 284

867,7

442,9

488 165

907,3

Projet de transition professionnelle (PTP)

Associations Transitions Pro

596,0

19 835

30 046,5

602,8

18 795

32 073,6

Transitions collectives

Associations Transitions Pro

4,2

100

41 727,0

7,2

255

28 055,8

Compte personnel de formation (CPF)

Caisse des dépôts et consignations

2 835,1

2 044 365

1 386,8

2 637,9

1 797 943

1 467,2

VAE financée par les AT Pro

Associations Transitions Pro

5,7

2 945

1 940,3

4,9

2 546

1 933,7

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la direction du budget

En 2024, les crédits initialement budgétés pour le FNE-formation dans la loi de finances initiale s'élevaient à 273 millions d'euros en AE. Toutefois, le décret du 21 février 202434(*) ayant procédé à une annulation de 1,1 milliard d'euros sur la mission « Travail et emploi », ce montant a immédiatement été voué à diminuer. Ainsi, la direction du budget a indiqué lors de son audition que « la reprogrammation [était] en cours et devrait aboutir à une enveloppe légèrement inférieure à 100 millions d'euros. »

Les crédits alloués au titre du FNE-Formation en 2024 se sont établis à 96 millions d'euros en AE, soit une diminution de 63 % par rapport aux montants conventionnés en 2023.

Évolution des crédits alloués au FNE-Formation
entre 2020 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Dans leur rapport, les rapporteurs avaient recommandé de « stabiliser le financement et le fonctionnement du FNE-Formation »35(*), en particulier en maintenant ses crédits à leur niveau de 2024 après le décret d'annulation. Ils constatent que cette recommandation a, à ce stade, été suivie, puisque les crédits inscrits à ce titre dans le PLF pour 2025 s'élèvent à 100 millions d'euros en AE et 101 millions d'euros en CP, soit un montant comparable aux 96 millions d'euros restant après l'adoption du décret d'annulations de crédit du 21 février 2024.

Enfin, les rapporteurs spéciaux renouvellent leurs interrogations sur la décision de faire porter les économies demandées sur la mission « Travail et emploi » sur un dispositif dont le coût moyen est sensiblement plus faible que le coût moyen d'autres dispositifs, décision qui paraît plus dictée par l'urgence de réduire les dépenses que par l'efficience de la dépense publique.

Ils estiment à nouveau que le FNE-Formation ne saurait constituer à l'avenir un gisement viable d'économies : une nouvelle diminution des crédits qui lui sont alloués reviendrait, en réalité, à supprimer ce dispositif.

2. Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) : un suivi rendu difficile par la dispersion des financements

La majorité des dépenses liées au PIC sont budgétées au sein de la mission « Travail et emploi ». Outre le volet national, des pactes régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC) ont également été contractualisés avec les régions. Les deux volets, national et régional, connaitraient une diminution en 2025 : les crédits dédiés au PIC s'établiraient ainsi à 573,7 millions d'euros en AE et 669,42 millions d'euros en CP ; quant aux crédits des PRIC, ils sont fixés à 249,3 millions d'euros en AE et 370,8 millions d'euros en CP, ce qui représente une importante diminution (- 37,8 % en AE et - 45 % en CP).

S'agissant du volet national, l'attention des rapporteurs spéciaux a été attirée sur le sort des crédits du « PIC-IAE », c'est-à-dire des crédits du PIC destinés à la formation des bénéficiaires de l'insertion par l'activité économique, dont le statut hybride les rend éligibles à ce dispositif de formation des demandeurs d'emploi. Interrogée en ce sens par les rapporteurs spéciaux, l'administration a indiqué que la diminution exacte des crédits du PIC-IAE n'était pas encore connu, mais que la nouvelle contractualisation avec les régions prévoyait l'intégration des salariés des structures de l'IAE dans les PRIC. Ainsi, il est possible qu'un financement accru des régions compense la baisse du financement de l'État.

Les financements de l'État sont en outre complétés par France Compétences, qui participe également à la formation des demandeurs d'emplois au titre du Plan d'investissement dans les compétences (PIC) par le biais d'un fonds de concours.

Depuis 2023, le financement du PIC par France Compétences a diminué. Il s'établit à un niveau de 800 millions d'euros en 2024 selon le budget initial de l'opérateur. En outre, cette charge est partiellement financée par des reports de crédits, en raison des importantes sous-consommations de crédits constatés sur les exercices précédents.

En 2025 il est prévu que la participation de France Compétences soit maintenue à 800 millions d'euros en AE mais soit portée à 1 150 millions d'euros en CP.

II. APRÈS « LES ANNÉES FOLLES »36(*), LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME DU FINANCEMENT DE L'APPRENTISSAGE ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

A. LE DÉSÉQUILIBRE FINANCIER DE FRANCE COMPÉTENCES PERSISTE MALGRÉ LA SUBVENTION VERSÉE PAR L'ÉTAT

1. France Compétences : un opérateur dans une « impasse financière »37(*)

Établissement public à caractère administratif, France compétences a été créé en 2019, en application de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, par fusion de quatre organismes préexistants38(*).

Les missions de France Compétences

France compétences est chargée de répartir le versement des contributions à la formation professionnelle et à l'apprentissage aux différents acteurs concernés, principalement les opérateurs de compétences (Opco), la Caisse des dépôts et consignations, pour le financement du compte personnel de formation (CPF), les régions, pour le financement des centres de formation d'apprentis (CFA), mais aussi l'État, au titre de la formation des demandeurs d'emploi.

France compétences assure également une fonction de régulation et de contrôle. Elle établit notamment le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et le répertoire spécifique, habilite les instances de labellisation pouvant délivrer aux formations la certification Qualiopi et émet des recommandations sur le niveau et les règles de prise en charge du financement de l'alternance.

Source : commission des finances du Sénat, d'après la Cour des comptes (juin 2023)

France compétences bénéficie de ressources affectées, principalement la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance (Cufpa), ainsi que d'autres contributions ou participations des employeurs (contribution au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d'un contrat à durée déterminée, contribution supplémentaire à l'apprentissage, participation au financement de la formation des professions non salariées...).

Le produit de ces ressources est de l'ordre de 11,5 milliards d'euros en 2024. Elles permettent à France Compétences de financer l'alternance pour environ deux tiers, et divers dispositifs de formation professionnelle pour le tiers restant. Plus de la moitié des fonds de formation professionnelle alimentent le compte personnel de formation (CPF).

France Compétences s'est immédiatement trouvée dans une situation financière très déséquilibrée, avec un déficit de 4,6 milliards d'euros en 2020 qui n'a cessé de s'aggraver les années suivantes : en 2022, le déficit de France Compétences aurait été de 7,4 milliards d'euros sans les deux « subventions exceptionnelles », pour un montant total de 4 milliards d'euros, versées par l'État en cours d'exercice, malgré l'absence d'une telle subvention dans la programmation initiale pour 2022.

En 2024, malgré la budgétisation d'une dotation de l'État de 2,5 milliards d'euros en faveur de France Compétences, le budget initial de l'opérateur présentait encore un déficit prévisionnel de plus d'un milliard d'euros.

Budget initial de France Compétences pour 2024

(en millions d'euros)

RESSOURCES

14 144

Contributions

11 488

dont Cufpa et CSA

10 908

dont autres contributions

580

Excédent de trésorerie

0

Dotation de l'État

2 363

Report de crédits du PIC

250

Autres

43

EMPLOIS

15 181

Formation des demandeurs d'emploi

800

Transitions Pro

500

Projets de reconversion et de transition professionnelle

43

Conseil en évolution professionnelle

81

Alternance

10 418

dont péréquation inter-branches

6 443

dont actions de l'alternance

3 600

dont aide au permis de conduire

47

dont dotation régions "fonctionnement des CFA"

138

dont dotation régions "investissement des CFA"

180

dont financement complémentaire CNFPT

10

Compte personnel de formation

2 200

Fonds divers

1 062

Dépenses de fonctionnement

20

Dépenses d'investissement

4

Intérêt sur concours bancaires

53

SOLDE PRÉVISIONNEL

- 1 037

Source : commission des finances du Sénat, d'après France Compétences

Les facteurs du déséquilibre financier de France Compétences sont en effet structurels, et sont apparus dès 2020. Comme l'a souligné la Cour des comptes39(*), les implications financières de la réforme de 2018 n'ont fait l'objet que d'évaluations sommaires et insuffisamment étayées.

En outre, la très forte dynamique des entrées en apprentissage, dispositif passé d'un fonctionnement contingenté à un fonctionnement en enveloppe ouverte avec la loi « Avenir professionnel »40(*) de 2018 et « dopé » par l'élargissement du bénéfice de l'aide exceptionnelle aux employeurs aux grandes entreprises et aux apprentis de l'enseignement supérieur, a contribué à alourdir considérablement les charges de l'opérateur, sans que ses ressources ne bénéficient d'une évolution comparable.

2. Une subvention de l'État abaissée à 2 milliards d'euros pour 2025

Pour 2025, une subvention de l'État à France compétences de 2,0 milliards d'euros est inscrite dans le projet de loi de finances au programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». Le versement d'une subvention pérenne permettant à France Compétences de faire face au déséquilibre structurel de ses ressources et de ses charges, répond notamment à une recommandation de la Cour des comptes41(*) et de la commission des affaires sociales du Sénat42(*).

En 2025, cette dotation serait significativement réduite, passant de 2 500 millions d'euros dans la LFI pour 2024 à 2 026 millions d'euros dans le PLF pour 2025, soit une diminution de 474 millions d'euros (- 19,0 %). Toutefois, en comparaison avec l'exécution attendue pour 2024, la diminution de la subvention versée à France Compétences en 2025 paraît moins importante, dans la mesure où une diminution de 312 millions d'euros, non budgétée en LFI, a été décidée en cours d'exercice 2024 en raison du décret du 21 février 2024 d'annulation de crédits.

Si les rapporteurs spéciaux ne contestent pas la nécessité que l'État soutienne France Compétences, ils remarquent que la subvention versée à cet opérateur conduit dans les faits à faire financer en partie l'apprentissage et la formation professionnelle directement par l'État, alors que ces dispositifs devraient être intégralement financés par France Compétences, grâce des ressources (Cufpa, etc.) dédiées.

Évolution du montant de la subvention versée à France Compétences

(en millions d'euros)

2021

2022

2023

Exécution attendue 2024

PLF 2025

0

4 000

1 596

2 188

2 026

Source : commission des finances du Sénat

De fait, le coût pour l'État du soutien direct à France Compétences a été de 4 milliards d'euros en 2022, de 1,6 milliards en 2023 et de 2,2 milliards d'euros en 2024. Pour 2025, ce coût s'établirait à 2 milliards d'euros, ce qui porterait le coût cumulé des dotations versées à France Compétences entre 2022 et 2025 à 9,8 milliards d'euros.

Il convient donc de s'interroger sur la pertinence de certains dispositifs financés par France Compétences. Si quelques avancées ont eu lieu en 2023 et en 2024, ce réexamen approfondi doit se poursuivre.

B. METTRE FIN À L'IMPASSE FINANCIÈRE DANS LAQUELLE SE TROUVE FRANCE COMPÉTENCE IMPLIQUE UN RÉEXAMEN DES DISPOSITIFS QUE CET OPÉRATEUR FINANCE

1. Le reste à charge pour la mobilisation du CPF, adopté dans la LFI 2023, est entré en vigueur en avril 2024

Les droits à la formation professionnelle sont monétisés depuis la réforme de 2018 et peuvent être directement mobilisés par les titulaires du compte personnel de formation (CPF). Comme l'a souligné la Cour des comptes, ce dispositif, qui constitue l'un des deux principaux postes de dépenses de France compétences, s'inscrit « dans une logique dite « de guichet », contrairement aux autres dispositifs, financés par des enveloppes budgétaires fermées (...). Les dépenses liées au CPF sont, quant à elles, passées de 740 millions d'euros en 2018 à 2,7 milliards d'euros en 2021 »43(*).

Pour freiner cette très forte dynamique dépensière, plusieurs mesures ont été prises afin de responsabiliser les ministères et organismes certificateurs et de renforcer les exigences de qualité des certifications éligibles au CPF.

Des déréférencements sont intervenus et les taux de refus d'éligibilité des formations au CPF ont fortement augmenté en 2022. L'usage du CPF a également été sécurisé par l'obligation, depuis fin octobre 2022, d'utiliser le dispositif FranceConnect +, répondant à des exigences de sécurité renforcées, pour accéder au service dématérialisé géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Enfin, l'article 212 de la loi de finances pour 2023 a introduit le principe d'une participation financière des bénéficiaires du CPF au financement de leur formation, par le biais d'une sorte de « reste à charge » dont serait exemptés les demandeurs d'emploi et les bénéficiaires pour lesquels l'employeur prend en charge une partie des coûts de la formation. Un an plus tard, cette disposition n'était toujours pas mise en oeuvre, faute de décret d'application.

Ce décret est finalement paru fin avril 202444(*), à la suite de l'annulation de crédits sur la mission « Travail et emploi » décidée en février 2024. Il a fixé le « reste à charge CPF » à la somme forfaitaire de cent euros. Les économies générées pour France Compétences par cette mesure ont permis de diminuer la subvention versée par l'État (cf. supra).

2. Des pistes d'économies existent s'agissant des projets de transition professionnelle (PTP)

Le dispositif des projets de transition professionnelle (PTP) finance la reconversion de plus de 18 000 salariés en 2023, avec des crédits de l'État délégués aux Associations Transition professionnelle (AT-Pro).

Le coût unitaire de ce dispositif est cependant très élevé - ce qui n'est pas illogique puisqu'il finance des reconversions (longues par définition) et non de simples actions de formation. Selon les inspections45(*), le coût moyen d'un PTP s'élève à 29 716 euros en moyenne pour 2023 (en hausse de 16 % depuis 2019), ce qui est largement supérieur au coût constaté pour d'autres dispositifs comme le FNE-Formation par exemple (907 euros par action de formation).

Le coût d'un PTP est composé de la prise en charge de la rémunération à hauteur de 100 % jusqu'à 2 SMIC, puis de 90 % au-delà pour un projet n'excédant pas 1200 heures de formation. La rémunération des bénéficiaires représente environ 70 % du coût total d'un PTP, le coût pédagogique 28 % et les frais de gestion 1 %.

Les inspections ont ainsi proposé plusieurs pistes d'économies, que l'administration a partiellement mises en oeuvre après le décret d'annulation de crédits début 2024 : il a ainsi été décidé de supprimer la part de crédits insuffisamment ciblés, en réservant le PTP aux plus de 30 ans (les bénéficiaires de moins de 30 ans ne représentant que 13 % de l'ensemble), ce qui a représenté une économie de 65 millions d'euros qui a été répercutée à la baisse sur la subvention versée par l'État à France Compétences.

3. Mettre fin au sous-financement de la formation professionnelle tout en préservant les incitations à l'embauche en apprentissage

La Cour des comptes46(*), les inspections en 202347(*) puis en 202448(*) et la commission des affaires sociales du Sénat dans son rapport sur France Compétences ont également recommandé de mobiliser des leviers en recettes pour financer les dépenses de l'opérateur.

Les inspections proposent en particulier d'engager le travail de rationalisation des dérogations concernant la taxe d'apprentissage. Il en va ainsi de la suppression du taux réduit de taxe d'apprentissage en Alsace-Moselle : le taux de recours à l'apprentissage dans les trois départements concernés est quasiment équivalent à celui observé au niveau national. Rien ne justifie, dès lors, le maintien d'un taux réduit de taxe d'apprentissage. Sa suppression pourrait rapporter 53 millions d'euros.

La rapporteure spéciale Ghislaine Senée relève que les inspections recommandent aussi de redynamiser la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA) pour en augmenter le rendement et maintenir une logique d'incitation au recrutement d'apprentis. La CSA est en effet due par les entreprises de plus de 250 salariés redevables de la taxe d'apprentissage, à un taux dégressif en fonction de la part de contrats d'insertion professionnelle dans les effectifs de l'entreprise.

Or, la progression du nombre d'apprentis a mécaniquement fait baisser le rendement de la CSA. Il serait donc possible de rehausser les taux de la CSA pour augmenter son rendement et son caractère incitatif. Le rendement supplémentaire de la CSA pourrait être de 74 millions d'euros en cas de hausse des taux de 40 %.

C. LE NIVEAU DU SOUTIEN PUBLIC À L'APPRENTISSAGE DANS L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DOIT IMPÉRATIVEMENT ÊTRE RÉINTERROGÉ

1. La réforme annoncée des paramètres de l'aide à l'embauche des apprentis doit être l'occasion de mieux la cibler
a) L'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis a constitué le principal moteur de la dynamique de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur

Jusqu'en 2019, les aides aux employeurs d'apprentis prenaient des formes diverses : prime à l'apprentissage, aide spécifique aux très petites entreprises, crédit d'impôt, exonération de cotisations sociales. En 2019, ce régime d'aide a été simplifié et la plupart d'entre elles ont été remplacées par une aide unique ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et les diplômes de niveau inférieur ou égal au baccalauréat.

Dans le contexte de la crise sanitaire, en juillet 2020, une aide exceptionnelle beaucoup plus large et plus avantageuse que l'aide unique a été mise en place. Elle concerne toutes les entreprises, y compris, sous certaines conditions, celles de plus de 250 salariés, et les formations allant jusqu'au niveau bac + 5.

Le décret du 29 décembre 202249(*) a procédé à une réforme du régime des aides à l'embauche des alternants, par une « fusion » de l'aide unique avec l'aide exceptionnelle, dont les montants sont désormais identiques.

Concrètement, la « fusion » de l'aide unique et de l'aide exceptionnelle consiste en la fixation d'un montant identique pour les deux dispositifs. En effet, le montant de l'aide unique était jusqu'alors inférieur au montant de l'aide exceptionnelle :

- le montant de la première, dégressif avec la durée du contrat, avait jusqu'en 2023 été fixé à 4 125 euros la première année du contrat, 2 000 euros la deuxième année et 1 200 euros pour la troisième ;

- le montant de la seconde, versée uniquement la première année du contrat, s'élevait à 5 000 euros pour un mineur et 8 000 euros pour un majeur.

Régime des aides à l'embauche des alternants

Avant 2023 - Juxtaposition de l'aide unique et de l'aide exceptionnelle

Aide unique

Aide exceptionnelle

Contrats conclus à compter du 1er janvier 2019

Contrats conclus entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2022

Entreprises du secteur privé de moins de 250 salariés

Entreprises du secteur privé :

- de moins de 250 salariés ;

- de plus de 250 salariés atteignant le seuil de 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle* ou de 3 % d'alternants** avec une progression de 10 % sur un an

Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle de niveau inférieur ou égal au bac

Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle jusqu'au niveau bac + 5

4 125 euros la 1ère année

2 000 euros la 2ème année

1 200 euros la 3ème année

Uniquement la 1ère année du contrat

5 000 euros pour un mineur

8 000 euros pour un majeur

À compter de la 2e année, seules perçoivent une aide les entreprises éligibles à l'aide unique

À compter de 2023 - « Fusion » de l'aide unique et de l'aide universelle

Contrats conclus après le 1er janvier 2023

Entreprises du secteur privé de moins de 250 salariés

Entreprises du secteur privé :

- de moins de 250 salariés : entre le niveau bac + 2 et le niveau bac + 5 ;

- de plus de 250 salariés atteignant le seuil de 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle* ou de 3 % d'alternants** avec une progression de 10 % sur un an :

jusqu'au niveau bac + 5

Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle de niveau inférieur ou égal au bac

Uniquement la 1ère année du contrat

6 000 euros

* Salariés en contrats d'apprentissage et de professionnalisation, volontariat international en entreprise (VIE), convention industrielle de formation par la recherche (Cifre).

** Salariés en contrats d'apprentissage et de professionnalisation.

Source : commission des finances du Sénat

Dans le nouveau régime, les deux dispositifs restent formellement distincts, d'autant plus qu'ils ne s'adressent pas tout à fait aux mêmes bénéficiaires :

- comme depuis 2019, l'aide unique est réservée aux entreprises de moins de 250 salariés, uniquement pour l'embauche en contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle de niveau inférieur ou égal au baccalauréat ;

- l'aide exceptionnelle, qui concerne uniquement les employeurs de moins de 250 salariés et les employeurs de plus de 250 salariés employant un certain nombre d'alternants, était auparavant versée pour la signature d'un contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle jusqu'au niveau bac + 5 ; elle est désormais versée aux entreprises de moins de 250 salariés pour la signature d'un contrat d'apprentissage entre les niveaux bac + 2 et bac + 5, et aux entreprises de plus de 250 salariés50(*) jusqu'au niveau bac + 5.

Les aides à l'embauche sont usuellement ciblées dans le but d'ajouter une incitation au recrutement d'un profil particulier de salarié. Les jeunes sortant prématurément du système scolaire sont classiquement l'objectif prioritaire de cette politique, car c'est pour insérer ce public dans l'emploi que l'apprentissage est le plus efficace.

L'aide exceptionnelle instaurée dans le cadre de la crise sanitaire et depuis reconduite a cependant été conçue selon une autre logique : elle est accessible à la quasi-totalité des apprentis, et seuls les étudiants préparant un diplôme d'un niveau supérieur à bac + 5 (Master) et les entreprises de plus de 250 salariés dont les effectifs n'incluent pas assez d'alternants sont exclus. Un tel niveau de subvention est inédit. Il constitue le principal accélérateur de la croissance de l'apprentissage51(*).

Les moteurs de la croissance de l'apprentissage

(en milliers d'entrées en apprentissage)

Source : Bruno Coquet, article cité, 2023

Le nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur a atteint 635 900 étudiants pour l'année scolaire 2023-2024.

Comme l'illustre le graphique ci-dessous, issu des travaux de notre collègue rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » Vanina Paoli Gagin52(*), la trajectoire du nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur est vertigineuse. Le ministère de l'enseignement supérieur constatait en septembre 2024 une hausse de 10,3 % en un an et de 33 % en deux ans53(*). Il avait déjà augmenté de 78 % entre 2020 et 2022 et représenteraient un quart des étudiants du supérieur en 2025.

En dix ans, le nombre d'étudiants apprentis est passé de 139 000 à 636 000, ce qui correspond à une hausse de 360 % et à près d'un demi-million d'étudiants supplémentaires. La création de l'aide exceptionnelle, à laquelle les embauches d'apprentis préparant un diplôme de l'enseignement supérieur sont éligibles est le principal accélérateur de ce véritable appel d'air dans l'enseignement supérieur : 458 000 entrées en apprentissage depuis 2019 pourraient ainsi être attribuées à la création de l'aide exceptionnelle54(*).

Évolution du nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur
depuis 2012

(en nombre d'apprentis)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du ministère de l'enseignement supérieur

b) Malgré son coût très élevé, les bienfaits de l'apprentissage dans le supérieur sont pour le moins incertains

Il n'est pas établi que le large ciblage des aides à l'apprentissage, qui induit un coût massif pour les finances publiques, soit proportionné au regard de ses effets sur l'insertion dans l'emploi des apprentis du supérieur, et même sur le marché du travail en général.

D'abord, l'effet de l'apprentissage sur l'emploi semble plutôt surestimé. En effet, si l'OFCE retient que 458 000 entrées en apprentissage sont dues à l'aide exceptionnelle, plusieurs évaluations suggèrent que seuls 252 000 emplois n'auraient pas été créés en l'absence de soutien public à l'apprentissage, ce qui implique que 206 000 nouveaux emplois d'apprentis seraient attribuables à un effet d'aubaine, ou du moins à un effet substitution55(*) : ces emplois auraient ainsi été créés sous un statut classique si l'apprentissage n'avait pas été moins coûteux pour l'employeur.

Ensuite, il convient de mentionner que, même lorsque des emplois ont bien été créés grâce à l'aide exceptionnelle et aux autres dispositifs de soutien public à l'apprentissage, ces créations d'emploi n'ont eu qu'un effet indirect sur le taux de chômage. En effet, si l'essor de l'apprentissage entre 2018 et 2023 a bénéficié aux taux d'activité et d'emploi des jeunes de 15 à 24 ans (+ 3,7 et + 4,3 points respectivement) entraînant la baisse de leur taux de chômage (de 20,9 % à 17,5 %) par augmentation du dénominateur, cette hausse repose essentiellement sur une bascule du statut d'étudiant vers celui de salarié, le nombre de jeunes chômeurs ayant très peu diminué (- 26 000). Les sortants du chômage ne représentent ainsi qu'à peine 6 % des nouveaux apprentis56(*).

Enfin, l'efficience de l'apprentissage dépend largement des niveaux de qualification : la littérature économique et administrative met ainsi en évidence la meilleure intégration des apprentis de CAP et de BTS par rapport aux simples bacheliers dans l'emploi salarié57(*).

Cet effet est d'autant plus important que les qualifications concernées sont faibles : le taux de chômage est en effet plus élevé pour les moins diplômés. En 2022 selon l'Insee, il atteint 13,2 % pour les actifs ayant au plus le brevet des collèges, contre 4,7 % pour ceux diplômés du supérieur. Il se situe à un niveau intermédiaire pour les titulaires d'un BEP ou CAP (7,7 %) ou du baccalauréat (8,7 %).

Or l'évaluation de la politique de l'apprentissage à l'aune de l'intégration dans l'emploi des apprentis fait apparaître une efficience relativement faible du dispositif, dans la mesure où les étudiants du supérieur « n'ont pas besoin de ce type de coups de pouce financiers étant donné que c'est le diplôme qu'ils obtiennent qui est déterminant pour leur employabilité, et non pas qu'il ait été acquis par la voie de l'apprentissage ou à l'issue d'un cursus classique. »58(*)

Compte tenu du coût très élevé du soutien à l'emploi (environ 23 000 euros par apprentis en 2023 selon l'économiste Bruno Coquet), l'ampleur du soutien public à l'apprentissage dans le supérieur pourrait être réinterrogé, a fortiori en tenant compte du nombre de jeunes chômeurs indemnisés issus d'un apprentissage du supérieur, dont la hausse ces dernières années « est pour le moins perturbante au regard de la promesse d'insertion en emploi des diplômés de l'enseignement supérieur. »59(*)

Répartition des sortants d'apprentissage ouvrant un droit au chômage
par niveau de diplôme

(en pourcentage)

Source : Unédic60(*)

c) Recentrer enfin le soutien à l'apprentissage en faveur des jeunes qui devraient en être le coeur de cible

Si le Gouvernement a d'ores et déjà tenu compte, dans la budgétisation présentée au Parlement dans le PLF pour 2025, d'une mesure réglementaire qu'il compte prendre afin de réduire les dépenses liées aux aides à l'embauche des apprentis (- 663 millions d'euros en AE entre la LFI 2024 et le PLF 2025), soit une diminution d'1,2 milliard d'euros par rapport au tendanciel selon le cabinet de la ministre, l'arbitrage sur les modalités d'atteinte de cet objectif d'économies n'est pas encore rendu.

Entendus par les rapporteurs spéciaux, tant la DGEFP que le cabinet de la ministre ont indiqué souhaiter éviter de restreindre excessivement l'éligibilité aux aides à l'embauche selon la taille de l'entreprises ou selon le niveau de diplôme préparé par les apprentis. Ils font valoir l'importance de ne pas diminuer excessivement le soutien public aux entreprises et à l'emploi alors que la conjoncture économique menace de se retourner. Ils avancent également des gains importants, en termes d'image, d'associer désormais l'alternance avec les études supérieures, généralement mieux perçues par les potentiels apprentis.

Les rapporteurs spéciaux n'ont pas été insensibles à ces arguments. Toutefois, ils estiment que le soutien public à l'apprentissage ne doit pas se faire au détriment d'une politique minimale de ciblage des aides aux employeurs d'apprentis. Ils relèvent en particulier que l'« effet de signal » invoqué par certains auditionnés a un coût colossal pour les finances publiques.

Ils renouvellent ainsi leur préférence pour un ciblage des aides à l'apprentissage, adopté l'année dernière par le Sénat61(*), afin qu'elles ne soient plus versées pour les contrats signés entre un jeune préparant un diplôme de niveau supérieur à bac + 2 et une entreprise de plus de 250 salariés. Un tel dispositif pourrait cette année être combiné à une réduction du montant de l'aide exceptionnelle afin de la ramener à un niveau comparable à celui de l'aide unique de 2018 - en tenant compte des hausses du SMIC intervenues depuis.

Une telle mesure serait sans effet sur les entreprises de moins de 250 salariés, et sans effet pour les entreprises de plus de 250 salariés qui signent des contrats avec des jeunes dont le niveau de diplôme est inférieur à bac + 3. Elle ne semble pas déraisonnable, dans la mesure où elle laisse le droit inchangé pour les certifications de niveau 5 (jusqu'au bac + 2), qui sont généralement reconnues comme prioritaires par les branches professionnelles, en particulier les BTS.

2. Après les baisses généralisées des NPEC ces dernières années, une nécessaire réforme du financement des CFA

Depuis la réforme de l'apprentissage, l'offre de places en centres de formation d'apprentis (CFA) n'est plus contingentée. Chaque contrat d'apprentissage donne lieu à une prise en charge financière par l'opérateur de compétences dont relève l'entreprise d'accueil. Celle-ci est financée par France compétences. Le niveau de prise en charge (NPEC) est déterminé à l'échelon national par la branche professionnelle (ou, à défaut, par l'État), dans le cadre de recommandations établies par France compétences.

Selon les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas)62(*), en 2022, les CFA ont enregistré un total de 7,1 milliards d'euros de charges et 8,0 milliards d'euros de produits, dégageant un résultat net de 852 millions d'euros. En ne considérant que les recettes issues des NPEC et les charges qu'ils ont vocation à couvrir, le résultat de 1'exercice 2022 s'est élevé à 904 millions d'euros et le taux de marge moyen des CFA atteignait 11,5 %.

Dans ce contexte, et en application des recommandations d'un rapport remis au Gouvernement en juillet 2023 sur les modalités de financement des CFA63(*) par les inspections, il a été procédé à deux baisses successives des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage. La première baisse, à l'été 2022, a généré 300 millions d'euros d'économies ; la seconde baisse, de 5 % en moyenne64(*), a été conduite en 2023 et aurait eu un impact d'environ 550 millions d'euros en année pleine.

Il reste que les NPEC ne sont pas uniformes selon les certifications. En effet, les inspections remarquaient par exemple qu'« il existe un surfinancement des certifications qui présentent le plus d'apprentis et contribuent davantage au déficit de France compétences, au regard des coûts constatés. » On peut en outre noter que les certifications dans le supérieur présentent des NPEC élevés et qu'en valeur absolue « les NPEC des certifications de niveaux 5, 6 et 7 sont parmi les plus élevés », alors que « ce sont les niveaux de diplômes pour lesquelles les bénéfices de l'apprentissage en termes d'insertion dans l'emploi sont moins importants comparativement aux niveaux 3 et 4 »65(*).

Ainsi, dans une revue de dépense de mars 2024, les inspections recommandaient de diminuer la prise en charge par France Compétences des coûts de ces contrats d'apprentissage dans le supérieur. À terme, la méthode de détermination des NPEC pourrait également évoluer plus largement, Deux scénarios sont à ce stade proposés par les inspections :

- d'une part, une modulation des NPEC par les branches, dans la limite d'un cadre financier par branche fixé par l'État ;

- d'autres part, la fixation par l'État d'un NPEC « socle », complété par des contributions conventionnelles traduisant les priorités des branches.

France Compétences a indiqué aux rapporteurs spéciaux que ces deux scénarios lui paraissaient complémentaires : en effet, « rien n'empêche de penser une méthode de détermination permettant [de laisser aux branches le soin] de prioriser les formations les plus importantes pour leurs secteurs, dans un cadre budgétaire global maitrisé, tout en ouvrant parallèlement la possibilité aux branches de mettre en place des financements conventionnels pour l'apprentissage, en plus du financement mutualisé qui passe par le NPEC. »

La mise en oeuvre d'un tel scénario de réforme, qui ne semble d'ailleurs pas relever du domaine des lois de finances, devrait cependant attendre la remise d'un nouveau rapport d'inspection sur le sujet, une mission Igas ayant été lancée en février 2024.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 64 (nouveau)

Ciblage et diminution du montant des aides aux employeurs d'apprentis

Le présent article, issu de l'amendement II-5  (FINC.3) des rapporteurs spéciaux, propose de cibler les aides versées pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage en en excluant les contrats signés entre une entreprises de plus de 250 salariés et un apprenti préparant un diplôme de niveau 6 (licence) ou de niveau 7 (master et doctorat). Ils proposent en outre de ramener le montant de l'aide à son niveau relatif au SMIC de 2018.

La commission des finances propose au Sénat d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : SI DEUX AIDES COEXISTENT, LEURS PARAMÈTRES ONT ÉTÉ UNIFIÉ EN 2023

Introduit dans le code du travail en 201866(*), l'article L. 6243-1 du code du travail a permis le remplacement des multiples aides à l'embauche d'apprentis qui existaient alors par une « aide unique » aux employeurs d'apprentis, réservée aux contrats d'apprentissage conclus « dans les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés afin de préparer un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au plus au baccalauréat ». Le montant de cette aide était de 4 125 euros la 1ère année, de 2 000 euros la 2ème année et de 1 200 euros la 3ème année du contrat.

Cette « aide unique » ne le fut toutefois pas longtemps.

Au moment de la crise sanitaire, l'article 76 de la seconde loi de finances rectificative pour 202067(*) a prévu que une « aide exceptionnelle » pour les contrats conclus entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021, versée pour les contrats signés avec des apprentis jusqu'au niveau 7 du cadre national des certifications professionnelle (master et doctorat), y compris lorsque l'employeur est une entreprises de plus de 250 salariés si elle est exonérée de la contribution supplémentaire à l'apprentissage68(*) et si elles justifient d'un pourcentage minimal de salariés en alternance.

Cette aide exceptionnelle était initialement de 5 000 euros pour la signature d'un contrat d'apprentissage avec un mineur et de 8 000 euros pour un majeur.

Depuis, un décret69(*) prévoit que le montant de l'aide unique est de 6 000 euros et qu'une aide, toujours qualifiée « d'exceptionnelle », est également versée pour la signature d'un contrat avec un apprentis préparant un diplôme de niveau 5 (de bac à bac+ 2), 6 (licence) ou 7 (master et doctorat), y compris par les entreprises de plus de 250 salariés sous certaines conditions tenant au nombre de contrat d'alternance qu'elles sont signées.

Lors de l'examen du PLF 2025, les rapporteurs spéciaux avaient porté un amendement de crédits, adopté par le Sénat70(*), visant à inciter le Gouvernement à revoir les critères d'éligibilité à ces aides. Cet amendement n'a cependant pas été retenu en nouvelle lecture.

Aujourd'hui, le Gouvernement a annoncé prévoir une modification réglementaire de ces paramètres, sans que la mesure - qui pourrait prendre la forme d'une diminution du montant des aides de 6 000 à 4 500 euros par contrat ou d'un ciblage des bénéficiaires éligibles - ne soit arbitré à ce stade.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : COMBINER LA DIMINUTION DU MONTANT DES AIDES À L'EMBAUCHE AVEC UN CIBLAGE SUR LES ENTREPRISES ET LES NIVEAUX DE QUALIFICATION PRIORITAIRES

Le présent article est issu de l'amendement II-5  (FINC.3) des rapporteurs spéciaux, adopté par la commission des finances, visant à modifier l'article L. 6243-1 du code du travail aux fins d'en rendre les dispositions pour restrictives.

Ne pourraient plus être éligibles aux aides à l'apprentissage les entreprises de plus de 250 salariés qui embauchent des apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant aux niveaux 6 et 7 du cadre national des certifications professionnelles.

Les rapporteurs spéciaux ont tenu, en présentant ce dispositif à la commission des finances, à souligner que le présent article vise à servir de base à un dialogue avec le Gouvernement et l'administration afin de trouver un juste équilibre, et qu'il a donc vocation à évoluer dans la suite de la discussion du PLF pour 2025.

Décision de la commission : la commission des finances propose au Sénat d'adopter cet article.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 64 (nouveau)

Minoration du financement des niveaux de prise en charge pour certaines formations de l'enseignement supérieur

Le présent article, issu de l'amendement II-6 (FINC.4) des rapporteurs spéciaux, propose de minorer, pour les formations des niveaux 6 (licence) et 7 (master et doctorat), le financement par France Compétences, via les Opco, des niveaux de prise en charge (NPEC) déterminés par les branches.

Le financement des formations de niveau 6 serait de 90 % du NPEC, et le financement des formations de niveau 7 de 80 % des NPEC.

La commission des finances propose au Sénat d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LE FINANCEMENT DES CENTRES DE FORMATION D'APPRENTIS (CFA) AUX NIVEAUX DE PRISES EN CHARGE (NPEC) EST COMPLEXE, COÛTEUX ET ARBITRAIRE

A. LES CFA SONT FINANCÉS PAR FRANCE COMPÉTENCES SUR LA BASE DES NPEC, FIXÉS SELON UNE PROCÉDURE COMPLEXE ET DES CRITÈRES ASSEZ ARBITRAIRES

Les CFA sont principalement financés par France Compétences, établissement public administratif de l'État, par l'intermédiaires des opérateurs de compétence (Opco)71(*), qui sont des organismes paritaires agréés par l'État, gérés par les branches professionnelles.

France Compétences, par l'intermédiaire des Opco, assure donc automatiquement le financement de chaque contrat d'apprentissage signé à hauteur d'un montant unitaire, le « niveau de prise en charge » (NPEC)72(*). Ces NPEC ont deux objectifs, parfois contradictoires :

- permettre aux branches de moduler le NPEC en fonction des priorités stratégiques et des besoins des entreprises (métiers en tensions, compétences rares, etc.) ;

- prendre en compte le coût moyen par apprenti de chaque certification.

Formellement, les NPEC sont fixés par les commissions nationales paritaires pour l'emploi (CNPE), émanations des branches professionnelles73(*), dans le cadre de fourchettes fixées par France compétences. Ils le sont en général une durée de deux ans.

Les crédits consacrés à la couverture des NPEC sont très importants, soit environ 10 milliards d'euros.

Les modalités concrètes de détermination des NPEC sont complexes et fondées sur des critères arbitraires, ce qui n'en facilite ni la compréhension ni l'acceptabilité. En effet, cette méthode comporte deux phases.

D'abord, une fois reçues les propositions des branches, France Compétences retraites les propositions anormalement faibles ou élevées en les ramenant à un intervalle fixé, par convention, entre 3 000 euros et 25 000 euros. France Compétences détermine alors une valeur pivot qui correspond à la moyenne des propositions et une borne haute qui correspondant au 3ème quartile des propositions des branches ;

Ensuite, lorsque France Compétences dispose des remontées de la comptabilité analytique des CFA, la borne haute devient le coup moyen majoré par convention de 50 %.

Source : Igas-IGF, Le financement des centres de formation d'apprentis, juillet 2023

Certains paramètres apparaissent arbitraires, comme c'est le cas, par exemple, de la majoration de 50 % du coût moyen remonté par les comptes des CFA. En outre, France Compétences ne pondère pas les coûts en fonction des effectifs d'apprentis dans chaque certification.

Les résultats de cette méthode sont ainsi inéquitables74(*).

B. MALGRÉ LES DIMINUTIONS SUCCESSIVES DES NPEC, LE COÛT DES CERTIFICATIONS DU SUPÉRIEUR EST PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉ

En application des recommandations du rapport remis au Gouvernement en juillet 2023 sur les modalités de financement des CFA75(*) par l'Igas et l'IGF, il a été procédé à deux baisses successives des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage. La première baisse, à l'été 2022, a généré 300 millions d'euros d'économies ; la seconde baisse, de 5 % en moyenne76(*), a été conduite en 2023 et aurait eu un impact d'environ 550 millions d'euros en année pleine.

Toutefois, la convergence des NPEC n'est pas achevée.

En particulier, les coûts des certifications pour les niveaux de diplôme 5 (Bac+ 2), 6 (licence) et 7 (master) sont particulièrement élevés - alors même que la valeur ajoutée de l'apprentissage est plus faible pour ces formations. L'écart est également d'autant plus important pour les certifications comportant de nombreux apprentis.

Après les baisses successives des NPEC, les inspections relèvent que les formations des niveaux 6 et 7 (licence, master et doctorat) sont toujours plus coûteuses que les formations des niveaux inférieurs : alors qu'elles ne représentent respectivement que 18 % et 17 % des contrats, représentent 40 % et 32 % du nombre total de NPEC.

Ainsi, il a été procédé en 2024 à une nouvelle baisse des NPEC, concentrée cette fois-ci sur les niveaux 6 et 7.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : ASSUMER UNE MOINDRE PRISE EN CHARGE DES FORMATIONS D'APPRENTIS DANS LE SUPÉRIEUR

En cohérence avec l'idée de réinterroger le soutien public à l'apprentissage dans le supérieur, l'IGF et Igas recommandent de minorer le financement par France Compétences des NPEC des niveaux 6 et 777(*).

Suivant cette recommandation, le présent article, issu de l'amendement II-6 (FINC.4) des rapporteurs spéciaux, modifie l'article L. 6332-14 du code du travail afin de prévoir que le financement des formations délivrée par les CFA est limité à 90 % du NPEC pour les formations de niveau 6 et de 80 % pour les formations de niveau 7.

Cette diminution du financement public aurait en principe vocation à être partiellement compensée par une participation accrue des branches professionnelles au financement de l'apprentissage, conformément aux recommandations des inspections78(*), que l'administration et le cabinet se sont dits disposés à suivre dès l'année prochaine. Toutefois, pour des raisons de recevabilité organique, le présent article ne peut autoriser les branches à négocier des conventions pour financer l'apprentissage79(*), car une telle disposition serait étrangère au domaine des lois de finances.

Les moindres dépenses qui en résulteraient pour France Compétences (jusqu'à 620 millions d'euros) seront compensées par la diminution à due concurrence de la subvention versée par l'État à l'opérateur, ce qui justifie d'ailleurs sa recevabilité en loi de finances, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel80(*).

Comme pour l'article précédent, les rapporteurs spéciaux ont insisté devant la commission sur l'esprit de dialogue dans lequel ils ont proposé cet amendement. Ils ont en particulier connaissance d'un amendement de crédits déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale visant à diminuer de 675 millions d'euros en AE et en CP les crédits de la mission. Au dire de cabinet de la ministre, cet amendement a notamment vocation à prendre en compte la réalisation d'économies par France Compétences.

Le présent article a ainsi vocation à se coordonner avec l'amendement du Gouvernement si ce dernier venait à n'être pas adopté à l'Assemblée nationale et à être redéposé au Sénat.

Décision de la commission : la commission des finances propose au Sénat d'adopter cet article.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 12 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial, et Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale, sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - Les crédits de la mission « Travail, emploi et administration et des ministères sociaux » demandés pour 2025 s'élèvent à 21,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 21,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution respective de 6,4 % et de 4,5 %.

Cette mission est l'une de celles qui contribuent le plus fortement à la réduction des dépenses publiques. L'ampleur exacte de cette contribution n'est pas aisée à appréhender, car l'administration des ministères sociaux s'est ajoutée cette année au périmètre de la mission. Avec le transfert des crédits supports de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », le programme 155 a ainsi vu ses crédits quasiment multipliés par trois. Pour prendre la mesure de la diminution des crédits de la mission par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024, il convient de raisonner à périmètre constant ; on constate alors une diminution encore plus importante des crédits de la mission, de 11,9 % en AE et de 10,5 % en CP.

Les crédits de la mission ont déjà diminué durant l'exercice 2024, du fait du décret d'annulation pris en février dernier, qui l'a amputée de 1,1 milliard d'euros de crédits en AE et en CP. En tenant compte de ces annulations et des annulations demandées dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG), l'ampleur de la diminution des crédits de la mission doit être nuancée.

Comme les années précédentes, l'évolution des dépenses de la mission dépend, pour une large part, de celle des crédits du programme 103 dédiés notamment au financement de l'apprentissage, engagement phare de la mission. Si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses en faveur de la formation en alternance - c'est-à-dire les aides aux employeurs d'apprentis, les exonérations de cotisations en faveur de l'apprentissage, la dotation de l'État à France compétences -, les crédits dédiés à cette politique sur le budget de l'État s'élèvent à environ 7 milliards d'euros.

Si l'on élargit encore la focale et que l'on s'intéresse au coût de l'apprentissage pour l'ensemble des finances publiques, on prend conscience de l'effort colossal. En tenant compte des coûts pédagogiques financés par France compétences, des diverses exonérations non compensées par la mission - telle que celle de la contribution sociale généralisée (CSG) - ou encore le coût des droits ouverts par les apprentis à l'assurance chômage, on aboutit à un coût estimé à 25 milliards d'euros.

À l'heure où la réduction du déficit public est une priorité, l'ampleur de ce soutien peut poser question. Le Gouvernement semble du même avis, puisque le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 intègre une diminution de 663 millions d'euros en AE des crédits dédiés aux aides aux employeurs d'apprentis, qui traduit sa volonté de réaliser une économie de 1,2 milliard d'euros par rapport à l'évolution tendancielle de ces dépenses. Le Gouvernement n'a pas précisé s'il optait pour une diminution du montant de l'aide à l'embauche de 6 000 à 4 500 euros, ou s'il préférait cibler des types d'entreprises ou d'apprentis.

Selon nous, la meilleure manière de diminuer les dépenses publiques tout en améliorant la pertinence de la dépense consiste à cibler les aides aux employeurs d'apprentis. Nous vous proposons donc, comme l'année dernière, d'adopter un amendement prévoyant que les contrats signés entre une entreprise de plus de 250 salariés et un jeune préparant un diplôme supérieur à bac + 2 ne donnent plus droit au versement de l'aide exceptionnelle.

Il s'agit d'un recentrage modeste. Cet amendement est sans effet sur les petites et moyennes entreprises (PME) qui, par définition, ont moins de 250 salariés. Il ne change rien non plus à la situation des entreprises de plus de 250 salariés qui emploient des apprentis de niveau inférieur à bac + 3, comme, par exemple, des jeunes en brevet de technicien supérieur (BTS) ou en diplôme universitaire de technologie (DUT). Il vise, pour assurer une meilleure efficience des dépenses en faveur de l'apprentissage, à orienter prioritairement ces crédits vers les entreprises et les jeunes qui en ont le plus besoin.

Nous vous proposons également un amendement de crédits qui en tire les conséquences sur les crédits de la mission. Notre démarche étant d'entrer dans un dialogue avec le Gouvernement qui prévoit déjà une diminution des crédits, nous avons délibérément retenu un montant d'économies plus faible que l'année dernière. Sous réserve de l'adoption de cet amendement, ainsi que de celui qui sera présenté ultérieurement par Ghislaine Senée, je vous propose d'adopter les crédits de la mission ainsi modifiés.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - J'abonde dans le sens d'Emmanuel Capus : cet amendement permet de rééquilibrer le dispositif en conservant des possibilités aux grandes entreprises sans contraindre les PME.

Entre 2019 et 2024, les crédits de la mission sont passés de 7,7 à 24,5 milliards d'euros. Une telle augmentation n'est plus soutenable et le maintien de cette politique d'apprentissage conduirait à une très mauvaise utilisation de l'argent public.

Dans la même veine, nous vous proposons une autre piste d'économies, inspirée des recommandations de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires sociales (Igas). Ces dernières recommandent de reconsidérer la prise en charge des coûts pédagogiques des contrats d'apprentissage financés par France compétences au niveau de prise en charge fixé par les branches professionnelles. Elles ont mis en évidence le coût plus élevé des formations de niveau licence et master.

Conformément à ces recommandations et à notre volonté de cibler le soutien public à l'apprentissage vers les niveaux de qualification pour lesquels celui-ci est déterminant, nous vous proposons un amendement visant à limiter le financement des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage (NPEC) pour ces formations à 90 % pour le niveau licence et à 80 % pour le niveau master. Cette proposition permettrait de baisser de 620 millions d'euros les charges de France compétences, et ainsi de diminuer à due concurrence la dotation que verse l'État à cet opérateur.

J'insiste sur le fait que nous avons délibérément retenu la piste la plus radicale et la plus porteuse d'économies, afin d'engager un dialogue avec le Gouvernement qui a lui-même déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à diminuer les crédits de la mission à hauteur de 675 millions d'euros supplémentaires. Ainsi, le contenu de l'amendement aura vocation à être coordonné avec les pistes d'économies, encore très vagues, du Gouvernement.

La baisse de crédits que subit la mission a pour conséquence de diminuer sensiblement les crédits des divers dispositifs favorisant l'accès à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Si la suppression des contrats aidés dans le secteur marchand et celle des emplois francs méritent d'être considérée compte tenu des effets d'aubaine importants suscités par ces dispositifs, je m'inquiète de la diminution - de l'ordre de 22 % entre la LFI 2024 et le présent PLF - des crédits dédiés aux missions locales. Pour avoir entendu plusieurs représentants des missions locales au cours de nos travaux, cette diminution est préoccupante.

De même, si la subvention pour charges de service public versée à France Travail ne diminue pas, les effectifs seraient, quant à eux, amputés de 500 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Certes, le Gouvernement fait valoir qu'il s'agit d'une contribution modeste du premier opérateur de l'État, à hauteur de seulement 1 % de son plafond d'emplois.

Toutefois, je rappelle que la mise en oeuvre de la loi pour le plein emploi, notamment de l'inscription de tous les demandeurs d'emploi à France Travail, entrera en vigueur le 1er janvier 2025. Dans ces conditions, et alors que France Travail devra accompagner un nombre croissant de demandeurs d'emploi, il serait malvenu qu'une diminution de ses effectifs le conduise à externaliser certaines fonctions essentielles, sachant par ailleurs le coût élevé de ces externalisations.

Je souhaitais aussi dire quelques mots de la dette de l'Unédic, qui est estimée à 58,4 milliards d'euros pour fin 2024. Après plusieurs années de déficit, l'Unédic est, depuis 2022, excédentaire. L'association va dégager 20,6 milliards d'euros d'excédent sur la période 2024-2027. Or, depuis 2023, l'État ponctionne une partie de cet excédent : 2 milliards d'euros en 2023, 2,6 milliards d'euros en 2024 et 3,35 milliards d'euros en 2025. Ces ponctions ralentissent la trajectoire de désendettement de l'Unédic. Cela n'est pas anecdotique sachant le rôle de stabilisateur automatique de l'assurance chômage qui s'endette lorsque la conjoncture est défavorable et doit se désendetter lorsque celle-ci présente une embellie, en prévision de la prochaine crise qui impliquera une nouvelle hausse de l'endettement. Nous entrons donc dans un cercle vicieux.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la situation du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE). Si les moyens sont globalement préservés, ceux-ci pourraient être insuffisants pour absorber la hausse prévue du Smic et maintenir les effectifs au niveau de 2024.

Sur ces sujets, je n'ai pas souhaité déposer d'amendement. Il m'a semblé que ce n'était pas le rôle de la commission des finances dans le contexte actuel. Je ne suis toutefois, à titre personnel, pas favorable aux baisses de crédits désignées.

En conclusion, je vous proposer d'adopter les crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de nos amendements.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je vous remercie pour votre analyse et vos propositions d'économies sur des dépenses actuellement insuffisamment ciblées. Les montants sont importants. Ils traduisent une dérive des dépenses en matière de formation et d'apprentissage. Sans doute faudra-t-il regarder de plus près le cas de France compétences. Le ticket modérateur de 100 euros pour les droits à formation, auquel je n'étais pas favorable, a, semble-t-il, produit de véritables effets. Cet accès très simple n'a pas que des vertus, car cela engage des dépenses qui ne répondent pas nécessairement aux besoins des bénéficiaires et aux préoccupations des entreprises.

Durant de nombreuses années, les droits à formation étaient insuffisamment dotés. Aujourd'hui, c'est le sentiment inverse qui domine. Il sera utile de voir comment le dispositif pourra être amélioré dans les prochains mois. Cela participe de notre combat pour une meilleure utilisation de l'argent public.

Naturellement, je soutiens les propositions des deux rapporteurs.

M. Grégory Blanc. - J'émets trois réserves sur ce rapport. La première concerne les crédits affectés aux missions locales. Elles sont des interlocuteurs privilégiés pour l'insertion des jeunes, et la baisse des crédits aura un impact sur l'activité de celles-ci.

Ma deuxième réserve porte sur les contrats aidés. Je déplore la diminution des crédits concernant les emplois francs et les dispositifs d'insertion en secteur marchand. Des rapports ont mis en lumière des effets d'aubaine. À mon sens, les difficultés proviennent plutôt de la lourdeur des dispositifs et de la faiblesse de l'accompagnement. Celui-ci, en effet, n'est pas le même selon que l'on soit éloigné de l'emploi ou que l'on soit dans une situation d'apprentissage.

Ma troisième réserve concerne l'apprentissage. Vous parlez d'effets d'aubaine, mais vous présentez les mêmes amendements que l'année dernière. Le véritable débat devrait être celui-ci : pourquoi observe-t-on une distorsion entre les contrats de professionnalisation et les contrats d'apprentissage ? Ces dispositifs n'ont pas les mêmes atouts, avec notamment des différences en termes de fiscalité, ce qui crée des complexités. Sur ce sujet, une approche d'uniformisation me semble recommandée.

M. Éric Jeansannetas. - Vous avez indiqué que cette mission contribuait le plus fortement à la réduction des déficits publics. Le contexte est en train de changer. Après l'enthousiasme lié à la loi pour le plein emploi, on s'attend à une multiplication de plans sociaux. Des vents contraires s'annoncent et la mission budgétaire subit fortement la réduction des crédits. Les opérateurs seront directement touchés et, si l'on baisse les effectifs, on s'éloigne de la stratégie d'accompagnement individualisé nécessaire aux jeunes gens en formation ou en recherche d'emploi.

Récemment, nous avons constaté un changement de doctrine concernant l'attribution des crédits aux missions locales sur la signature des contrats d'engagement jeune (CEJ). Cette décision prise en cours d'année met en péril le financement des missions locales. Notre commission des finances, en s'appuyant sur le rapport Patriat-Requier, avait pourtant stabilisé le financement. Aujourd'hui, nous changeons les règles alors que les budgets sont en phase d'exécution, et les conséquences peuvent être importantes.

Une baisse de 1 % des effectifs a été annoncée. Aux yeux du Gouvernement, ce n'est pas très important, mais cela représente quand même 500 équivalents temps plein (ETP) pour France Travail. Avez-vous une idée de la suppression du nombre d'emplois dans les missions locales ? Celles-ci auront-elles encore les moyens de répondre aux nouvelles obligations imposées par la loi pour le plein emploi ? Peut-on imaginer un suivi des missions locales pour évaluer l'impact de ces réductions budgétaires sur l'accompagnement des jeunes parfois très éloignés de l'emploi ?

Même si la garantie jeunes me semblait plus efficace que le CEJ, nous mettons en péril une structure qui a montré son efficacité.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Pour répondre à Grégory Blanc, nous ne voulons pas casser un système qui fonctionne bien, mais nous faisons attention à bien cibler les dépenses pour éviter les dérives. Les coûts sont très importants pour les finances publiques, d'autant plus dans le contexte actuel.

Sur l'apprentissage, on constate des effets d'aubaine pour les contrats concernant les grandes entreprises et les niveaux 5 et 6, c'est-à-dire à partir de la licence et du master. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons le même amendement que l'année dernière.

Nous regrettons la suppression des emplois francs et des contrats aidés dans le secteur marchand. Mais les études, ainsi que nos interlocuteurs, rapportent des effets d'aubaine pour 60 % des contrats aidés dans le secteur marchand, et pour 77 % des emplois francs. On peut, à la suite de ces chiffres, s'interroger sur la pertinence financière de ces dispositifs à l'heure où nos finances publiques sont contraintes ; le Gouvernement propose de les supprimer, nous en prenons acte.

Sur les missions locales, nous partageons les inquiétudes. J'ai rédigé un rapport sur l'intérêt des missions locales. Nous sommes sensibles au fait de ne pas déséquilibrer les finances des collectivités territoriales. Le Gouvernement nous précise que les crédits des missions locales ont beaucoup augmenté ces dernières années, et que cela devrait permettre de supporter la diminution actuelle. Celle-ci ne devrait pas entraîner de baisse de l'emploi dans les missions locales. Selon la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et le cabinet du ministre, seules seraient visées les missions locales excédentaires.

Concernant le plafond d'emplois de France Travail, c'est la première fois que nous vous proposons de valider une baisse. L'année dernière, les effectifs pouvaient compter sur 300 ETP supplémentaires. La loi pour le plein emploi s'appliquera à partir de janvier 2025. À titre personnel, une baisse à hauteur de 1 % du plafond d'emplois ne me paraît pas déraisonnable.

Paradoxalement, les crédits de notre mission augmentent en période de plein emploi et baissent de manière sensible en période plus délicate, de même que les crédits de France Travail. Ce qui coûte le plus cher, ce sont les exonérations de cotisations sociales que nous reversons à la sécurité sociale.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Nous avons trouvé des compromis sur les amendements, mais nous ne partageons pas tout à fait la même vision.

Il est clair que la trésorerie des missions locales sera mise à mal et que des licenciements sont à prévoir. Un certain nombre de missions locales ont répondu à l'appel à manifestation d'intérêt relatif à la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE) ; peut-être vont-elles, par ce biais, récupérer de nouveaux moyens.

En avril dernier, le gel des financements a concerné 200 000 CEJ. Une alerte importante vise également le parcours contractualisé d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie (Pacea).

Le ticket modérateur du compte personnel de formation (CPF), mis en oeuvre en 2024, a rapporté avec d'autres mesures de moindre ampleur près de 312 millions d'euros à France compétences. Mais il existe effectivement une contradiction : lorsque l'entreprise participe au financement de la formation, le ticket modérateur n'est pas dû. De ce fait, un salarié qui souhaite se former dépend aujourd'hui des choix de son employeur. Nous devrons étudier cette question en prenant davantage de recul.

Selon l'Unédic, on constate aujourd'hui une hausse du nombre de demandeurs d'emploi chez les anciens apprentis de bac + 4 et les bac + 5. Les grandes entreprises forment des jeunes et, du fait des avantages procurés par le dispositif, reprennent ensuite un autre alternant.

Article 42

Les amendements II-2 (FINC.1) et II-4 (FINC.2) sont adoptés.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Après l'article 64

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Avec l'amendement II-5 (FINC.3), les aides à l'apprentissage ciblent les entreprises de plus de 250 salariés embauchant des apprentis en dessous des niveaux 6 et 7, c'est-à-dire de la licence et du master.

L'amendement II-5 (FINC.3) est adopté.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - L'amendement II-6 (FINC.4) permet une prise en charge à 90 % des formations de niveau 6, et à 80 % des formations de niveau 7.

L'amendement II-6 (FINC.4) est adopté.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du ministre du travail et de l'emploi

- M. Geoffroy DE VITRY, directeur du cabinet ;

- M. Léon RANGIER, conseiller budgétaire ;

- M. Guillaume JOLLET, conseiller parlementaire.

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

- Mme Rachel BECUWE, cheffe de service ;

- M. Fabrice MASI, chef de service ;

- M. Théophane BABAUD DE MONVALLIER, adjoint au sous-directeur de la sous-direction du financement et de la modernisation ;

- M. Maxime GHIZZI, chef de la mission des affaires financières.

France travail

- M. Thibaut GUILLUY, directeur général ;

- Mme Carine ROUILLARD, directrice générale adjointe administration, finances, gestion ;

- M. Eudes de MOREL, chargé des relations institutionnelles.

France compétences

- M. Stéphane LARDY, directeur général.

Unédic

- M. Jean-Eudes TESSON, président ;

- Mme Patricia FERRAND, vice-présidente ;

- Mme Clémence TAILLAN, directrice de cabinet ;

- M. Jun DUMOLARD, Directeur des Finances et de la Comptabilité

Union nationale des missions locales

- M. Martin DAVID-BROCHEN, 1er vice-président, en charge de l'approche globale de l'accompagnement et des enjeux SI ;

- M. Henri LEBLANC, directeur de la mission locale intercommunale des Mureaux ;

- M. Nicolas GARNIER, directeur de la mission locale de Paris ;

- M. Jean-Marc DELAHAYE, responsable des relations institutionnelles de l'Union nationale des missions locales.

Fédération nationale des directeurs de centres de formation d'apprentis (FNADIR)

- M. Olivier FOUQUET, vice-président ;

- M. Alban MARGUERITAT, délégué national ;

- M. Pascal PICAULT, chargé de mission plaidoyer.

Acteurs de la Compétence

- Mme Isabelle RIVIÈRE, déléguée générale adjointe ;

- M. Vincent CHEVILLOT, administrateur ;

- M. Sébastien PINARD, président de la commission « Trajectoires vers l'emploi ».

Fédération les entreprises d'insertion

- Mme Nadia LANDRY, vice-présidente de la fédération ;

- M. Matthieu ORPHELIN, délégué général de la fédération.

Expert

- M. Bruno COQUET, économiste.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 2 «  Les métamorphoses du FNE-Formation », Rapport n° 637 (2023-2024) fait par M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 29 mai 2024.

* 3 Article 212 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 4 Projet de loi de finances de fin de gestion pour l'année 2024.

* 5 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés. Après la réforme de 2018, une stratégie nationale à définir et un financement à stabiliser, juin 2023.

* 6 Instauré par l'article 6 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

* 7 Le décret n° 2022-508 du 8 avril 2022 relatif au dispositif spécifique d'activité partielle en cas de réduction d'activité durable l'a portée à 36 mois consécutifs ou non sur une période de référence de 48 mois, contre 24 mois consécutifs ou non sur une période de référence de 36 mois auparavant.

* 8 Rapport n° 128 (2023-2024) fait par M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2024, tome III, annexe n° 32.

* 9 Cour des comptes « Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l'apprentissage », Note thématique, juillet 2023. Pour la Cour, l'alternance englobe les contrats d'apprentissage et de professionnalisation.

* 10 Igas/IGF, Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle, mars 2024.

* 11 Coquet B., OFCE Policy Brief, « Apprentissage : quatre leviers pour reprendre le contrôle » n° 135, 12 septembre 2024.

* 12 La moindre diminution des CP (- 1,8 %) traduirait la continuation des financements des contrats d'apprentissage déjà signés.

* 13 Heyer É. et Timbeau, X. (dir.), OFCE Policy Brief, « La croissance à l'épreuve du redressement budgétaire. Perspectives 2024-2025 pour l'économie française », n° 137, 16 octobre 2024.

* 14 OFCE, article cité.

* 15 Article 163 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 16 Loi de finances de fin de gestion pour 2023 ; Loi de finances pour 2024.

* 17 Évaluation préalable de l'article 38 du projet de loi de finances pour 2025.

* 18 Loi de finances de fin de gestion pour 2023 - article 2 ; loi de finances pour 2024 - article 163.

* 19 Amendement n° 227.

* 20 Cet article prévoit une ponction des recettes de l'Unédic à hauteur de 3,35 milliards d'euros en 2025.

* 21 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés. Après la réforme de 2018, une stratégie nationale à définir et un financement à stabiliser, juin 2023.

* 22 Rapport d'information n° 741, «  France Compétences face à une crise de croissance » (2021-2022) - 29 juin 2022.

* 23 MM. Emmanuel Capus et Daniel Breuiller, Rapport n° 771 (2022-2023), Annexe n° 32, 28 juin 2023.

* 24 Loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

* 25 Cour des comptes, « Les entreprises adaptées », Observations définitives, S2023-0640, avril 2023.

* 26 Évaluation préalable du présent article.

* 27 Cour des comptes, « Les entreprises adaptées. Exercices 2017-2022 », Observations définitives S2023-0640, 5 avril 2023.

* 28 «  Quels effet emploi et effets d'aubaine des contrats aidés ? Une évaluation à l'aune de la baisse de leur financement en 2017 », DARES Analyses, n° 45, juillet 2023.

* 29 Euzenat, D., « Estimation de l'effet d'aubaine des contrats aidés. Enseignements d'une expérience quasi naturelle en France », Dares, Documents d'études, n° 269, juillet 2023.

* 30 Décret n° 2019-1471 du 26 décembre 2019 portant généralisation des emplois francs et création d'une expérimentation à La Réunion.

* 31 Igas-IGF, « Revue de dépenses : dispositifs de soutien à l'emploi et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi », avril 2024.

* 32 «  Les emplois francs incitent-ils à embaucher des personnes résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ? », DARES Analyses, n° 52, septembre 2023.

* 33 «  Les métamorphoses du FNE-Formation », Rapport n° 637 (2023-2024) fait par M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 29 mai 2024.

* 34 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 35 «  Les métamorphoses du FNE-Formation », Rapport n° 637 (2023-2024) fait par M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 29 mai 2024.

* 36 Coquet B., «  Apprentissage : un bilan des années folles », OFCE Policy Brief n° 117, juin 2023.

* 37 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés. Après la réforme de 2018, une stratégie nationale à définir et un financement à stabiliser, juin 2023.

* 38 Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop), deux instances paritaires, le Comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation (Copanef) et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), et la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP).

* 39 Cour des comptes, référé S2022-072, France Compétences, une situation financière préoccupante, 9 juin 2023.

* 40 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 41 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés. Après la réforme de 2018, une stratégie nationale à définir et un financement à stabiliser, juin 2023.

* 42 «  France compétences face à une crise de croissance » - Sénat - Rapport d'information n° 741 (2021-2022) de Frédérique Puissat, Corinne Féret et Martin Lévrier - 29 juin 2022.

* 43 Référé précité du 5 avril 2022.

* 44 Décret n° 2024-394 du 29 avril 2024 relatif à la participation obligatoire au financement des formations éligibles au compte personnel de formation.

* 45 IGF-Igas, « Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle », mars 2024.

* 46 Cour des comptes, La formation en alternance. Une voie en plein essor, un financement à définir, juin 2022.

* 47 IGF-Igas, rapport précité, juillet 2023.

* 48 IGF-Igas, « Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle », mars 2024.

* 49 Décret n° 2022-1714 du 29 décembre 2022 relatif à l'aide unique aux employeurs d'apprentis et à l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.

* 50 Il s'agit des entreprises de plus de 250 salariés atteignant le seuil de 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle ou de 3 % d'alternants avec une progression de 10 % sur un an.

* 51 Coquet B., «  Apprentissage : un bilan des années folles », OFCE Policy Brief n° 117, juin 2023.

* 52 Annexe n° 24 du présent rapport général.

* 53 L'apprentissage dans l'enseignement supérieur en 2023, note du SIES, septembre 2024.

* 54 Coquet B., «  Apprentissage : un bilan des années folles », OFCE Policy Brief n° 117, juin 2023.

* 55 Coquet B., OFCE Policy Brief, « Apprentissage : quatre leviers pour reprendre le contrôle » n° 135, 12 septembre 2024.

* 56 Ibid.

* 57 Antoine R., Fauchon A., DEPP et DARES, Note d'Information, n° 23.26, juin 2023 et Antoine R., Fauchon A., DEPP et DARES, Note d'information, n° 23.27, juin 2023 note que les anciens lycéens professionnels de niveau CAP à BTS sont 57 % à être en emploi salarié deux ans après la fin de leurs études, alors que cette proportion est de 73 % pour les anciens apprentis de même niveau.

* 58 Coquet B., OFCE Policy Brief, « Apprentissage : quatre leviers pour reprendre le contrôle » n° 135, 12 septembre 2024.

* 59 Ibid

* 60 Unédic, « Apprentissage et assurance chômage : éléments de suivi » En bref, juillet 2024.

* 61 Amendement n° II-9 rect. de M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances.

* 62 IGF-Igas, Les modalités de financement des centres de formation d'apprentis, juillet 2023.

* 63 Ibid.

* 64 Afin d'éviter un choc trop brutal pour certains CFA, aucune baisse de NPEC de plus de 10 % n'a été recommandée par France Compétences.

* 65 IGF-Igas, rapport précité.

* 66 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 67 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 68 Article 1609 quinvicies du code général des impôts

* 69 Décret n° 2022-1714 du 29 décembre 2022.

* 70 Amendement n° II-9 rect. de M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances.

* 71 1° de l'article L. 6123-5 du code du travail.

* 72 Article L. 6332-14 du code du travail.

* 73 Article L. 6123-5 du code du travail.

* 74 IGF-Igas, Les modalités de financement des centres de formation d'apprentis, juillet 2023.

* 75 Ibid.

* 76 Afin d'éviter un choc trop brutal pour certains CFA, aucune baisse de NPEC de plus de 10 % n'a été recommandée par France Compétences.

* 77 Igas/IGF, Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle, 2024.

* 78 Igas/IGF, Les modalités de financement des centres de formation d'apprentis, juillet 2023 ; Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle, 2024.

* 79 Ce qui en l'état du droit la loi n'autorise pas.

* 80 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-847 DC du 29 décembre 2022, Loi de finances pour 2023, considérant 61.

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