B. PAR RAPPORT À L'EXÉCUTION ATTENDUE POUR 2024, LA RÉDUCTION DES CRÉDITS DE LA MISSION PROPOSÉE POUR 2025 N'APPARAÎT PAS EXCESSIVE

1. En 2024, la mission « Travail et emploi » a fait l'objet d'importantes annulations de crédits en cours d'exercice

En 2024, la mission « Travail et emploi » a connu une exécution chaotique du fait de l'annulation par décret, dès février1(*), de la somme de 1,1 milliard d'euros d'AE et de CP.

Cette somme a porté principalement sur le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » (863,6 millions d'euros en AE et en CP), mais a également touché les autres programmes de la mission.

En revanche, les « gels » de crédits c'est-à-dire les crédits mis en réserve et soustraits à l'administration compétente par le ministère des finances, ont été relativement marginaux sur l'exercice 2024 puisqu'ils sont systématiquement inférieurs, au 14 août 2024, à leur niveau initial.

Récapitulatif de l'exécution du premier semestre 2024

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2024 

Réserve initiale

Annulation 21/02/2024

Réserve au 8 avril 2024

Réserve au 14 août 2024

 
 

102

AE

7 536,9

362,2

228,0

242,9

242,9

 

CP

7 543,2

362,6

228,0

243,4

243,4

 

103

AE

14 544,9

796,8

863,6

179,6

179,6

 

CP

14 308,7

783,8

863,6

179,6

179,6

 

111

AE

184,6

9,6

5,0

7,4

7,4

 

CP

110,0

5,5

5,0

2,1

2,1

 

155

AE

688,6

8,3

3,5

6,4

6,4

 

CP

687,3

8,2

3,5

6,3

6,3

 

Total mission

AE

22 954,9

1 176,9

1 100,0

436,4

436,4

 

CP

22 649,2

1 160,0

1 100,0

431,4

431,4

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) Le programme « Accès et retour à l'emploi » (P102) a subi 228 millions d'euros d'annulation de crédits

Le décret du 21 février 2024 a procédé à une annulation de 228 millions d'euros sur le programme 102. Cette annulation, qui représente 3 % des crédits alloués à ce programme en LFI pour 2024 a eu un impact important sur les dispositifs favorisant l'accès à l'emploi. En l'effet, l'administration s'est vue obligée de prendre des mesures pour tenir compte de cette baisse des moyens, parmi lesquelles :

- une baisse du montant alloué à l'allocation du parcours contractualisé d'accompagnement dans l'emploi et l'autonomie (PACEA), pour une économie de 41 millions d'euros (soit environ 40 % des crédits consacrés à ce dispositif) ;

- une réduction du financement des missions locales de 27 millions d'euros en AE et 37 millions d'euros en CP, leur financement s'établissant à 608 millions d'euros en AE et 595 millions d'euros en CP après l'annulation, soit une diminution de 5,8 % en CP ;

- une réduction du nombre de contrats aidés dans le secteur marchand, pour environ 4 000 contrats en moins, soit - 19 millions d'euros en AE et 4 millions d'euros en CP ;

l'absence de lancement d'un nouvel appel à projets dans le cadre du contrat d'engagement jeunes (CEJ), pour une économie de 31 millions d'euros en AE et 13 millions d'euros en CP.

b) Le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » (P103) a été le principal concerné par les annulations de crédits décidées par le précédent Gouvernement

Les annulations de crédits décidées par le précédent Gouvernement ont été plus importantes s'agissant du programme 103, où elles ont représenté 863,6 millions d'euros, soit 6 % des crédits du programme. À nouveau, l'administration a pris des mesures visant à répercuter cette baisse de moyens sur les dispositifs de formation professionnelle, avec en particulier :

- la suppression de l'aide versée par l'État aux employeurs de personnes bénéficiant d'un contrat de professionnalisation, impliquant une diminution de 78,9 % des crédits en AE (- 236 millions d'euros sur les 299 millions d'euros prévus dans la LFI 2024) et une réduction de 18 millions en CP ;

- la baisse de plusieurs dispositifs relevant du plan d'investissement dans les compétences (PIC), pour une économie de 178 millions d'euros en AE et de 196 millions d'euros en CP ;

- la réduction des crédits dédiés à plusieurs dispositifs de formation professionnelle des salariés, notamment le FNE-Formation (- 118 millions d'euros en AE et - 48 millions d'euros en CP sur l'ensemble des dispositifs) ;

- enfin, diverses mesures d'économies portant sur les dispositifs financés par France Compétences, notamment l'introduction d'un reste à charge à hauteur de 100 euros pour le recours au Compte personnel de formation (CPF), l'encadrement du recours au CPF pour financer le permis de conduire, la réduction de l'enveloppe dédiée aux transitions professionnelles ou encore une nouvelle diminution des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage par l'opérateur. Ces diverses mesures d'économies ont permis de baisser la subvention de l'État à France Compétences de 312 millions d'euros en AE et en CP (- 12,5 % par rapport aux 2,5 milliards d'euros budgétés au titre de cette subvention dans la LFI pour 2024).

Si les annulations portant sur les dispositifs financés directement par la mission ont négativement affecté leur fonctionnement, comme le rapport de contrôle budgétaire des rapporteurs spéciaux l'a montré s'agissant du FNE-Formation2(*), la portée des coupes relatives à la subvention versée à France Compétences doit être nuancée.

Premièrement, la diminution de la subvention ne vient que répercuter la baisse des charges de l'opérateur. Ensuite, une diminution de 312 millions d'euros de la subvention d'équilibre ne représente jamais que 2,2 % des recettes prévisionnelles de France Compétences en 2024. Enfin, les économies réalisées en 2024 étaient, pour certaines, déjà prévues : c'est en particulier le cas de l'introduction d'un reste à charge sur le Compte personnel de formation, dont le principe a été adopté dès la loi de finances initiale pour 20233(*), mais qui avait tardé à se matérialiser.

c) Les programmes 111 et 155 ont subi des annulations de crédits pour des montants très faibles

Bien que facialement peu concernés, les programmes 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations au travail » et 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » ont pu subir des coupes budgétaires non négligeables du fait du décret d'annulation du 21 février 2024.

En effet, 5 millions d'euros ont été annulés sur le programme 111, soit 4,5 % de ses crédits. Cette annulation a principalement porté sur la formation continue des conseillers prud'hommaux (2,6 millions d'euros en AE et 2,3 millions d'euros en CP) et sur le fonds pour l'amélioration des conditions de travail (1,4 millions d'euros en AE et en CP).

Le programme 155 a été peu touché par les annulations de crédits : 3,5 millions d'euros ont été annulés, soit moins de 1 % des crédits. Les dépenses relatives aux systèmes d'information ont été les plus concernées
(- 1,6 millions d'euros).

2. Le projet de loi de finances de fin de gestion ne prévoit pas d'évolution majeure des décaissements

Le projet de loi de fin de gestion (PLFG) pour 20244(*) prévoit d'annuler 556,4 millions d'euros en AE et d'ouvrir 65,5 millions d'euros en CP pour clore l'exercice en cours.

Sur les programmes 102, 111 et 155, les annulations d'AE et de CP correspondent peu ou prou au montant de la réserve de précaution après le « surgel » décidé par le précédent Gouvernement, à date du 14 août 2024.

Sur le programme 103, qui porte notamment les crédits dédiés au financement de l'apprentissage, on constate toutefois des mouvements plus erratiques. En effet, une annulation de 334 millions d'euros en AE est demandée sur ce programme, tandis qu'en CP le Gouvernement demande au contraire l'ouverture de 350 millions d'euros.

Ouvertures et annulations demandées dans le PLFG 2024

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2024 

Annulation 21 fév. 2024

Réserve au 14 août 2024

Ouvertures (+) et annulations (-) prévues dans le PLFG 2024

 
 

102

AE

7 536,9

- 228,0

242,9

- 209,7

 

CP

7 543,2

- 228,0

243,4

- 277,2

 

103

AE

14 544,9

- 863,6

179,6

- 334,9

 

CP

14 308,7

- 863,6

179,6

+ 350,2

 

111

AE

184,6

- 5,0

7,4

- 7,4

 

CP

110,0

- 5,0

2,1

- 3,2

 

155

AE

688,6

- 3,5

6,4

- 4,3

 

CP

687,3

- 3,5

6,3

- 4,2

 

Total mission

AE

22 954,9

- 1 100,0

436,4

- 556,4

 

CP

22 649,2

- 1 100,0

431,4

65,5

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après le PLFG 2024.

Le projet déposé à l'Assemblée nationale par le Gouvernement indique que les annulations en AE visent à tenir compte de la révision à la baisse des prévisions de compensation de cotisations sociales et de l'annulation de la réserve de précaution. Aucune annulation n'est prévue en CP. Au contraire, une ouverture de 350 millions d'euros en CP vise, selon le Gouvernement, à « ajuster les versements au rythme et au niveau des décaissements effectifs des primes aux employeurs d'apprentis, qui ne peuvent être entièrement absorbé par la mobilisation de la réserve de précaution. »

Les rapporteurs spéciaux constatent ainsi une fois de plus que l'évolution des crédits de la mission est surdéterminée par la dynamique de l'apprentissage.

3. En 2025, les crédits proposés diminueraient d'environ 2 milliards d'euros par rapport à l'exécution attendue pour 2024

Comme l'illustre le tableau infra, le projet de loi de finances pour 2025 inscrit les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » dans une dynamique baissière par rapport à l'exécution attendue pour 2024.

S'agissant des crédits de paiement, qui permettent le suivi des décaissements effectifs de l'État, l'exécution 2024 présenterait une minoration de 1,1 milliard d'euros du fait du décret d'annulation de crédits du 21 février 2024 et une très légère augmentation, de 65,5 millions d'euros, du fait des ouvertures demandées sur le programme 103 dans le PLFG 2024 qui compense les annulations demandées sur les autres programmes.

En tenant compte de la mesure de périmètre résultant du transfert des crédits du programme 124 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui représente environ 1 352 millions d'euros, on peut ainsi affirmer que les crédits de la mission diminueraient de 1,3 milliard d'euros entre l'exécution attendue pour 2024 et le PLF pour 2025.

Pour déterminer le niveau des crédits effectivement proposés pour 2025, il convient enfin de tenir compte de la volonté affichée par le Gouvernement de déposer des amendements de crédits afin de diminuer les dépenses de l'État de 5 milliards d'euros supplémentaires par rapport au PLF initialement présenté devant le Parlement. Ainsi, la mission pourrait être amenée à davantage contribuer. Le Gouvernement a en effet déposé, à l'Assemblée nationale, un amendement de crédits visant à faire contribuer la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » à hauteur de 675 millions d'euros supplémentaires.

Cette nouvelle baisse des crédits de la mission viserait, selon le Gouvernement, à réduire les crédits alloués aux opérateurs ainsi qu'à tenir compte des mesures transversales prises en matière de masse salariale (indemnités journalières, ajout de deux jours de carence).

Répartition des diminutions de crédits demandées par le Gouvernement

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2024 

Annulation 21 fév. 2024

Réserve au 14 août 2024

Ouvertures (+) et annulations (-) prévues dans le PLFG 2024

Amendement de crédits à venir

 
 

102

AE

7 536,9

- 228,0

242,9

- 209,7

- 15,5

 

CP

7 543,2

- 228,0

243,4

- 277,2

- 15,5

 

103

AE

14 544,9

- 863,6

179,6

- 334,9

- 654,0

 

CP

14 308,7

- 863,6

179,6

+ 350,2

- 654,0

 

111

AE

184,6

- 5,0

7,4

- 7,4

- 0,1

 

CP

110,0

- 5,0

2,1

- 3,2

- 0,1

 

155

AE

688,6

- 3,5

6,4

- 4,3

- 5,7

 

CP

687,3

- 3,5

6,3

- 4,2

- 5,7

 

Total mission

AE

22 954,9

- 1 100,0

436,4

- 556,4

- 675,3

 

CP

22 649,2

- 1 100,0

431,4

65,5

- 675,3

 

Source : commission des finances du Sénat

Les crédits proposés par le Gouvernement ne s'élèveraient ainsi pas à 21,6 milliards d'euros, mais à 20,9 milliards d'euros. La diminution des crédits par rapport à l'exécution attendue pour 2024 seraient ainsi de 2 milliards d'euros à périmètre constant.

Évolution par programmes des crédits (CP) de la mission
entre la LFI 2024 et le PLF 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires


* 1 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 2 «  Les métamorphoses du FNE-Formation », Rapport n° 637 (2023-2024) fait par M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 29 mai 2024.

* 3 Article 212 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 4 Projet de loi de finances de fin de gestion pour l'année 2024.

Partager cette page