B. LA PROTECTION DES FRONTIÈRES PAR LES SERVICES DE POLICE NÉCESSITERA DES PERSONNELS PLUS NOMBREUX
Dans un contexte de très haut niveau de la pression migratoire et notamment de l'immigration illégale, le travail des FSI est une condition d'autant plus essentielle à la sécurisation effective de nos frontières.
Au sein de la police nationale, la direction nationale de la police aux frontières (DNPAF) est chargée du contrôle aux frontières et de la lutte contre l'immigration clandestine.
La direction nationale de la police aux frontières (DNPAF)
La DNPAF, rattachée à la direction générale de la police nationale (DGPN), assure des missions de contrôle aux frontières, de lutte contre l'immigration irrégulière ainsi que de gestion opérationnelle des centres de rétention administrative (CRA).
Son champ d'intervention comprend la sûreté des moyens et infrastructures de transports internationaux, la centralisation des informations relatives aux flux et risques migratoires et leur analyse à des fins opérationnelles. Elle coordonne également l'éloignement des étrangers en situation irrégulière.
En outre, l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) a en charge la répression des filières d'immigration irrégulière d'entrée, de séjour et de circulation sur le territoire national, du démantèlement des structures organisées employant des étrangers sans titres, des officines de faux documents liés à ces activités, ainsi que de l'identification des flux illicites générés par ces trafics et la saisie des avoirs criminels.
Par ailleurs, le nouvel état-major opérationnel des frontières (EMOF), créé le 1er janvier 2024, est adossé à la DNPAF. Cette nouvelle structurelle rassemble des policiers, gendarmes et douaniers.
Source : police nationale
Outre la DNPAF, d'autres directions de la DGPN contribuent de manière moins centrale aux fonctions de contrôle des flux migratoires, de sûreté des transports et de lutte contre l'immigration clandestine, notamment la direction nationale de la sécurité publique, les compagnies républicaines de sécurité (CRS) et la préfecture de police de Paris. Au total, les effectifs concernés représenteraient 15 977 ETPT en 2025.
La sécurisation des frontières n'incombe toutefois pas qu'à la police nationale. En effet, la gendarmerie, compétente sur 94 % du linéaire frontalier national, contribue également largement à cette mission. Si elle n'est pas dotée d'une direction spécialisée en la matière, contrairement à la police, c'est en raison de son organisation généraliste et pyramidale. Néanmoins, la lutte contre l'immigration clandestine fait partie de son quotidien. Elle assure notamment :
- un contrôle aux frontières : particulièrement sur la façade italienne, les côtes de la Manche et dans les Outre-Mer (Mayotte, Guyane) ;
- le traitement administratif et judiciaire des étrangers en situation irrégulière (y compris la lutte contre les filières d'immigration) ;
- un appui aux autres forces, notamment via la reprise de missions de surveillance de la DNPAF et la gestion ponctuelle de CRA en remplacement de la police nationale.
Environ 1 000 gendarmes mobiles et départementaux sont engagés à temps plein sur les missions de lutte contre l'immigration irrégulière ; s'y ajoutent environ 2 000 réservistes mobilisés quotidiennement.
Face au besoin impérieux de protéger nos frontières et de lutter contre l'immigration clandestine, les moyens des deux forces doivent encore être renforcés.
La DNPAF fait ainsi aujourd'hui face à de nombreux enjeux généraux : hausse de la pression migratoire et du nombre de personnes devant faire l'objet d'un retour forcé, maintien de la fluidité des contrôles dans les aéroports dans le contexte d'une hausse du trafic et de la nécessaire exigence du contrôle, gestion des risques sanitaires et terroristes, poids des changements géopolitiques (Brexit, conflit en Ukraine) et des évènements internationaux, etc.
En 2024, son activité a été marquée par les succès obtenus en matière de fluidité du passage de la frontière à Roissy pendant les JOP, par une meilleure sécurisation de la frontière franco-italienne liée notamment à l'action des forces italiennes, et par la hausse du taux d'occupation des CRA.
Néanmoins, de nouveaux défis sérieux apparaissent, à l'image de la hausse des flux constatés de personnes à la frontière franco-espagnole, de la vigueur des filières de passeurs ou encore des conséquences matérielles de la décision du 2 février 2024 du Conseil d'État, dite jurisprudence « ADDE ». Celle-ci a pour conséquence d'alourdir significativement les protocoles de prise en charge des étrangers en situation irrégulière ; selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, la DNPAF estime que le temps nécessaire au traitement de chaque cas serait désormais 8 fois supérieur. S'y ajoute la future mise en oeuvre, à tous les points de passage de la frontière, du système informatique EES (système d'entrée sortie de l'espace Schengen) d'enregistrement et de contrôle des données personnelles des ressortissants de pays non-membres de l'UE qui franchissent les frontières extérieures de l'espace Schengen ; cela nécessitera selon la DNPAF la création de 462 ETP supplémentaires. En outre, la mise en oeuvre du plan « CRA 3000 », qui vise à faire passer le nombre de places en CRA de 1 959 aujourd'hui à 3 000 en 2027, nécessitera une progression concomitante des effectifs, estimés à 1 600 ETP par la DNPAF32(*).
Dans ces conditions, comme pour ce qui concerne la création de nouvelles brigades de gendarmerie, le rapporteur spécial estime que des créations de postes sont nécessaires en faveur de la DNPAF. À défaut d'un éventuel renforcement des effectifs prévus pour 2025 à l'initiative du Gouvernement dans le cadre de l'examen du présent projet de loi de finances, l'effort devra être produit en 2026 et 2027. Il en va de l'efficacité de notre politique de sécurisation des frontières.
* 32 Réponses de la DGPN au questionnaire du rapporteur spécial.