B. LE SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER PARTICULIÈREMENT DIMINUÉ

1. Des collectivités territoriales à la situation financière fragile

Les collectivités territoriales d'outre-mer sont soumises à des contraintes particulières, dans un contexte de crise économique en Nouvelle-Calédonie et en Martinique notamment. Même si les situations sont très variables d'un territoire à l'autre, sur l'ensemble des DROM, elles font face à des difficultés structurelles communes. L'insularité (exception faite de la Guyane) génère des surcoûts importants sur les charges à caractère général des communes d'outre-mer.

Les dépenses de personnel sont également plus élevées en raison d'une faible intégration intercommunale, de la majoration des traitements des fonctionnaires et de taux d'administration élevés. Ainsi, par exemple, pour le bloc communal dans les DROM, les dépenses de personnel représentent 64,8 % des dépenses de fonctionnement, contre seulement 52,2 % dans l'hexagone.

En ce sens, les taux21(*) d'endettement des collectivités d'outre-mer régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution sont particulièrement élevés. Ainsi, la région de La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la région de la Guadeloupe ont des taux d'endettement supérieurs à 100 % de leurs recettes de fonctionnement, qui devraient s'empirer entre 2023 et 2024. La situation de ces collectivités s'était pourtant significativement améliorée en 2023. Parmi les DROM, seule la collectivité territoriale de Guyane, le département de La Réunion et le département de la Guadeloupe ont des taux d'endettement inférieurs à 35 %.

Évolution du taux d'endettement des principales collectivités
régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La situation des communes et des EPCI d'outre-mer encore plus fragile. Elles représentent d'ailleurs 33 % des avis émis par les chambres régionales des comptes22(*).

En particulier, elles ont fréquemment des retards de versement auprès du réseau des URSSAF des cotisations et contributions sociables dues. Ainsi, les collectivités ultramarines représentaient 25,7 % des restes à recouvrer pour 4,1 % seulement des cotisations et contributions. Par exemple en 2023, les collectivités de Guadeloupe ont cumulé un montant de presque 26 millions d'euros de dette sociale, celles de Guyane 24,3 millions d'euros et celles de Mayotte 16,9 millions d'euros.

Les taux d'épargne brute du bloc communal sont en conséquence significativement plus faibles que dans l'hexagone, où la moyenne est de 17,9 %. En Martinique, le taux d'épargne brute n'est que de 9,4 %, à la Guadeloupe de 10,5 % ou encore en Guyane de 11,3 %. Les communes d'outre-mer ont donc des difficultés plus importantes pour financer l'investissement pourtant indispensable dans ces territoires.

Évolution du taux d'épargne brute du bloc communal des DROM
et de l'hexagone entre 2017 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la Cour des comptes, Rapport sur les finances publiques locales - fascicule 1 (2024)

À noter, toutefois, que l'année 2023 marque une restauration de la capacité d'autofinancement du bloc communal dans les DROM, qui progresse globalement de 19,1 %. Cette hausse est particulièrement élevée à Mayotte, en Guadeloupe et en Guyane, avec une croissance supérieure à 40 %, alors que cet indicateur se dégrade en Martinique de 12,2 %.

2. Les aides aux collectivités territoriales perdent près de 130 millions d'euros
a) Une baisse conséquente des dotations spécifiques aux collectivités territoriales

Les collectivités ultra-marines bénéficient d'un soutien particulier sous forme de dotations spécifiques, financées par l'action 6 « Collectivités territoriales » du programme 123. Ces dotations ont pour objet de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des populations ultra-marines, notamment en termes d'éducation. Le versement de dotations permet de maintenir la capacité financière des collectivités.

En particulier, les dotations portées par l'action 6 bénéficient aux collectivités de Mayotte à hauteur de 28,6 %, à la Guyane à hauteur de 22,4 % et à la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 13,4 %.

Répartition des dotations portées par l'action 6 entre les territoires ultra-marins

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'action 6 finance également les secours d'urgence et de solidarité nationale liés aux calamités, ainsi que les actions de défense et de sécurité civile.

En PLF 2025, les crédits de l'action 6 s'élèvent à 257 millions d'euros en AE et à 202,2 millions d'euros en CP, soit une baisse de 40,1 % par rapport à 2024 en AE et de 38,4 % en CP. L'action perd en tout 172 millions d'euros en AE et 127 millions d'euros en CP.

Il est assez difficile de discerner les sous-actions portant les économies réalisées au titre de l'action 6 « collectivités territoriales ». Toutefois, selon les informations rassemblées par les rapporteurs spéciaux, l'essentiel des économies devraient porter sur les « briques suivantes » :

- le soutien de 100 millions d'euros en AE et de 60 millions d'euros en CP au Conseil départemental de Mayotte ne serait pas reconduit. De même, la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires à Mayotte perdrait 10 millions d'euros ;

- la dotation spéciale de construction et d'équipement des lycées et collèges en Guyane devrait être diminuée de 25 millions d'euros ;

- le dispositif des COROM perdrait 57 millions d'euros en AE et 3,6 millions d'euros en CP ;

- Aucun fonds de secours ne serait pas reconduit.

Ventilation de la baisse des crédits de dotation aux collectivités territoriales
ultramarines de l'action 6 du programme 123

(en millions d'euros)

DSCEES : dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'ensemble de ces baisses est regrettable, au vu des besoins importants des collectivités territoriales ultramarines. Mayotte rencontre en particulier des difficultés importantes, face auxquelles un soutien important est nécessaire.

En particulier, concernant les COROM, il est regrettable que le niveau des crédits ouverts en LFI 2024 n'ait pas été reconduit. Aucun nouveau contrat COROM ne devrait être signé en 2025, ce qui est particulièrement dommage, au vu des effets positifs avérés de ce dispositif, comme en témoignait un rapport23(*) d'information de la commission de juin 2023.

Le dispositif COROM

Pour aider les communes des DROM présentant des difficultés financières importantes, la loi de finances initiale pour 2021 a introduit par amendement les contrats de redressement outre-mer (COROM). Ce dispositif résulte des constats du rapport « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer : pour un accompagnement en responsabilité » du député Jean-René Cazeneuve et du sénateur Georges Patient publié en décembre 2019 qui relevait que, sur les 129 communes des DROM, un tiers avait des délais de paiement supérieurs à 30 jours et plus de la moitié étaient inscrites dans le réseau d'alerte des finances publiques. Les critères d'éligibilité, modalités de signature et de suivi des contrats sont définis dans une circulaire conjointe des ministères de l'économie, des finances et de la relance, des collectivités territoriales et de la ruralité et des outre-mer du 2 février 2021.

Les COROM visent à apporter un soutien spécifique de l'État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux. Les communes qui signent un COROM s'engagent, en contrepartie d'un soutien financier de l'État, à redresser leur situation financière. Ce dispositif d'accompagnement est donc basé sur :

- un effort de diagnostic et d'ingénierie préalable qui doit être mené au niveau local avec l'appui de l'agence française de développement (AFD) ;

- un accompagnement afin de mener certaines réformes structurelles indispensables concernant par exemple la fiscalité (meilleure identification des bases), la maitrise de certaines dépenses de fonctionnement, l'amélioration de la gestion de la chaîne de la dépense ou de la sincérité des comptes ;

- la restauration des marges de manoeuvre en section de fonctionnement, notamment sur la maitrise des frais de personnel, qui reste un enjeu majeur dans les collectivités ultramarines ;

- une aide de l'État au processus de redressement, apportée en fonction des efforts de la collectivité ;

- une perspective pluriannuelle afin de redresser la situation financière de la collectivité contractante.

Source : commission des finances du Sénat

La subvention exceptionnelle pour le syndicat des eaux de Guadeloupe devrait toutefois être reconduite, à hauteur de 20 millions d'euros. Elle avait été introduite par la loi24(*) de finances pour 2023, avec une enveloppe exceptionnelle de 30 millions d'euros, dans le but de pallier rapidement les difficultés rencontrées en termes de distribution et de desserte en eau potable. Dans ce contexte, un contrat d'accompagnement renforcé pour la période 2023-2025 a été signé avec pour objectif de définir une trajectoire budgétaire financière, de préciser les modalités de mise à disposition des assistants techniques et d'organiser la gouvernance et le suivi du contrat au regard du soutien de l'État.

Dans la continuité de la signature de l'accord structurel en 2021 entre l'État et la Collectivité territoriale de Guyane, le soutien exceptionnel de l'État à la collectivité territoriale de Guyane en vue de rétablir sa capacité d'autofinancement en contrepartie d'engagements relatifs à la maitrise des dépenses de fonctionnement, de fiabilité des comptes ou de respect des délais de paiement est prolongé en 2025 à hauteur de 25 millions d'euros en AE et CP, après 30 millions d'euros en 2024.

S'il est satisfaisant que le montant de ces deux subventions soit a priori sanctuarisé, de manière générale la baisse des dotations fournies aux collectivités territoriales est regrettable.

b) Un soutien maintenu aux politiques sanitaires et sociales propres aux outre-mer

Suite à l'achèvement, en 2020, de la contribution financière au Régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), une « convention globale de santé 2021-2023 » a été signée le 14 octobre 2021 entre l'État et la Polynésie française. Dans le cadre de cette nouvelle convention, le ministère des outre-mer s'est engagé à verser annuellement sur la durée de la convention 4 millions d'euros en AE et CP à la collectivité de Polynésie Française au-delà des 4 millions d'euros prévus dans le contrat de développement et de transformation de ce territoire. Ces crédits ont été inscrits pour la première fois depuis la signature, en LFI 2023 et sont reconduits en 2025, au titre de l'action 4 « sanitaire, social, culture, jeunesse et sports ».

3. Des nouveaux contrats de convergence et de transformation (CCT) pour 2024-2027 peu abondés au PLF 2025, après une première génération de CCT faiblement exécutée
a) Une première génération de CCT (2019-2023) dont les montants n'ont pas été intégralement engagés

Prévus par la loi25(*) du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle Outre-mer qui avait pour but de réduire les écarts de développement persistants avec l'hexagone, les contrats de convergence et de transformation (CCT) succèdent aux contrats de plan État-Région (CPER). Ils ont pour objectif d'investir en faveur du développement des territoires tout en prenant en compte les spécificités et les besoins de l'outre-mer et s'inscrivent, par ailleurs, dans la « Trajectoire 5.0 » déclinée pour les territoires ultramarins (zéro carbone, zéro déchet, zéro vulnérabilité au dérèglement climatique, zéro intrant polluant, zéro exclusion).

Une première génération de contrats a été signée le 8 juillet 2019 pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, les régions Guadeloupe et La Réunion, le département de Mayotte et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, ainsi que le 22 juin 2020 pour Saint-Martin. Le contrat de développement et de transformation 2021-2023 a été signé en 2021 par la Polynésie française. La Nouvelle-Calédonie utilise un contrat de développement (CDEV), qui repose sur les dispositions spécifiques de l'article 210 de la loi26(*) organique du 19 mars 1999.

L'ensemble de ces contrats devaient initialement se terminer en 2022 mais ont été prolongés jusqu'en décembre 2023.

Au titre des seuls CCT, le montant contractualisé avec l'État sur le programme 123 s'élève à 417,67 millions d'euros pour la période 2019-2023.

Or il est frappant de constater que l'intégralité des montants contractualisés entre 2019 et 2023 n'ont pu être intégralement engagés. Ainsi, au total, le taux d'engagement sur les montants contractualisés fin 2024 est de 87 %. Le taux de couverture des engagements sur les montants contractualisés n'est même que de 57 % en 2024.

En particulier, à Mayotte seuls 68 % des montants contractualisés ont été engagés ; en Guyane la proportion n'est que de 73 % et à La Réunion ce sont 86 % des montants contractualisés qui ont pu être engagés seulement. Par ailleurs, le taux de couverture des engagements est particulièrement faible en Guadeloupe et à Saint-Martin (à hauteur de 23 %), en Martinique (37 %) et à La Réunion (56 %).

Exécution des CCT entre 2019 et 2024

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les faibles taux de consommation en 2020 et 2021 s'expliquaient en partie par l'impact de la crise sanitaire sur la vie économique des territoires d'outre-mer, et par voie de conséquence le ralentissement des chantiers et de la programmation des opérations. Toutefois, la consommation des années 2022 et 2023 n'a pas permis de rattraper ce retard.

Or, les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement étant soumis au principe d'annualité, conformément à l'article 15-I de la LOLF, les AE non engagées à la fin des contrats n'ont donc pas pu être reportées sur des nouveaux contrats et sont normalement annulées. Ce sont donc 69,8 millions d'euros en AE qui n'auront pas été engagées au titre des CCT et qui sont perdues pour les collectivités ultra-marines.

Concernant spécifiquement le contrat de développement et de transformation de la Polynésie, signé en 2021 et couvrant la période 2021-2023, le taux de consommation des AE, fin 2024, s'élève à 103 % et le taux de couverture des engagements à 47 %.

Enfin, pour la Nouvelle-Calédonie, le contrat de développement signé entre 2017 et 2023, pour un montant de 449,1 millions d'euros, a été engagé à hauteur de 93 %, et couvert à 67 %.

Il serait donc souhaitable que des solutions soient déployées pour soutenir les collectivités notamment en termes d'ingénierie financière, afin de leur permettre d'engager les montants auxquelles elles ont droit au titre des CCT. Autrement, cette situation risque de se reproduire dans le cadre de la nouvelle génération de contrats.

b) De nouveaux CCT (2024-2029) moins ambitieux que la génération précédente

De nouveaux CCT ont été signés en 2024 dans presque toutes les collectivités ultramarines, à l'exception notamment de La Réunion. Ces contrats devraient permettre de mobiliser 8,7 milliards d'euros pour les territoires ultra-marins, dont 2,7 milliards d'euros en provenance de l'État. Au total, ce sont 794,7 millions d'euros qui devraient être décaissés au titre du programme 123, entre 2024 et 202927(*), alors que l'annonce initiale était un engagement de 890 millions d'euros sur les crédits de la mission outre-mer entre 2024 et 2027.

Ainsi, la nouvelle génération de CCT perd 17 % des crédits contractualisés au titre de 2019-2023. En particulier, la Guadeloupe, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française subissent des baisses importantes de montant. Pour la Guyane par exemple, la diminution du montant contractualisé peut être justifiée par le faible taux d'engagement des crédits du CCT précédent. Ce raisonnement n'est toutefois pas valable pour la Guadeloupe par exemple, qui avait engagé 108 % des montants contractualisés entre 2019 et 2023, même si elle n'en avait couvert que 23 %.

Montant contractualisé des CCT entre 2024 et 2029

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

c) Des CCT faiblement financés au titre du PLF 2025

Sur cette base, en PLF 2025, les crédits alloués à l'action 2 s'élèvent à 86,4 millions d'euros en AE et à 41,6 millions d'euros en CP, soit une baisse respectivement de 63 % en AE et de 76,1 % en CP par rapport à la LFI 2024. Au titre de la contractualisation, 57,22 millions d'euros en AE et 14,6 millions d'euros en CP ont été ouverts, soit une baisse de 138,1 millions d'euros en AE et de 127 millions d'euros en CP.

Le PLF 2025 permet en l'état de financer 7 % des engagements pris sur une période de 5 ans, bien loin des 17 %, soit 88,3 millions d'euros en AE, qui seraient nécessaires pour engager chaque année la même somme et faciliter ainsi les opérations des collectivités bénéficiaires.

En deux ans, au titre de 2024 et 2025, ce sont au mieux 130,2 millions d'euros qui pourront être engagés au titre des CCT, soit 16,3 % des montants contractualisés pour la période 2024-2029. Toutefois, les collectivités ont de fait besoin de soutien pour être en mesure d'engager ces montants, comme l'a montré l'expérience des précédents CCT. Ces deux années pourraient être mises à profit pour développer les compétences en ingénierie des collectivités.

Les autres opérations de l'action 2 « Aménagement du territoire » permettent de financer notamment la convention de fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 11 millions d'euros en AE et en CP.

4. Une baisse de l'appui aux investissements des collectivités
a) Malgré une consommation en progrès, le fonds exceptionnel d'investissement raboté de 18,7 % de ses crédits

Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) a été créé en 2009 par la loi28(*) dite « LODEOM » qui prévoit que l'objet du fonds est d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent des investissements sur des équipements publics collectifs participant de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local.

Les crédits ouverts au titre de fonds exceptionnel d'investissement s'élèvent en 2025 à 110 millions d'euros en AE et à 71 millions d'euros en CP, soit une baisse de 50 millions d'euros en AE et de 17 millions d'euros en CP. La baisse du montant des crédits du FEI est dommage, d'autant que les taux de consommation des crédits du FEI se sont fortement améliorés, tant en 2022 qu'en 2023, où ils ont été consommés à plus de 100 % concernant les CP.

Montant ouvert et exécuté au titre du FEI entre 2018 et 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Il est par ailleurs regrettable qu'une partie de ces crédits soit fléchée sur les constructions scolaires de Mayotte. Dans ce domaine, les besoins sont considérables et le FEI « scolaire » est devenu une pratique depuis 2017. Il n'en demeure pas moins en contradiction avec le principe de limitation des cofinancements entre le FEI et les autres crédits du budget de l'État. Il est également révélateur des besoins importants dans ce domaine. Sur ce sujet, les rapporteurs spéciaux renvoient au rapport29(*) fait au nom de la commission des finances sur le fonds exceptionnel d'investissement et publié en juin 2022 et à leurs recommandations en vue d'améliorer l'utilisation du fonds et la consommation des crédits. Il serait préférable que les crédits alloués par le FEI aux constructions scolaires de Mayotte soient budgétés dans l'action 6 « collectivités territoriales ».

b) Des crédits moins importants pour financer des taux bonifiés

L'action 9 du programme 123 vise à favoriser les investissements des acteurs publics en réduisant le coût des ressources empruntées et à assurer l'accompagnement des collectivités ultramarines dans leurs projets d'investissements. Cette action est réalisée par l'intermédiaire de l'Agence française de développement (AFD).

Cet appui se traduit par une bonification d'intérêt aux prêts accordés par l'AFD aux collectivités territoriales et aux personnes publiques mais aussi par la mise en oeuvre d'actions d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) dont l'exécution est confiée à l'AFD, via les dispositifs du Fonds outre-mer (FOM).

En PLF 2025, les crédits ouverts au titre des financements bancaires et de l'ingénierie s'établissent à 23,4 millions d'euros en AE et 32,9 millions d'euros en CP soit une diminution de 66 % en AE (46 millions d'euros) et 12,7 % en CP (4,8 millions d'euros), essentiellement en raison de la baisse des AE accordées au titre de la bonification des prêts octroyées aux personnes publiques par l'AFD.

Dans le cadre d'une stratégie de soutien au financement des personnes publiques et en lien avec le programme du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) ainsi qu'au travers de la politique contractuelle de l'État, le programme 123 porte les crédits destinés à la bonification des prêts octroyés aux personnes publiques pour leurs opérations d'investissement par l'Agence française de développement (AFD).

Au moyen des prêts qu'elle octroie au profit du secteur public, mais aussi par son rôle d'appui technique et d'accompagnement, l'AFD favorise le financement des projets d'investissement et la réalisation d'infrastructures et d'équipements publics, notamment dans les domaines de l'adduction d'eau potable, de l'assainissement, de la gestion des déchets mais aussi de la cohésion sociale et de l'aménagement urbain. Au titre de 2023, ce sont 345 millions d'euros d'engagements bonifiés que l'AFD a réussi à conclure, au bénéfice de 72 établissements du secteur public ultramarin. L'objectif est fixé à 380 millions d'euros d'engagements bonifiés en 2024.

En PLF 2025, les crédits ouverts pour ces prêts à taux bonifiés sont de 14,75 millions d'euros en AE et de 16,1 millions d'euros en CP, soit une baisse de 23,35 millions d'euros en AE. Si l'effet levier des bonifications constatés en 2023 est maintenu (10 euros de financement pour 1 euro de bonification), alors ce sont seulement 234 millions d'euros d'engagement bonifiés qui seront possibles.

c) Un soutien en baisse de l'ingénierie

Le contexte du plan de relance a renforcé la nécessité d'un appui à l'ingénierie au profit des collectivités territoriales, afin de leur permettre d'engager rapidement les nombreux projets qu'elles doivent réaliser.

Ainsi, le Fonds 5.0, créé en 2019, a été reconduit sous l'appellation « Fonds outre-mer » (FOM) et doté de crédits issus du plan de relance, à hauteur de 30 millions en AE pour 2021 et 2022. Pour poursuivre ce soutien à l'ingénierie, via l'AFD, la LFI 2024 prévoyait un financement de ce dispositif à hauteur de 10 millions d'euros en AE et 5 millions d'euros en CP. Cette hausse de 1 million d'euros en CP s'explique par la temporalité de mise en oeuvre des projets financés par le FOM qui s'accélère.

En LFI 2025, le FOM serait financé à hauteur de 10 millions d'euros en AE et de 2 millions d'euros en CP. Cette baisse du soutien à l'ingénierie dans les collectivités territoriales est particulièrement regrettable.

d) Un maintien du financement des sociétés privées

La SOGEFOM, détenue à 58,7 % par l'AFD, a pour but d'apporter une garantie partielle à des opérations de financement engagées par les établissements de crédit en faveur des TPE et PME intervenant dans les collectivités d'outre-mer du Pacifique. Cependant, au 31 décembre 2021, le niveau du potentiel d'engagement de la SOGEFOM ne permettait plus de poursuivre l'activité de garantie sur la totalité de l'année 2022. Aussi, le besoin 2022 a été comblé par la réallocation de 4 millions d'euros, depuis les disponibilités de la Caisse d'investissement des outre-mer (CIOM).

En LFI 2023, 3 millions d'euros en AE, avec une clé d'écoulement des CP de 1 million d'euros par an sur les trois prochaines années, avaient été prévus pour financer l'activité de cet établissement de crédit. Ce soutien semble maintenu en PLF 2025.

En revanche, aucun nouvel abondement n'a été prévu pour l'initiative Kiwa, qui a été lancée par l'AFD en mars 2020. Elle vise à faciliter l'accès aux financements de porteurs de projets (incluant les collectivités locales) en lien avec le développement de solutions fondées sur la nature (SFN), à travers des subventions ou de l'assistance technique, avec pour objectif de lutter contre les effets du changement climatique. Cependant, au début de l'été 2022, l'intégralité des AE issues de la contribution initiale du ministère chargé des outre-mer avait été consommée, excluant de fait la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie des prochains appels à projets. Ainsi, la LFI pour 2023 a prévu un abondement complémentaire au bénéfice de l'Initiative Kiwa à hauteur de 4 millions d'euros en AE avec un décaissement de CP sur deux ans afin de compléter la contribution initiale intégralement consommée.

Or, au regard des besoins dans ce domaine, les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner que les besoins pourraient être plus importants que le niveau des crédits ouverts en 2023 et 2024 et craignent, subséquemment, un accès limité à l'emprunt pour certains acteurs économiques locaux.


* 21 Le taux d'endettement est défini ici comme le ratio entre l'encours de dette et les recettes de fonctionnement des collectivités.

* 22 Données issues du rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales, fascicule 1 (2024).

* 23 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances par les rapporteurs Georges Patient et Teva Rohfritsch sur « Les contrats de redressement outre-mer (COROM) : pour des moyens à la hauteur des enjeux.

* 24 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 25 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 26 Loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 27 D'après les informations communiquées par la direction générale des outre-mer aux rapporteurs spéciaux.

* 28 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer.

* 29 Rapport d'information n° 727 (2021-2022) du 22 juin 2022 - par MM. Georges PATIENT et

Teva ROHFRITSCH, fait au nom de la commission des finances.

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