N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 20

OUTRE-MER

Rapporteurs spéciaux : MM. Georges PATIENT et Stéphane FOUASSIN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La mission « Outre-mer » a pour principal objectif le rattrapage des écarts persistants entre l'outre-mer et l'hexagone et la convergence des niveaux de vie. Elle rassemble les crédits du programme 138 « Emploi outre-mer » et du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».

I. LA MISSION « OUTRE-MER », UNE BAISSE DE 9 % DE CRÉDITS

A. UNE DIMINUTION DE 250 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS DE PAIEMENT

Les crédits de la mission « outre-mer » présentés dans le PLF pour 2025 s'élèvent à 2,78 milliards d'euros en AE et à 2,56 milliards d'euros en CP, soit une baisse de 12,5 % en AE et de 8,9 % en CP par rapport à la LFI 2024. En volume, la mission « Outre-mer » a perdu près de 400 millions d'euros en AE et près de 250 millions d'euros de CP.

Évolution des crédits de la mission « Outre-mer » entre 2024 et 2025

(en euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

La mission « outre-mer » fait partie des missions budgétaires les plus impactées par la baisse des crédits au PLF 2025.

Principales missions frappées par une baisse de crédits au PLF 2025 

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

B. UN PROGRAMME 123 RABOTÉ À PLUS D'UN TIERS DE SES CRÉDITS

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » perd en effet 34,1 % de ses crédits, représentant 314 millions d'euros. Les coupes sont supportées essentiellement par l'action 2 « Aménagement du territoire », qui porte les contrats de convergence et de contractualisation (CCT), et par l'action 6 « Collectivités territoriales ».

Ventilation de la baisse des crédits entre la LFI 2024 et le PLF 2025 du programme 123

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

1. Les collectivités territoriales particulièrement touchées par la baisse des crédits

Les collectivités territoriales d'outre-mer sont soumises à des contraintes particulières, dans un contexte de crise économique. Les dépenses de personnel par exemple représentent 64,8 % des dépenses de fonctionnement du bloc communal, contre seulement 52,2 % dans l'hexagone.

Or les dotations spécifiques aux collectivités d'outre-mer portées par l'action « Collectivités territoriales » sont rabotées fortement, via notamment la suppression du soutien de 60 millions d'euros au Conseil départemental de Mayotte et la diminution de 25 millions d'euros de la dotation spéciale de construction et d'équipement des lycées et collèges en Guyane. Le dispositif des COROM perd 3,6 millions d'euros.

Une nouvelle génération de contrats de convergence et de transformation (CCT) est de plus en cours de signature dans les territoires ultramarins, pour un total de 794,7 millions d'euros qui devraient être décaissés au titre du programme 123, entre 2024 et 2029.

Si seuls

la nouvelle génération de CCT (2024-2029) perd jusqu'à

Le financement programmé en PLF 2025 permet ainsi de financer seulement

 
 
 

des montants contractualisés entre 2019 et 2024 ont été engagés,

par rapport au montant contractualisé entre 2019 et 2024.

du montant contractualisé pour la période 2024-2029.

2. La continuité territoriale, un dispositif indispensable pour les populations ultramarines et trop peu financé

Les crédits prévus au titre de la continuité territoriale s'élèvent à 62,9 millions d'euros, soit une baisse de 17,6 % par rapport à la LFI 2024. Si ces crédits restent supérieurs de 11 millions d'euros par rapport aux crédits exécutés en 2023, ils risquent d'être insuffisants pour couvrir les nouvelles mesures instaurées en 2024 (aide pour les formations professionnelles etc.) et des redéploiements ou des ouvertures de crédits en cours d'année pourraient être nécessaires.

Ce dispositif est largement utilisé par les populations ultramarines, le nombre de bénéficiaires ayant doublé depuis 2018. Par comparaison, la dotation de continuité territoriale destinée à la Corse est de 187 millions d'euros, soit un montant trois fois supérieur.

C. UNE HAUSSE NÉCESSAIRE DU PROGRAMME 128 POUR COUVRIR L'ENSEMBLE DES EXONÉRATIONS SOCIALES, MAIS DES POINTS D'ATTENTION SUR LA RÉFORME ENVISAGÉE EN PLFSS

Ls crédits ouverts au titre de la compensation des exonérations sociales « LODEOM » s'élèvent à 1,6 milliard d'euros, soit une hausse de 6,7 % par rapport à la LFI 2024. Il s'agit de dépenses de guichet, qui avaient déjà été sous-estimées à hauteur de 403 millions d'euros en LFI 2023, en raison de la difficulté à établir des prévisions fiables.

Le dispositif « LODEOM » pourrait être profondément réformé par l'article 6 du PLFSS pour 2025, qui modifie le modèle de la réduction générale dégressive sur lequel sont assises aussi ces exonérations. Une autorisation de légiférer par ordonnance est également demandée par le Gouvernement, pour réformer le dispositif en profondeur, grâce aux conclusions d'une mission IGF-IGAS, qui devraient être rendues en novembre. Un délai supplémentaire, par exemple de 6 mois, pour discuter des évolutions de ce dispositif, serait bienvenu.

Les rapporteurs spéciaux suivront avec attention les modifications apportées par l'article 6 du PLFSS aux exonérations « LODEOM » et espèrent qu'un débat spécifique aux dispositifs ultramarins pourra avoir lieu au Parlement.

D. UNE HAUSSE DE LA CONSOMMATION DES CRÉDITS DE LA MISSION, MALGRÉ DES RESTES À PAYER TOUJOURS ÉLEVÉS

En 2023, les crédits de la mission « Outre-mer » ont été sur-exécutés de 17,2 % par rapport aux prévisions de la LFI 2023, en raison notamment d'une mauvaise prévision des montants d'exonérations à compenser à l'ACOSS. Parallèlement, le maintien des restes à payer demeurent très élevés, avec 2,26 milliards d'euros, dont 2,17 milliards d'euros sur le programme 123.

Évolution de la prévision et de l'exécution des crédits entre 2021 et 2023

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. EN COMPLÉMENT, DES DÉPENSES FISCALES NÉCESSAIRES MÊME SI ELLES SONT DIFFICILES À ÉVALUER

Des dépenses fiscales rattachées à la mission viennent compléter les crédits budgétaires afin de dynamiser l'économie et l'attractivité des territoires d'outre-mer. Elles sont chiffrées à 5,46 milliards d'euros en PLF 2025, ce qui représente 2,3 % de plus qu'en 2024.

Si la pertinence de ces dispositifs est parfois contestée, elles représentent pourtant des outils indispensables pour permettre le rattrapage économique des territoires ultramarins.

III. L'EFFORT BUDGÉTAIRE TOTAL DE L'ÉTAT EST GLOBALEMENT EN BAISSE DANS LES OUTRE-MER

Au-delà de la seule mission ici présentée, le montant total des contributions budgétaires de l'État en faveur des outre-mer s'élève à 21,1 milliards d'euros en PLF 2025. Il convient de noter que l'affectation de 2,8 milliards d'euros de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) minore d'autant l'effort budgétaire de l'État en faveur des outre-mer. Si on exclut ces dépenses, alors l'effort de l'État en faveur des outre-mer ne diminue que de 3 % par rapport à 2024, la baisse étant essentiellement portée par la mission « Outre-mer » et, dans une moindre mesure, par la mission « Écologie ».

Ventilation de la baisse des financements de l'État en outre-mer
entre 2024 et 2025, hors programme 345

(en millions d'euros et en AE)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Enfin, des interrogations demeurent quant aux possibilités de mobilisation du fonds vert dans les outre-mer en 2025.

Au regard de ces éléments, les rapporteurs spéciaux ont recommandé de ne pas adopter les crédits.

Réunie le 6 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 0,9 % des réponses étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Outre-mer ».

PREMIÈRE PARTIE
LES TERRITOIRES D'OUTRE-MER,
UN RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE NÉCESSAIRE
ET DES DÉFIS MAJEURS À RELEVER

À titre liminaire, les rapporteurs spéciaux rappellent que le principal objectif de la mission « Outre-mer » du budget général de l'État est le rattrapage des écarts persistants entre les territoires d'outre-mer et l'hexagone et la convergence des niveaux de vie dans le domaine socio-économique. -

Au vu des écarts socio-économiques persistants entre les territoires d'outre-mer et l'hexagone, ce rattrapage doit demeurer une priorité.

Pour autant, de nouveaux enjeux se font jour pour les territoires d'outre-mer, dont les crédits de la mission « Outre-mer » doivent tenir compte à l'avenir.

La crise inflationniste a mis en exergue la dépendance des territoires d'outre-mer à l'égard des importations, notamment alimentaires. Plus fondamentalement, les territoires outre-mer sont fortement exposés aux risques climatiques et des politiques propres à ces territoires d'adaptation et d'atténuation des risques sont nécessaires.

À cet égard, les annonces faites à l'issu de comité interministériel des outre-mer (CIOM) le 18 juillet 2023 représentent une avancée notable mais ne répondent cependant pas à toutes les attentes. De surcroit, elles n'ont pas encore toutes été concrétisées par des moyens budgétaires et doivent être mises en oeuvre.

I. DES INÉGALITÉS DE DÉVELOPPEMENT PERSISTANTES ENTRE L'OUTRE-MER ET L'HEXAGONE

A. UN RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE INACHEVÉ DES OUTRE-MER PAR RAPPORT À L'HEXAGONE

1. Un niveau de richesse par habitant plus faible que dans l'hexagone

Les territoires d'outre-mer accusent un écart de développement persistant par rapport à l'hexagone, malgré les politiques de rattrapage mises en oeuvre.

Ainsi, la richesse produite par habitant, représentée par le Produit intérieur brut (PIB) par habitant, est plus faible en Martinique, à Mayotte, La Réunion, la Guadeloupe et en Guyane que dans les autres régions de France, y compris la Corse.

Classement des PIB par habitant régionaux de l'hexagone et des DROM en 2022

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE

Le PIB par habitant produit dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) représente en moyenne 57 % de la richesse par habitant de France métropolitaine. En particulier, la Guyane et Mayotte accusent une richesse par habitant bien inférieure à la valeur métropolitaine. Le PIB par habitant mahorais représente seulement 29,4 % du PIB par habitant métropolitain et celui de la Guyane 39,8 %. La Martinique, La Réunion et la Guadeloupe sont moins désavantagées, avec un PIB par habitant représentant respectivement 69 %, 62,7 % et 66 % de la valeur métropolitaine.

Part du PIB par habitant des DROM par rapport au PIB
par habitant métropolitain

Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE

Toutefois, malgré l'écart persistant de richesse entre l'hexagone et les outre-mer, celui-ci ne s'est pas davantage creusé depuis 24 ans et s'atténue même légèrement, ce qui montre l'impact des politiques publiques de rattrapage mises en oeuvre. Ainsi, le PIB par habitant a augmenté de près de 60 % en France métropolitaine, alors qu'il a augmenté de plus de 70 % dans les DROM. Cette tendance doit toutefois être approfondie pour achever le rattrapage économique des outre-mer.

Évolution du PIB par habitant des DROM entre 2000 et 2022

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE

Lors des quatre dernières années, l'évolution du PIB par habitant est relativement similaire en outre-mer par rapport au reste de la France. Entre 2018 et 2022, le PIB par habitant a augmenté de 10,2 % en France métropolitaine, contre 10,67 % dans les DROM. Toutefois, ce constat masque des disparités importantes entre les DROM : entre 2018 et 2022, le PIB par habitant a augmenté de 25 % à Mayotte, de 12 % en Martinique, de 12,5 % à La Réunion et de 10,7 % en Guadeloupe, alors qu'il a stagné en Guyane.

De plus, les inégalités de richesse sont plus importantes en outre-mer que dans l'hexagone. L'indice de Gini, d'autant plus élevé que les inégalités sont importantes, a une valeur supérieure dans les territoires d'outre-mer que dans l'hexagone. Il est plus élevé de 41 % à Mayotte, de 36 % en Martinique, de 33 % en Guyane et de 31 % en Nouvelle-Calédonie que l'indicateur métropolitain.

Indice de Gini dans les territoires d'outre-mer

L'indice de Gini est un indicateur représentant les inégalités de revenu, 0 représentant une situation parfaitement égalitaire et 1 une situation parfaitement inégalitaire, où tous les revenus seraient aux mains d'une seule personne.

Source : commission des finances à partir des données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE

Les natifs des DROM sont ainsi plus souvent d'origine modeste ou très modeste, à hauteur de 70 % pour La Réunion et les Antilles, que les natifs de France métropolitaine, dont la moitié seulement est d'origine modeste ou très modeste. Environ un natif des Antilles et de La Réunion sur dix est d'origine favorisée, contre un sur quatre pour les métropolitains.

Cette différence de richesse par rapport à l'hexagone a des incidences élevées en termes de qualité de vie. Ainsi, l'espérance de vie à la naissance est plus élevée dans l'hexagone, où elle s'élève à 85,3 ans pour les femmes et 79,4 ans pour les hommes, qu'en outre-mer, notamment à Mayotte (74,6 ans pour les femmes et 72,3 ans pour les hommes) et en Polynésie française (76,3 ans pour les femmes et 71,5 ans pour les hommes).

Espérance de vie à la naissance dans les territoires d'outre-mer

Source : données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE

Les politiques de rattrapage des écarts socio-économiques entre l'outre-mer et l'hexagone sont donc nécessaires dans ces territoires soumis à des contraintes notamment géographiques et démographiques fortes.

2. Malgré une population relativement jeune, un chômage persistant

L'évolution démographique des outre-mer est globalement plus importante que la tendance métropolitaine. En 10 ans, la population a augmenté de 5,4 % en outre-mer, alors que la hausse n'a été que de 3,4 % en France métropolitaine. Ce constat masque toutefois à nouveau des disparités importantes entre les territoires d'outre-mer. Ainsi, l'augmentation de la population est particulièrement importante à Mayotte et en Guyane, où la hausse est respectivement de 42,7 % et de 23 % entre 2013 et 2023. À l'inverse, la population a décru en Guadeloupe et en Martinique, de respectivement 6,5 % et 9,8 % en 10 ans. Si l'augmentation de population est globalement semblable à celle de la France métropolitaine en Polynésie française, à hauteur de 4 %, elle est plus faible en Nouvelle-Calédonie, où elle ne représente que 1,7 %.

Certains territoires d'outre-mer ont donc une population vieillissante, notamment en Guadeloupe et en Martinique, où la population de plus de 65 ans représente respectivement 97,1 % et 114,3 % de la population de moins de 20 ans. En Martinique, il y a plus de personnes de 65 ans et au-delà, que de jeunes de moins de 20 ans. À l'inverse, Mayotte, la Guyane et la Polynésie française ont une population beaucoup plus jeune, les personnes de plus de 65 ans représentant respectivement 4,9 %, 16,7 % et 32 % de la population de moins de 20 ans. L'indice de vieillissement est globalement plus faible en outre-mer qu'en France métropolitaine, la population de plus de 65 ans ne représentant que 44 % de la population de moins de 20 ans, contre 92,3 % dans l'hexagone.

Le taux de dépendance économique, c'est-à-dire le ratio entre la population des jeunes et des personnes âgées et la population en âge de travailler, est donc globalement plus favorable en outre-mer que dans l'hexagone. Toutefois, il est particulièrement défavorable tant en Guadeloupe et en Martinique, en raison du vieillissement de la population, qu'en Guyane et à Mayotte, à cause de l'importance d'une population de moins de 20 ans.

Ratios relatifs à la population en outre-mer

(1) : rapport de la population de plus de 65 ans sur la population de moins de 20 ans.

(2) : le rapport entre la population des jeunes et des personnes âgées (moins de 20 ans et 65 ans et plus) et la population de 20 à 65 ans. Il est défavorable lorsqu'il est supérieur à 100 (ou « fort »), c'est-à-dire lorsqu'il y a davantage de jeunes et seniors que de personnes en âge de travailler.

Source : commission des finances à partir des données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE

Alors que la part de la population en âge de travailler est plus importante en outre-mer que dans l'hexagone, les taux de chômage sont particulièrement élevés en outre-mer. En particulier, le taux de chômage est cinq fois plus élevé à Mayotte qu'en France métropolitaine. Il est de 19 % en Guadeloupe, de 18 % à La Réunion et de 13 % en Guyane, en Martinique et en Nouvelle-Calédonie, soit près du double du taux de chômage de la France hors Mayotte, s'élevant à 7 % en 2023. Seule la Polynésie française a un taux de chômage proche de celui de la France entière, à hauteur de 9 %.

Le chômage élevé participe des écarts de développement persistants entre les outre-mer et l'hexagone. Des investissements pour favoriser l'activité économique sont particulièrement nécessaires dans ces territoires. L'importance du chômage explique et alimente de plus l'émigration des populations des outre-mer vers l'hexagone (voir supra).

Taux de chômage des 15-64 ans dans les territoires d'outre-mer

Source : commission des finances à partir des données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE

3. Une émigration des populations des outre-mer vers l'hexagone, en particulier des populations éduquées

Le développement des outre-mer est rendu plus difficile par l'émigration d'une part importante de la population vers l'hexagone, notamment de la population éduquée. Selon France stratégie1(*), une personne née en outre-mer sur trois a quitté son territoire natal pour la France métropolitaine, soit un niveau comparable à celui constaté pour la Corse, pourtant beaucoup plus proche géographiquement de la France métropolitaine. Cette tendance est d'autant plus marquée pour les populations en âge de travailler. Ainsi, 37,8 % des personnes nées dans les Antilles, 24,3 % des personnes nées à La Réunion et 26,1 % des personnes nées en Guyane et ayant entre 30 et 49 ans résident dans l'hexagone.

Migration des natifs des outre-mer et de l'hexagone

Originaires désigne les individus nés dans l'hexagone, dont au moins l'un des parents est né dans les Antilles ou à La Réunion ; non-originaires désigne donc les individus nés dans l'hexagone dont aucun parent n'est né dans les Antilles ou à La Réunion. IDF signifie Île-de-France.

Source : France stratégie

Cette émigration est également plus fréquente parmi les populations les plus favorisées. Ainsi, 51 % des natifs des Antilles et 52 % des natifs de La Réunion d'origine favorisée résident dans l'hexagone. À l'inverse, seuls 35 % des natifs des Antilles et 21 % des natifs de La Réunion d'origine très modeste résident dans l'hexagone.

Migration des DROM vers l'hexagone selon l'origine sociale

Source : France stratégie

En effet, les opportunités professionnelles et en termes d'études sont moins importantes en outre-mer. Ainsi, à origine sociale comparable, un natif des Antilles a 20,5 % de chances en moins d'avoir un diplôme du supérieur qu'un natif de l'hexagone, pour un natif de La Réunion, c'est 24,6 % de chances en moins. Le taux d'emploi est inférieur de 10 % pour un natif des Antilles et de 15 % pour un natif de La Réunion par rapport à l'hexagone, et le taux de cadres est inférieur de 35 % pour les natifs des Antilles et de 45 % pour les natifs de La Réunion par rapport à l'hexagone.

Les chances d'avoir un emploi ou d'avoir un emploi de cadres sont plus importantes pour les natifs de 30 à 49 ans des Antilles ou de La Réunion qui ont émigré, que pour ceux qui habitent sur leur territoire natal, y compris lorsqu'ils ont déjà été dans l'hexagone, par exemple pour faire des études. Un natif de La Réunion ou des Antilles habitant dans l'hexagone a même plus de chances d'avoir un emploi qu'un natif de l'hexagone.

Toutefois, un natif des Antilles ou de La Réunion qui revient habiter en outre-mer après un passage dans l'hexagone a une chance presqu'équivalente à un natif de l'hexagone d'être titulaire d'un diplôme du supérieur. Toutes les études supérieures ne peuvent être faites dans tous les territoires d'outre-mer, limitant de fait les opportunités scolaires des habitants, ce qui explique les chances plus élevées d'avoir un diplôme du supérieur pour les personnes ayant été dans l'hexagone.

Taux de diplômés du supérieur, d'emploi et de cadres dans les DROM
des personnes de 30 à 49 ans, à origine sociale comparable

Source : France stratégie

L'émigration importante des populations d'outre-mer, en particulier des personnes les plus favorisées et les plus diplômées, a des effets négatifs et auto-réalisateurs sur l'économie de ces territoires. En effet, si le taux de chômage élevé et les prix importants expliquent en partie la forte émigration, celle-ci alimente en retour les difficultés rencontrées par les outre-mer. Il est plus difficile de favoriser le développement d'une région quand une part importante de sa population, notamment éduquée et en âge de travailler, quitte le territoire pour travailler ailleurs. L'émigration importante d'une part de la population peut constituer l'un des facteurs explicatifs des écarts socio-économiques persistants entre l'outre-mer et la métropole.

Outre le rattrapage socio-économique des outre-mer sur la métropole, les crédits de la mission outre-mer doivent aider à relever les défis spécifiques posés aux territoires ultra-marins par la cherté de la vie et par la transition écologique.

B. DES DÉFIS MAJEURS À RELEVER POUR LES TERRITOIRES ULTRA-MARINS

1. Un coût de la vie élevé renforcé par la crise inflationniste récente : la lutte contre la vie chère, une priorité

L'année 2023 a été marquée par une inflation élevée, de 4,9 % en France, malgré un ralentissement en fin d'année par rapport à 2022. Toutefois, les outre-mer ont bénéficié des mécanismes de lutte contre l'inflation, tels que le filet de sécurité. Ainsi, l'inflation a été globalement plus faible en outre-mer que dans l'ensemble de la métropole en 2023, s'élevant à 3,9 % en Guadeloupe, à 4,2 % en Martinique ou encore à seulement 1,8 % en Nouvelle-Calédonie. Toutefois, la tendance est inversée début 2024, témoignant d'un effet de rattrapage : alors que l'inflation annuelle s'élève à 2,2 % en France en juin 2024, elle est supérieure à 3,2 % dans les DROM, pour atteindre 3,7 % en Guadeloupe et en Guyane, 3,6 % à Mayotte, 3,4 % à La Réunion et 3,2 % à la Martinique. L'inflation ressentie en métropole en 2023 a probablement un impact avec retard en outre-mer en 2024.

Taux d'inflation en outre-mer

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'IEOM, de l'INSEE, de l'ISEE et de l'ISPF

La crise inflationniste a été d'autant plus durement ressentie que le coût de la vie est élevé en outre-mer. Les prix sont significativement plus importants dans les territoires ultra-marins que dans l'hexagone. Ainsi, selon l'INSEE2(*), les prix sont plus hauts de 15,8 % en Guadeloupe par rapport à l'hexagone, de 13,8 % en Martinique, de 13,7 % en Guyane et de 10,3 % à Mayotte.

Écarts de prix entre les DROM et la France métropolitaine en 2010, 2015 et 2022

(en %)

Nd : non déterminé. Les données sont exprimées en pourcentage par rapport aux prix constatés en France métropolitaine.

Source : commission des finances du Sénat à partir des données Insee

De multiples facteurs concourent à la cherté de la vie dans les outre-mer : en particulier, l'insularité de la plupart des territoires ultra-marins et la dépendance forte aux importations, renforcent les coûts. Les contraintes géographiques particulières des territoires d'outre-mer, et notamment l'exposition aux catastrophes naturelles telles que les séismes ou les inondations, concourent à renforcer le niveau des prix. Enfin, l'exiguïté du marché dans des territoires souvent isolés constitue un frein aux économies d'échelle.

Limiter la dépendance aux importations permettrait toutefois de lutter contre une partie des phénomènes sous-jacents à la cherté de la vie. Ainsi, l'autonomie alimentaire des territoires ultra-marins, devant être achevée à horizon 20303(*), constitue un objectif particulièrement central en ce sens.

2. Une transition environnementale aux enjeux particulièrement complexes

La transition environnementale constitue un défi aux implications spécifiques dans les territoires ultra-marins. En particulier, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte4(*) définit l'autonomie énergétique, c'est-à-dire la capacité à produire sa propre énergie en autonomie pour satisfaire ses besoins, comme objectif à accomplir d'ici 2030 dans les territoires ultra-marins.

Le taux d'indépendance énergétique, c'est-à-dire le rapport entre la production territoriale d'énergie et sa consommation finale, n'est toutefois pas encore de 100 % dans les territoires ultra-marins : il est de 83 % en Guadeloupe, 92 % en Martinique, 86 % à La Réunion ou encore 94 % en Polynésie française5(*). Des investissements élevés sont encore nécessaires pour permettre l'autonomie énergétique en outre-mer.

De plus, la plupart des territoires ultra-marins dépendent de centrales thermiques fonctionnant au charbon et au fioul, à l'exception notable de la Guyane, qui présente un mix électrique composé à plus de 70 % d'énergies renouvelables. La part des énergies renouvelables représente un quart à un tiers du mix électrique des Antilles et de La Réunion, à hauteur de 34,7 % en Guadeloupe par exemple, et 28,2 % du mix en Polynésie française.

Parvenir à un mix énergétique composé intégralement d'énergies renouvelables nécessite donc des investissements particulièrement importants et encore insuffisamment mis en oeuvre.

Les zones non interconnectées (ZNI), qui comprennent les DROM et certaines collectivités d'outre-mer (sans toutefois inclure la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie) font déjà l'objet d'investissements particuliers en raison de leurs spécificités. Ainsi, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), le coût du mégawattheure est en moyenne de 326 euros en 2023 dans les ZNI en raison des contraintes spécifiques de production, alors qu'il était de 279,4 euros dans l'ensemble de la France. Pour compenser ces coûts, une péréquation tarifaire est mise en oeuvre chaque année, et s'est élevée à 2,5 milliards d'euros au titre de 2023 pour les ZNI. Toutefois, les objectifs d'autonomie énergétique et de renforcement de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique impliquent un renforcement des moyens budgétaires mis en oeuvre.

La transition écologique implique de plus une adaptation aux conséquences du réchauffement climatique via des politiques propres aux territoires ultra-marins, particulièrement exposés aux catastrophes naturelles. Le Fonds Barnier, qui constitue le principal instrument budgétaire pour financer les politiques de prévention des catastrophes naturelles, a été doté en 2023 de 42 millions d'euros à destination des territoires d'outre-mer (soit 20 % des ressources totales du fonds). Les financements sont toutefois utilisés à 76 % pour permettre les actions de confortement parasismique des bâtiments, dans le cadre du plan séisme Antilles6(*). Si ces financements sont nécessaires, ils ne contribuent pas à l'adaptation aux conséquences à venir du réchauffement climatique. Davantage de financements sont nécessaires pour permettre la prévention des catastrophes naturelles amenées à croître en nombre et en intensité dans les territoires ultra-marins particulièrement exposés.

Les conséquences du réchauffement climatique en termes notamment de canicules mettent également en exergue une difficulté importante des territoires ultra-marins, à savoir la question de la gestion de l'accès à l'eau potable. Les rapporteurs spéciaux ont d'ailleurs chargé la Cour des comptes de remettre au Sénat un rapport portant sur la gestion de l'eau et de l'assainissement en outre-mer, au titre de l'article 58-2 de la Constitution.

Sur la question de la transition écologique des territoires d'outre-mer, les annonces du CIOM sont très ciblées (déplacer le village de Miquelon en risque submersion, réviser le plan Eau DOM...) et ne concernent pas le développement des énergies renouvelables. À ce stade, la mesure 63 prévoit simplement de définir en 2024 une stratégie d'atténuation et d'adaptation au changement climatique pour chaque territoire.

Les rapporteurs spéciaux appellent de leurs voeux un volet spécifique au développement des énergies renouvelables incluant les modalités de financement y afférentes.

II. DES ANNONCES DU COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DES OUTRE-MER DE JUILLET 2023 BIENVENUES, MAIS DONT LA MISE EN oeUVRE DOIT ÊTRE POURSUIVIE

A. DES ANNONCES DU CIOM ENCOURAGEANTES MALGRÉ CERTAINS OUBLIS

1. Des annonces du CIOM du 18 juillet 2023 attendues et bienvenues...

L'appel de Fort-de-France de mai 2022, signé par un grand nombre d'élus locaux ultra-marins, appelait à un « changement profond de la politique des outre-mer » face aux défis croissants que rencontrent les territoires ultra-marins. Cet appel est à l'origine des 72 annonces du Comité interministériel des outre-mer (CIOM), faites le 18 juillet 2023, dont l'objectif est « la création de valeur dans chacun des territoires et la reconnaissance d'identités et de spécificités propres ». Six thématiques structurent les annonces du CIOM :

- transformer les économies ultramarines pour créer de l'emploi et lutter contre la vie chère ;

- améliorer la vie quotidienne dans les Outre-mer ;

- mieux accompagner les enfants, les jeunes et les étudiants à grandir, à créer, se former, se cultiver et enrichir en compétence les Outre-mer ;

- garantir un environnement normatif adapté aux spécificités des Outre-mer ;

- construire l'avenir avec des équipements et des infrastructures adaptées aux nouveaux défis ;

- assurer un suivi interministériel régulier.

En particulier, le CIOM a annoncé une réforme à venir de l'octroi de mer, une évaluation des dispositifs de défiscalisation pour renforcer leur efficacité en matière de création d'emploi et de transition écologique, l'extension en outre-mer du crédit d'impôt de rénovation des logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), des moyens budgétaires supplémentaires, à hauteur de 2,3 milliards d'euros, pour le renouvellement des contrats de convergence et de transformation (CCT) arrivés à échéance en 2023 et renouvelés en 2024 ; ainsi que l'ouverture d'un casino à Saint-Martin.

Les rapporteurs spéciaux saluent ces annonces qui constituent une réponse à certaines attentes des territoires ultra-marins.

2. ... Mais encore incomplètes pour répondre à tous les besoins des territoires ultra-marins

Malgré le caractère prometteur des annonces du CIOM, les rapporteurs spéciaux regrettent toutefois que certains sujets n'aient pas fait l'objet de propositions spécifiques et concrètes.

La question d'une réforme institutionnelle, notamment abordée par les élus lors de l'appel de Fort-de-France de mai 2022, n'a pas été abordée dans le cadre du CIOM alors même que le Président de la République s'était déclaré ouvert sur la question des évolutions institutionnelles et statutaires lorsqu'il avait rencontré les élus ultramarins le 7 septembre 2022.

Par ailleurs, les enjeux sécuritaires, pourtant au coeur des préoccupations ultramarines, n'ont également pas été traités.

Enfin, outre cet engagement relatif à un CIOM, la possibilité d'un « Oudinot du pouvoir d'achat » avait également été évoquée en septembre 2022. Force est cependant de constater que si des annonces ont été faites dans ce sens lors du comité, notamment la réforme de la régulation des prix et du système de distribution des carburants, aucune mesure d'ensemble sur le pouvoir d'achat n'a été actée.

B. UNE MISE EN oeUVRE À POURSUIVRE

1. Une mise en oeuvre de certaines annonces du CIOM notamment dans le PLF pour 2024

Certaines annonces du CIOM ont été mises en oeuvre dans la loi de finances initiale (LFI) pour 20247(*).

Ainsi, certaines niches fiscales ont été supprimées, suite à un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF)8(*), par l'article 75 de la LFI pour 2024 : l'aide fiscale sur les véhicules de tourisme, à l'exception des véhicules destinés à l'usage des taxis et des agriculteurs ainsi que l'aide fiscale pour tous les investissements productifs donnés en location ou mis à disposition de ménages et syndicats de copropriétaires. L'aide fiscale sur les meublés touristiques a été considérablement réduite.

De même, l'article 71 de la LFI pour 2024 a supprimé le critère de localisation dans les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), afin de pouvoir faire bénéficier les outre-mer du crédit d'impôt de l'article 244 quater X du code général des impôts (CGI) à raison des travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements achevés depuis plus de vingt ans permettant aux logements d'acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou permettant leur confortation contre le risque sismique ou cyclonique. Les départements et collectivités d'outre-mer peuvent ainsi bénéficier du crédit d'impôt facilitant la réhabilitation des logements sociaux situés hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Enfin, la LFI pour 2024 a prévu un financement de 2,3 milliards d'euros pour les contrats de convergence et de transformation (CCT) devant être conclus pour la période 2024-2027.

2. Toutefois, l'essentiel des annonces doit encore faire l'objet de moyens budgétaires

Un grand nombre d'annonces du CIOM n'ont pas encore fait l'objet d'une mise en oeuvre budgétaire.

En particulier, une réforme de l'octroi de mer, qui représente 1,55 milliard d'euros de recettes pour les collectivités territoriales, avait été annoncée. Des consultations des élus locaux ultramarins, conduites notamment par la commission des finances le 14 février 2024, ont montré l'opposition des collectivités d'outre-mer à toute suppression de l'octroi de mer, recette indispensable au budget local, et dont la contribution à la vie chère n'est pas démontrée. Toutefois, suite à la publication d'un rapport de la Cour des comptes9(*), des pistes de réformes de cet impôt sont envisagées et ont donné lieu à des consultations par le gouvernement au premier semestre de 2024.

Une réforme plus approfondie des niches fiscales était également envisagée lors du PLF pour 2024 et avait été repoussée à l'examen du budget pour 2025. Si la défiscalisation demeure un outil puissant d'aide au rattrapage socio-économique dans les outre-mer, une amélioration de ces dispositifs est souhaitable pour assurer un meilleur fléchage des financements.

3. La lutte contre l'alcoolisme, une priorité à défendre

Le 16 avril dernier, la Préfecture de La Réunion et l'ARS ont organisé une réunion de travail consacrée à la lutte contre le fléau de l'alcoolisme dans ce territoire. L'alcool est responsable de presque un décès sur 10, soit deux fois plus que la moyenne métropolitaine.

Un accroissement de la fiscalité destiné à réduire la consommation pourrait être envisagé en ce sens. Par exemple, les taux de l'ensemble des accises sur les alcools pourraient être relevés de 10 % par rapport à leur niveau actuel. Le surplus de recettes fiscales engendré par le relèvement abonderait le budget du Département qui pourrait ainsi, par le biais d'un fonds spécifique dédié, engager une politique de lutte pour la prévention avec des moyens accrus.

DEUXIÈME PARTIE
LES CRÉDITS DE LA MISSION OUTRE-MER

I. UNE BAISSE MASSIVE DES CRÉDITS DE LA MISSION

A. UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE STABLE

La mission « Outre-mer » regroupe une partie des moyens budgétaires alloués aux territoires ultramarins :

- le programme 138 « Emploi outre-mer » porte les crédits relatifs au développement économique local et à la création d'emplois en outre-mer, à travers notamment des exonérations spécifiques de cotisations sociales patronales, des aides directes et des actions en faveur de l'insertion, de l'amélioration de l'employabilité et de la qualification professionnelle des jeunes ultramarins ;

- le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » porte les crédits destinés à réduire les écarts de niveaux de vie et d'équipements constatés entre les territoires d'outre-mer et l'hexagone à travers notamment des aides en faveur du logement social et un soutien aux collectivités dans leur politique d'investissements structurants.

La mission « Outre-mer » ne permet toutefois pas d'appréhender globalement la politique de l'État en faveur des outre-mer. En effet, selon le document de politique transversale outre-mer 2025, le montant total des contributions budgétaires de l'État en faveur des outre-mer s'élève à 19,38 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 21,07 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en projet de loi de finances (PLF) pour 2025. La mission « Outre-mer » concentre ainsi, en 2025, 14,4 % de l'effort budgétaire de l'État en faveur de ces territoires en AE et 12,1 % en CP.

De surcroit, des dépenses fiscales rattachées aux deux programmes de la mission viennent compléter les crédits budgétaires afin de dynamiser l'économie et l'attractivité des territoires d'outre-mer. Elles sont chiffrées en PLF pour 2025 à 5,1 milliards d'euros pour celles rattachées au programme 123 et à 401 millions d'euros pour celles rattachées au programme 138, soit un total de 5,46 milliards d'euros, ce qui représente 2,3 % de plus qu'en 202410(*).

B. UNE PERTE DE 9 % EN UN AN DES CRÉDITS DE LA MISSION

Les crédits de la mission « Outre-mer » présentés dans le projet de loi de finances pour 2025 s'élèvent à 2,783 milliards d'euros en AE et à 2,555 milliards d'euros en CP, soit une baisse de 12,5 % en AE et de 8,9 % en CP par rapport à la LFI 2024. En volume, la mission « Outre-mer » a perdu près de 250 millions d'euros de CP et près de 400 millions d'euros en AE.

Évolution des crédits de la mission « Outre-mer » entre 2024 et 2025

(en euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est particulièrement impacté, à hauteur de plus de 314 millions d'euros, sur pratiquement toutes ses actions.

À l'inverse, les crédits du programme 138 « Emploi outre-mer » augmentent de 3,4 %, représentant 65 millions d'euros. Le programme permet en particulier de prendre en charge la compensation d'exonérations de charges sociales dites « LODEOM », dont le montant a été sous-estimé en 2023 et 2024. La hausse des crédits résulte d'un rééquilibrage dans les prévisions du montant des compensations pour résorber la dette contractée par la direction générale des outre-mer à l'égard de la Sécurité sociale.

La mission « Outre-mer » fait partie des missions de l'État les plus impactées par la baisse des crédits au PLF 2025 en pourcentage.

Principales missions frappées par une baisse de crédits au PLF 2025
hors contribution au CAS « Pensions »

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

II. DES CRÉDITS DIMINUÉS DE 34 % POUR LE PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER »

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » se compose de huit actions et rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de l'amélioration des conditions de vie dans les outre-mer. Il porte le financement des priorités suivantes : le logement social, l'aménagement du territoire (contrats de convergence et de transformation), les aides à la continuité territoriale, les dotations spéciales destinées à financer des projets structurants et/ou de reconversion) et le fonds exceptionnel d'investissement.

À ce titre, la baisse de 471 millions d'euros d'AE et de 314 millions d'euros en CP entre la LFI 2024 et le PLF 2025, soit respectivement 36,7 % et 34,1 % de moins, est particulièrement inquiétante. L'impact de la baisse de ces crédits risque d'être fortement ressenti dans les territoires ultra-marins. Le programme 123 représente ainsi 810,8 millions d'euros en AE et 605,8 millions d'euros en CP au PLF 2025.

La baisse de crédits est supportée essentiellement par l'action 2 « Aménagement du territoire », qui perd 132,8 millions d'euros, et par l'action 3 « Collectivités territoriales », qui baisse de 124,1 millions d'euros.

Ventilation de la baisse des crédits entre la LFI 2024 et le PLF 2025
du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

En proportion, l'ensemble des actions perd des crédits de façon marquée : l'action « Aménagement du territoire » est diminuée de 76,1 % entre 2024 et 2025, l'action « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » perd 51,7 % de ses crédits, l'action « Collectivités territoriales » est diminuée de 38,4 %, le « fonds exceptionnel d'investissement » de 18,7 % et enfin la « continuité territoriale » de 17,6 %.

Évolution entre 2023 et 2025 des crédits des actions du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

A. LE FINANCEMENT DU LOGEMENT SOCIAL, UN BUDGET PRATIQUEMENT MAINTENU MAIS ENCORE TROP PEU ÉLEVÉ POUR RÉPONDRE AUX DEMANDES

La Ligne budgétaire unique (LBU), portée par l'action 1 du programme 123, finance :

- le développement du logement locatif social (PLS11(*) et LLS12(*)) et du logement locatif très social (LLTS13(*)) et la réhabilitation de ces logements (SALLS14(*)) ;

l'accession sociale - via le dispositif « logement évolutif social » (LES), mais également le PTZ15(*) et le PSLA16(*) - ainsi que l'amélioration de l'habitat des propriétaires via l'aide à l'amélioration de l'habitat (AAH) ;

- la résorption de l'habitat insalubre (RHI) et spontané (RHS) ainsi que l'aménagement et la viabilisation des terrains en vue d'assurer la constitution de réserves foncières grâce au fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU)17(*).

1. Un marché du logement particulièrement tendu en outre-mer
a) Des besoins importants structurellement en logements sociaux

Hormis la Guyane, les DROM sont des îles et archipels dans lesquels le foncier est rare et qui se prêtent parfois difficilement à la construction de logements. La situation géographique de ces territoires les expose également à des risques naturels importants générant ainsi une limitation, de fait, des terrains constructibles, renchérissant le coût de la construction et rendant nécessaire un effort permanent de construction, de réhabilitation et d'adaptation des logements.

De surcroit, les évolutions démographiques liées soit au vieillissement de la population (Martinique, Guadeloupe), soit à la forte croissance de la population (Guyane, Mayotte) et à un niveau de vie inférieur à l'hexagone créent un besoin de logements sociaux considérable. Ainsi, en dix ans, la population en outre-mer a augmenté de 5,4 %, alors que la hausse n'a été que de 3,4 % dans l'hexagone. En particulier, la hausse démographique a été de 42,7 % à Mayotte et de 23,3 % en Guyane (voir infra).

De plus, le PIB par habitant dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) représente en moyenne 57 % de la richesse par habitant de France métropolitaine (voir infra). Les importants écarts de revenu des habitants ultra-marins avec ceux de l'hexagone impliquent que ces populations ont des besoins forts en logements sociaux.

Il en résulte que 80 % de la population des DROM serait éligible au logement locatif social (LLS), contre 66 % dans l'hexagone, et que 70 % de la population serait même éligible au logement locatif très social (LLTS), contre 29 % dans l'hexagone.

b) Un parc social insuffisant

Les demandes annuelles en logement sociaux sont évaluées par le ministère des outre-mer entre 19 680 et 21 481 logements au total, dont plus de 6 500 pour la Province sud de Nouvelle-Calédonie, entre 3 300 et 3 900 logements en Guyane ou encore près de 1 200 à Mayotte.

Besoins annuels en logements sociaux dans les territoires ultramarins en 2023

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Or les logements sociaux disponibles restent insuffisants par rapport à la demande, malgré la construction année après année de nouveaux logements financés par l'action 1. Ainsi, le parc social et le logement intermédiaire correspondent à 19 % du volume total des résidences principales des territoires des départements et régions d'outre-mer (DROM), soit une baisse de 2 points de pourcentage par rapport à 2022. S'il est plus difficile de disposer de données actualisées pour les COM, au total, le parc social représente 17,8 % des résidences principales des territoires ultramarins.

Nombre de logements sociaux existants en 2023 dans les territoires d'outre-mer

Note : pour les COM, les données portant sur la résidence principale datent de 2020. Les autres données du tableau datent de 2023.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

À Mayotte en particulier, le parc social ne représente que 2 % des résidences principales disponibles, alors que les besoins annuels en logement sont évalués à au moins 1 000 logements. En Polynésie française également, le parc social est particulièrement peu important, puisqu'il ne représente que 5 % des résidences disponibles.

c) Un nombre très élevé de logements insalubres

Les DROM présentent une proportion de logements indignes et insalubres nettement supérieure à l'hexagone. La direction générale des outre-mer a estimé qu'en 2022, les DROM comptaient près de 150 000 logements indignes et insalubres. Ainsi, 16,8 % des logements des DROM sont en réalité des logements indignes et insalubres, contre moins de 2 % dans l'hexagone. En particulier, Mayotte et la Guyane sont caractérisés par de grandes poches de logements indignes et informels, constituant de véritables bidonvilles. Près de 40 % des logements en Guyane et de 60 % à Mayotte sont indignes et insalubres.

Cette situation s'explique en partie par la construction d'un habitat informel important, notamment dans un contexte de pénurie de logements. La nature même de ces logements informels (auto-constructions sans déclaration et titres de propriété) rend leur recensement très complexe et peu fiable avec une multitude de situations hétérogènes allant de l'habitat dégradé à indigne voire insalubre.

Nombre de logements indignes et insalubres dans les DROM en juillet 2022

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En ce sens, le Plan logement en outre-mer de troisième génération (PLOM 3), en cours d'élaboration, doit impérativement contenir une stratégie large tendant à remplacer ces logements temporaires en habitats pérennes et salubres.

2. Un soutien marqué mais encore insuffisant de l'État au logement social en outre-mer
a) Un retour de la LBU au niveau de crédits de 2023

Entre la LFI 2024 et le PLF 2025, l'action 1 « Logement » enregistre une baisse de 11 %, soit 32 millions d'euros, en AE et une baisse de 5 %, soit près de 10 millions d'euros, en CP. L'action compte ainsi 259 millions d'euros en AE et 184,1 millions d'euros en CP au PLF 2025.

Évolution des crédits ouverts en LFI entre 2011 et 2025

(en euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La LBU retrouve pratiquement le même niveau de crédits que celui qu'elle avait en 2023. Il est toutefois à noter que l'inflation entre janvier 2023 et octobre 2024 a été de 6,6 %. Ainsi, en euros constants, le montant des crédits de la LBU est inférieur en 2025 de 10 millions d'euros à son niveau de 2023. Par rapport à 2015, la LBU a même perdu 25 % de ses crédits.

Au regard des enjeux de mal logement en outre-mer, et en vue de l'élaboration du PLOM 3, une telle baisse de crédits est particulièrement regrettable, d'autant plus que les documents budgétaires ne précisent pas quelles sont les sous-actions (accroissement du nombre de logements sociaux, accession sociale à la propriété etc.) qui vont être les plus touchées. Une telle information devrait être réintégrée dans le PAP, après sa disparition dans les PLF 2024 et 2025.

b) Une consommation en hausse des crédits

De plus, même si les crédits de la LBU ne sont toujours pas consommés intégralement, le niveau d'exécution s'est tout de même amélioré depuis 2021. La consommation des crédits de LBU s'était en effet écroulée entre 2014 et 2019, puis à nouveau en 2021, où le niveau d'exécution des crédits n'était que de 83 %.

Ainsi, en 2023, dernière année pour laquelle la consommation est disponible, près de 96,3 % des crédits ont été consommés. Seuls 6,8 millions d'euros n'ont pas été utilisés. Il s'agit d'une nette amélioration par rapport à 2022, où 87 % des crédits seulement avaient été exécutés, soit une sous-consommation de 26,5 millions d'euros.

Le niveau de crédits décidés au PLF 2025, identique à celui de 2023, devrait donc pouvoir être exécuté avec l'ingénierie existante dans les collectivités ultramarines. Toutefois, notamment au vu de l'importance des restes à payer sur la mission outre-mer, un renforcement de l'ingénierie est toujours important.

Évolution des crédits ouverts et consommés pour la Ligne budgétaire unique
entre 2011 et 2025

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

c) Des efforts significatifs, quoiqu'insuffisants, accomplis dans le cadre des PLOM 1 et 2

Les objectifs suivants ont été fixés pour 2025 en matière de logements sociaux dans les DROM :

- la construction de 4 100 logements locatifs sociaux, très sociaux, très sociaux adaptés et spécifiques ;

- l'accession à la propriété pour 100 logements ;

- l'amélioration de 4 280 logements sociaux ;

- l'amélioration de 1 000 logements privés ;

- la construction de 992 prêts locatifs sociaux.

La fixation de ces objectifs est dans la continuité de la loi18(*) du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (EROM) qui a prévu, dans son article 3, une cible de construction de 150 000 logements neufs et réhabilités dans les outre-mer entre 2017 et 2027, soit près de 15 000 logements neufs et réhabilités par an. L'objectif de production de logements directement subventionnés par l'État s'établit, pour sa part, à environ 130 000 logements sur 10 ans.

 Cette exigence a notamment guidé le Plan logement outre-mer 2019-2023 (PLOM 2), qui suivait le PLOM 1 de 2015-2019. La différence majeure entre le PLOM 1 et le PLOM 2 résidait dans l'ambition affichée de prendre plus spécifiquement en compte les particularités de chaque DROM, partant du constat que le PLOM 1 était insuffisamment différencié par territoire. Des objectifs chiffrés par territoire ont été fixés dans ce cadre.

Objectifs annuels territorialisés de production de logements
bénéficiant de subventions de l'État

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Il est difficile d'affirmer que ces objectifs ont été remplis. Ainsi, entre 2017 et 2023, au total dans les DROM, 70 383 logements ont été construits grâce à une aide de l'État, dont 42 % grâce aux dispositifs fiscaux. En six ans, la cible de 130 000 logements produits subventionnés par l'État sur 10 ans n'a été atteinte qu'à 54 %. Il apparait donc assez peu probable que l'objectif soit atteint en 2027. En 2025 en particulier, 8 128 logements ont été produits, dont 3 163 logements neufs et 882 logements réhabilités financés grâce à la LBU.

Évolution du nombre de logements aidés, annuellement et en cumulé,
entre 2018 et 2023

Note : les logements sont réhabilités ou construits à neuf grâce au financement de la LBU.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Aucun des DROM ne parvient d'ailleurs à remplir les objectifs annuels de construction de logements neufs, même La Réunion, qui a pu en construire 1 732 en 2023, pour un objectif estimé entre 2 000 et 2 500. C'est la Martinique qui a construit le moins de logements neufs, en 2023, avec 266 logements livrés.

Nombre de logements neufs livrés entre 2017 et 2023

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

De surcroit, le PLOM 2 ne faisait aucune mention des objectifs de la stratégie19(*) nationale du Logement d'abord (LDA), alors que certains territoires ultra marins, en particulier Mayotte et la Guyane, comptent un grand nombre de personnes sans domicile.

À contre-courant même de cette stratégie, le Plan prévoyait la construction d'hébergements temporaires en Guyane et à Mayotte pour accueillir transitoirement les occupants des bidonvilles dont les modalités d'évacuation et de destruction ont été accélérées par l'article 1971 de la loi20(*) ELAN.

Dans ce contexte, il semble utile d'intégrer, dans le prochain PLOM, un volet dédié au logement des sans abri.

d) Un plan logement en outre-mer de troisième génération (PLOM 3) en cours d'élaboration

Le PLOM 2 (2019-2023) comportait 77 mesures, autour de 4 axes : mieux connaître et mieux planifier pour mieux construire, adapter l'offre aux besoins des territoires, maîtriser les coûts de construction et de réhabilitation et accompagner les collectivités territoriales en matière de foncier et d'aménagement.

Si une mission d'évaluation du PLOM 2 a été confiée à l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), il convient de noter que le PLOM 2 ne contenait aucun objectif chiffré.

Le PLOM 3, en cours d'élaboration, devrait être finalisé d'ici la fin 2024. Il devrait comprendre un volet territorial, avec des priorités spécifiques à chaque DROM, et un volet transversal, autour de 4 priorités :

- accélérer la construction et la rénovation de logements sociaux et très sociaux ;

- intervenir sur l'habitat privé à destination ménages modestes et très modestes ;

- améliorer la résilience des territoires aux risques et changement climatique ;

- appuyer les territoires dans la mise en oeuvre de leurs PLOM territoriaux.

Par ailleurs, chaque DROM se dote d'outils d'observation et de connaissance des logements indignes et insalubres. Ainsi, à La Réunion, la DEAL déploie un outil commun unique au niveau des 5 EPCI de l'île permettant d'alimenter de manière harmonisée les données de l'observatoire LHI animé par l'Agorah, agence d'urbanisme de La Réunion.

Il est toutefois regrettable qu'aucun axe du PLOM 3 ne soit spécifiquement dédié ni à la rénovation des logements insalubres et indignes, ni à l'insertion dans le logement des personnes sans-abri. Les rapporteurs spéciaux seront particulièrement attentifs par ailleurs à la déclinaison territoriale du PLOM 3.

B. LE SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER PARTICULIÈREMENT DIMINUÉ

1. Des collectivités territoriales à la situation financière fragile

Les collectivités territoriales d'outre-mer sont soumises à des contraintes particulières, dans un contexte de crise économique en Nouvelle-Calédonie et en Martinique notamment. Même si les situations sont très variables d'un territoire à l'autre, sur l'ensemble des DROM, elles font face à des difficultés structurelles communes. L'insularité (exception faite de la Guyane) génère des surcoûts importants sur les charges à caractère général des communes d'outre-mer.

Les dépenses de personnel sont également plus élevées en raison d'une faible intégration intercommunale, de la majoration des traitements des fonctionnaires et de taux d'administration élevés. Ainsi, par exemple, pour le bloc communal dans les DROM, les dépenses de personnel représentent 64,8 % des dépenses de fonctionnement, contre seulement 52,2 % dans l'hexagone.

En ce sens, les taux21(*) d'endettement des collectivités d'outre-mer régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution sont particulièrement élevés. Ainsi, la région de La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la région de la Guadeloupe ont des taux d'endettement supérieurs à 100 % de leurs recettes de fonctionnement, qui devraient s'empirer entre 2023 et 2024. La situation de ces collectivités s'était pourtant significativement améliorée en 2023. Parmi les DROM, seule la collectivité territoriale de Guyane, le département de La Réunion et le département de la Guadeloupe ont des taux d'endettement inférieurs à 35 %.

Évolution du taux d'endettement des principales collectivités
régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La situation des communes et des EPCI d'outre-mer encore plus fragile. Elles représentent d'ailleurs 33 % des avis émis par les chambres régionales des comptes22(*).

En particulier, elles ont fréquemment des retards de versement auprès du réseau des URSSAF des cotisations et contributions sociables dues. Ainsi, les collectivités ultramarines représentaient 25,7 % des restes à recouvrer pour 4,1 % seulement des cotisations et contributions. Par exemple en 2023, les collectivités de Guadeloupe ont cumulé un montant de presque 26 millions d'euros de dette sociale, celles de Guyane 24,3 millions d'euros et celles de Mayotte 16,9 millions d'euros.

Les taux d'épargne brute du bloc communal sont en conséquence significativement plus faibles que dans l'hexagone, où la moyenne est de 17,9 %. En Martinique, le taux d'épargne brute n'est que de 9,4 %, à la Guadeloupe de 10,5 % ou encore en Guyane de 11,3 %. Les communes d'outre-mer ont donc des difficultés plus importantes pour financer l'investissement pourtant indispensable dans ces territoires.

Évolution du taux d'épargne brute du bloc communal des DROM
et de l'hexagone entre 2017 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la Cour des comptes, Rapport sur les finances publiques locales - fascicule 1 (2024)

À noter, toutefois, que l'année 2023 marque une restauration de la capacité d'autofinancement du bloc communal dans les DROM, qui progresse globalement de 19,1 %. Cette hausse est particulièrement élevée à Mayotte, en Guadeloupe et en Guyane, avec une croissance supérieure à 40 %, alors que cet indicateur se dégrade en Martinique de 12,2 %.

2. Les aides aux collectivités territoriales perdent près de 130 millions d'euros
a) Une baisse conséquente des dotations spécifiques aux collectivités territoriales

Les collectivités ultra-marines bénéficient d'un soutien particulier sous forme de dotations spécifiques, financées par l'action 6 « Collectivités territoriales » du programme 123. Ces dotations ont pour objet de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des populations ultra-marines, notamment en termes d'éducation. Le versement de dotations permet de maintenir la capacité financière des collectivités.

En particulier, les dotations portées par l'action 6 bénéficient aux collectivités de Mayotte à hauteur de 28,6 %, à la Guyane à hauteur de 22,4 % et à la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 13,4 %.

Répartition des dotations portées par l'action 6 entre les territoires ultra-marins

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'action 6 finance également les secours d'urgence et de solidarité nationale liés aux calamités, ainsi que les actions de défense et de sécurité civile.

En PLF 2025, les crédits de l'action 6 s'élèvent à 257 millions d'euros en AE et à 202,2 millions d'euros en CP, soit une baisse de 40,1 % par rapport à 2024 en AE et de 38,4 % en CP. L'action perd en tout 172 millions d'euros en AE et 127 millions d'euros en CP.

Il est assez difficile de discerner les sous-actions portant les économies réalisées au titre de l'action 6 « collectivités territoriales ». Toutefois, selon les informations rassemblées par les rapporteurs spéciaux, l'essentiel des économies devraient porter sur les « briques suivantes » :

- le soutien de 100 millions d'euros en AE et de 60 millions d'euros en CP au Conseil départemental de Mayotte ne serait pas reconduit. De même, la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires à Mayotte perdrait 10 millions d'euros ;

- la dotation spéciale de construction et d'équipement des lycées et collèges en Guyane devrait être diminuée de 25 millions d'euros ;

- le dispositif des COROM perdrait 57 millions d'euros en AE et 3,6 millions d'euros en CP ;

- Aucun fonds de secours ne serait pas reconduit.

Ventilation de la baisse des crédits de dotation aux collectivités territoriales
ultramarines de l'action 6 du programme 123

(en millions d'euros)

DSCEES : dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'ensemble de ces baisses est regrettable, au vu des besoins importants des collectivités territoriales ultramarines. Mayotte rencontre en particulier des difficultés importantes, face auxquelles un soutien important est nécessaire.

En particulier, concernant les COROM, il est regrettable que le niveau des crédits ouverts en LFI 2024 n'ait pas été reconduit. Aucun nouveau contrat COROM ne devrait être signé en 2025, ce qui est particulièrement dommage, au vu des effets positifs avérés de ce dispositif, comme en témoignait un rapport23(*) d'information de la commission de juin 2023.

Le dispositif COROM

Pour aider les communes des DROM présentant des difficultés financières importantes, la loi de finances initiale pour 2021 a introduit par amendement les contrats de redressement outre-mer (COROM). Ce dispositif résulte des constats du rapport « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer : pour un accompagnement en responsabilité » du député Jean-René Cazeneuve et du sénateur Georges Patient publié en décembre 2019 qui relevait que, sur les 129 communes des DROM, un tiers avait des délais de paiement supérieurs à 30 jours et plus de la moitié étaient inscrites dans le réseau d'alerte des finances publiques. Les critères d'éligibilité, modalités de signature et de suivi des contrats sont définis dans une circulaire conjointe des ministères de l'économie, des finances et de la relance, des collectivités territoriales et de la ruralité et des outre-mer du 2 février 2021.

Les COROM visent à apporter un soutien spécifique de l'État aux communes ultramarines souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux. Les communes qui signent un COROM s'engagent, en contrepartie d'un soutien financier de l'État, à redresser leur situation financière. Ce dispositif d'accompagnement est donc basé sur :

- un effort de diagnostic et d'ingénierie préalable qui doit être mené au niveau local avec l'appui de l'agence française de développement (AFD) ;

- un accompagnement afin de mener certaines réformes structurelles indispensables concernant par exemple la fiscalité (meilleure identification des bases), la maitrise de certaines dépenses de fonctionnement, l'amélioration de la gestion de la chaîne de la dépense ou de la sincérité des comptes ;

- la restauration des marges de manoeuvre en section de fonctionnement, notamment sur la maitrise des frais de personnel, qui reste un enjeu majeur dans les collectivités ultramarines ;

- une aide de l'État au processus de redressement, apportée en fonction des efforts de la collectivité ;

- une perspective pluriannuelle afin de redresser la situation financière de la collectivité contractante.

Source : commission des finances du Sénat

La subvention exceptionnelle pour le syndicat des eaux de Guadeloupe devrait toutefois être reconduite, à hauteur de 20 millions d'euros. Elle avait été introduite par la loi24(*) de finances pour 2023, avec une enveloppe exceptionnelle de 30 millions d'euros, dans le but de pallier rapidement les difficultés rencontrées en termes de distribution et de desserte en eau potable. Dans ce contexte, un contrat d'accompagnement renforcé pour la période 2023-2025 a été signé avec pour objectif de définir une trajectoire budgétaire financière, de préciser les modalités de mise à disposition des assistants techniques et d'organiser la gouvernance et le suivi du contrat au regard du soutien de l'État.

Dans la continuité de la signature de l'accord structurel en 2021 entre l'État et la Collectivité territoriale de Guyane, le soutien exceptionnel de l'État à la collectivité territoriale de Guyane en vue de rétablir sa capacité d'autofinancement en contrepartie d'engagements relatifs à la maitrise des dépenses de fonctionnement, de fiabilité des comptes ou de respect des délais de paiement est prolongé en 2025 à hauteur de 25 millions d'euros en AE et CP, après 30 millions d'euros en 2024.

S'il est satisfaisant que le montant de ces deux subventions soit a priori sanctuarisé, de manière générale la baisse des dotations fournies aux collectivités territoriales est regrettable.

b) Un soutien maintenu aux politiques sanitaires et sociales propres aux outre-mer

Suite à l'achèvement, en 2020, de la contribution financière au Régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), une « convention globale de santé 2021-2023 » a été signée le 14 octobre 2021 entre l'État et la Polynésie française. Dans le cadre de cette nouvelle convention, le ministère des outre-mer s'est engagé à verser annuellement sur la durée de la convention 4 millions d'euros en AE et CP à la collectivité de Polynésie Française au-delà des 4 millions d'euros prévus dans le contrat de développement et de transformation de ce territoire. Ces crédits ont été inscrits pour la première fois depuis la signature, en LFI 2023 et sont reconduits en 2025, au titre de l'action 4 « sanitaire, social, culture, jeunesse et sports ».

3. Des nouveaux contrats de convergence et de transformation (CCT) pour 2024-2027 peu abondés au PLF 2025, après une première génération de CCT faiblement exécutée
a) Une première génération de CCT (2019-2023) dont les montants n'ont pas été intégralement engagés

Prévus par la loi25(*) du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle Outre-mer qui avait pour but de réduire les écarts de développement persistants avec l'hexagone, les contrats de convergence et de transformation (CCT) succèdent aux contrats de plan État-Région (CPER). Ils ont pour objectif d'investir en faveur du développement des territoires tout en prenant en compte les spécificités et les besoins de l'outre-mer et s'inscrivent, par ailleurs, dans la « Trajectoire 5.0 » déclinée pour les territoires ultramarins (zéro carbone, zéro déchet, zéro vulnérabilité au dérèglement climatique, zéro intrant polluant, zéro exclusion).

Une première génération de contrats a été signée le 8 juillet 2019 pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, les régions Guadeloupe et La Réunion, le département de Mayotte et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, ainsi que le 22 juin 2020 pour Saint-Martin. Le contrat de développement et de transformation 2021-2023 a été signé en 2021 par la Polynésie française. La Nouvelle-Calédonie utilise un contrat de développement (CDEV), qui repose sur les dispositions spécifiques de l'article 210 de la loi26(*) organique du 19 mars 1999.

L'ensemble de ces contrats devaient initialement se terminer en 2022 mais ont été prolongés jusqu'en décembre 2023.

Au titre des seuls CCT, le montant contractualisé avec l'État sur le programme 123 s'élève à 417,67 millions d'euros pour la période 2019-2023.

Or il est frappant de constater que l'intégralité des montants contractualisés entre 2019 et 2023 n'ont pu être intégralement engagés. Ainsi, au total, le taux d'engagement sur les montants contractualisés fin 2024 est de 87 %. Le taux de couverture des engagements sur les montants contractualisés n'est même que de 57 % en 2024.

En particulier, à Mayotte seuls 68 % des montants contractualisés ont été engagés ; en Guyane la proportion n'est que de 73 % et à La Réunion ce sont 86 % des montants contractualisés qui ont pu être engagés seulement. Par ailleurs, le taux de couverture des engagements est particulièrement faible en Guadeloupe et à Saint-Martin (à hauteur de 23 %), en Martinique (37 %) et à La Réunion (56 %).

Exécution des CCT entre 2019 et 2024

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les faibles taux de consommation en 2020 et 2021 s'expliquaient en partie par l'impact de la crise sanitaire sur la vie économique des territoires d'outre-mer, et par voie de conséquence le ralentissement des chantiers et de la programmation des opérations. Toutefois, la consommation des années 2022 et 2023 n'a pas permis de rattraper ce retard.

Or, les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement étant soumis au principe d'annualité, conformément à l'article 15-I de la LOLF, les AE non engagées à la fin des contrats n'ont donc pas pu être reportées sur des nouveaux contrats et sont normalement annulées. Ce sont donc 69,8 millions d'euros en AE qui n'auront pas été engagées au titre des CCT et qui sont perdues pour les collectivités ultra-marines.

Concernant spécifiquement le contrat de développement et de transformation de la Polynésie, signé en 2021 et couvrant la période 2021-2023, le taux de consommation des AE, fin 2024, s'élève à 103 % et le taux de couverture des engagements à 47 %.

Enfin, pour la Nouvelle-Calédonie, le contrat de développement signé entre 2017 et 2023, pour un montant de 449,1 millions d'euros, a été engagé à hauteur de 93 %, et couvert à 67 %.

Il serait donc souhaitable que des solutions soient déployées pour soutenir les collectivités notamment en termes d'ingénierie financière, afin de leur permettre d'engager les montants auxquelles elles ont droit au titre des CCT. Autrement, cette situation risque de se reproduire dans le cadre de la nouvelle génération de contrats.

b) De nouveaux CCT (2024-2029) moins ambitieux que la génération précédente

De nouveaux CCT ont été signés en 2024 dans presque toutes les collectivités ultramarines, à l'exception notamment de La Réunion. Ces contrats devraient permettre de mobiliser 8,7 milliards d'euros pour les territoires ultra-marins, dont 2,7 milliards d'euros en provenance de l'État. Au total, ce sont 794,7 millions d'euros qui devraient être décaissés au titre du programme 123, entre 2024 et 202927(*), alors que l'annonce initiale était un engagement de 890 millions d'euros sur les crédits de la mission outre-mer entre 2024 et 2027.

Ainsi, la nouvelle génération de CCT perd 17 % des crédits contractualisés au titre de 2019-2023. En particulier, la Guadeloupe, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française subissent des baisses importantes de montant. Pour la Guyane par exemple, la diminution du montant contractualisé peut être justifiée par le faible taux d'engagement des crédits du CCT précédent. Ce raisonnement n'est toutefois pas valable pour la Guadeloupe par exemple, qui avait engagé 108 % des montants contractualisés entre 2019 et 2023, même si elle n'en avait couvert que 23 %.

Montant contractualisé des CCT entre 2024 et 2029

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

c) Des CCT faiblement financés au titre du PLF 2025

Sur cette base, en PLF 2025, les crédits alloués à l'action 2 s'élèvent à 86,4 millions d'euros en AE et à 41,6 millions d'euros en CP, soit une baisse respectivement de 63 % en AE et de 76,1 % en CP par rapport à la LFI 2024. Au titre de la contractualisation, 57,22 millions d'euros en AE et 14,6 millions d'euros en CP ont été ouverts, soit une baisse de 138,1 millions d'euros en AE et de 127 millions d'euros en CP.

Le PLF 2025 permet en l'état de financer 7 % des engagements pris sur une période de 5 ans, bien loin des 17 %, soit 88,3 millions d'euros en AE, qui seraient nécessaires pour engager chaque année la même somme et faciliter ainsi les opérations des collectivités bénéficiaires.

En deux ans, au titre de 2024 et 2025, ce sont au mieux 130,2 millions d'euros qui pourront être engagés au titre des CCT, soit 16,3 % des montants contractualisés pour la période 2024-2029. Toutefois, les collectivités ont de fait besoin de soutien pour être en mesure d'engager ces montants, comme l'a montré l'expérience des précédents CCT. Ces deux années pourraient être mises à profit pour développer les compétences en ingénierie des collectivités.

Les autres opérations de l'action 2 « Aménagement du territoire » permettent de financer notamment la convention de fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 11 millions d'euros en AE et en CP.

4. Une baisse de l'appui aux investissements des collectivités
a) Malgré une consommation en progrès, le fonds exceptionnel d'investissement raboté de 18,7 % de ses crédits

Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) a été créé en 2009 par la loi28(*) dite « LODEOM » qui prévoit que l'objet du fonds est d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent des investissements sur des équipements publics collectifs participant de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local.

Les crédits ouverts au titre de fonds exceptionnel d'investissement s'élèvent en 2025 à 110 millions d'euros en AE et à 71 millions d'euros en CP, soit une baisse de 50 millions d'euros en AE et de 17 millions d'euros en CP. La baisse du montant des crédits du FEI est dommage, d'autant que les taux de consommation des crédits du FEI se sont fortement améliorés, tant en 2022 qu'en 2023, où ils ont été consommés à plus de 100 % concernant les CP.

Montant ouvert et exécuté au titre du FEI entre 2018 et 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Il est par ailleurs regrettable qu'une partie de ces crédits soit fléchée sur les constructions scolaires de Mayotte. Dans ce domaine, les besoins sont considérables et le FEI « scolaire » est devenu une pratique depuis 2017. Il n'en demeure pas moins en contradiction avec le principe de limitation des cofinancements entre le FEI et les autres crédits du budget de l'État. Il est également révélateur des besoins importants dans ce domaine. Sur ce sujet, les rapporteurs spéciaux renvoient au rapport29(*) fait au nom de la commission des finances sur le fonds exceptionnel d'investissement et publié en juin 2022 et à leurs recommandations en vue d'améliorer l'utilisation du fonds et la consommation des crédits. Il serait préférable que les crédits alloués par le FEI aux constructions scolaires de Mayotte soient budgétés dans l'action 6 « collectivités territoriales ».

b) Des crédits moins importants pour financer des taux bonifiés

L'action 9 du programme 123 vise à favoriser les investissements des acteurs publics en réduisant le coût des ressources empruntées et à assurer l'accompagnement des collectivités ultramarines dans leurs projets d'investissements. Cette action est réalisée par l'intermédiaire de l'Agence française de développement (AFD).

Cet appui se traduit par une bonification d'intérêt aux prêts accordés par l'AFD aux collectivités territoriales et aux personnes publiques mais aussi par la mise en oeuvre d'actions d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) dont l'exécution est confiée à l'AFD, via les dispositifs du Fonds outre-mer (FOM).

En PLF 2025, les crédits ouverts au titre des financements bancaires et de l'ingénierie s'établissent à 23,4 millions d'euros en AE et 32,9 millions d'euros en CP soit une diminution de 66 % en AE (46 millions d'euros) et 12,7 % en CP (4,8 millions d'euros), essentiellement en raison de la baisse des AE accordées au titre de la bonification des prêts octroyées aux personnes publiques par l'AFD.

Dans le cadre d'une stratégie de soutien au financement des personnes publiques et en lien avec le programme du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) ainsi qu'au travers de la politique contractuelle de l'État, le programme 123 porte les crédits destinés à la bonification des prêts octroyés aux personnes publiques pour leurs opérations d'investissement par l'Agence française de développement (AFD).

Au moyen des prêts qu'elle octroie au profit du secteur public, mais aussi par son rôle d'appui technique et d'accompagnement, l'AFD favorise le financement des projets d'investissement et la réalisation d'infrastructures et d'équipements publics, notamment dans les domaines de l'adduction d'eau potable, de l'assainissement, de la gestion des déchets mais aussi de la cohésion sociale et de l'aménagement urbain. Au titre de 2023, ce sont 345 millions d'euros d'engagements bonifiés que l'AFD a réussi à conclure, au bénéfice de 72 établissements du secteur public ultramarin. L'objectif est fixé à 380 millions d'euros d'engagements bonifiés en 2024.

En PLF 2025, les crédits ouverts pour ces prêts à taux bonifiés sont de 14,75 millions d'euros en AE et de 16,1 millions d'euros en CP, soit une baisse de 23,35 millions d'euros en AE. Si l'effet levier des bonifications constatés en 2023 est maintenu (10 euros de financement pour 1 euro de bonification), alors ce sont seulement 234 millions d'euros d'engagement bonifiés qui seront possibles.

c) Un soutien en baisse de l'ingénierie

Le contexte du plan de relance a renforcé la nécessité d'un appui à l'ingénierie au profit des collectivités territoriales, afin de leur permettre d'engager rapidement les nombreux projets qu'elles doivent réaliser.

Ainsi, le Fonds 5.0, créé en 2019, a été reconduit sous l'appellation « Fonds outre-mer » (FOM) et doté de crédits issus du plan de relance, à hauteur de 30 millions en AE pour 2021 et 2022. Pour poursuivre ce soutien à l'ingénierie, via l'AFD, la LFI 2024 prévoyait un financement de ce dispositif à hauteur de 10 millions d'euros en AE et 5 millions d'euros en CP. Cette hausse de 1 million d'euros en CP s'explique par la temporalité de mise en oeuvre des projets financés par le FOM qui s'accélère.

En LFI 2025, le FOM serait financé à hauteur de 10 millions d'euros en AE et de 2 millions d'euros en CP. Cette baisse du soutien à l'ingénierie dans les collectivités territoriales est particulièrement regrettable.

d) Un maintien du financement des sociétés privées

La SOGEFOM, détenue à 58,7 % par l'AFD, a pour but d'apporter une garantie partielle à des opérations de financement engagées par les établissements de crédit en faveur des TPE et PME intervenant dans les collectivités d'outre-mer du Pacifique. Cependant, au 31 décembre 2021, le niveau du potentiel d'engagement de la SOGEFOM ne permettait plus de poursuivre l'activité de garantie sur la totalité de l'année 2022. Aussi, le besoin 2022 a été comblé par la réallocation de 4 millions d'euros, depuis les disponibilités de la Caisse d'investissement des outre-mer (CIOM).

En LFI 2023, 3 millions d'euros en AE, avec une clé d'écoulement des CP de 1 million d'euros par an sur les trois prochaines années, avaient été prévus pour financer l'activité de cet établissement de crédit. Ce soutien semble maintenu en PLF 2025.

En revanche, aucun nouvel abondement n'a été prévu pour l'initiative Kiwa, qui a été lancée par l'AFD en mars 2020. Elle vise à faciliter l'accès aux financements de porteurs de projets (incluant les collectivités locales) en lien avec le développement de solutions fondées sur la nature (SFN), à travers des subventions ou de l'assistance technique, avec pour objectif de lutter contre les effets du changement climatique. Cependant, au début de l'été 2022, l'intégralité des AE issues de la contribution initiale du ministère chargé des outre-mer avait été consommée, excluant de fait la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie des prochains appels à projets. Ainsi, la LFI pour 2023 a prévu un abondement complémentaire au bénéfice de l'Initiative Kiwa à hauteur de 4 millions d'euros en AE avec un décaissement de CP sur deux ans afin de compléter la contribution initiale intégralement consommée.

Or, au regard des besoins dans ce domaine, les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner que les besoins pourraient être plus importants que le niveau des crédits ouverts en 2023 et 2024 et craignent, subséquemment, un accès limité à l'emprunt pour certains acteurs économiques locaux.

C. LA POLITIQUE DE CONTINUITÉ TERRITORIALE, INDISPENSABLE MAIS INSUFFISANTE POUR COUVRIR LES BESOINS DES 2,8 MILLIONS D'ULTRA-MARINS

1. La continuité territoriale : une nécessité pour tenir compte de l'éloignement géographique des territoires ultramarins

La politique nationale de continuité territoriale est définie à l'article L. 1803-1 du code des transports comme « tendant à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de l'hexagone, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».

Cette politique prend la forme de plusieurs aides financières portées par le fonds de continuité territoriale créé par l'article 50 de la loi30(*) du 27 mai 2009. Ce fonds de continuité territoriale globalise les crédits destinés au financement des trois catégories suivantes d'aide :

l'aide à la continuité territoriale (ACT) qui concourt au financement d'une partie des titres de transport entre la collectivité de résidence outre-mer et le territoire métropolitain et dans les deux sens pour les personnes rendant une dernière visite à un proche ou se rendant à ses obsèques ;

l'aide au rapatriement de corps qui permet la contribution au financement du transport du corps, que ce transport ait lieu vers l'hexagone ou vers l'outre-mer, et dans certains cas entre collectivités d'outre-mer ;

les passeports pour la mobilité.

Ensuite, par décret31(*) du 28 juin 2021 et par arrêté du 28 juin 2021, quatre mesures plus favorables ont été mises en oeuvre :

- la fusion de l'aide simple et de l'aide majorée sur la base du montant plus favorable : dorénavant, pour le dispositif d'aide à la continuité territoriale et pour le dispositif d'aide obsèques dans le cadre de la continuité funéraire, un montant d'aide unique existera pour chaque territoire ultramarin. Ce montant représente environ 50 % du prix moyen d'achat du billet d'avion constaté sur chaque liaison ;

- la simplification et fixation d'un plafond unique de ressources ;

- la création d'un dispositif spécifique en faveur des trois nouveaux publics bénéficiaires : les doctorants et post-doctorants, les artistes et les acteurs culturels et les jeunes espoirs sportifs ;

- l'extension des droits d'accès à la continuité funéraire : les frères et soeurs des défunts sont dorénavant éligibles, les déplacements peuvent se faire dans le cadre d'une dernière visite à un proche et ils deviennent possibles entre outre-mer.

Par ailleurs, la loi de finances pour 2023 a permis d'augmenter une nouvelle fois les montants forfaitaires de prise en charge de l'aide à la continuité territoriale afin de mieux couvrir le prix moyen du billet d'avion aller/retour des usagers, pour une dépense annuelle supplémentaire de 6 millions d'euros. Les dispositifs portés par le fonds de continuité territoriale s'établissaient, en LFI 2023, à près de 40 millions d'euros.

En 2023, 78 810 ultramarins ont pu bénéficier des dispositifs du fonds de continuité territoriale, soit un doublement par rapport à 2018. En particulier, l'aide à la continuité territoriale a vu un triplement de ses bénéficiaires entre 2018 et 2022, sans doute en raison des simplifications mises en oeuvre en 2021, qui ont donc été particulièrement utiles aux populations.

Évolution du nombre de bénéficiaires des dispositifs de continuité territoriales
entre 2018 et 2023

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Une nouvelle extension en LFI 2024 pour mieux prendre en compte les déplacements professionnels

La LFI 2024 prévoit la création de trois nouveaux dispositifs d'aide à la continuité territoriale.

Le premier vise à accompagner les projets individuels d'installation professionnelle dans l'une des collectivités mentionnées à l'article L. 1803-21 du code des transports.

Le deuxième est destiné aux personnes morales de droit privé implantées dans l'une des collectivités susmentionnées afin de financer des déplacements de leurs salariés en vue d'une formation professionnelle.

Le troisième, enfin, prévoit une aide destinée aux personnes morales de droit privé implantées dans l'une des collectivités susmentionnées au titre du caractère innovant de l'entreprise afin de financer tout ou partie du coût des titres de transport liés à certains déplacements professionnels nécessaires au développement de son activité.

Le coût estimé de ces trois nouvelles mesures est de 21,6 millions d'euros en AE et CP.

3. Des crédits en baisse, risquant d'être insuffisants pour couvrir les demandes

Les crédits prévus en PLF 2025 au titre de la continuité territoriale s'élèvent à 62,9 millions d'euros en AE et CP soit une baisse de 17,6 % par rapport à la LFI 2024. Il est à noter toutefois que ces crédits sont toujours supérieurs de 11 millions d'euros par rapport aux crédits ouverts en LFI 2023, qui n'ont d'ailleurs pas été consommés.

Ils risquent toutefois de ne pas être suffisants pour couvrir les nouvelles mesures instaurées par la LFI 2024. Il manquerait en effet plus de 10 millions d'euros pour couvrir les coûts supplémentaires estimés par rapport à la LFI 2023.

Ainsi, le fonds de continuité territoriale est doté de 51,8 millions d'euros en AE et de 1,4 millions d'euros en CP, soit une baisse de 10 millions d'euros en CP.

Cette situation est d'autant plus frappante que la dotation de continuité territoriale attribuée à la Corse est dotée de 187 millions d'euros, soit un montant trois fois plus élevé que les crédits de la continuité territoriale en outre-mer, pour une population nettement moins nombreuse. Une telle situation est particulièrement regrettable.

III. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER » EN HAUSSE POUR COUVRIR LES COMPENSATIONS DES EXONÉRATIONS SOCIALES ULTRAMARINES

Le programme 138 « Emploi outre-mer » se compose de quatre actions et rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de la compétitivité des entreprises, de l'amélioration de l'employabilité des jeunes et de la qualification des actifs ultramarins. À ce titre, il porte notamment les crédits relatifs à la compensation des exonérations de cotisations patronales, au financement du service militaire adapté (SMA) et divers dispositifs de financement de l'économie.

Entre la LFI 2024 et le PLF 2025, le programme 138 enregistre une hausse de 3,8 % en AE soit 72,4 millions d'euros et de 3,4 % en CP soit 64,1 millions d'euros. Cette hausse résulte du solde entre la hausse de l'actions 1 (« soutien aux entreprises ») et de la baisse de l'action 4 (« financement de l'économie), de 75,5 %.

Évolution des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer »
entre 2023 et 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

A. UN SOUTIEN AUX ENTREPRISES MAINTENU, MAIS QUI POURRAIT ÊTRE RÉFORMÉ EN LFSS 2025

1. Malgré une hausse des crédits de compensation d'exonérations sociales, une remise en cause possible de ces exonérations en PLFSS
a) Un dispositif de soutien à la compétitivité des entreprises

Afin de diminuer le taux de chômage outre-mer (compris entre 9 % et 34 % en 2023, contre 7 % dans l'hexagone) et d'améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines, un dispositif d'allègement et d'exonération de cotisations de sécurité sociale a été mis en place par la loi32(*) du 25 juillet 1994 et la loi33(*) du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer. Ce dispositif d'exonérations de cotisations de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer, dit « LODEOM », résulte des dispositions de l'article L. 752-3- 2 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les entreprises implantées outre-mer et des articles L. 756-4 et L. 756-5 de ce même code pour les travailleurs indépendants ultramarins.

Il a fait l'objet de plusieurs modifications depuis sa création. En effet, la loi34(*) de finances pour 2014 et la loi35(*) de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 ont ainsi abaissé les niveaux de salaires concernés par les exonérations de charges patronales afin de recentrer l'application de celles-ci sur les bas et moyens salaires, compte tenu de l'importance plus grande que joue, à ce niveau, le facteur du coût du travail sur l'emploi. Par ailleurs, la loi36(*) de financement de la sécurité sociale pour 2017 a poursuivi ces recentrages, cette fois, sur le dispositif d'exonérations applicables aux cotisations dont les travailleurs indépendants sont redevables.

Enfin, le dispositif d'allègements et d'exonérations de charges patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer a été modifié par la loi37(*) de financement pour la sécurité sociale de 2019 afin de compenser la suppression du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) au 1er janvier 2019 en renforçant les exonérations de charges patronales. Cette réforme avait entrainé, en 2019, une augmentation de plus de 42 % des crédits affectés à la compensation de ces exonérations de charges.

Le régime des exonérations de cotisations patronales en outre-mer

Les niveaux d'exonération de cotisations patronales se déclinent ainsi :

Barème dit de « compétitivité » : une exonération totale jusqu'à un seuil de 1,3 SMIC suivie d'une dégressivité de cette exonération avec un point de sortie désormais fixé à 2,2 SMIC pour toutes les entreprises de moins de 11 salariés et pour les employeurs occupant plus de onze salariés et relevant des secteurs du bâtiment et des travaux publics, de la presse, de la production audiovisuelle, du transport aérien, maritime et fluvial pour les personnels assurant la desserte des départements d'outre-mer, de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Barème dit de « compétitivité renforcée » : une exonération totale jusqu'à un seuil de 1,7 SMIC suivie d'une dégressivité avec un point de sortie fixé à 2,7 SMIC pour les employeurs occupant moins de 250 salariés, ayant réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros et qui :

- soit relèvent des secteurs de l'industrie, de l'environnement, de l'agronutrition, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, des centres d'appel, de la pêche et des cultures marines, de l'aquaculture, de l'agriculture, du tourisme y compris les activités de loisirs s'y rapportant, du nautisme, de l'hôtellerie, de la recherche et du développement ;

- soit sont situés en Guyane et exercent une activité principale relevant de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, ou correspondant à l'une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques.

Barème dit « innovation et croissance » : une exonération totale jusqu'au seuil de 1,7 SMIC, le maintien de l'exonération calculée pour un salaire de 1,7 SMIC jusqu'au seuil de 2,5 SMIC, seuil à partir duquel elle décroît avec un point de sortie fixé à 3,5 SMIC pour la catégorie des employeurs occupant moins de 250 salariés et ayant réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros, au titre de la rémunération des salariés concourant essentiellement à la réalisation de projets innovants dans le domaine des technologies de l'information et de la communication.

Source : commission des finances à partir du PAP

b) Une hausse des crédits suite à la réévaluation du montant des compensations à verser à la Sécurité sociale

En PLF 2025, les crédits ouverts s'élèvent à 1,64 milliard d'euros soit une hausse de 6,7 %, représentant 104 millions d'euros, par rapport à la LFI 2024. Pour rappel, les dépenses de cette action sont des dépenses de guichet. Il en résulte que le niveau des crédits ouverts en 2025 pourrait être ajusté.

La dépense budgétisée dans le PLF 2025 s'appuie sur les prévisions produites par l'ACOSS lors des groupes de suivi. Ces prévisions se construisent sur la base d'un relevé mensuel des déclarations nominatives des entreprises ainsi que des données statistiques et des réalisations comptables intégrées a posteriori, auxquels l'ACOSS applique un pourcentage correspondant à la part outre-mer. Les prévisions de dépenses de compensation des exonérations progressent essentiellement du fait des hypothèses d'évolution de la masse salariale des salariés des entreprises privées, retenues par l'Urssaf-Caisse nationale pour ses prévisions techniques.

Les variations constatées ces dernières années témoignent cependant de la difficulté à établir des prévisions fiables, s'agissant de dépenses de guichet qui sont tributaires de la conjoncture économique et ne sont confirmées qu'à l'issue des exercices budgétaires. Ainsi, par exemple, en 2023, les crédits ouverts au titre de l'action 1 ont été sur-exécutés à hauteur de 28 %. La LFI pour 2023 avait ainsi sous-estimé de 403 millions d'euros les crédits nécessaires à la compensation des exonérations sociales. C'est sans doute ce qui explique la hausse des crédits accordés à l'action 1 en PLF 2025.

Une telle situation est regrettable, puisqu'elle conduit l'État à s'endetter auprès de l'ACOSS. Une fiabilisation de la prévision des compensations dues à la Sécurité sociale au titre du dispositif « LODEOM » est nécessaire.

c) Une potentielle réforme des exonérations LODEOM dans le PLFSS

Les exonérations de compensation sociale dites « LODEOM » spécifiques aux outre-mer pourraient être profondément réformées par l'article 6 du PLFSS pour 2025, qui prévoit une réforme de l'ensemble des allègements généraux de cotisations sociales.

Cet article prévoit :

- une réforme paramétrique pour 2025, en diminuant le montant maximal d'exonération de la réduction générale de 2 points, au bénéfice de l'assurance vieillesse. En outre, les points de sortie des dispositifs de réduction proportionnelle des taux des cotisations patronales d'assurance maladie et d'allocations familiales seront respectivement ramenés à 2,2 et 3,2 SMIC (contre 2,5 et 3,5 SMIC actuellement) ;

- une réforme structurelle pour 2026, dont l'objectif est de créer un dispositif unique de réduction générale dégressive des cotisations sociales qui s'appliquera à l'ensemble des salaires de montant inférieur à 3 SMIC, en supprimant en contrepartie les dispositifs de réduction proportionnelle des taux des cotisations patronales d'assurance maladie et d'allocations familiales.

Ces réformes auraient des impacts forts sur les dispositifs « LODEOM », qui sont appuyés sur les dispositifs de droit commun. En effet, les exonérations « LODEOM » sont construites sur le modèle de la réduction générale dégressive mentionnée à l'article L241-13 du code de la Sécurité sociale, que modifie le c du 1 du III de l'article 6 du PLFSS.

Les dispositifs d'exonérations de charge sont pourtant essentiels pour soutenir l'emploi en outre-mer. Au vu du contexte économique actuel en outre-mer, il est étonnant et fort regrettable de réformer ces dispositifs via une réforme générale. Les dispositifs « LODEOM » pourraient être exclus du dispositif actuel, en vue d'une discussion en propre sur leur pertinence et leurs effets.

Il est estimé que la réforme envisagée impliquerait une baisse des compensations à verser à la Sécurité sociale via les crédits du programme 138 de l'ordre de 100 à 200 millions d'euros.

Par ailleurs, l'article 6 du PLFSS demande au Parlement une autorisation de légiférer par ordonnance pour réviser « les règles relatives aux exonérations spécifiques afin de tenir compte de la transformation du dispositif d'allègement de référence ainsi que des objectifs fixés par la loi de finances en termes de maîtrise du coût de ces dispositifs »38(*). L'objectif en est donc de réviser les dispositifs LODEOM. Or s'ils sont certainement sujets à des améliorations, il n'est pas acceptable que le Parlement ne soit pas associé à des changements ayant des incidences très fortes pour les outre-mer.

Par ailleurs, une mission d'évaluation de l'Inspection générale des Finances et de l'Inspection générale des affaires sociales a été lancée à la mi-2024 pour mesurer les effets des dispositifs d'exonérations dits LODEOM. Il est particulièrement important que le Parlement ait accès aux conclusions de cette mission. Celles-ci pourront éclairer le débat quant aux modifications envisagées du dispositif « LODEOM », qui devraient faire l'objet le cas échéant d'un projet de loi spécifique, et non d'une ordonnance. Un délai pour discuter de ces questions complexes, par exemple de six mois, serait particulièrement souhaitable.

Les rapporteurs spéciaux suivront ce point avec attention.

2. Un financement de l'économie en forte baisse

Cette action créée en loi de finances pour 2019 porte des mesures transférées depuis l'action 1 du programme 138, ainsi que des dispositifs nouveaux issus d'une partie des ressources dégagées par les réformes fiscales d'extinction de la TVA non perçue récupérable (NPR) et de réforme de l'impôt sur le revenu.

Ces mesures spécifiques de soutien aux entreprises et associations ultramarines ont pour objectif d'accompagner le développement économique et l'attractivité des territoires ultramarins par la mise en oeuvre de plusieurs dispositifs :

- le prêt de développement outre-mer (PDOM) Bpifrance ;

- les subventions d'investissement ;

- le soutien au microcrédit outre-mer.

Les crédits ouverts au titre de cette action s'élèvent seulement à 10,1 millions d'euros en AE et à 8,1 millions d'euros en CP soit une baisse de 24,9 millions d'euros en AE et en CP. L'action est vidée de 75,5 % de son financement en 2025.

Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la pertinence d'une telle baisse dans un contexte de crise économique qui pourrait pourtant pousser les entreprises ultramarines à avoir recours de manière accrue à ces outils de financement.

En effet, l'année 2023 a été soutenue en termes d'accords PDOM (+ 18 % à 36,4 millions d'euros) et d'engagements (33 millions d'euros). Cette tendance dynamique s'est confirmée au 1er semestre 2024 avec respectivement 29 millions d'euros et 25,8 millions d'euros. Entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2024, un total de 747 prêts de développement a été réalisé par BPI France, à hauteur de 228,7 millions d'euros.

Le PDOM finance les investissements matériels et immatériels des TPE/PME, qui ont dû, dès 2022, construire la relance post crise sanitaire dans un nouveau contexte de crise. À ce titre, Bpifrance estime que la majorité des PDOM mis en place en 2022 et 2023 concernent des dossiers avec des retombées polyformes de la crise (inflation des matériaux, de matières premières et du fret, sur-stockage indispensable pour pallier les difficultés d'approvisionnement et éviter la pénurie et la rupture de l'offre, hausse des taux de crédit...). Depuis 2023, le périmètre du PDOM a été étendu pour couvrir l'augmentation du besoin en fonds de roulement généré par les problématiques de logistique et d'approvisionnement. Un « PDOM transmission » a également été créé afin d'accompagner financièrement les transmissions d'entreprises.

L'aide au fret est également divisée par deux en CP, passant de 5,6 millions d'euros à 2,8 millions d'euros.

Aussi, au vu de cette baisse substantielle de crédits, les rapporteurs spéciaux souhaitent rappeler avec fermeté que le niveau des crédits de l'action 4 doit rester stable pour répondre aux engagements du Gouvernement.

B. UN MAINTIEN DES CRÉDITS ALLOUÉS AU SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ (SMA)

Les crédits de l'action 2 financent, à titre principal, le service militaire adapté (SMA) mais également la subvention pour charges de service public de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) ainsi que des actions de formations en mobilité à destination des ressortissants des départements et collectivités outre-mer de 18 à 30 ans notamment via le passeport mobilité formation professionnelle (PMFP) et enfin la subvention versée à l'institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS).

1. Le SMA, une évolution constante du dispositif pour s'adapter au mieux aux besoins

Le service militaire adapté (SMA) est un dispositif militaire d'insertion socioprofessionnelle créé en 1961 au profit des jeunes ultramarins, de 18 à 25 ans, éloignés de la qualification et du marché de l'emploi qui permet d'apporter une réponse ciblée à l'exclusion, au chômage, à la désocialisation et à l'illettrisme dans les territoires d'outre-mer. Sa mission principale est donc de faciliter l'insertion dans la vie active de jeunes adultes, volontaires, en situation d'échec ou en voie de marginalisation résidant dans les départements et collectivités d'outre-mer.

À cette fin, le SMA propose, sous statut de volontaire dans les armées, un parcours complet pour développer et renforcer les compétences sociales et professionnelles des bénéficiaires. Il est articulé autour d'une formation militaire initiale, d'une remise à niveau dans les savoirs de base, d'une éducation civique, d'une formation aux premiers secours et d'une préformation professionnelle. Ce parcours est sanctionné par un certificat d'aptitude personnelle à l'insertion et complété par l'obtention du permis de conduire.

Déployé en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, ainsi qu'à Périgueux (24) avec un centre dédié à la mobilité et à la formation, le SMA, initialement prévu pour accueillir 3 000 jeunes est, depuis 2017, en capacité d'accueillir chaque année 6 000 bénéficiaires depuis la mise en oeuvre, sur la période 2012-2017 du Plan « SMA 6000 ». Cette montée en puissance rapide a nécessité des évolutions du dispositif. Ainsi, le modèle « SMA 6 000 » a laissé place au projet « SMA 2025 ». Dans ce cadre deux nouvelles compagnies ont été ouvertes en juillet 2022 : une en Polynésie, sur l'île de Hao et une à Mayotte.

Dans la continuité du « SMA 2025 », le « SMA 2025 + » a pour ambition de renforcer l'actuel plan en prolongeant son action qualitative tout en s'ouvrant à d'autres publics également en grande difficulté. Le « SMA 25 + » a neuf objectifs :

allonger d'un mois la durée moyenne de formation des volontaires stagiaires, et développer des filières en apprentissage, pour augmenter la proportion des filières qualifiantes ;

- renforcer les savoirs de base (lire, écrire, compter, maîtriser l'accès à internet) ;

- accueillir, dans tous les RSMA, les mineurs décrocheurs de 16 à 18 ans, dans le cadre du volontariat jeune cadet (VJC) ;

accueillir 200 mères célibataires supplémentaires par la création de places en crèches et de maisons des familles au sein des régiments ;

présenter 100 % des volontaires au permis de conduire, avec un taux de réussite de 100 % ;

- développer des formations de chefs d'équipe et de cadres intermédiaires à destination des volontaires ;

accueillir 320 jeunes métropolitains (service civique ou étudiants) pour favoriser le brassage social et géographique ;

augmenter de 11 % le nombre de bénéficiaires, soit 380 volontaires stagiaires et 280 volontaires techniciens par an ;

- relocaliser le centre de formation du SMA de Périgueux afin de le rendre plus accessible, et porter sa capacité d'accueil de 100 à 300 stagiaires, en partenariat avec l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).

En 2025, le plan « Horizon 2030 » est mis en oeuvre dans l'ensemble des unités du SMA, dans la suite du plan « SMA 25 + ». Il planifie l'extension de l'ensemble des projets à tous les territoires ultramarins, pour un coût de 117 millions d'euros sur 5 ans.

2. Un dispositif confronté à des difficultés de recrutement de volontaires

Le recrutement de 6 000 bénéficiaires a été confronté à plusieurs difficultés depuis 2017 :

- un décalage de la croissance démographique entre les différents territoires d'outre-mer avec une baisse démographique en Guadeloupe et à la Martinique (respectivement - 7,1 % et - 9,5 % entre 2011 et 2021) et une croissance importante en Guyane et à Mayotte ce qui est venu perturber la répartition territoriale des recrutements en compensant les moindres recrutements des Antilles par des sur recrutements dans d'autres territoires. Afin de remédier à cette difficulté, une modification des critères de recrutement a été actée dès 2020 avec un abaissement de l'âge des recrutés (16 ans au lieu de 18 ans) ;

- la crise sanitaire a affecté les recrutements à compter de 2020 ;

l'obligation vaccinale contre le COVID pour les militaires a également pesé sur les recrutements, particulièrement aux Antilles où le refus de la vaccination est venu ajouter un frein supplémentaire s'ajoutant à la baisse démographique. Toutefois, cette obligation a été supprimée depuis le 23 août 2023 ;

- la concurrence avec d'autres dispositifs d'insertion pour des populations proches de celles ciblées par le SMA mais moins contraignants et parfois plus lucratifs.

Dès lors, depuis 2017, le nombre de volontaires a enregistré une baisse notable jusqu'à 2020. Le nombre de recrutements est de nouveau en hausse depuis 2021, mais sans toutefois parvenir à retrouver le niveau de 2016, ni atteindre l'objectif des 6 000 bénéficiaires, et encore moins des 6 660 bénéficiaires du plan « SMA 25+ ».

Évolution du nombre de volontaires stagiaires et de volontaires techniciens
entre 2016 et 2023

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

3. Des taux d'insertion qui attestent l'efficacité du SMA

Depuis 2018, et à l'exception de l'année 2020 en raison des confinements, le taux d'insertion des volontaires en fin de contrat, est supérieur à 80 % et a dépassé la cible fixée pour 2022 à 81 % pour atteindre 84,1 %. En 2023, le taux d'insertion est de 83,02 %.

Évolution des taux d'insertion entre 2017 et 2025

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux saluent cette progression mais s'interrogent sur la capacité à tenir le taux d'insertion cible en 2024 et en 2025 dans un contexte de difficultés économiques.

4. Des crédits maintenus pour le SMA

Le SMA a désormais atteint un certain niveau de maturité après son extension importante entre 2017 et 2023. Les crédits hors titre 2 alloués à ce dispositif sont, subséquemment, relativement stables et devraient le rester.

En effet, en PLF 2025, les crédits de l'action 2 s'élèvent à 315,3 millions d'euros en AE et 295 millions d'euros en CP, soit une baisse de 1,9 % en AE et 4,6 % en CP qui représente respectivement 6,3 millions d'euros en AE et 14,2 millions d'euros en CP par rapport à la LFI 2024.

Au titre du seul SMA, les crédits hors titre 2, s'élèvent à 72,97 millions d'euros en AE et 58,3 millions d'euros en CP soit une hausse de 1,2 million d'euros en AE et une baisse de 8,9 millions d'euros en CP en raison du rythme d'achèvement des principales opérations sur les infrastructures d'accueil, par rapport à l'année précédente.

À noter, suite au décret d'annulation du 21 février 2024, il semble que 4 millions d'euros aient été annulés au titre du SMA. Dans la continuité, une réduction du plafond d'emplois de 35 ETPT de volontaires techniciens est prévue pour 2025, soit une économie de 0,4 millions d'euros. Même si elle est faible, une telle baisse du plafond d'emplois est regrettable pour un dispositif dont l'utilité est avérée.

Enfin, il faut faire remarquer que l'ensemble des crédits consacrés au SMA, qui comprennent notamment la subvention du ministère des Armées, a augmenté de 30 % depuis 2016. Ces crédits sont toutefois relativement stables depuis 2022.

Évolution de l'ensemble des crédits finançant le SMA entre 2012 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

IV. LES MOYENS DE L'AGENCE DE L'OUTRE-MER POUR LA MOBILITÉ EN BAISSE

L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) est, depuis le 1er janvier 2016, un établissement public administratif (EPA). Le financement en provenance de l'État de l'agence provient des deux programmes de la mission « Outre-mer » :

- des crédits du programme 123 » Conditions de vie outre-mer » via l'action 3 pour le financement des dispositifs du fonds de continuité territoriale (FCT). Ces crédits s'élèvent à 39,5 millions d'euros en AE et CP en 2025 contre 57,2 millions d'euros en 2024 ;

- des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer » : l'action 2 du programme 138 porte la subvention pour charges de service public (SCSP) allouée à l'établissement. Cette subvention s'élève en 2025, à 6,28 millions d'euros en AE et en CP, soit une baisse de 1,2 millions d'euros par rapport à 2024. Par ailleurs, l'action 2 du programme 138 porte également les crédits d'intervention de l'agence pour les formations professionnelles en mobilité. Ces crédits, qui visent à financer la formation et l'emploi des jeunes, s'élèvent, en PLF 2025, à 8 millions d'euros en AE et 5,4 millions d'euros en CP, soit une baisse de 3,1 millions d'euros en AE par rapport à la LFI 2024.

Au total, les subventions de LADOM s'élèvent à 53,8 millions d'euros en AE et à 51,2 millions d'euros en CP, soit une baisse de 22 millions d'euros en AE et de 19,4 millions d'euros en CP. La raison en est la participation de LADOM au redressement des finances publiques, ainsi que la dématérialisation de l'ensemble de ses procédures.

La baisse des crédits alloués à LADOM est à déplorer au vu de son importance pour les populations ultramarines. Il est à souhaiter que son fonds de roulement lui permette de pallier les difficultés liées à un baisse des subventions de l'État.

Enfin, l'agence est dotée de 140 ETPT sous plafond et 15 ETPT hors plafond en 2025 soit un niveau stable par rapport à 2024.

V. UNE AMÉLIORATION DE LA CONSOMMATION DES CRÉDITS DE LA MISSION

1. Une nette hausse de l'exécution des crédits de la mission

En 2023, les crédits de la mission « Outre-mer » ont été sur-exécutés par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale (LFI)39(*) de 2023. Ainsi, la surconsommation totale sur la mission est de 421,8 millions d'euros en AE et de 437,1 millions d'euros en CP, soit 15,5 % en AE et 17,2 % en CP. Il s'agit d'un progrès notable au niveau de la mission concernant l'utilisation des crédits alloués, en sous-exécution jusqu'en 2021.

Évolution de la prévision et de l'exécution des crédits entre 2021 et 2023

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Dans le détail, le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », qui rassemble la majeure partie des dépenses pilotables de la mission, est marqué, en 2023, par une sur-exécution à hauteur 10,2 millions d'euros en AE et de 45,39 millions d'euros en CP par rapport à la LFI, soit une hausse de 5,8 % en CP.

Ce programme avait déjà enregistré une sur-exécution en 2022 à hauteur de 63,5 millions d'euros en AE et de 14,3 millions d'euros en CP.

De surcroit, le programme 138 « Emploi outre-mer », constitué principalement de dépenses non-manoeuvrables dites « de guichet » enregistre une surconsommation de 411,5 millions d'euros en AE et de 391,7 millions d'euros en CP, soit une sur-exécution de 22 %, alors qu'il présentait déjà en 2022 un taux de consommation de l'ordre de 115 %. Le programme 138 est le principal facteur de la sur-exécution des crédits.

Cette sur-exécution est liée dans une large mesure à la mise à jour des prévisions de la caisse nationale de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) sur les cotisations sociales des entreprises en cours d'exercice. Dans une moindre mesure, la gestion de la crise de l'eau à Mayotte en 2023 a également occasionné des dépenses supplémentaires pour la mission.

Les rapporteurs spéciaux saluent ces progrès dans la consommation des crédits, qui montrent une capacité accrue des territoires ultra-marins à mobiliser les financements qui leur sont attribués.

2. Un maintien de restes à payer de 2,2 milliards d'euros en 2024

Les restes à payer demeurent toutefois très élevés en 2024, à hauteur de 2,257 milliards d'euros, dont 2,174 milliards d'euros sur le programme 123 (37 % des montants sur l'action Logement, représentant 801,6 millions d'euros).

Entre 2018 et 2023, les restes à payer ont augmenté de 35 % sur les crédits du programme 123, malgré les opérations d'apurement mises en oeuvre par la DGOM depuis 2019.

Comparaison entre les consommations de CP et les restes à payer
entre 2018 et 2023 sur le programme 123

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ces restes à payer représentent un risque important pesant sur l'exécution de la mission, au vu de leurs niveaux très élevés. Les opérations d'apurement doivent donc être poursuivies à un rythme accéléré. Les caractéristiques du programme 123, avec de nombreuses opérations pluriannuelles (logements, contrats, fonds exceptionnel d'investissement) ne peuvent justifier à elles seules un tel niveau de restes à payer.

TROISIÈME PARTIE
LES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DE L'OUTRE-MER

A. UN OUTIL CONTESTÉ MAIS INDISPENSABLE POUR LES ENTREPRISES ET LES POPULATIONS D'OUTRE-MER

1. Un outil contesté dans sa pertinence

En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales contribuent à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et l'hexagone.

Sur les deux programmes de la mission, elles devraient s'établir, en 2025, à 5,456 milliards d'euros, soit quasiment deux fois plus que les crédits budgétaires portés par la mission « outre-mer ».

En raison des montants en jeu, les dépenses fiscales sont cependant des outils contestés pour plusieurs raisons mises en exergue de manière récurrente, en particulier par la Cour des comptes dans ses rapports sur l'exécution budgétaire et dans son rapport40(*) sur les financements de l'État en outre-mer.

Elle estime, en effet, que l'efficacité de ces dépenses n'est pas avérée et que leur surcoût est important par rapport à d'autres dispositifs en raison notamment :

- des difficultés de chiffrage et, de fait, du coût réel qu'elles représentent pour l'État ;

- des difficultés de pilotage ;

- de l'absence d'évaluation de l'efficacité et de l'efficience des dépenses fiscales et, à tout le moins, des plus significatives ;

- de l'absence de règles précises et formalisées relatives à la définition et à la modification du périmètre des dépenses fiscales.

2. Un outil pourtant indispensable

Malgré les critiques récurrentes, les rapporteurs spéciaux estiment que ces dépenses représentent un outil essentiel pour contribuer à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et l'hexagone.

À ce titre, elles sont considérées par le droit de l'Union européenne comme des aides à finalité régionale, placées sous le régime du règlement général d'exemption par catégorie41(*), car considérées comme ne représentant pas un avantage concurrentiel massif et de nature à compenser les surcoûts liés à cette situation géographique particulière.

Elles ont un effet incitatif notamment sur la construction de logements et répondent ainsi à un besoin prégnant en outre-mer.

Hors dépenses fiscales relatives au logement, elles permettent un maintien du pouvoir d'achat des ultramarins et contribuent aux tentatives de réalignement des niveaux de vie avec l'hexagone. C'est notamment le cas des exonérations ou des taux réduits de TVA. La pertinence de cet outil est telle que le Gouvernement envisage au PLF 2025 d'exempter de TVA une liste de produits de première nécessité en Guadeloupe et à la Martinique, afin de lutter contre les conséquences de la vie chère en outre-mer. Les rapporteurs spéciaux souhaiteraient d'ailleurs étendre ces exemptions à La Réunion, pour des raisons d'équité sociale au vu du niveau des prix très élevé.

Elles concourent à l'amélioration de la compétitivité des entreprises ultramarines dans un marché plus contraint que dans l'hexagone et favorisent l'investissement privé.

Les dépenses fiscales ont, enfin, une portée politique dont il ne faudrait pas négliger l'impact en termes de climat social dans les territoires d'outre-mer.

3. Des études récentes conduites

Sur la période 2021 à 2023, la direction générale des outre-mer a coordonné trois évaluations portant sur des dépenses fiscales suivantes :

- l'évaluation des abattements applicables dans les collectivités d'outre-mer en application des articles 44 quaterdecies, 1388 quinquies, 1395 H et 1466 F du code général des impôts, dit dispositif des « zones franches d'activité nouvelle génération » en 2021 ;

- l'évaluation de l'augmentation du seuil pour bénéficier de la franchise en base de TVA en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion en 2022 ;

- l'évaluation de l'impact de l'aide fiscale à l'investissement productif neuf en outre-mer, selon un rapport de l'IGF paru en juillet 2023.

Évaluation du régime d'aide fiscale à l'investissement productif

Les ministres chargés de l'économie, des comptes publics, de l'intérieur et de l'outre-mer ont demandé à l'inspection générale des finances de conduire des travaux sur ce régime. Il résulte des travaux de la mission 16 propositions destinées à :

- mieux cibler le RAFIP au bénéfice de l'exploitant, en favorisant notamment la montée en charge des dispositifs désintermédiés (crédit d'impôt) ;

- améliorer le pilotage et le suivi de la dépense fiscale, tout en simplifiant son fonctionnement ;

- renforcer les prérogatives et contrôles assurés par les services de l'État ;

- réorienter le RAFIP vers des actifs productifs, les petites entreprises et le verdissement des économies ultramarines ;

- réguler davantage l'activité des intermédiaires, et singulièrement celle des « monteurs en défiscalisation ».

Source : commission des finances

En 2023, l'IGF a également réalisé, conformément à l'article 17 de la loi42(*) de finances initiale pour 2023, une évaluation des réductions d'impôt sur le revenu « Madelin » pour l'investissement des particuliers dans les PME. Remis en octobre 2023, ce rapport incluait notamment la dépense fiscale prévue à l'article 199 terdecies- 0 A du code général des impôts. Il préconise d'initier une évaluation complémentaire des dispositifs FIP Corse et FIPOM en vue de statuer sur leur maintien. Un travail a été initié par la direction générale des outre-mer, qui devrait aboutir en 2025.

En revanche, le programme d'évaluation des dépenses fiscales pour 2025, présenté dans le Tome 2 - Voies et moyens, annexé au PLF 2024, ne prévoit pas d'évaluation sur des dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer ».

Les rapporteurs spéciaux sont pleinement conscients des difficultés qui pèsent sur l'évaluation des dépenses fiscales. L'impact sur la création d'emplois est délicat à déterminer dans la mesure où les emplois mentionnés dans les agréments correspondent aux engagements de créations de la société bénéficiaire de l'agrément fiscal et non à une réalité mesurée ex-post.

4. À la suite du rapport de l'IGF sur le RAFIP, une réforme de certaines dépenses fiscales en LFI pour 2024

La LFI pour 2024 a en effet porté les mesures suivantes, dans la continuité du rapport publié par l'IGF :

- la suppression du bénéfice de l'aide fiscale pour tous les investissements productifs donnés en location ou mis à disposition de ménages et syndicats de copropriétaires, y compris dans le cadre de contrats incluant la fourniture de prestations de services, ce qui vise notamment les chauffe-eaux solaires équipant les ménages ;

- la suppression du bénéfice de l'aide fiscale pour les investissements réalisés en faveur des véhicules de tourisme ;

- la suppression du bénéfice de l'aide fiscale pour les investissements réalisés en faveur des activités de location de meublés de tourisme : les meublés individuels et collectifs (moins de 50 chambres) sont tous visés.

Parallèlement, la LFI pour 2024 étend à deux nouveaux types d'investissements le bénéfice de l'aide fiscale en prévoyant :

- l'ouverture du bénéfice de l'aide fiscale pour les investissements réalisés sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil en autoconsommation ;

- l'ouverture du bénéfice de l'aide fiscale aux acquisitions de friches industrielles ou hôtelières en cas de réhabilitation lourde.

La LFI 2024 a également étendu le bénéfice de l'abattement majoré sur le bénéfice taxable prévu pour les entreprises des DROM situées dans des zones franches nouvelle génération (ZFANG) à trois nouveaux secteurs : l'industrie, la réparation et la maintenance navale et les éditions de jeux électroniques.

B. LA DIFFICILE ANALYSE DE L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES FISCALES ENTRE 2024 ET 2025

1. Une hausse modérée des dépenses fiscales en 2025

Entre 2024 et 2025, les dépenses fiscales enregistrent une hausse de 2,7 %, soit 143 millions d'euros. Cette progression est sensiblement identique à celle constatée entre 2023 et 2024, de 3,1 % soit 159 millions d'euros.

En particulier, il est estimé que le montant du crédit d'impôt à raison des investissements locatifs effectués dans le secteur du logement social augmenterait de près de 10 %.

Toutefois, l'essentiel de la hausse est porté par l'augmentation du plus faible niveau des taux de TVA en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion.

Évolution des dépenses fiscales entre 2023 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Des dépenses fiscales très difficiles à estimer

Cependant, en PAP 2024, le montant des dépenses fiscales pour 2024 était estimé à près de 5,6 milliards d'euros, soit un écart de 246 millions d'euros par rapport à l'estimation du PAP 2025.

En particulier, la dépense fiscale du niveau des taux de TVA en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion ne devait avoir qu'un coût de 1,53 milliard d'euros, et non de 1,95 milliard d'euros, comme estimé ici.

De même, la réduction du champ de l'accise sur les produits énergétiques à usage carburant devait coûter 2,02 milliards d'euros, au lieu de 1,2 milliards d'euros comme annoncé en 2025. Il y a eu en effet un changement de méthode dans le calcul de cette dépense fiscale, expliquant cet écart de 0,9 milliard d'euros.

S'il est compréhensible que les dépenses fiscales soient difficiles à estimer, il serait souhaitable de stabiliser la méthode de calculs pour éviter de fausser l'analyse d'une année à l'autre.

QUATRIÈME PARTIE LES CRÉDITS HORS MISSION EN FAVEUR DES OUTRE-MER

En complément des crédits portés par la mission « Outre-mer » et des dépenses fiscales rattachées aux programmes 138 et 123, les territoires d'outre-mer bénéficient de crédits en provenance d'autres programmes du budget général qui sont retracés dans le document de politique transversale « Outre-mer ».

Ce document, bien que permettant d'avoir une vision exhaustive des crédits alloués à l'outre-mer, a été largement critiqué par les parlementaires (notamment dans un rapport43(*) d'information faisant suite au rapport de la Cour des comptes sur les financements de l'État en outre-mer) en raison d'insuffisances et de biais structurels.

Le DPT comprend 5 axes, comme en 2024 (développer l'emploi, la production et l'investissement outre-mer ; promouvoir l'égalité des chances en outre-mer ; valoriser les atouts et favoriser les conditions de vie en outre-mer ; promouvoir l'aménagement durable et la transition écologique des territoires ultramarins ; accompagner les collectivités territoriales).

Les rapporteurs spéciaux regrettent en particulier l'absence d'une présentation distincte pour chacun des contrats de convergence et de transformation (et contrat de développement et de transformation pour la Polynésie et contrat de développement pour la Nouvelle-Calédonie) ainsi que l'établissement d'une liste, par contrat, des projets financés et de leur état d'avancement.

A. UNE STABILITÉ GLOBALE DES FINANCEMENTS DE L'ÉTAT EN OUTRE-MER AUTRES QUE CEUX DE LA PRÉSENTE MISSION

1. Une forte baisse de la contribution de l'État en outre-mer liée à la diminution des crédits de la mission « Écologie »

Le montant total des contributions budgétaires s'élève, en PLF 2025, à 19,4 milliards d'euros en AE et 21,1 milliards d'euros en CP, soit une baisse de 11,1 % en AE et de 8,6 % en CP par rapport à la LFI 2024, soit une diminution en volume respectivement de 2,4 milliards d'euros et de 2 milliards d'euros.

Cette baisse est essentiellement due à la diminution de la contribution de la Mission « Écologie », à hauteur de 2,1 milliards d'euros en AE et de 2,04 milliards d'euros en CP.

Évolution des missions dans l'effort total en faveur de l'outre-mer
entre 2020 et 2025

(en milliards d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

En sus de la mission « Outre-mer » les missions contributrices sont essentiellement les missions « Enseignement scolaire », « Relations avec les collectivités territoriales », « Écologie », « Solidarité, insertion et égalité des chances », et « Sécurités ». Ces 6 missions représentent environ 72 % du total de l'effort financier de l'État, soit une baisse par rapport aux années précédentes où elles représentaient plutôt 75 % de l'effort du budget général de l'État en faveur des outre-mer.

En y ajoutant les dépenses fiscales outre-mer, les dépenses de l'État en faveur du budget des outre-mer seront d'environ 24,8 milliards d'euros en AE et de 26,5 milliards d'euros en CP, soit une baisse de 8,4 % en AE et de 6,5 % en CP.

Depuis 2018, l'effort total en faveur des outre-mer aura quand même progressé de 13,7 % en AE et de 21,5 % en CP.

2. Une affectation d'accise remplace certains crédits budgétaires issus de la mission « Écologie »

La baisse des crédits de la mission « Ecologie » résulte de la réduction du financement de l'action 11 « Soutien dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain » qui finance les charges résultant de deux missions de service public de l'énergie complémentaires :

- d'une part, la transition énergétique des territoires ;

- d'autre part, la péréquation tarifaire qui permet aux consommateurs de ces territoires de bénéficier de prix de l'électricité comparables à ceux applicables dans l'hexagone alors que les coûts de production de l'électricité dans ces zones sont sensiblement supérieurs à ceux de l'hexagone.

Les coûts correspondants à la péréquation tarifaire ont été évalués de façon prévisionnelle par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à 3,2 milliards d'euros.

Toutefois, l'affectation de 2,8 milliards d'euros de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) doit permettre de financer le surcoût lié à la production d'électricité dans les territoires ultramarins ou zones non interconnectées (ZNI). Il en résulte que l'action 11 ne comprend plus que 70 millions d'euros.

Si on exclut les dépenses liées à l'action 11 du périmètre de la LFI 2024, alors les dépenses de l'État en faveur du budget des outre-mer ne baissent que de 3 % en AE et de 0,7 % en CP, soit une baisse respective de 593 millions d'euros en AE et de 148 millions d'euros en CP, essentiellement portée par la mission « Outre-mer » et dans une moindre mesure par la mission « Écologie ».

Toutefois, pour cette dernière, la raison en est que les crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transports », qui s'élevaient en AE à 153,9 millions d'euros et en CP à 131,7 millions d'euros, ne sont pas reportés dans le DPT, au motif qu'ils sont attribués par l'Agence des infrastructures de transport de France, et que celle-ci établit son budget en 2025. Les arbitrages n'ont donc pas encore été conduits par l'AFIT, ce qui implique que les crédits qui seront affectés aux outre-mer ne sont pas indiqués dans le document de politique transversale. Ainsi, si on suppose que ces crédits seront reconduits, la baisse des financements de la mission « Écologie » ne s'élève en AE qu'à 145,1 millions d'euros.

Ventilation de la baisse des financements de l'État en outre-mer
entre 2024 et 2025, hors programme 345

(en millions d'euros et en AE)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

B. LES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX SUR LES FINANCEMENTS TRANSVERSAUX DE L'ÉTAT EN OUTRE-MER

1. Des crédits pluri ministériels qui permettent notamment le financement des plans thématiques outre-mer

Il existe cinq plans thématiques outre-mer :

- le plan d'actions pour les services d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin (Plan eau DOM) ;

- le plan séismes Antilles ;

- le plan Sargasses II ;

- le plan logement outre-mer (PLOM) ;

- le plan chlordécone.

Malgré une demande des rapporteurs spéciaux concernant la consommation des crédits alloués à ces plans au 31 décembre 2023, la réponse transmise, non mise à jour par rapport à celle de l'année dernière, ne fournit des données chiffrées que jusqu'à juillet 2022, ce que regrettent les rapporteurs spéciaux.

a) Le plan d'action pour les services d'eau potable et d'assainissement (plan Eau DOM)

Le plan Eau DOM (PEDOM), adopté en 2016 pour une période de 10 ans, accompagne l'amélioration du service rendu aux usagers en matière d'eau potable et d'assainissement. Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin Le ministère chargé des outre-mer cofinance, dans le cadre du programme 123, l'élaboration et la réalisation des contrats de progrès. Ainsi, depuis 2016, le ministère a engagé 126 millions d'euros et consommé, au 31 juillet 2022, 72,5 millions d'euros à partir des crédits de la mission « Outre-mer » :

- FEI : 58 millions d'euros en AE entre 2016 et 2022 et 39 millions d'euros en CP au 31 juillet 2022.

- CPER/CDEV : 43 millions d'euros en AE sur la période 2016-2022 et 28,5 millions d'euros en CP au 31 juillet 2022 ;

- CCT : 25 millions d'euros en AE entre 2016 et 2022 et 5 millions d'euros en CP au 31 juillet 2022.

D'autres partenaires cofinancent des opérations d'investissement en eau et assainissement dans le cadre de ce plan :

le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) : 5 millions d'euros en AE entre 2016 et 2022 et 3,1 millions d'euros en CP au 31 décembre 2021 ;

l'office français de la biodiversité (OFB) qui pilote le dispositif de solidarité interbassins (117 millions en AE sur la période 2016-2022 et 73 millions d'euros en CP au 31 décembre 2021) et les crédits du Plan de relance alloués au plan Eau (47 millions d'euros en AE sur la période 2016 à 2022 et 12 millions d'euros en CP au 31 décembre 2021) ;

l'agence française de développement (AFD) qui octroie des prêts long terme bonifiés par le ministère des outre-mer (173 millions d'euros depuis 2016, ayant mobilisé 11,9 millions d'euros de bonifications), des préfinancements de subventions via des prêts court terme (48 millions d'euros depuis 2016). Par ailleurs, elle subventionne aussi des études, en direct et via le fonds outre-mer à partir de 2020 (7,4 millions d'euros en AE pour la période 2016-2022 et 4,5 millions d'euros en CP au 31 décembre 2021) ;

- la banque des territoires qui octroie des prêts pour un montant total de 114 millions d'euros depuis 2016. Au total, entre 2016 et 2022, 625 millions d'euros se décomposant en 290 millions d'euros de subventions et 335 millions d'euros de prêts ont été mis à disposition des collectivités ultra-marines par l'État ou ses opérateurs bancaires sur les thématiques de l'adduction en eau potable et de l'assainissement.

b) Le plan séismes Antilles

Les Antilles sont les territoires où l'aléa et le risque sismique sont les plus forts à l'échelle nationale (classement en zone de sismicité 5, dite « forte »). Dans ce contexte, le Gouvernement a adopté, en 2007, le plan séisme Antilles (PSA), prévu pour une durée de 30 ans, dont l'objectif est d'améliorer la sécurité de la population. Pour la période 2007-2019, plus de 562 millions d'euros ont été consacrés à la construction aux normes parasismiques pour la Martinique et 491 millions d'euros pour la Guadeloupe, soit plus d'un milliard d'euros au total.

Le troisième volet du plan séisme Antilles (PSA3) a été arrêté le 22 avril 2021. Il prévoit la construction ou la mise aux normes de bâtiments et infrastructures de gestion de crise, d'établissements d'enseignement, d'établissements de santé et de logements sociaux, et des actions de prévention à l'attention des populations, pour un montant global de 1,2 milliard d'euros entre 2021 et 2027, dont le financement assuré par l'État (MTECT) s'élève à 654,9 millions d'euros (dont 50 millions d'euros issus du plan de relance).

Le delta provient du fonds de prévention pour les risques naturels majeurs (FPRNM), du programme 123 de la mission « Outre-mer », du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », du ministère de la santé et de la prévention via le fonds pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS) et du budget de la sécurité civile pour les opérations relatives au confortement des hôpitaux.

Le plan est suivi par la mission d'appui aux politiques publiques de prévention des risques naturels majeurs outre-mer (MAPPPROM), placée auprès du délégué interministériel aux risques majeurs, directeur général de la prévention des risques (DGPR - MTECT).

c) Le plan Sargasses II

Le plan Sargasses II (2022-2025) a été publié le 14 mars 2022. Le montant annuel total prévu par le plan Sargasses II s'élève à 7,6 millions d'euros et le montant total du plan sur la période 2022-2025 s'élève à 36,5 millions d'euros. Les origines des financements annuels, décidées lors de La Réunion interministérielle du 13 décembre 2021, se répartissent comme suit : - programme 123 : 3,5 millions d'euros ; - divers programmes du budget général et opérateurs : 4,13 millions d'euros. À partir de 2023, une action « Sargasses » est créée au sein du programme des interventions territoriales de l'État (PITE) pour un montant total de 5,1 millions d'euros.

d) Le plan chlordécone

Ce plan a été lancé le 24 février 2021 pour la période 2021-2027 pour un montant total de 92,3 millions d'euros. Les montants consommés au 31 décembre 2021 sont de 8,4 millions en AE et 5,5 millions en CP. Les origines de financement de ce plan sont :

- programme 162 « Interventions territoriales de l'État : 31 millions d'euros ;

- programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » du ministère en charge de la santé : 3 millions d'euros ;

- divers programmes du budget général et opérateurs : 18,47 millions d'euros ;

- assurance maladie : 20 millions d'euros ;

- plan de relance : 3 millions d'euros ;

- fonds européens et collectivités : 16 millions d'euros.

2. Un niveau de consommation des crédits du plan de relance qui n'est pas à la hauteur des besoins
a) Les annonces initiales en faveur des territoires d'outre-mer

Lors des premières annonces relatives au plan de relance, les crédits alloués à l'outre-mer devaient atteindre 1,5 milliard d'euros avec des engagements étalés entre 2021 et 2022 et au-delà de 2022, à la marge, pour des projets complexes d'infrastructures ou de rénovation lourde.

Par ailleurs, il avait été annoncé une contribution du « Ségur de la Santé » (financé par France Relance à hauteur de 6 milliards d'euros nationalement) de 1,06 milliard d'euros d'investissement pour les systèmes de santé ultramarins en sus du 1,5 milliard d'euros.

Enfin, les crédits estimés de France Relance dans les outre-mer devaient, initialement, se répartir comme suit entre les 3 axes prioritaires du plan de relance :

- écologie et transition énergétique : 640 millions d'euros ;

- compétitivité des entreprises : 316 millions d'euros dont 267 millions d'euros au titre de la baisse des impôts de production ;

- cohésion des territoires : 535 millions d'euros.

b) Une sous-exécution probable des crédits du plan de relance

Les rapporteurs spéciaux regrettent de ne pas disposer à fin 2023 de la consommation des crédits du plan de relance dans les territoires ultra-marins, le document de politique transversale ne présentant plus cette information.

Toutefois, France stratégie a publié un rapport le 16 janvier 2024 portant sur le plan France relance, qui estime que dans les DROM sauf Mayotte, près de 775 millions d'euros ont été engagés. Il ne s'agit que de 52 % des 1,5 milliard d'euros promis aux outre-mer dans ce cadre. S'il est certain qu'en incluant le reste des territoires d'outre-mer dans cette évaluation, davantage de crédits aient été exécutés, il reste très probable que les outre-mer n'aient en réalité que peu consommé le plan de relance.

Ainsi, la Guyane aurait reçu près de 3,7 % de son PIB via le Plan de relance, La Réunion 1,9 %, la Martinique 1,5 % et la Guadeloupe 1,4 % de son PIB. La moyenne nationale se situe à 2,9 % du PIB de la région.

Les mesures les plus importantes à destination des Outre-mer sont la rénovation thermique des bâtiments (247 millions d'euros), les mobilités du quotidien (125 millions d'euros), la baisse des impôts de production (267 millions d'euros), les mesures pour l'emploi et l'insertion des jeunes (311 millions d'euros), et le soutien aux collectivités territoriales (90 millions d'euros).

Les rapporteurs spéciaux saluent l'engagement de l'État mais soulignent des niveaux de consommation décevants au regard des besoins et enjeux des territoires d'outre-mer.

c) Un fonds vert bien approprié par les territoires ultramarins

Les territoires d'outre-mer se sont saisis du fonds vert et ont déposé 531 dossiers pour un montant total de plus de 220 millions d'euros fin juillet 2024.

Ces dossiers concernent l'ensemble des actions du fonds. Les demandes les plus nombreuses ont porté sur les actions suivantes :

- accompagnement de la stratégie SNB 2030 ;

- renaturation des villes et villages ;

- rénovation énergétique des bâtiments publics locaux.

Au total, 294 dossiers ont été sélectionnés, soit 55 % des dossiers déposés par les territoires d'outre-mer, pour un montant global de 114,4 millions d'euros de subventions attribuées. Fin 2024, 13,2 millions d'euros d'AE ont déjà été consommés soit 16 %.

Des projets ont été retenus dans chaque territoire d'outre-mer.

Les dossiers acceptés sont plus nombreux à La Réunion (60), dans la zone constituée par la Guadeloupe/Saint-Martin/Saint-Barthélemy (44), en Guyane (40), en Nouvelle-Calédonie (37) et en Martinique (27).

Le fonds vert a donc été fortement sollicité par les territoires ultramarins et constitue un outil particulièrement pertinent, dont les crédits devraient être maintenus. La baisse des crédits annoncée pour le fonds vert en général est donc inquiétante et regrettable.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Outre-mer ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 7 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Georges Patient et Stéphane Fouassin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer ».

M. Claude Raynal, président. - Dans le cadre de nos travaux relatifs au projet de loi de finances (PLF) pour 2025, nous examinons le rapport spécial sur la mission « Outre-mer ».

M. Georges Patient, rapporteur spécial de la mission « Outre-mer ». - Le principal objectif de la mission « Outre-mer » consiste en un rattrapage des écarts entre les territoires d'outre-mer et la métropole. Il doit demeurer une priorité, alors qu'une crise de la vie chère frappe l'ensemble des outre-mer.

Selon l'Insee, en 2022, les prix ont été plus élevés de 15,8 % en Guadeloupe, de 13,7 % en Guyane et en Martinique et de 8,9 % à La Réunion par rapport à l'Hexagone. Pour les produits de première nécessité, notamment alimentaires, les écarts de prix atteignent même parfois plus de 40 %. Une convention signée en Martinique prévoit à ce titre une diminution de 20 % du prix de ces produits.

Cette situation n'est pas viable et génère des frustrations fortes parmi les populations. L'État peut contribuer à y apporter des remèdes, conjointement avec les collectivités, entre autres.

La crise institutionnelle que traverse la Nouvelle-Calédonie nécessite également une réponse affirmée de l'État, y compris budgétaire, pour réparer des dégâts chiffrés à plus de 2 milliards d'euros.

Au vu de ces conditions et des attentes des populations ultramarines, le budget proposé pour la mission « Outre-mer » s'avère décevant. Il s'élève à 2,56 milliards d'euros, soit une baisse de 9 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Il perd ainsi 250 millions d'euros.

En particulier, le programme 123, qui rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de l'amélioration des conditions de vie dans les outre-mer, est raboté de plus d'un tiers, à hauteur de 314 millions d'euros.

Ce sont les collectivités territoriales ultramarines qui sont les plus touchées par la diminution des crédits, et ce à plusieurs titres.

D'une part, les dotations consacrées aux collectivités baissent fortement, en particulier la dotation du conseil départemental de Mayotte et la dotation spéciale de construction et d'équipement des collèges et des lycées en Guyane.

D'autre part, la nouvelle génération de contrats de convergence et de transformation (CCT), en cours de signature dans les territoires ultramarins, ne sera abondée en 2025 qu'à hauteur de 7 % du montant contractualisé pour la période 2024-2029. Cette baisse est d'autant plus dommageable que ces contrats se sont révélés un outil pertinent pour les collectivités. Ne pas les abonder suffisamment présente un risque de sous-consommation. Il serait plus facile pour les collectivités d'être en mesure de lisser leurs engagements sur les cinq années de contractualisation, au lieu de devoir les concentrer sur trois années.

Enfin, les aides à l'investissement dans les collectivités, notamment celles du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), sont réduites de 19 %.

Le dispositif relatif aux contrats de redressement en outre-mer (Corom) est également affecté, dès lors qu'il perd 57 millions d'euros en autorisations d'engagements (AE) et 3,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Les collectivités ultramarines ont pourtant une situation financière structurellement fragile en raison de l'insularité qui génère des charges supplémentaires, ainsi que de l'importance des dépenses de personnel. Celles-ci représentent presque 65 % des dépenses de fonctionnement du bloc communal, contre 52,2 % pour les communes de l'Hexagone, en raison notamment de la majoration des primes de personnels.

Par ailleurs, les populations ultramarines sont directement touchées par les baisses de crédits budgétaires, la politique de continuité territoriale étant rabotée de 11 millions d'euros.

Il s'agit d'un choix étonnant, alors que la LFI pour 2024 avait renforcé de manière bienvenue la politique de continuité territoriale en créant trois nouveaux dispositifs de facilitation des déplacements professionnels entre les territoires d'outre-mer et la métropole.

Cette situation est d'autant plus mal comprise que la dotation de continuité territoriale (DCT) de la Corse s'élève à 187 millions d'euros, pour 300 000 habitants, soit un montant trois fois supérieur à celui dont bénéficient les 2,7 millions d'Ultramarins.

Enfin, la ligne budgétaire unique (LBU), qui finance le logement social en outre-mer, est réduite de près de 10 millions d'euros, revenant ainsi à son niveau de 2023.

Nous regrettons le rabotage d'un programme essentiel au bon fonctionnement des collectivités ultramarines et à l'amélioration des conditions de vie de ceux qui y vivent.

M. Stéphane Fouassin, rapporteur spécial de la mission « Outre-mer ». - Je parlerai du programme 138 qui rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de la compétitivité des entreprises, de l'amélioration de l'employabilité des jeunes et de la qualification des actifs ultramarins. Il enregistre une hausse de 3,4 % - soit 65 millions d'euros - bienvenue pour les entreprises d'outre-mer.

Cette augmentation résulte essentiellement de la hausse des crédits alloués à l'exonération des charges sociales, alors que la masse salariale en outre-mer augmente régulièrement depuis 2022 et la fin de la crise sanitaire.

Les variations constatées ces dernières années pour cette action témoignent cependant de la difficulté à établir des prévisions fiables, surtout pour les dépenses de guichet, qui sont tributaires de la conjoncture économique.

Au-delà de la hausse bienvenue de la budgétisation des compensations d'exonérations sociales, nous constatons que l'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévoit une révision de la réduction générale dégressive des cotisations sociales sur laquelle est assise le dispositif issu de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodéom), financé par le programme 138.

Dans ce cadre, une habilitation à légiférer par ordonnance est demandée au Parlement, afin de réviser plus en profondeur les exonérations spécifiques dont bénéficient les entreprises ultramarines.

Les conclusions d'une mission diligentée par l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale des finances (IGF) sur ce dispositif sont attendues à court terme. Nous préférerions que les dispositifs d'exonérations de cotisations sociales propres aux populations ultramarines fassent l'objet d'un débat spécifique au Parlement, qui pourrait être décalé afin de tenir compte des conclusions de cette mission. Nous y serons particulièrement attentifs.

Enfin, on constate une diminution aux trois quarts des crédits alloués au financement de l'économie, c'est-à-dire le soutien au microcrédit, les subventions d'investissement et les prêts de développement outre-mer. C'est dommageable, vu la pertinence de ces outils dans les territoires ultramarins.

La diminution des crédits budgétaires de la mission « Outre-mer » nous semble d'autant plus regrettable que leur consommation a fortement augmenté ces dernières années. Les crédits programmés dans le cadre de la LFI pour 2023 ont même été surconsommés de 17,2 %, en raison de la sous-estimation des dépenses de compensations d'exonérations de cotisations sociales du programme 138.

Même si l'on ne tient compte que du programme 123, celui-ci a été surconsommé de 10 millions d'euros.

Si une surexécution n'est évidemment pas souhaitable en tant que telle, elle révèle tout de même que les crédits de la mission « Outre-mer » sont indispensables et utilisés à 100 %.

En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales contribuent à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et l'Hexagone. Sur les deux programmes évoqués, elles devraient s'établir à 5,5 milliards d'euros en 2025, soit presque deux fois plus que les crédits budgétaires de l'ensemble de la mission.

Entre 2024 et 2025, les dépenses fiscales connaîtront une hausse de 2,3 %, sensiblement identique à celle qui a été constatée entre 2023 et 2024.

Nous saluons cette évolution, les outils fiscaux étant indispensables pour permettre le développement économique des territoires ultramarins, ainsi que pour compenser les déséquilibres avec l'Hexagone, notamment en ce qui concerne les prix des biens.

Nous suivrons d'ailleurs avec attention les modifications qui pourraient être apportées en séance au régime d'exonérations fiscales dont bénéficient surtout les départements et régions d'outre-mer (Drom).

De surcroît, en complément des crédits de la mission et des dépenses fiscales, les territoires d'outre-mer bénéficient de crédits en provenance d'autres programmes du budget général. Le montant total des contributions budgétaires s'élève ainsi à 21,1 milliards d'euros. Si l'on exclut la diminution des crédits budgétaires du programme « Service public de l'économie », qui est compensée par une affectation de taxe, l'effort de l'État n'est réduit que de 3 % par rapport à 2024.

Cette baisse est essentiellement due à la diminution des crédits de la mission outre-mer et, dans une moindre mesure, à celle de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».

En particulier, les crédits du fonds vert dont bénéficient les territoires ultramarins soulèvent des interrogations. Il s'agit d'un financement sur projet, largement utilisé en outre-mer. Ainsi, en 2024, 531 dossiers ont été déposés et 55 % d'entre eux ont été sélectionnés, pour un montant total de plus de 115 millions d'euros.

À ce titre, la baisse annoncée des crédits du fonds vert est regrettable, à l'heure où les territoires ultramarins sont soumis à des contraintes d'adaptation au réchauffement climatique particulièrement fortes.

En conclusion, les évolutions annoncées sur les crédits de la mission ne nous paraissent pas satisfaisantes. Nous souhaiterions qu'elles puissent être revues dans le cadre du budget pour 2025 ou d'un projet de loi de finances ultérieur. Pour l'ensemble de ces raisons, nous émettons un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

M. Claude Raynal, président. - C'est bien la première fois que nous entendons parler de surconsommation des crédits pour l'outre-mer. C'est une bonne nouvelle, qui semble toutefois à contretemps par rapport à la période que nous connaissons.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Outre-mer ». - Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer en qualité de rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.

La mission « Outre-mer », comme beaucoup d'autres, est cette année mise à contribution au titre du redressement des finances de la nation.

Je ne me réjouis pas de voir les crédits de la LBU et ceux de la continuité territoriale diminuer, mais il faut tout de même rappeler les fortes hausses qui ont été actées par le précédent budget.

Le ministre chargé des outre-mer nous a confirmé, ce matin, que des discussions étaient en cours avec Bercy sur certains points, ce qui laisse entrevoir quelques marges de manoeuvre.

Je le dis de façon responsable, j'ai décidé de soutenir les crédits de la présente mission. Aussi, je proposerai à la commission des affaires économiques d'émettre un avis favorable.

Plutôt que de s'engager sur la voie d'une augmentation des crédits, dont nous savons tous ce qu'il reste une fois le budget considéré comme adopté à l'Assemblée nationale, je lui suggérerai de s'intéresser à la montée en puissance de nouveaux acteurs du logement en outre-mer ces dernières années. Je pense en particulier à CDC Habitat qui, depuis le rachat des sociétés immobilières d'outre-mer (Sidom) et des sociétés d'économie mixte (SEM), est un acteur majeur de la dynamique du logement dans nos territoires. Cela explique en partie l'utilisation des crédits. Je pense également à l'Agence nationale de l'habitat (Anah) : ces dernières années, elle intervient de plus en plus en outre-mer, avec un engagement financier multiplié par quatre entre 2017 et 2023.

Les crédits de la LBU sont en baisse, je le déplore. Aussi, je serai particulièrement attentive au budget qui nous sera soumis l'année prochaine. Toutefois, je pense qu'il convient aussi de souligner les dynamiques positives dans le secteur du logement en outre-mer.

Du reste, je souhaiterais mettre l'accent sur la question normative, que nous connaissons bien au sein de la délégation aux outre-mer.

Les acteurs du logement que nous interrogeons nous parlent certes de la LBU et des dispositifs fiscaux, mais ils évoquent aussi les normes d'urbanisme, de construction et d'environnement, entre autres, qu'elles soient européennes ou françaises. Oui, nous avons besoin de normes, mais celles-ci doivent s'adapter à l'environnement dans lequel elles s'appliquent et aux urgences des situations à traiter.

Dans un contexte budgétaire comme le nôtre, je pense qu'il est urgent d'agir, ou plutôt de continuer à agir. En effet, je n'oublie pas que la question du marquage régions ultrapériphériques (RUP) a connu de récentes avancées. Elle nécessite encore de trouver une concrétisation à des échelles plus locales, pour aboutir, le cas échéant, à une baisse des coûts de construction des logements.

Nous devons continuer à livrer bataille contre les normes inutiles ou mal adaptées. Une réflexion sur les normes ne coûte rien et peut, in fine, est bénéfique : plus de logements construits plus vite et à moindre coût, pour plus de bénéficiaires.

Vous l'aurez compris, si je ne me réjouis pas de ce budget, j'en assume les choix difficiles et préfère mettre l'accent à la fois sur ce qui fonctionne et sur ce qui pourrait être amélioré à moindres frais, dans l'intérêt de nos compatriotes ultramarins.

Je formule le voeu d'un changement en profondeur, qui nécessite de la volonté politique : cessons d'appliquer des rustines et agissons !

M. Teva Rohfritsch, rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « Outre-mer ». - Je veux tout d'abord saluer le travail des rapporteurs spéciaux et de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. De son côté, la commission des lois a commencé ses travaux, mais n'a pas encore donné son avis sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

Nous pouvons naturellement regretter la baisse de 9 % de ces crédits, même si cela s'inscrit dans un effort global demandé à l'ensemble de la Nation. Mais nous devons aller au-delà en regardant ce projet de budget ligne par ligne : on se rend alors compte que certains crédits chutent de 50 % ou de 70 %, ce qui pose un problème de continuité de l'action de l'État et peut être dommageable pour la pérennité d'actions déjà engagées.

Ce budget montre une nouvelle fois la fragilité des économies ultramarines et leur dépendance à l'égard des transferts de l'État. Nous devons développer nos territoires et nos propres richesses pour atténuer cette dépendance. Cela est particulièrement important dans une période de disette comme celle qui s'annonce. Nous devons donc redoubler d'efforts en la matière.

Enfin, je regrette la baisse annoncée des crédits du fonds vert : ce fonds est particulièrement important en outre-mer, puisque nos territoires sont très fortement soumis aux conséquences du changement climatique.

Pour conclure, je veux rester optimiste sur la capacité du Sénat à agir positivement sur cette mission.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Un budget qui baisse fait rarement des heureux, sauf circonstances exceptionnelles...

Je veux noter qu'il reste des incertitudes sur cette mission du fait de la position du Gouvernement et des votes du Parlement, que ce soit sur le projet de loi de finances ou sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les outre-mer sont exonérés de l'effort supplémentaire de 5 milliards proposé par le Gouvernement, ce qui me semblait de bon aloi. Il est vrai aussi que cette mission a longtemps souffert d'une sous-consommation de ses crédits et que ceux-ci avaient beaucoup augmenté ces dernières années.

De manière plus large et au-delà des seuls territoires ultramarins, je crois que nous devons mener une réflexion globale sur l'ensemble des moyens qui sont à la disposition des collectivités : nous travaillons trop en silo, ce qui aboutit à une sorte de course à l'échalote qui n'est pertinente pour personne. La réflexion sur le fonds vert doit intégrer cette question.

Nous avons une vraie difficulté, en France, sur l'enchevêtrement des normes : cela ralentit les projets et augmente les coûts. C'est contre-productif.

En tout cas, je propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », tout en ayant l'espoir que le débat permettra de faire bouger certaines lignes. Je ne mésestime aucunement les difficultés profondes des territoires ultramarins d'autant que plusieurs d'entre eux sont confrontés, depuis quelque temps, à de graves crises et à un climat délétère. Chacun doit faire en sorte que les choses s'apaisent pour construire ensemble l'avenir de ces territoires au bénéfice de leur population.

M. Victorin Lurel. - Ce matin, la délégation aux outre-mer du Sénat a auditionné le ministre : il a présenté ses quatre priorités, mais nous lui avons clairement dit que nous aurions du mal à accepter la proposition du Gouvernement sur la mission « Outre-mer ».

Au vu des circonstances, c'est certainement la copie du Gouvernement qui sera transmise au Sénat ; il nous reviendra donc de proposer des évolutions et le ministre nous a dit que, sur certaines mesures, il était prêt à suivre les parlementaires.

Je crois d'ailleurs qu'il serait bon de faire comprendre au Gouvernement que le Sénat demande à ce que les efforts soient proportionnés. Or, si le programme 138 est en légère augmentation, le programme 123 chute de 471 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 314 millions en crédits de paiement ! Il faut ajouter à ce premier choc plusieurs mesures particulièrement pénalisantes pour les outre-mer : l'article 6 du PLFSS qui vise à réformer les dispositifs d'allègements de cotisations sociales ou encore l'augmentation de la cotisation des employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

C'est donc un choc massif qui va frapper les collectivités ultramarines, alors même qu'elles jouent un rôle majeur dans l'investissement local.

On apprend, en outre, que 35 postes devraient être supprimés au ministère des outre-mer, alors que tout le monde dénonce le manque criant de soutien en ingénierie. On nous dit que c'est le rôle de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), mais c'est un prétexte.

Oui, l'état global des finances publiques est dégradé, mais les efforts doivent être proportionnés à la situation et il est vraiment difficile d'accepter la copie du Gouvernement pour les outre-mer. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a bien entendu les engagements du ministre, il espère que le Sénat fera évoluer les choses, mais en l'état, il votera contre les crédits de la mission « Outre-mer ».

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Outre-mer ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Fédération des Entreprises des Outre-mer (FEDOM)

- M. Laurent RENOUF, délégué général ;

- Mme Ameline BERTHONNAUD, chargée de mission.

Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer - Direction générale des Outre-mer (DGOM)

- M. Olivier JACOB, directeur général des Outre-mer ;

- M. Étienne GUILLET, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État (SDEPDE) ;

- M. Tony CHESNEAU-LLOYD, chef du bureau des finances et de la performance des Outre-mer.

Union Sociale pour l'Habitat Outre-Mer (USHOM)

- Mme Sabrina MATHIOT, directrice.

Union Sociale pour l'Habitat (direction des Outre-mer)

- M. Brayen SOORANNA, directeur.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Naitre en outre-mer : de moindres opportunités que dans les autres régions de France, France Stratégie, Note d'analyse n° 137, mai 2024.

* 2 Enquête de comparaison spatiale des prix 2022, INSEE première n° 1958, juillet 2023.

* 3 D'après une annonce du Président de la République en 2019.

* 4 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 5  Quelles transitions énergétiques pour les outre-mer ? Avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE), mars 2024.

* 6 Selon le Rapport public annuel de la Cour des comptes, 12 mars 2024.

* 7  Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 8  Rapport d'évaluation du régime d'aide fiscale à l'investissement productif en outre-mer, IGF, juillet 2023.

* 9 L'octroi de mer, une taxe à la croisée des chemins, Cour des comptes, mars 2024.

* 10 En utilisant pour 2024 les données du PLF pour 2025.

* 11 Prêt locatif social.

* 12 Logement locatif social.

* 13 Logement locatif très social.

* 14 Subvention à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale.

* 15 Prêt à taux zéro.

* 16 Prêt social de location accession.

* 17 Le Fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU) coordonne les interventions financières de l'Union européenne, de l'État, des collectivités territoriales, en vue d'assurer la constitution de réserves foncières et la réalisation d'équipements.

* 18 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 19 Lancé en septembre 2017 à Toulouse par le Président de la République, le plan pour le Logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme fait de l'accès direct au logement une priorité pour la réinsertion des personnes sans domicile.

* 20 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 21 Le taux d'endettement est défini ici comme le ratio entre l'encours de dette et les recettes de fonctionnement des collectivités.

* 22 Données issues du rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales, fascicule 1 (2024).

* 23 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances par les rapporteurs Georges Patient et Teva Rohfritsch sur « Les contrats de redressement outre-mer (COROM) : pour des moyens à la hauteur des enjeux.

* 24 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 25 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 26 Loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

* 27 D'après les informations communiquées par la direction générale des outre-mer aux rapporteurs spéciaux.

* 28 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer.

* 29 Rapport d'information n° 727 (2021-2022) du 22 juin 2022 - par MM. Georges PATIENT et

Teva ROHFRITSCH, fait au nom de la commission des finances.

* 30  Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

* 31  Décret n° 2021-845 du 28 juin 2021 modifiant le code des transports en matière de continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et le territoire métropolitain.

* 32  Loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.

* 33  Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer.

* 34  Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 35  Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

* 36  Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

* 37  Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 38 D'après le PLFSS pour 2025.

* 39 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 40 Les financements de l'État en outre-mer, Cour des comptes, 24 mai 2022.

* 41 Règlement (UE) no 651/2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 42 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 43 Les financements de l'État en outre-mer, rapport n°637, déposé le 24 mai 2022 par les Sénateurs G. Patient et T. Rohfritsch.

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