B. LES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX SUR LES FINANCEMENTS TRANSVERSAUX DE L'ÉTAT EN OUTRE-MER
1. Des crédits pluri ministériels qui permettent notamment le financement des plans thématiques outre-mer
Il existe cinq plans thématiques outre-mer :
- le plan d'actions pour les services d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin (Plan eau DOM) ;
- le plan séismes Antilles ;
- le plan Sargasses II ;
- le plan logement outre-mer (PLOM) ;
- le plan chlordécone.
Malgré une demande des rapporteurs spéciaux concernant la consommation des crédits alloués à ces plans au 31 décembre 2023, la réponse transmise, non mise à jour par rapport à celle de l'année dernière, ne fournit des données chiffrées que jusqu'à juillet 2022, ce que regrettent les rapporteurs spéciaux.
a) Le plan d'action pour les services d'eau potable et d'assainissement (plan Eau DOM)
Le plan Eau DOM (PEDOM), adopté en 2016 pour une période de 10 ans, accompagne l'amélioration du service rendu aux usagers en matière d'eau potable et d'assainissement. Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin Le ministère chargé des outre-mer cofinance, dans le cadre du programme 123, l'élaboration et la réalisation des contrats de progrès. Ainsi, depuis 2016, le ministère a engagé 126 millions d'euros et consommé, au 31 juillet 2022, 72,5 millions d'euros à partir des crédits de la mission « Outre-mer » :
- FEI : 58 millions d'euros en AE entre 2016 et 2022 et 39 millions d'euros en CP au 31 juillet 2022.
- CPER/CDEV : 43 millions d'euros en AE sur la période 2016-2022 et 28,5 millions d'euros en CP au 31 juillet 2022 ;
- CCT : 25 millions d'euros en AE entre 2016 et 2022 et 5 millions d'euros en CP au 31 juillet 2022.
D'autres partenaires cofinancent des opérations d'investissement en eau et assainissement dans le cadre de ce plan :
- le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) : 5 millions d'euros en AE entre 2016 et 2022 et 3,1 millions d'euros en CP au 31 décembre 2021 ;
- l'office français de la biodiversité (OFB) qui pilote le dispositif de solidarité interbassins (117 millions en AE sur la période 2016-2022 et 73 millions d'euros en CP au 31 décembre 2021) et les crédits du Plan de relance alloués au plan Eau (47 millions d'euros en AE sur la période 2016 à 2022 et 12 millions d'euros en CP au 31 décembre 2021) ;
- l'agence française de développement (AFD) qui octroie des prêts long terme bonifiés par le ministère des outre-mer (173 millions d'euros depuis 2016, ayant mobilisé 11,9 millions d'euros de bonifications), des préfinancements de subventions via des prêts court terme (48 millions d'euros depuis 2016). Par ailleurs, elle subventionne aussi des études, en direct et via le fonds outre-mer à partir de 2020 (7,4 millions d'euros en AE pour la période 2016-2022 et 4,5 millions d'euros en CP au 31 décembre 2021) ;
- la banque des territoires qui octroie des prêts pour un montant total de 114 millions d'euros depuis 2016. Au total, entre 2016 et 2022, 625 millions d'euros se décomposant en 290 millions d'euros de subventions et 335 millions d'euros de prêts ont été mis à disposition des collectivités ultra-marines par l'État ou ses opérateurs bancaires sur les thématiques de l'adduction en eau potable et de l'assainissement.
b) Le plan séismes Antilles
Les Antilles sont les territoires où l'aléa et le risque sismique sont les plus forts à l'échelle nationale (classement en zone de sismicité 5, dite « forte »). Dans ce contexte, le Gouvernement a adopté, en 2007, le plan séisme Antilles (PSA), prévu pour une durée de 30 ans, dont l'objectif est d'améliorer la sécurité de la population. Pour la période 2007-2019, plus de 562 millions d'euros ont été consacrés à la construction aux normes parasismiques pour la Martinique et 491 millions d'euros pour la Guadeloupe, soit plus d'un milliard d'euros au total.
Le troisième volet du plan séisme Antilles (PSA3) a été arrêté le 22 avril 2021. Il prévoit la construction ou la mise aux normes de bâtiments et infrastructures de gestion de crise, d'établissements d'enseignement, d'établissements de santé et de logements sociaux, et des actions de prévention à l'attention des populations, pour un montant global de 1,2 milliard d'euros entre 2021 et 2027, dont le financement assuré par l'État (MTECT) s'élève à 654,9 millions d'euros (dont 50 millions d'euros issus du plan de relance).
Le delta provient du fonds de prévention pour les risques naturels majeurs (FPRNM), du programme 123 de la mission « Outre-mer », du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », du ministère de la santé et de la prévention via le fonds pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS) et du budget de la sécurité civile pour les opérations relatives au confortement des hôpitaux.
Le plan est suivi par la mission d'appui aux politiques publiques de prévention des risques naturels majeurs outre-mer (MAPPPROM), placée auprès du délégué interministériel aux risques majeurs, directeur général de la prévention des risques (DGPR - MTECT).
c) Le plan Sargasses II
Le plan Sargasses II (2022-2025) a été publié le 14 mars 2022. Le montant annuel total prévu par le plan Sargasses II s'élève à 7,6 millions d'euros et le montant total du plan sur la période 2022-2025 s'élève à 36,5 millions d'euros. Les origines des financements annuels, décidées lors de La Réunion interministérielle du 13 décembre 2021, se répartissent comme suit : - programme 123 : 3,5 millions d'euros ; - divers programmes du budget général et opérateurs : 4,13 millions d'euros. À partir de 2023, une action « Sargasses » est créée au sein du programme des interventions territoriales de l'État (PITE) pour un montant total de 5,1 millions d'euros.
d) Le plan chlordécone
Ce plan a été lancé le 24 février 2021 pour la période 2021-2027 pour un montant total de 92,3 millions d'euros. Les montants consommés au 31 décembre 2021 sont de 8,4 millions en AE et 5,5 millions en CP. Les origines de financement de ce plan sont :
- programme 162 « Interventions territoriales de l'État : 31 millions d'euros ;
- programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » du ministère en charge de la santé : 3 millions d'euros ;
- divers programmes du budget général et opérateurs : 18,47 millions d'euros ;
- assurance maladie : 20 millions d'euros ;
- plan de relance : 3 millions d'euros ;
- fonds européens et collectivités : 16 millions d'euros.
2. Un niveau de consommation des crédits du plan de relance qui n'est pas à la hauteur des besoins
a) Les annonces initiales en faveur des territoires d'outre-mer
Lors des premières annonces relatives au plan de relance, les crédits alloués à l'outre-mer devaient atteindre 1,5 milliard d'euros avec des engagements étalés entre 2021 et 2022 et au-delà de 2022, à la marge, pour des projets complexes d'infrastructures ou de rénovation lourde.
Par ailleurs, il avait été annoncé une contribution du « Ségur de la Santé » (financé par France Relance à hauteur de 6 milliards d'euros nationalement) de 1,06 milliard d'euros d'investissement pour les systèmes de santé ultramarins en sus du 1,5 milliard d'euros.
Enfin, les crédits estimés de France Relance dans les outre-mer devaient, initialement, se répartir comme suit entre les 3 axes prioritaires du plan de relance :
- écologie et transition énergétique : 640 millions d'euros ;
- compétitivité des entreprises : 316 millions d'euros dont 267 millions d'euros au titre de la baisse des impôts de production ;
- cohésion des territoires : 535 millions d'euros.
b) Une sous-exécution probable des crédits du plan de relance
Les rapporteurs spéciaux regrettent de ne pas disposer à fin 2023 de la consommation des crédits du plan de relance dans les territoires ultra-marins, le document de politique transversale ne présentant plus cette information.
Toutefois, France stratégie a publié un rapport le 16 janvier 2024 portant sur le plan France relance, qui estime que dans les DROM sauf Mayotte, près de 775 millions d'euros ont été engagés. Il ne s'agit que de 52 % des 1,5 milliard d'euros promis aux outre-mer dans ce cadre. S'il est certain qu'en incluant le reste des territoires d'outre-mer dans cette évaluation, davantage de crédits aient été exécutés, il reste très probable que les outre-mer n'aient en réalité que peu consommé le plan de relance.
Ainsi, la Guyane aurait reçu près de 3,7 % de son PIB via le Plan de relance, La Réunion 1,9 %, la Martinique 1,5 % et la Guadeloupe 1,4 % de son PIB. La moyenne nationale se situe à 2,9 % du PIB de la région.
Les mesures les plus importantes à destination des Outre-mer sont la rénovation thermique des bâtiments (247 millions d'euros), les mobilités du quotidien (125 millions d'euros), la baisse des impôts de production (267 millions d'euros), les mesures pour l'emploi et l'insertion des jeunes (311 millions d'euros), et le soutien aux collectivités territoriales (90 millions d'euros).
Les rapporteurs spéciaux saluent l'engagement de l'État mais soulignent des niveaux de consommation décevants au regard des besoins et enjeux des territoires d'outre-mer.
c) Un fonds vert bien approprié par les territoires ultramarins
Les territoires d'outre-mer se sont saisis du fonds vert et ont déposé 531 dossiers pour un montant total de plus de 220 millions d'euros fin juillet 2024.
Ces dossiers concernent l'ensemble des actions du fonds. Les demandes les plus nombreuses ont porté sur les actions suivantes :
- accompagnement de la stratégie SNB 2030 ;
- renaturation des villes et villages ;
- rénovation énergétique des bâtiments publics locaux.
Au total, 294 dossiers ont été sélectionnés, soit 55 % des dossiers déposés par les territoires d'outre-mer, pour un montant global de 114,4 millions d'euros de subventions attribuées. Fin 2024, 13,2 millions d'euros d'AE ont déjà été consommés soit 16 %.
Des projets ont été retenus dans chaque territoire d'outre-mer.
Les dossiers acceptés sont plus nombreux à La Réunion (60), dans la zone constituée par la Guadeloupe/Saint-Martin/Saint-Barthélemy (44), en Guyane (40), en Nouvelle-Calédonie (37) et en Martinique (27).
Le fonds vert a donc été fortement sollicité par les territoires ultramarins et constitue un outil particulièrement pertinent, dont les crédits devraient être maintenus. La baisse des crédits annoncée pour le fonds vert en général est donc inquiétante et regrettable.