B. LES CRÉDITS SUPPLÉMENTAIRES DOIVENT ÊTRE LÉGITIMÉS PAR UNE ÉVALUATION PLUS RIGOUREUSE DE LEUR UTILISATION

Comme l'ont indiqué les États généraux de la justice, « l'augmentation des moyens est une condition du redressement, mais elle doit être mise au service d'une gestion plus rigoureuse et d'une vision dynamique et prospective de l'institution. Elle implique des évaluations rigoureuses et transparentes de leur utilisation »13(*).

Le comité des États généraux recommandait ainsi la mise en place d'un système d'évaluation des chefs de tribunal judiciaire et l'instauration d'une évaluation des chefs de cours d'appel et des magistrats de la Cour de cassation, à travers la mise en place d'un mécanisme d'évaluation à 360° par un comité indépendant composé de membres nommés notamment par le garde des sceaux et le Conseil supérieur de la magistrature. Tous les magistrats font en effet l'objet d'évaluations régulières, à l'exception des chefs de cour d'appel et des conseillers à la Cour de cassation.

Toutefois, c'est sur l'évaluation de l'efficacité de la dépense que le rapporteur spécial mettra l'accent.

En effet, une meilleure performance de l'argent employé doit être recherchée, la finalité étant l'amélioration de la qualité et de la rapidité du service public de la justice. Si la justice retrouve peu à peu - partiellement - les moyens dont elle aurait dû toujours disposer, elle doit en même temps faire l'objet d'une meilleure évaluation de la manière dont elle utilise ces moyens.

1. Le travail d'objectivation des coûts doit être poursuivi

L'évaluation doit d'abord porter sur la détermination des coûts.

À cet égard, il est regrettable que le référentiel de la charge de travail des magistrats n'ait toujours pas été publié. La question n'est pourtant pas nouvelle : en 2018, la Cour des comptes constatait que « depuis plus de vingt ans, des groupes de travail ont ainsi été mis en place à l'initiative de la DSJ14(*) ou de certaines juridictions pour objectiver la charge de travail des magistrats »15(*).

Alors que des groupes de travail ont travaillé sur la question depuis deux ans, la publication de leurs conclusions a été encore une fois repoussée l'été dernier. Or une objectivation des coûts est indispensable pour justifier les hausses de crédits demandées.

L'évaluation doit ensuite porter sur l'analyse des résultats.

2. Les indicateurs de performances doivent mieux refléter la qualité du service public rendu aux usagers

Sur ce plan, le dispositif de performance de la mission « Justice » demeure perfectible.

S'il est préférable d'éviter une trop grande instabilité des définitions d'indicateurs afin de faciliter leur suivi année après année, certains indicateurs semblent peu adaptés à une mesure réelle de l'efficacité de la justice.

À titre d'exemple, l'indicateur 1.2 du programme 166 « Justice judiciaire » constate une amélioration de la proportion d'affaires pénales terminées en moins de douze mois, mais ce chiffre ne distingue pas entre les procédures de comparution immédiate, par définition rapides, et les autres. L'amélioration peut donc correspondre au moins autant au choix fait par la politique pénale de favoriser les procédures rapides qu'à une amélioration de l'efficacité de la justice en tant que telle. C'est ce que reconnaît le commentaire de l'indicateur le reconnaît : « le délai moyen de traitement des convocations par officier de police judiciaire est de 12 mois (en 2023) alors qu'il était de 11,6 mois en 2022. De même, le délai moyen de traitement des affaires ayant fait l'objet d'une instruction est de 51,7 mois alors qu'il était de 48,5 mois en 2022 ». L'amélioration formelle de cet indicateur, trop synthétique, masque la réalité de la dégradation des délais.

De même, la réduction du délai d'écoulement des stocks devant les cours d'assises, qui passe de 16,8 à 14,8 mois entre 2022 et 2023 (indicateur 1.3) résulte en réalité de la transmission de certains dossiers devant les nouvelles cours criminelles départementales, entraînant une baisse de 20 % du nombre d'affaires portées devant les assises.


* 13 Rendre justice aux citoyens, rapport du comité des États généraux de la justice, avril 2022.

* 14 Direction des services judiciaires.

* 15 Cour des comptes, Approche méthodologique des coûts de la justice, communication à la commission des finances de l'Assemblée nationale, décembre 2018.

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