DEUXIÈME PARTIE
LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 n'a pas seulement fixé des objectifs chiffrés de moyens financiers et humains.

Elle a aussi, à la suite des États généraux de la justice, défini une ambition de transformation globale de l'activité de la justice dans ses trois principales dimensions.

En premier lieu, la politique de ressources humaines doit mettre à profits les moyens nouveaux pour se transformer et réorganiser l'environnement de travail.

En second lieu, l'accélération de la transformation numérique, qu'il s'agisse de la mise à jour des applications obsolètes ou de l'élaboration de solutions nouvelles, apparaît comme une condition de la capacité du monde de la justice à répondre à la hausse de la charge de travail et à l'aspiration des citoyens à un meilleur service public de la justice.

Enfin, l'inacceptable situation des prisons, comme les besoins de la justice judiciaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, doit amener à poursuivre les investissements dans la rénovation et la construction de locaux.

Ces objectifs stratégiques ne pourront toutefois être atteints sans apporter à la justice les moyens de fonctionnement nécessaires à la bonne exécution de ces missions.

Or la dynamique impulsée par la loi de programmation doit, comme toutes les fonctions de l'État, s'adapter aux économies que la situation financière du pays impose désormais. La dégradation des finances publiques, dont l'ampleur était encore insoupçonnée lors des débats de la loi de programmation, impose de réexaminer même des politiques aussi nécessaires.

Le rapporteur spécial comprend cette contrainte et considère que le ministère de la justice ne peut s'en exonérer totalement. Il apparaît donc nécessaire de faire des choix et, en cas de besoin, d'accepter de repousser les projets dont l'urgence est la moins avérée, afin de préserver les mesures les plus essentielles, telles que la poursuite de la construction de places de prison, les recrutements dans les fonctions indispensables à l'accroissement de la charge de travail du ministère ou - afin d'éviter des coûts de rénovation futurs - l'entretien de l'ensemble des infrastructures numériques et des bâtiments du ministère.

I. LES RECRUTEMENTS, PRIORITÉ DU MINISTÈRE, S'APPUIENT SUR UNE POLITIQUE DE REVALORISATION DES MÉTIERS

Le ministère de la justice fait partie de ceux dans lesquels l'élément humain est le plus important. Malgré l'importance des projets immobiliers (voir infra), près de 60 % des crédits sont consacrés aux dépenses de personnel, contre un peu plus d'un quart sur l'ensemble du budget général. Il n'est dépassé que par le ministère de l'éducation nationale (près de 95 %) et celui de l'intérieur (près de 75 %).

Les États généraux de la justice ont constaté la nécessité de répondre à un manque criant de moyens humains, résultant de l'insuffisance des crédits mais aussi de la perte d'attractivité d'un grand nombre de métiers judiciaires.

Le rapporteur spécial partage ce constat, qui s'applique aussi à l'administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse. Il constate que la revalorisation des métiers, déjà engagée, est indispensable pour permettre au ministère de faire face aux recrutements prévus par la loi de programmation.

A. UN PLAN DE RECRUTEMENT SOUTENU RESTE NÉCESSAIRE POUR RÉPONDRE AUX NOUVEAUX BESOINS, MAIS AUSSI POUR FAIRE FACE À LA ROTATION DES PERSONNELS

L'augmentation des effectifs prévue par la loi de programmation se poursuit et s'appuie sur la revalorisation des métiers.

Les emplois sous plafond de la mission « Justice », mesurés en équivalents temps plein travaillé (ETPT)16(*), sont en croissance de 1 687 ETPT entre l'exécution 2021 et l'exécution 2023.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 prévoit la création nette de 10 000 emplois sur le quinquennat, dont 2 308 équivalents temps plein (ETP) réalisés en 2023 et 1 916 ETP prévus en 2024, emplois des opérateurs inclus.

Le plafond d'autorisation des emplois accompagne ces mouvements avec une hausse de 901 ETPT dans le projet de loi de finances pour 2025 par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, dont 460 ETPT en faveur des services judiciaires.

Cette trajectoire est toutefois très différenciée selon les catégories de personnels.

Trajectoire des emplois sous plafonds de la mission « Justice »

(en équivalents temps plein travaillés ou ETPT)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les catégories A et les magistrats ont connu jusqu'à présent la hausse la plus rapide en ETPT, ce qui traduit le plan de recrutement pour les magistrats (+ 9,1 % en cinq ans), mais aussi la revalorisation des statuts des personnels : l'augmentation des emplois travaillés de personnel d'encadrement de catégorie A, qui est de + 23,6 % pour la seule année 2025, illustre le passage de certains greffiers de la catégorie B à la catégorie A, en application de la réforme statutaire des greffes (voir infra).


* 16 Les équivalents temps plein (ETP) représentent les effectifs en place à une durée donnée, indépendamment des mouvements d'effectifs en cours d'année : 1 agent à mi-temps représente 0,5 ETP. Les équivalents temps plein travaillé (ETPT) mesurent la quantité de travaillé effectuée par ces personnels : le même agent à mi-temps, s'il a été recruté le 1er juillet, représente 0,25 ETPT la première année et 0,5 ETPT l'année suivante.

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