C. LA PRIORITÉ EST DONNÉE À L'ACCROISSEMENT DES MOYENS HUMAINS PAR RAPPORT AUX NOUVEAUX INVESTISSEMENTS, HORS ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

L'évolution des crédits, dans le présent projet de loi de finances, est marquée par une diminution des autorisations d'engagement de fonctionnement et d'investissement, ainsi que des crédits de paiement d'investissement.

Évolution des crédits par titre à périmètre constant

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

LFI 2024

PLF 2025

Évolution 2025/2024 en euros

Évolution 2025/2024 en %

Titre 2 - Dépenses de personnel

AE=CP

7 131,1

7 320,0

+ 188,9

+ 2,6 %

Titre 3 - Dépenses de fonctionnement

AE

4 739,5

2 876,8

- 1 862,7

- 39,3 %

CP

2 966,6

3 057,0

+ 90,4

+ 3,0 %

Titre 5 - Dépenses d'investissement

AE

1 300,4

616,5

- 683,9

- 52,6 %

CP

997,3

968,2

- 29,1

- 2,9 %

Titre 6 - Dépenses d'intervention

AE

1 066,9

1 065,3

- 1,6

- 0,1 %

CP

1 066,9

1 064,2

- 2,7

- 0,3 %

Total

AE

14 237,8

11 878,6

- 2 359,2

- 16,6 %

CP

12 161,9

12 409,4

247,5

+ 2,0 %

Données du PLF 2025 au format de la LFI 2024 (hors rebudgétisation du fonds de financement des dossiers impécunieux).

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

Les crédits de la mission « Justice » sont concentrés à plus des trois quarts sur les dépenses de personnel et de fonctionnement des programmes 166 « Justice judiciaire » et 107 « Administration pénitentiaire ».

Principaux postes de dépense sur la mission « Justice »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Parmi ces postes, la chute des autorisations d'engagement entre 2024 et 2025 (- 2 359 millions d'euros) concerne principalement celles du programme 107 « Administration pénitentiaire » en dépenses de fonctionnement (- 1 888 millions d'euros).

S'agissant des crédits de paiement, la hausse de 247,4 millions d'euros pour la mission s'explique surtout :

- s'agissant du programme 107 « Administration pénitentiaire », par la hausse des dépenses de personnel et d'investissement de, respectivement, 122,4 millions d'euros et 103,7 millions d'euros ;

- s'agissant du programme 166 « Justice judiciaire », par la hausse des dépenses de personnel et des dépenses de fonctionnement de, respectivement, 46,8 millions d'euros et 68,9 millions d'euros, alors que les dépenses d'investissement diminuent de 93,3 millions d'euros.

En proportion des crédits, les dépenses de personnel de tous les programmes augmentent7(*), en particulier celles de l'administration pénitentiaire (+ 3,8 %). En revanche, les dépenses d'investissement augmentent de 20,0 % pour l'administration pénitentiaire et de 14,7 % pour la protection judiciaire de la jeunesse, mais diminuent de 25,8 % pour la justice judiciaire.

Principaux facteurs d'évolution des crédits de la mission « Justice »
entre la LFI 2024 et le PLF 2025

(en millions d'euros)

182 - PJJ : programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse ». 310 - Contrôle : programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Le Gouvernement justifie l'évolution des crédits par la volonté de poursuivre les chantiers immobiliers déjà lancés, notamment le plan de création de 15 000 places de prison, et de renforcer les effectifs pénitentiaires et judiciaires8(*).

1. Une augmentation des emplois inférieure à 2024, mais qui demeure une priorité

Le texte initial du projet de loi de finances prévoit une augmentation des effectifs de 619 équivalents temps plein (ETP), dont 270 ETP pour les services judiciaires et 349 ETP dans l'administration pénitentiaire.

Les dépenses de personnel seraient de 5,1 milliards d'euros, en augmentation de 188,9 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, soit + 2,6 %. Toutefois cette augmentation concerne principalement les crédits consacrés au financement des pensions à travers la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », qui augmentent de 139,7 millions d'euros, soit + 5,7 %.

La masse salariale, c'est-à-dire les dépenses de personnel hors CAS « Pensions », est en augmentation de 49,0 millions d'euros, soit + 1,0 %. Le financement en année pleine des revalorisations indiciaires déjà engagées représente 28 millions d'euros.

Évolution des crédits de personnel entre 2024 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Sur le programme 166 « Justice judiciaire », l'augmentation du coût des pensions est lié à la hausse du taux employeur, passant de 74,6 % en 2024 à 78,6 % en 2025. Hors CAS « Pensions », la hausse est de 0,2 %, permettant selon le projet annuel de performances la création de 270 emplois supplémentaires, dont 125 magistrats et 145 greffiers.

Le nombre de magistrats recrutés en 2025 serait donc bien inférieur aux 343 créations prévues pour 2025 par la loi organique du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire9(*). Pour respecter la trajectoire prévue par la loi organique et le nombre total de 1 500 recrutements de magistrats prévu par la loi de programmation, il faudrait recruter 424 magistrats en 2026 et autant en 2027, au lieu de 315 si la trajectoire avait été maintenue.

Par ailleurs, aucun recrutement d'attaché de justice n'est prévu, ce qui pose la question de la mise en oeuvre de cette profession introduite par la loi d'orientation et de programmation du 20 novembre 2023 en remplacement de la catégorie des juristes assistants.

Les attachés de justice

« Le magistrat est recentré sur ses missions juridictionnelles et dispose d'une équipe juridictionnelle pluridisciplinaire à ses côtés. Une fonction d'assistance auprès des magistrats est ainsi créée, l'attaché de justice qui peut être fonctionnaire ou contractuel, et se substitue aux actuels juristes assistants. Le champ d'intervention de ces nouveaux attachés de justice est élargi par rapport aux juristes assistants. Le magistrat, véritable chef d'équipe est davantage formé, dès sa prise de fonction, à l'animation d'équipe et les différents agents nommés dans les fonctions d'attachés de justice bénéficient d'une formation dispensée par l'École nationale de la magistrature.

Les attachés de justice bénéficient d'une passerelle simplifiée vers la magistrature, permettant ainsi de constituer de véritables viviers venant renforcer l'autorité judiciaire. »

Source : rapport annexé au projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

Enfin, le programme 166 a connu, courant 2024, un renfort temporaire de 140 agents pour les Jeux olympiques et paralympiques sur les catégories C et techniques.

S'agissant du programme 107 « Administration pénitentiaire », les 349 emplois créés sont destinés exclusivement aux nouveaux établissements qui entreront en service dans le cadre du plan de construction de 15 000 places de prison supplémentaires lancé en 2017. Ce nombre comprend 304 personnels de surveillance. Ils doivent donc s'ajouter au remplacement des départs, estimés à 2 413 ETP (départs en retraite, disponibilités, congés parentaux...).

La hausse de la masse salariale, hors contribution au CAS « Pensions » et hors mesures de transfert, est de 39,9 millions d'euros, soit + 1,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Elle doit financer les nouveaux recrutements ainsi que l'application en année pleine des mesures de revalorisation de la filière surveillance.

2. Des crédits de fonctionnement, d'investissement et d'intervention soumis à la contrainte budgétaire

Les crédits de fonctionnement de la mission « Justice » sont en augmentation de 90,4 millions d'euros en crédits de paiement (+ 3,0 %) par rapport à la loi de finances initiale 2024, à périmètre constant, mais en diminution de 1 862,7 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Évolution des crédits de fonctionnement entre 2024 et 2025

(en millions d'euros)

Différence entre le projet de loi de finances pour 2025 et la loi de finances initiale pour 2024, à périmètre constant, pour les autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP).

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

La forte diminution des autorisations d'engagement doit s'apprécier par rapport au niveau élevé prévu en loi de finances initiale pour 2024 afin d'assurer, notamment, le lancement de marchés de gestion déléguée sur la période 2024-2029 (966,4 millions d'euros en autorisations d'engagement) et l'ouverture de nouveaux établissements et structures (889 millions d'euros en autorisations d'engagement).

La direction de l'administration pénitentiaire estime que les crédits de fonctionnement prévus par le texte initial du projet de loi de finances ne permettraient pas de couvrir l'ensemble des dépenses ayant fait l'objet de la signature du protocole d'accord, suite au drame d'Incarville10(*), laquelle nécessiterait une mobilisation complémentaire de 30 millions d'euros en 2025. Le rapporteur spécial reviendra sur ce point infra.

Les crédits d'investissement font partie des crédits les plus impactés en 2025 par les restrictions budgétaires.

Évolution des crédits d'investissement entre 2024 et 2025

(en millions d'euros)

Différence entre le projet de loi de finances pour 2025 et la loi de finances initiale pour 2024, à périmètre constant, pour les autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP).

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

S'agissant du programme 166 « Justice judiciaire », la perspective pluriannuelle du programme est caractérisée par une forte baisse des dépenses d'investissement, qui passeraient de 362 millions d'euros en 2024 à 268 millions d'euros en 2025 et 120 millions d'euros en 2026 et 2027. L'an dernier, au contraire, il ressortait du projet annuel de performances que les dépenses d'investissement du programme 166 devaient passer à 521 millions d'euros en 2025 pour revenir à 388 millions d'euros en 2026.

Sur le programme 107 « Administration pénitentiaire », les importants chantiers déjà lancés peuvent expliquer un ralentissement des nouveaux engagements, mais aussi rendent et rendront nécessaire dans les années à venir l'ouverture de crédits de paiement importants au fur et à mesure de l'avancement des constructions.

Selon la direction de l'administration pénitentiaire, toutefois, la poursuite du plan 15 000 selon le rythme prévu nécessiterait environ 60 millions d'euros supplémentaires, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, par rapport à ceux prévus par le projet de loi de finances.

Enfin, les dépenses d'intervention, d'un montant de 1 065,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1064,2 millions d'euros en crédits de paiement (hors rebudgétisation du fonds de financement des dossiers impécunieux), sont quasiment stables par rapport à 2024.

Ces dépenses correspondent surtout aux crédits du secteur associatif habilité (SAH)11(*), financé à hauteur de 293,2 millions d'euros par le programme 382 (en baisse de 6,6 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances initiale pour 2024), et à l'aide juridictionnelle financée à hauteur de 661,1 millions d'euros sur ce titre par le programme 101 (en hausse de 2,5 millions d'euros).


* 7 À l'exception du programme 101 « Accès au droit et à la justice », qui ne dispose pas de crédits de personnel.

* 8 Dossier de presse du projet de loi de finances pour 2025.

* 9  Loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, étude d'impact, p. 58 : « l'objectif de permettre le recrutement puis l'arrivée en juridiction de 1 500 magistrats entre 2023 et 2027 se répartit ainsi : + 200 en 2023, + 327 en 2024, + 343 en 2025 et + 315 en 2026 et 2027, en cohérence avec la trajectoire budgétaire fixée dans le projet de loi de programmation et d'orientation de la justice ».

* 10 Le 14 mai, près de la commune d'Incarville (Eure-et-Loir), un fourgon de l'administration pénitentiaire a subi une attaque d'une grande violence, causant la mort d'un gardien et d'un officier, ainsi que trois blessés graves.

* 11 Ces crédits correspondent aux prestations réalisées par les établissements et services du secteur associatif habilité à la demande du juge des enfants, des juges d'instruction et des magistrats du parquet. Ils recouvrent l'ensemble des coûts de ces prestations : dépenses de personnel et de fonctionnement, mais également d'investissements, de provisions, de frais de siège et de charges financières.

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