B. LE BUDGET POUR 2025 REPRÉSENTE UN EFFORT IMPORTANT DE LA MISSION « JUSTICE » POUR PARTICIPER À L'EFFORT DE MAÎTRISE DES DÉPENSES

1. Une hausse limitée des crédits de paiement et une baisse marquée des engagements

Pour 2025, les crédits demandés sur la mission « Justice » s'élèvent à 11,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 12,5 milliards d'euros en crédits de paiement, soit, à périmètre constant, une diminution de 16,6 % des autorisations d'engagement et une augmentation de 2,0 % des crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Hors inflation, la diminution est de 18,0 % en autorisations d'engagement et l'augmentation de 0,2 % en crédits de paiement.

La principale modification de périmètre est la rebudgétisation, sur le programme 101 « Accès au droit et à la justice », du fonds de financement des dossiers impécunieux, pour un montant de 54 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement (voir infra).

Évolution des crédits de la mission « Justice » en euros courants et constants

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

LFI 2024

PLF 2025 constant

Évolution 2025/2024 en %

PLF 2025 courant

   

En %

en valeur

En % hors inflation

166 - Justice judiciaire

AE

4 753,9

4 584,6

- 3,6 %

- 169,3

- 5,3 %

4 584,6

CP

4 544,0

4 567,1

+ 0,5 %

+ 23,1

- 1,3 %

4 567,1

107 - Administration pénitentiaire

AE

6 814,0

4 740,6

- 30,4 %

- 2 073,4

- 31,7 %

4 739,6

CP

5 003,0

5 243,4

+ 4,8 %

+ 240,4

+ 3,0 %

5 242,4

182 - Protection judiciaire de la jeunesse

AE

1 160,8

1 160,8

- 0,0 %

- 0,0

- 1,8 %

1 160,6

CP

1 125,9

1 141,1

+ 1,3 %

+ 15,1

- 0,4 %

1 141,0

101 - Accès au droit et à la justice

AE

736,2

744,1

+ 1,1 %

+ 7,9

- 0,7 %

798,1

CP

736,2

744,1

+ 1,1 %

+ 7,9

- 0,7 %

798,1

310 - Conduite et pilotage de la politique de la justice

AE

768,3

643,8

- 16,2 %

- 124,5

- 17,7 %

640,5

CP

747,1

707,8

- 5,3 %

- 39,3

- 6,9 %

704,6

355 - Conseil supérieur de la magistrature [P335]

AE

4,6

4,8

+ 4,1 %

+ 0,2

+ 2,3 %

4,8

CP

5,7

5,9

+ 3,5 %

+ 0,2

+ 1,7 %

5,9

Total

AE

14 237,8

11 878,7

- 16,6 %

- 2 359,2

- 18,0 %

11 928,3

CP

12 161,9

12 409,4

+ 2,0 %

+ 247,5

+ 0,2 %

12 459,1

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La diminution des autorisations d'engagement doit s'apprécier par rapport au niveau très élevé prévu en loi de finances en 2024, tout particulièrement dans le cadre des programmes immobiliers pénitentiaires.

Sur le moyen terme, les moyens de la mission « Justice » ont connu une augmentation de 36,2 % depuis 2020, ou 16,8 % en euros constants, qui contraste avec une augmentation plus limitée entre 2015 et 2020.

Évolution à moyen terme des crédits de paiement
de la mission « Justice »

(en milliards d'euros constants et courants)

Crédits de paiement (CP) consommés (2015 à 2023) ou prévus (2024 et 2025).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

De même, l'augmentation des engagements depuis 2020 reste soutenue, ce qui marque le lancement de nouveaux chantiers après une stagnation des investissements au cours des années antérieures.

Évolution à moyen terme des autorisations d'engagement
de la mission « Justice »

(en milliards d'euros constants et courants)

Autorisations d'engament (AE) consommées (2015 à 2023) ou prévues (2024 et 2025).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

2. Un ralentissement de la mise en oeuvre de la loi de programmation, qui pourrait être moins marqué que ce qui est prévu par le texte initial du projet de loi de finances

La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-20276(*) a prévu une hausse progressive des crédits de paiement du ministère (hors contribution aux pensions), de 8,86 milliards d'euros en 2022 à 10,75 milliards d'euros en 2027.

S'agissant des emplois, elle a prévu des créations nettes sur cette période de 10 000 équivalents temps plein (ETP) entre 2023 à 2027, dont 1 500 magistrats et 1 800 greffiers supplémentaires, y compris 605 ETP recrutés en gestion pour l'année 2022 au titre de la justice de proximité.

La période 2018-2022 avait déjà été marquée par une forte augmentation des moyens de la mission « Justice » (+ 27,3 %), allant même au-delà de ce que prévoyait la loi de programmation 2018-2022 (+ 18,6 %), par l'effet d'un effort marqué en 2021 et 2022.

Après une nouvelle hausse en 2023 (+ 6,6 %), inférieure toutefois en exécution au niveau prévu en loi de finances initiale, la loi de programmation 2023-2027 a prévu une poursuite de cet effort qui devait porter en quasi-totalité sur les années 2024 et 2025 (+ 11,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, soit + 14,0 % par rapport à la consommation finalement réalisée cette année), les crédits devant ensuite être quasiment stables entre 2025 et 2027.

Les crédits du présent projet de loi de finances, s'ils étaient confirmés, représenteraient une hausse finalement plus limitée, à hauteur de 9,3 % par rapport à l'exécution 2023, ce qui supposerait une poursuite soutenue de la hausse des crédits jusqu'en 2027 (+ 4,9 % par rapport au projet de loi de finances pour 2025) pour atteindre l'objectif fixé par la loi de programmation dans son montant comme dans son calendrier final.

Crédits prévus en loi de programmation et réalisation

(en milliards d'euros)

Crédits hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », prévus dans les lois de programmation 2018-2022 et 2023-2027, et crédits consommés (2018 à 2023), prévus en loi de finances initiale (2024) ou en projet de loi de finances (2025).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

S'agissant des emplois, le projet de loi de finances prévoit la création de 619 ETP sur le périmètre du ministère de la justice, portant sur les effectifs de l'État, ceux des opérateurs du ministère étant stables. Cette hausse reste limitée par rapport à celle prévue par le projet de loi de finances pour 2024 (+ 1 925 ETP).

En outre, la trajectoire de hausse pluriannuelle des crédits semble fortement remise en cause pour certains programmes, si l'on en croit les documents budgétaires.

S'agissant du programme 166 « Justice judiciaire », les documents budgétaires prévoyaient l'an dernier que les crédits de paiement passeraient de 4,54 milliards d'euros en 2024 à 4,76 milliards d'euros en 2026. Cette année, les documents budgétaires prévoient un plafonnement des crédits à 4,56 milliards d'euros en 2025, puis une baisse jusqu'à 4,36 milliards d'euros en 2027.

Évolution pluriannuelle des crédits du programme 166 « Justice judiciaire »
prévue par les projets de loi de finances pour 2024 et pour 2025

(en millions d'euros)

Lecture : les dépenses en 2026 seraient de 4 760,1 milliards d'euros selon la prévision du projet de loi de finances pour 2024 et de 4 514,2 milliards d'euros selon la prévision du projet de loi de finances pour 2025.

Source : commission des finances, à partir des projets annuels de performance

La trajectoire pluriannuelle des autorisations d'engagement du programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » en matière d'investissement est particulièrement surprenante, puisqu'elle indique que, d'un niveau de 53,9 millions d'euros en 2024 et 36,7 millions d'euros en 2025, les engagements chuteraient à 11,7 millions d'euros en 2026 et 1,0 million d'euros seulement en 2027. La même trajectoire, dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2024, prévoyait un niveau d'autorisations d'engagement de 43,4 millions d'euros en 2026.

Les documents budgétaires se rapportent toutefois au texte initial du projet de loi de finances qui, cette année, pourrait être significativement différent du texte de la loi qui sera finalement promulguée.

Le Gouvernement a en effet fait état, dès la présentation du projet de loi de finances le 10 octobre dernier, de son intention de demander, par voie d'amendement, une augmentation des crédits supérieure à celle que prévoit le texte initial. Les ministres l'ont confirmé lorsqu'ils sont venus présenter le projet de loi de finances devant la commission des finances.

Le Gouvernement a ainsi déposé deux amendements lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale.

D'une part, les crédits sont réduits de 26,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, uniquement en titre 2, afin de tirer les conséquences de mesures prises sur l'ensemble des ministères (indemnités journalières, ajout de deux jours de carence).

D'autre part, les crédits sont augmentés de 249,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement par rapport à ceux prévus par le projet de loi de finances initial, répartis comme suit :

- programme 166 « Justice judiciaire » : + 86,4 millions d'euros, dont + 33,2 millions d'euros en titre 2 ;

- programme 107 « Administration pénitentiaire » : + 96,3 millions d'euros, dont + 6,3 millions d'euros en titre 2 ;

- programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » : + 12,3 millions d'euros, dont + 2,3 millions d'euros en titre 2 ;

- programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » : + 50,3 millions d'euros, dont + 0,9 million d'euros en titre 2.

Près de la moitié de l'écart entre le texte initial du projet de loi de finances et la trajectoire de la loi de programmation serait ainsi comblée.

En outre, selon les informations communiquées au rapporteur spécial, les effectifs du ministère de la justice seront augmentés de 924 équivalents temps-plein (ETP) supplémentaires, s'ajoutant aux 619 ETP prévus par le texte initial du projet de loi de finances, soit une augmentation totale de 1 542 ETP, consacrés à la fois aux nouveaux établissements pénitentiaires et au renforcement des services judiciaires en appui des magistrats.

Le rapporteur spécial prend acte de ces annonces et se réjouit que la mise en oeuvre de la loi de programmation puisse se poursuivre. L'écart restant avec les crédits prévus, sans être négligeable, paraît supportable dans la mesure où certains projets prennent du retard et où tous les crédits n'auraient pas nécessairement été mobilisés en 2025. En tout état de cause, l'état particulièrement dégradé des finances publiques requiert un effort partagé entre l'ensemble des ministères, et celui de la justice fait partie de ceux qui en subiront le moins les conséquences.

Les analyses qui suivent, sauf mention contraire, se fondent sur le texte initial du projet de loi de finances et sur les documents publiés ou communiqués au rapporteur spécial.


* 6 Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

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