C. L'AIDE JURIDICTIONNELLE : SUR LA VOIE D'UNE STABILISATION DES COÛTS ?

1. Les crédits demandés au titre de l'aide juridictionnelle se stabilisent en euros constants

Les crédits demandés au titre de l'aide juridictionnelle sur le programme 101 « Accès au droit et à la justice » atteindraient 661 millions d'euros en 2025.

Ces crédits sont en forte hausse depuis 2020.

Évolution des crédits budgétaires et
du nombre d'admissions au titre de l'aide juridictionnelle

(en millions d'euros constants et en milliers d'admissions)

Source : commission des finances, d'après les données transmises dans le questionnaire budgétaire

Le montant des crédits budgétaires par admission a connu une hausse de près de 40 %, hors inflation, en 2020 et 2021, avant d'entamer une décrue depuis 2022.

Crédits budgétaires par admission à l'aide juridictionnelle

(en euros constants par admission)

Source : commission des finances, d'après les données transmises dans le questionnaire budgétaire et les documents budgétaires

Toutefois, l'évolution des coûts ne dépend pas directement de l'inflation, mais surtout du niveau de l'unité de valeur servant au calcul de la rétribution des avocats, ainsi que de la hausse des dossiers éligibles. Celle-ci a augmenté de 12,5 % sur deux ans en 2021 et 2022.

La réforme de la justice pénale des mineurs, la création des conventions locales relatives à l'aide juridique (CLAJ) et la revalorisation des rétributions versées aux auxiliaires non avocats dont les interventions sont tarifées contribuent également à la hausse des coûts. Les rétributions versées à ceux des auxiliaires autres qu'avocats dont les interventions sont tarifées ont ainsi été revalorisées.

Les effets des réformes intervenues avant 2023 sont progressifs : révision de la rétribution de certains contentieux, extension de la présence obligatoire d'un avocat, par exemple lors de la garde à vue ou de l'audition libre d'un mineur ou de l'audience d'une personne faisant l'objet de soins sans consentement. L'accroissement du nombre et de la durée des gardes à vue contribue également à l'augmentation des coûts.

Au total, le ministère de la justice ne dispose que de marges de manoeuvre limitées sur ces facteurs de coûts, qui sont considérés avant tout comme des dépenses de guichet.

Des mesures d'économies sont tout de même prévues en 2025, selon les éléments communiqués au rapporteur spécial :

- le gel des plafonds d'éligibilité à l'aide juridictionnelle, qui sont revalorisés chaque année en fonction de l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac ;

- la suppression de l'aide juridictionnelle partielle, octroyée avec un taux de 25% ou de 55% de couverture des honoraires d'avocat ;

- une ponction sur la trésorerie de la caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) en fin d'exercice budgétaire.

Le rapporteur spécial souligne que ces évolutions ne seraient pas anodines, dans la mesure où elles pourraient limiter l'accès à l'aide juridictionnelle pour des personnes à revenus modestes. Il conviendra qu'une ponction sur la trésorerie de la CARPA ne porte pas atteinte aux versements effectués pour les avocats sur la fin de l'année.

Par ailleurs, le délai de traitement des demandes d'aide juridictionnelle, qui sont instruites par les bureaux d'aide juridictionnelle, s'est encore accru en 2023, à hauteur de 54,3 jours, contre 53,1 jours en 2022 et 49,8 jours en 2021. Le Gouvernement prévoyait initialement une cible de 38 jours en 2022. Le projet annuel de performances fixe un objectif moins ambitieux de moins de 50 jours en 2024 et moins de 45 jours en 2025, pour l'atteinte duquel l'appropriation progressive du nouveau système d'information de l'aide juridictionnelle (SIAJ) est présentée comme un facteur de réussite.

En effet, alors que le nombre de demandes d'admission à l'aide juridictionnelle est considérable, l'importance de la dématérialisation de ces procédures doit être soulignée. Or, force est de constater que celle-ci est toujours insuffisante puisque seulement 11 % des demandes ont été déposées et traitées par voie dématérialisée en 2023, en légère hausse par rapport à 2022 (8 %). Les ambitions ont d'ailleurs été largement revues à la baisse : alors qu'une cible à plus de 50 % était fixée jusqu'en 2023, cette cible a été ramenée à 20 % depuis l'an dernier36(*).

Le SIAJ a pourtant été déployé à partir de 2023. Il vise à simplifier et dématérialiser de bout en bout le traitement de l'aide juridictionnelle. Un site internet permet au justiciable de déposer et de suivre sa demande d'aide juridictionnelle, tandis que les juridictions disposent d'une application qui évite la manipulation de dossiers sur papier. Un outil informatique national contribue également à l'homogénéisation des pratiques en matière d'instruction des dossiers.

2. Les moyens alloués à l'aide aux victimes reçoivent une nouvelle revalorisation

Les crédits dédiés à l'aide aux victimes s'établissent dans le projet de loi de finances pour 2025 à un niveau de 51,0 millions d'euros, en hausse de 4,5 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2024.

Cette ligne suit une hausse continue de 12,0 % par an en moyenne depuis 2020.

Évolution des crédits de l'aide aux victimes

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Ces crédits, qui consistent surtout en crédits d'intervention (38,5 millions d'euros), financent à titre principal des réseaux d'associations locales d'aide aux victimes.

En 2023, les associations subventionnées par les cours d'appel et agréées au niveau ministériel ont ainsi accueilli et orienté, de manière gratuite et confidentielle, près de 400 000 victimes d'infractions pénales.

La hausse des crédits permet de développer les activités d'accueil des victimes, de développer les consultations avec des juristes ou des psychologues et de renforcer la prise en charge des femmes victimes de violences. Il s'agit notamment de déployer plus largement les « téléphones grave danger » (plus de 6 000 téléphones déployés en juillet 2024), qui peuvent être attribués par le procureur de la République aux personnes victimes de violences conjugales ou de viol : en 2023, plus de 3 200 appels ont entraîné une intervention des forces de l'ordre.

Les crédits de fonctionnement, à hauteur de 12,4 millions d'euros, financent notamment le numéro de téléphone « 116 006 », service d'assistance téléphonique à destination de toutes les victimes.

3. Le fonds de financement des dossiers impécunieux est intégré au programme 101

Le périmètre de la mission « Justice » est modifié par la création d'une action 06 « Subvention au fonds de financement des dossiers impécunieux », dotée de 54 millions d'euros, dans le programme 101 « Accès au droit et à la justice », dispositif précédemment financé par une quote-part des intérêts servis par la Caisse des dépôts et consignations sur les fonds déposés dans le cadre des procédures de redressement et liquidation judiciaires.

Ces sommes alimentent le fonds de financement des dossiers impécunieux, qui verse une rémunération au liquidateur ou un mandataire judiciaire qui intervient dans une procédure relative à une entreprise en difficulté, lorsque la réalisation des actifs de l'entreprise ne suffit pas à assurer sa rémunération.

La nouvelle rédaction de l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances, qui entre en vigueur à compter de 2025, prohibe en effet l'affectation d'une taxe à un fonds qui ne dispose pas de la personnalité morale. L'article 33 du projet de loi de finances prévoit donc le reversement des montants correspondants au budget général de l'État, lequel financera désormais le fonds par des crédits budgétaires de même montant, inscrits au programme 101.

La budgétisation de cette ressource, qui ne faisait pas l'objet précédemment d'un plafonnement, apporte un progrès du point de vue de l'information du Parlement. Le montant ne figurait en effet pas dans les documents budgétaires avant le présent projet de loi de finances37(*). Elle contribue également au respect du principe d'universalité budgétaire.

Le rapporteur spécial constate que les crédits inscrits dans cette nouvelle action correspondent au besoin estimé pour l'année 2025.

Cette budgétisation a toutefois pour effet de soumettre ces fonds à la possibilité de régulation budgétaire en cours d'année, voire de révision en loi de finances. Il souligne la nécessité de continuer à assurer, en tout état de cause, la rémunération des mandataires de justice intervenant dans les dossiers impécunieux et de consulter l'ensemble des parties prenantes si ce mécanisme de rémunération ne suffisait pas à l'avenir.


* 36 Cible de l'indicateur de performances 1.2 « Part des demandes d'aide juridictionnelle déposées et traitées par voie dématérialisée », projets annuels de performance des projets de loi de finances pour 2023, 2024 et 2025.

* 37 L'annexe « Voies et moyens », tome 1, ne mentionne le versement de la quote-part des intérêts au fonds de financement des dossiers impécunieux que depuis le projet de loi de finances pour 2024, sans donner alors d'évaluation pour son montant. Le même document, annexé au projet de loi de finances pour 2025, indique que la recette prévisionnelle est de 54 millions d'euros.

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