DEUXIÈME PARTIE :
UN BUDGET EN BAISSE, DANS UN CONTEXTE DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Les dépenses de la mission « Immigration, asile et intégration » regroupent des crédits portant sur les trois volets de la politique d'immigration :

- la maîtrise des flux migratoires ;

l'intégration des personnes immigrées en situation régulière ;

- la garantie du droit d'asile.

La mission est composée à cet effet de deux programmes :

- le programme 303 « Immigration et asile », qui regroupe essentiellement les dépenses liées à la garantie du droit d'asile, y compris la subvention à l'OFPRA, et à la lutte contre l'immigration irrégulière. Il s'agit principalement de dépenses contraintes dont le dynamique est, du fait du niveau élevé de la demande d'asile, en forte hausse ces dernières années ;

- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui rassemble les crédits en faveur de l'intégration des étrangers en situation régulière, notamment à travers la subvention de l'État à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Les effectifs de la mission sont portés par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ; il n'y a donc pas de dépenses de personnel sur les programmes 303 et 104 de la mission29(*).

Les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent toutefois pas à cette mission budgétaire.

Le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration est de 7,74 milliards d'euros en 202530(*), un niveau relativement stable par rapport à 2024 (7,68 milliards d'euros). En outre, ce coût, auquel contribuent 19 programmes répartis au sein de 12 missions budgétaires, prend en compte les dépenses directes et orientées à titre principal vers les étrangers. Le coût complet des forces de sécurité intérieure, de l'hébergement d'urgence et de l'enseignement scolaire n'est par exemple que partiellement intégré.

Part des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration » par rapport à l'ensemble des crédits de la « Politique française
de l'immigration et de l'intégration » en 2025

(en %)

Source : commission des finances, d'après le document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au présent projet de loi de finances pour 2025.

I. UN ÉLARGISSEMENT DU PÉRIMÈTRE DES CRÉDITS INITIAUX DE LA MISSION AU FINANCEMENT DE L'ACCUEIL DES PERSONNES FUYANT LE CONFLIT EN UKRAINE DEPUIS 2022

A. L'ACCUEIL DES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION TEMPORAIRE (BPT), INITIÉ EN 2022, SE POURSUIT

La directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 200131(*) prévoit la possibilité, à l'échelle européenne, de mettre en place une « protection temporaire » en cas d'afflux massif de personnes qui fuient des zones de conflit ou de violences. Ce mécanisme a été activé - pour la première fois - par la décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 202232(*), dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine lancée par les forces armées russes, le 24 février 2022, et prorogé jusqu'au 4 mars 2026.

Dans ce cadre, les personnes déplacées sont libres d'accéder à l'État de l'Union de leur choix. La directive du 20 juillet 2001 ne prévoyant pas de procédure d'octroi de la protection temporaire, ce sont les États qui sont compétents en la matière. En France, elles ont été fixées par une instruction ministérielle initiale33(*), puis plusieurs textes de nature réglementaire34(*).

Les bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) se voient remettre une autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée de 6 mois. Cette autorisation est renouvelée de plein droit pendant toute la durée de validité de la décision du Conseil de l'UE actionnant la protection temporaire. Les BPT ont en principe accès à un hébergement s'ils n'en disposent pas à titre personnel. En outre, ils peuvent percevoir l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) pendant la durée de leur protection s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources.

Le bénéfice de la protection temporaire ne préjuge pas de la reconnaissance de la qualité de réfugié mais ne fait pas obstacle à l'introduction d'une demande d'asile. Il convient d'ailleurs de noter qu'une part en hausse des BPT sollicite l'asile35(*), peut-être en raison du fait que dans un contexte de conflit qui semble devoir se prolonger en Ukraine, les personnes concernées jugent préférable de solliciter un statut plus pérenne.

Fin 2023, 62 438 APS étaient en cours de validité. Mi-2024, environ 54 300 BPT bénéficie de l'ADA36(*), la dynamique étant globalement à la baisse.

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, le coût de l'accueil des BPT pris en charge par la mission est estimé pour 2024 à 240 millions d'euros, dont 133 millions d'euros pour l'ADA, 105 millions d'euros pour l'hébergement et un peu moins de 2 millions d'euros pour les dépenses annexes (transports, accueils de jour, etc.). Ce coût est en nette baisse par rapport à 2023 (321,8 millions d'euros, dont 173,4 millions d'euros au titre de l'ADA, 145 millions d'euros pour l'hébergement et 3,4 millions d'euros pour les accueils de jour et les transports) et a fortiori 2022 (481,8 millions d'euros au total).

Répartition du coût pour la mission en 2024 de l'accueil des BPT

(en CP, en millions d'euros)

Commission des finances du Sénat (d'après les informations recueillies par le rapporteur spécial)


* 29 Le personnel des deux opérateurs rattachés à la mission (OFPRA et OFII) est rémunéré directement par ces derniers.

* 30 Document de politique transversale, Politique française de l'immigration et de l'intégration, annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 31 Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.

* 32 Décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire.

* 33 Instruction NOR : INTV2208085J du 10 mars 2022 du ministre de l'intérieur, du ministre des solidarités et de la santé, de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté.

* 34 Notamment circulaire n° 6355-SG du 22 juin 2022 portant orientations nationales pour l'hébergement et le logement des déplaces en provenance d'Ukraine et circulaire n° 6406-SG du 23 juin 2023 portant orientations pluriannuelles pour l'accueil et l'insertion des personnes déplacées en provenance d'Ukraine.

* 35 Voir supra.

* 36 Une petite partie des BPT ne la percevant pas, pour diverses raisons.

Partager cette page