N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 16

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

Rapporteur spécial : Mme Marie-Carole CIUNTU

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

I. UN CONTEXTE DE FORTE PRESSION MIGRATOIRE

Le budget de la mission pour 2025 s'inscrit, cette année encore, dans un environnement de forte pression migratoire, en Europe et en France. Au sein de l'UE, 1,13 million de demandes d'asile ont été enregistrées en 2023, un niveau très proche des records historiques datant de la crise migratoire des années 2015 et 2016. 3,7 millions de premiers titres de séjours ont été accordés par les États-membres, soit près de moitié plus qu'il y a cinq ans, tandis que l'immigration irrégulière a atteint son plus haut niveau mesuré depuis 2016.

Cette dynamique s'est traduite en France par un record historique de 142 649 demandes d'asile déposées devant l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA).

Par ailleurs, 326 954 premiers titres de séjour ont été délivrés, soit près de 53 % de plus que 10 ans auparavant. En termes de stock, 4 millions de titres de séjour étaient valides fin 2023, contre 2,7 millions en 2013, soit une hausse de près de moitié en 10 ans.

Évolution du nombre de demandes d'asile enregistrées annuellement à l'OFPRA

Source : OFPRA

Dans le même temps, le ratio d'exécution des mesures d'éloignement est de l'ordre de 10 %. Seuls 11 722 retours forcés ont été exécutés en 2023, soit près de 40 % de moins qu'en 2019. Les dispositions de la loi CIAI1(*) devraient contribuer à améliorer ces résultats à l'avenir.

Nombre de demandes d'asile (2023)

Premiers titres de séjours délivrés (2023)

Taux d'exécution des mesures d'éloignement

 
 
 

II. DES CRÉDITS EN BAISSE, DANS UN CONTEXTE DE RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES

A. UNE BAISSE GLOBALE DES CRÉDITS DE LA MISSION...

Les crédits de la mission représentent seulement un peu plus d'un quart des coûts directs de la politique d'immigration et d'intégration pour l'État, estimés à 7,74 milliards d'euros2(*).

Dans le cadre de la réduction des dépenses publiques, le budget pour la mission en 2025 serait de 1,73 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,05 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), en baisse de 5,0 % en CP (- 109 millions d'euros) et de 2,0 % en AE (- 35 millions d'euros) par rapport à 2024. C'est un niveau inférieur à ce que prévoit la LOPMI3(*).

Évolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en millions d'euros, en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette baisse s'opère en dépit d'une évolution de périmètre : en effet, le budget pour 2025 intègre pour la première fois dans les crédits initiaux les dépenses afférentes à l'accueil des personnes fuyant l'Ukraine et bénéficiaires de la protection temporaire (BPT), dont le nombre tend petit à petit à diminuer. En 2023 et en 2024, ces dépenses n'étaient en effet financées qu'en cours d'exécution. En neutralisant ce changement (opportun en termes de gestion budgétaire et d'information du Parlement), la réduction des crédits pour 2025 serait de l'ordre de 300 millions d'euros au total, soit 14 %. Elle touche les deux programmes de la mission.

Le schéma d'emplois des opérateurs de la mission4(*) est globalement stable, l'OFPRA voyant son plafond d'emplois croître de 29 ETPT5(*), tandis que celui de l'OFII est réduit de 34 ETPT.

B. ...QUI CONCERNE QUATRE POSTES DE DÉPENSES PRINCIPAUX

La réduction des crédits de la mission concerne en réalité principalement quatre postes en CP :

- l'intégration des étrangers primo-arrivants déjà admis au séjour durable en France (y compris les bénéficiaires de la protection internationale), à hauteur de - 79 millions d'euros (action n° 12 « Intégration des étrangers primo-arrivants » du programme 104) ;

- le financement de l'hébergement en faveur des demandeurs d'asile, pour - 71 millions d'euros, bien que soient désormais intégrées les dépenses en faveur de l'accueil des BPT (action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303) ;

- les moyens de lutte contre l'immigration irrégulière, pour - 61,5 millions d'euros, dont - 47 millions d'euros au titre de l'investissement dans les locaux de rétention (action n° 3 « Lutte contre l'immigration irrégulière » du même programme) ;

- la prévision de dépenses au titre de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), hors BPT, à hauteur de - 47 millions d'euros (action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du même programme), qui s'appuie sur une réduction des délais de traitement des demandes d'asile par l'OFPRA.

III. DES POINTS D'ATTENTION CONCERNANT LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE, L'HÉBERGEMENT DES DEMANDEURS D'ASILE, ET LES FORMATIONS LINGUISTIQUES ET CIVIQUES

A. LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE VOIT SON ENVELOPPE BUDGÉTAIRE RÉDUITE, APRÈS UNE HAUSSE EN 2024

Pour faire face à l'immigration irrégulière, l'État met en oeuvre des moyens significatifs (notamment via les missions des forces de sécurité intérieure et les activités de rétention et d'éloignement), pour un coût total estimé à 1,8 milliard d'euros par an par la Cour des comptes6(*).

La présente mission ne porte ainsi, via l'action n° 3 du programme 303, qu'une part modeste des crédits dédiés à la lutte contre l'immigration irrégulière. Ils sont ciblés spécifiquement sur certaines dépenses liées à la rétention et à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

Dans un contexte général de recherches d'économies budgétaires et après une hausse en 2024, les crédits de l'action connaissent une réduction de 126,5 millions d'euros en AE (- 42 %) et de 61,5 millions d'euros en CP (- 23,5 %), pour s'établir respectivement à 173,5 millions d'euros et 199,5 millions d'euros. Ce niveau reste supérieur en CP à celui constaté en 2023 (169,5 millions d'euros) et a fortiori en 2022 (144 millions d'euros).

Si cette baisse doit être analysée dans le cadre plus large de l'ensemble des dépenses de l'État dédiées à la lutte contre l'immigration irrégulière, elle pose une difficulté s'agissant des dépenses d'investissement dans les locaux de rétention administrative, en réduction de 115 millions d'euros en AE et de 47 millions d'euros en CP par rapport à 2024, pour s'établir respectivement à 21,6 millions d'euros et 43,2 millions d'euros. Cette dynamique est difficilement conciliable avec l'objectif acté par la LOPMI de disposer de 3 000 places en centres de rétention administrative (CRA) d'ici 2027, contre moins de 2 000 aujourd'hui.

B. UN RESSERREMENT DU PARC D'HÉBERGEMENT DU DISPOSITIF NATIONAL D'ACCUEIL

Le niveau historique du nombre de demandes d'asile engendre une forte tension sur les dépenses portées par le programme 303 « Immigration et asile ». Il en va ainsi des dépenses liées aux conditions matérielles d'accueil (CMA), principalement l'ADA et l'hébergement des demandeurs.

Pour faire face à ces difficultés, la stratégie mise en oeuvre ces dernières années a principalement consisté à chercher à maîtriser les délais de traitement des demandes d'asile. En effet, un délai de traitement global plus rapide réduit le temps d'hébergement des demandeurs dans le dispositif national d'accueil (DNA) et d'octroi de l'ADA. Des résultats concrets ont été obtenus : le délai moyen de traitement par l'OFPRA a été réduit de 260 jours en 2021 à 127 jours en 2023, induisant notamment une baisse du coût de l'ADA.

Dans ce contexte, le budget de la mission pour 2025 prévoit deux axes d'évolution. En premier lieu, il porte l'objectif de consolider les résultats en matière de délai de traitement des demandes, notamment en créant 29 ETPT supplémentaires au sein de l'OFPRA en 2025.

En second lieu, il prévoit un resserrement du parc d'hébergement du DNA. Le budget pour 2024 prévoyait que le parc soit de 122 582 places cette année. Celui pour 2025 prévoit qu'il sera de 113 258 places, la différence résultant de la non-ouverture de 2 800 places prévues en 2024 et de la fermeture de 6 500 places en 2025. Cette baisse est compensée en partie par le fait que 5 000 places jusqu'ici indisponibles ont été rendues disponibles durant les deux dernières années. Au total, le parc disponible serait ainsi réduit de 1 500 places.

Ce resserrement du parc s'opère simultanément à l'élargissement de son bénéfice aux BPT, dont l'hébergement n'était jusqu'ici pas décompté dans le DNA.

C. UN RALENTISSEMENT DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'INTÉGRATION QUI DOIT ÊTRE CONCILIÉ AVEC LA MISE EN oeUVRE EFFECTIVE DE LA LOI CIAI

Le budget pour 2025 prévoit une baisse des crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » de - 15,0 % en CP (soit - 65 millions d'euros) et de - 14,5 % en AE (soit - 62 millions d'euros) par rapport à 2024. Cette réduction porte essentiellement sur les dépenses d'intégration des étrangers primo-arrivants (action n° 12 du même nom) qui ont déjà été admis à séjourner durablement sur le territoire français7(*).

Les crédits liés à l'accueil des étrangers primo-arrivants non encore admis à séjourner durablement en France sont quant à eux globalement constants (action n° 11 « Accueil des étrangers primo arrivants »), une fois neutralisée la hausse de 22,4 millions d'euros compensant en réalité une baisse de même niveau de financements européens. Ces crédits portent notamment les dépenses liées au fonctionnement du contrat d'intégration républicaine (CIR), qui engage les étrangers primo-arrivants dans un parcours d'intégration, notamment via des formations d'apprentissage de la langue française et d'enseignements civiques. Le rapporteur spécial en a fait le bilan récemment dans un rapport de contrôle8(*).

Or, la loi CIAI a prévu qu'au plus tard à compter du 1er janvier 2026, l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle, qui constitue l'aboutissement du CIR, sera désormais conditionnée à une obligation de résultat en termes de niveau en langue française, fixé au niveau A2 (alors que les formations actuelles visent le niveau A1), et de connaissances civiques. À budget constant de l'action n° 11 et dans un contexte budgétaire très contraint, il faudra améliorer sensiblement l'efficience des formations et s'appuyer davantage sur une contribution des entreprises employeuses ou des signataires du CIR.

Réunie le jeudi 24 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, à l'exception de ceux émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, seules 24,2 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial en ce qui concerne la mission « Immigration, asile et intégration ».

PREMIÈRE PARTIE :
UN BUDGET QUI S'INSCRIT DANS UN CADRE JURIDIQUE EN COURS DE REDÉFINITION ET UN CONTEXTE DE FORTE PRESSION MIGRATOIRE

I. UN CADRE JURIDIQUE NATIONAL ET EUROPÉEN EN COURS DE REDÉFINITION

L'examen du budget de la mission pour 2025 s'inscrit dans un cadre juridique en cours d'évolution, tant à l'échelle nationale qu'européenne.

A. L'ENTRÉE EN VIGUEUR PROGRESSIVE DE LA LOI DU 26 JANVIER 2024 POUR CONTRÔLER L'IMMIGRATION, AMÉLIORER L'INTÉGRATION

Sur le plan national, le budget pour 2025 s'insère dans le cadre de l'entrée en vigueur progressive de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration9(*).

La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (CIAI)

La loi CIAI du 26 janvier 2024, composée de 86 articles avant la censure d'un certain nombre d'entre eux par le Conseil constitutionnel10(*), comporte dans sa version promulguée des mesures portant sur les domaines de l'asile, de l'immigration - y compris irrégulière - et de l'intégration des étrangers.

S'agissant de l'asile, la loi prévoit notamment la possibilité de créer des pôles territoriaux « France Asile »11(*), la mise en place de chambres territoriales au sein de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), et la simplification des procédures contentieuses.

Concernant l'immigration, la loi prévoit notamment : la facilitation du prononcé des mesures d'éloignements contre les étrangers en situation irrégulière et le renforcement du dispositif d'exécution de ces mesures, en particulier contre les étrangers qui représentent une menace pour l'ordre public ; l'introduction d'une nouvelle voie d'accès exceptionnelle au séjour en vue de favoriser l'intégration des étrangers par le travail ; la réforme des contentieux administratif et judiciaire des étrangers ; la mise en place de dispositifs de lutte contre les filières d'immigration clandestine et le renforcement des sanctions à l'égard des entreprises employant des salariés en situation irrégulière.

Enfin, s'agissant de l'intégration, la loi prévoit notamment la transformation, pour ce qui concerne l'obtention des titres de séjour pluriannuels, de l'obligation de moyens en obligation de résultats en matières civique et linguistique, associée à un relèvement du niveau attendu12(*), ainsi que l'introduction de l'obligation de conclure un contrat d'engagement au respect des principes de la République pour obtenir un titre de séjour.

Saisi par différentes autorités13(*), le Conseil constitutionnel avait censuré partiellement ou totalement 32 articles ajoutés en cours d'examen parlementaire et considérés comme des « cavaliers législatifs ». Les dispositifs concernés portaient notamment sur les conditions du regroupement familial, le droit au séjour en raison de l'état de santé de l'étranger, l'instauration d'une peine d'amende délictuelle sanctionnant le séjour irrégulier d'un étranger majeur, ou encore la mise en place d'une conditionnalité des aides sociales à des conditions de durée de résidence ou d'exercice professionnel. Le Conseil constitutionnel avait en outre censuré, partiellement ou totalement, pour des raisons de fond cette fois, trois articles et assorti de réserves d'interprétation deux autres articles.

Source : commission des finances, d'après le dispositif de la loi du 26 janvier 2024, le projet annuel de performances annexé au PLF pour 2025 et la décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier 202414(*).

Une partie significative des dispositions de la loi sont entrées en vigueur dès fin janvier 2024, en l'absence de nécessité d'adopter des textes réglementaires d'application.

Pour les autres dispositions, une partie des décrets d'application a été pris à ce jour, pour ce qui concerne notamment le nouveau contrat d'engagement au respect des principes de la République, les sanctions pesant sur les entreprises employant des salariés en situation irrégulière, les mesures restrictives de liberté pour les demandeurs d'asile, le déploiement des sites « pilotes » France Asile, la délivrance systématique d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) en cas de rejet définitif d'une demande d'asile, ou encore la réforme de la CNDA.

Des décrets devront encore être pris pour d'autres mesures, s'agissant notamment des obligations de résultat en matière de formations civique et linguistique pour l'obtention de titres de séjours pluriannuels et des modalités de prise en charge par les employeurs de la formation linguistique dans les entreprises.

Si la majorité des dispositions de la loi du 26 janvier 2024 ne présentent pas de conséquences budgétaires immédiates, c'est en revanche le cas pour certaines d'entre elles. Ainsi, le relèvement prévu du niveau attendu en matière linguistique et civique pour l'obtention d'un titre de séjour pluriannuel et l'obligation de résultat qui y est associé suppose notamment de renforcer les formations associées15(*).

B. LE PACTE EUROPÉEN SUR LA MIGRATION ET L'ASILE

À l'échelle européenne, le Pacte européen sur la migration et l'asile a été adopté définitivement par le Conseil de l'Union européen le 14 mai 2024. Composé de neuf règlements et d'une directive, il est prévu qu'il entre en application en 2026. Il prévoit notamment un renforcement des frontières extérieures de l'Union européenne et une optimisation des modalités d'examen des demandes d'asile et de leur répartition entre États-membres.

Outre ces évolutions déjà adoptées aux échelons européen et national, il est par ailleurs envisagé, en France, l'examen d'un prochain texte législatif sur l'immigration début 202516(*), tandis que la Commission européenne a annoncé vouloir proposer une réforme de la directive « retour »17(*).

II. UNE ACUITÉ TOUJOURS PLUS FORTE DE LA PRESSION MIGRATOIRE EN EUROPE ET EN FRANCE

A. UNE PRESSION MIGRATOIRE EN NETTE HAUSSE, PROCHE DES NIVEAUX CONSTATÉS LORS DE LA CRISE DES ANNÉES 2015 ET 2016

1. Une pression migratoire aigüe en Europe...

Après une année 2020 marquée par l'épidémie de COVID- 19, la pression migratoire a repris depuis 2021 sa tendance nettement haussière en Europe, tant s'agissant des demandes d'asile que des titres de séjour ou de l'immigration irrégulière.

S'agissant de l'asile, 1,13 million de demandes ont été enregistrées en 2023 dans l'Union européenne18(*) (UE), en hausse de près de 80 % par rapport à 2021, un niveau très proche des records historiques observés à l'occasion de la « crise migratoire » des années 2015 et 2016.

Évolution du nombre de demandes d'asile au sein de l'Union européenne

Source : commission des finances, d'après les données d'Eurostat.

Par ailleurs, 3,7 millions de premiers titres de séjours ont été accordés en 2023 par les États-membres à des étrangers non membres de l'UE, soit une hausse de près de 4,7 % par rapport à 2022. Ce niveau doit être comparé avec celui qui prévalait en 2018, à savoir 2,5 millions de titres19(*), soit une hausse de près de 50 % en 5 ans.

Doit être ajoutée la hausse de l'immigration irrégulière, par nature difficile à mesurer. Selon Frontex, environ 380 000 personnes seraient entrées illégalement dans l'Union européenne en 2023 (en hausse de 17 % par rapport à 2022), soit le plus haut niveau mesuré par l'agence depuis 2016. Néanmoins, selon des données provisoires, sur les neuf premiers mois de l'année 2024, Frontex estime que 166 000 personnes seraient entrées illégalement dans l'UE, soit une baisse de 42 % par rapport à 2023 sur la même période20(*).

2. ... ainsi qu'en France, aussi bien s'agissant des flux que du stock de titres de séjour valides
a) Des flux de migration à des niveau très élevés

La pression migratoire que connaît l'UE affecte fortement la France.

S'agissant des demandes d'asile, 142 649 demandes ont été introduites à l'OFPRA en 2023, soit un record historique. Le nombre de demande est en hausse de 8,7 % par rapport à 2022 et dépasse le précédent record de 2019. En 2023, la France fait partie des trois principaux pays d'accueil, derrière l'Allemagne (environ 330 000) et l'Espagne (environ 160 000), et devant l'Italie (environ 130 000). La demande d'asile présentée auprès de la France se compose à 40 % de ressortissants d'États africains, à 31 % de ressortissants d'États d'Asie et à 24 % de ressortissants d'États européens non membres de l'UE.

Évolution du nombre de demandes d'asile enregistrées annuellement à l'OFPRA

Source : OFPRA

Les décisions de protection rendues par l'OFPRA et la CNDA

Les personnes présentant une demande d'asile en France doivent la déposer en guichet unique pour demandeur d'asile (GUDA) auprès de la préfecture, puis devant l'OFPRA. Ce dernier est compétent pour statuer sur ces demandes, avec un appel possible devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui relève des juridictions de l'ordre administratif.

En 2023, l'OFPRA et la CNDA ont rendu au total 60 895 décisions positives de protection (octroi du statut de réfugié, d'apatride, ou de la protection subsidiaire), contre 56 276 en 2022 (et 54 384 en 2021 et 33 204 en 2020), soit une hausse de 8,2 %. 44 759 demandeurs d'asile se sont vus accorder le statut de réfugié et 16 136 la protection subsidiaire.

La majorité de ces décisions positives sont prises par l'OFPRA, qui a prononcé 44 560 admissions en 2023. L'OFPRA ayant rendu au total 136 811 décisions en 2023, le taux de protection avant recours éventuel devant la CNDA augmente de 3,7 points et s'établit à 32,9 %. La CNDA a quant à elle rendu en appel 16 335 décisions de protection en 2023.

À l'issue des décisions de l'OFPRA et de la CNDA, le taux de protection atteint 42,7 % des demandes examinées en 2023, contre 42 % en 2022 et 38,9 % en 2021. Les trois principales nationalités concernées par l'admission au statut de réfugié sont les Afghans (30,3 %), les Turcs (7,1 %) et les Syriens (6,8 %). Pour la protection subsidiaire, ce sont les Afghans (14 %), les Ukrainiens (13,6 %) et les Somaliens (9,1 %).

En 2023, le taux de protection globale augmente notamment en raison de la composition des demandes d'asile, dont la part relevant de pays d'origine très susceptibles de conduire à une protection (dont l'Afghanistan) augmente. Par ailleurs, en 2023, le nombre de demandes d'asile des personnes en provenance d'Ukraine a connu une hausse significative, alors qui sollicitaient jusqu'ici peu l'asile en raison de la protection temporaire dont ils peuvent bénéficier21(*).

Source : commission des finances, d'après l'Ofpra

En matière de délivrance de premiers titres de séjour, la tendance est également nettement à la hausse. En 2023, 326 954 titres relevant de cette catégorie ont été délivrés (hors Britanniques), en hausse de 2,5 % par rapport à 2022, et de 13,7 % par rapport à 2019.

Évolution du nombre et du type de premiers titres de séjours délivrés annuellement depuis 2013 (hors Britanniques)

Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'Intérieur

Depuis 2013, sur une période de 10 ans, le nombre des primo-délivrances de titres de séjour a augmenté de plus de la moitié (+ 52,6 %). Ce sont les titres de séjour pour motif économique qui ont le plus augmenté en proportion sur la période (+ 210,5 %), devant les motifs humanitaire (+ 144,5 %), divers (+ 84,7 %), et étudiant (+ 72,1 %). Les titres de séjour pour motif familial ont quant à eux réduit de - 9,2 %. En 2023, le motif étudiant (33,1 %) est le plus fréquent, devant les motifs familial (27,9 %), économique (16,7 %), humanitaire (14,2 %) et divers (8,1 %).

Évolution du nombre de premiers titres de séjours délivrés annuellement par types (hors Britanniques)

Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'Intérieur

Enfin, en 2023, les contrats d'intégration républicaine22(*) ont été conclus en grand nombre, avec 127 000 CIR signés, en hausse de 15,4 % par rapport à 2022.

b) Des stocks de titres de séjour valides également en forte augmentation

Fin 2023, 4,0 millions de documents de séjour de tous types étaient valides (y compris les renouvellements de plein droit), contre 2,7 millions en 2013, soit une hausse de près de moitié en 10 ans (+ 48,3 %). Hors renouvellements de plein droit, les titres valides ont majoritairement été accordés pour motif familial ou humanitaire, devant les motifs visiteur, économique et étudiant. Il est estimé que le « stock » de bénéficiaires de la protection internationale (relevant de la catégorie « humanitaire ») est d'environ 630 000 en France au 31 août 2024.

Ventilation du stock de titres de séjours valides au 31 décembre 2023 (hors renouvellements de plein droit et hors Britanniques)

Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'Intérieur

3. Une tendance qui devrait se poursuivre à l'avenir, notamment s'agissant de la demande d'asile

Dans un environnement international très dégradé, le nombre très élevé de demandes d'asile déposées dans l'UE devrait se confirmer à l'avenir ; sur la première moitié de l'année 2024, 513 000 demandes ont été enregistrées23(*), soit un niveau comparable à 2023 sur la même période.

En France, le Gouvernement24(*) anticipe certes une baisse de 5 % des flux de demandes d'asile en 2024 par rapport à 2023 devant les guichets uniques pour demandeurs d'asile (GUDA). En effet, entre le 1er janvier et le 31 juillet 2024, 76 390 premières demandes ont été enregistrées en GUDA, soit une baisse de 6 % par rapport à la même période en 2023.

Néanmoins, la fin d'année connaît régulièrement un sursaut de demandes. En outre, le nombre de demandes introduites devant l'OFPRA sur les huit premiers mois de l'année25(*) est quant à lui en hausse de 11 % par rapport à la même période en 2023. Cet écart avec les chiffres des GUDA s'explique notamment par le fait qu'un certain nombre de personnes dont il avait été décidé du renvoi de leur demande vers un autre pays de l'UE en application du « règlement de Dublin » ont acquis en 2024 le droit de présenter leur demande à l'OFPRA, n'ayant pas été renvoyées dans le pays concerné dans les délais prévus. Ces demandes d'asile n'apparaissent pas dans les chiffres des GUDA en raison du fait que les personnes ont déjà enregistré leur demande en préfecture en 2023 ou en 2022.

Il est par ailleurs prévu une hausse de la demande d'asile d'environ 5 % en 202526(*).

B. UN DISPOSITIF D'ÉLOIGNEMENT QUI A PRODUIT DES RÉSULTATS INSUFFISANTS JUSQU'ICI

Alors que les entrées légales et illégales sur le territoire français sont nombreuses, le dispositif d'éloignement des personnes en situation irrégulière a quant à lui connu des résultats très insuffisants jusqu'ici, même pour celles qui ont été identifiées comme telles et font l'objet d'une mesure d'éloignement (expulsion, OQTF, etc.).

En 2023, 11 722 retours forcés ont été exécutés (soit une hausse de seulement 2,7 % par rapport à 2022), un niveau inférieur de 38 % à celui constaté en 2019. Le nombre de retours forcés exécutés vers les pays tiers hors UE, qui sont les plus significatifs - ceux effectués vers un pays de l'UE pouvant plus facilement conduire à un retour rapide des personnes concernées -, s'établit à 5 729. Ces chiffres, très insuffisants, doivent néanmoins être mis en regard avec le fait que la France reste l'un des pays de l'UE réalisant le plus de retours forcés.

Nombre de retours forcés exécutés

Source : commission des finances du Sénat, d'après le ministère de l'intérieur

S'ajoutent aux éloignements forcés les départs aidés (2 832, en hausse de 34,7 % par rapport à 2022) et les départs spontanés (2 494, + 32,1 %). Au total, 22 704 départs à la suite d'une mesure d'éloignement ont été enregistrés en 2023, soit une hausse de 16,9 % par rapport à 2022, un niveau qui restait largement inférieur à 2019 (31 404 départs).

Ce niveau de départs doit être mis en regard avec le nombre de mesures d'éloignement : en 2022, 153 042 ont été prononcées27(*), dont 134 280 OQTF28(*). Si toutes les mesures d'éloignement exécutées en 2022 (15 400) ne relèvent pas de mesures prononcées cette année-là, on peut estimer que le ratio d'exécution des mesures d'éloignement est d'environ 10 %, soit un niveau très faible.

Les dispositions de la loi CIAI du 26 janvier 2024, associées à une volonté du ministère de l'Intérieur d'appliquer l'ensemble des mesures existantes dans le droit en vigueur en matière d'éloignements sont de nature à améliorer les résultats, de même que le pacte européen sur la migration et l'asile. Il conviendrait néanmoins sans doute de renforcer encore le cadre juridique applicable, notamment en conséquence de la censure par le Conseil constitutionnel de plusieurs articles de la loi CIAI pour des raisons de forme, en tant que « cavaliers législatifs ».

DEUXIÈME PARTIE :
UN BUDGET EN BAISSE, DANS UN CONTEXTE DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Les dépenses de la mission « Immigration, asile et intégration » regroupent des crédits portant sur les trois volets de la politique d'immigration :

- la maîtrise des flux migratoires ;

l'intégration des personnes immigrées en situation régulière ;

- la garantie du droit d'asile.

La mission est composée à cet effet de deux programmes :

- le programme 303 « Immigration et asile », qui regroupe essentiellement les dépenses liées à la garantie du droit d'asile, y compris la subvention à l'OFPRA, et à la lutte contre l'immigration irrégulière. Il s'agit principalement de dépenses contraintes dont le dynamique est, du fait du niveau élevé de la demande d'asile, en forte hausse ces dernières années ;

- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui rassemble les crédits en faveur de l'intégration des étrangers en situation régulière, notamment à travers la subvention de l'État à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Les effectifs de la mission sont portés par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ; il n'y a donc pas de dépenses de personnel sur les programmes 303 et 104 de la mission29(*).

Les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent toutefois pas à cette mission budgétaire.

Le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration est de 7,74 milliards d'euros en 202530(*), un niveau relativement stable par rapport à 2024 (7,68 milliards d'euros). En outre, ce coût, auquel contribuent 19 programmes répartis au sein de 12 missions budgétaires, prend en compte les dépenses directes et orientées à titre principal vers les étrangers. Le coût complet des forces de sécurité intérieure, de l'hébergement d'urgence et de l'enseignement scolaire n'est par exemple que partiellement intégré.

Part des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration » par rapport à l'ensemble des crédits de la « Politique française
de l'immigration et de l'intégration » en 2025

(en %)

Source : commission des finances, d'après le document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au présent projet de loi de finances pour 2025.

I. UN ÉLARGISSEMENT DU PÉRIMÈTRE DES CRÉDITS INITIAUX DE LA MISSION AU FINANCEMENT DE L'ACCUEIL DES PERSONNES FUYANT LE CONFLIT EN UKRAINE DEPUIS 2022

A. L'ACCUEIL DES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION TEMPORAIRE (BPT), INITIÉ EN 2022, SE POURSUIT

La directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 200131(*) prévoit la possibilité, à l'échelle européenne, de mettre en place une « protection temporaire » en cas d'afflux massif de personnes qui fuient des zones de conflit ou de violences. Ce mécanisme a été activé - pour la première fois - par la décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 202232(*), dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine lancée par les forces armées russes, le 24 février 2022, et prorogé jusqu'au 4 mars 2026.

Dans ce cadre, les personnes déplacées sont libres d'accéder à l'État de l'Union de leur choix. La directive du 20 juillet 2001 ne prévoyant pas de procédure d'octroi de la protection temporaire, ce sont les États qui sont compétents en la matière. En France, elles ont été fixées par une instruction ministérielle initiale33(*), puis plusieurs textes de nature réglementaire34(*).

Les bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) se voient remettre une autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée de 6 mois. Cette autorisation est renouvelée de plein droit pendant toute la durée de validité de la décision du Conseil de l'UE actionnant la protection temporaire. Les BPT ont en principe accès à un hébergement s'ils n'en disposent pas à titre personnel. En outre, ils peuvent percevoir l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) pendant la durée de leur protection s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources.

Le bénéfice de la protection temporaire ne préjuge pas de la reconnaissance de la qualité de réfugié mais ne fait pas obstacle à l'introduction d'une demande d'asile. Il convient d'ailleurs de noter qu'une part en hausse des BPT sollicite l'asile35(*), peut-être en raison du fait que dans un contexte de conflit qui semble devoir se prolonger en Ukraine, les personnes concernées jugent préférable de solliciter un statut plus pérenne.

Fin 2023, 62 438 APS étaient en cours de validité. Mi-2024, environ 54 300 BPT bénéficie de l'ADA36(*), la dynamique étant globalement à la baisse.

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, le coût de l'accueil des BPT pris en charge par la mission est estimé pour 2024 à 240 millions d'euros, dont 133 millions d'euros pour l'ADA, 105 millions d'euros pour l'hébergement et un peu moins de 2 millions d'euros pour les dépenses annexes (transports, accueils de jour, etc.). Ce coût est en nette baisse par rapport à 2023 (321,8 millions d'euros, dont 173,4 millions d'euros au titre de l'ADA, 145 millions d'euros pour l'hébergement et 3,4 millions d'euros pour les accueils de jour et les transports) et a fortiori 2022 (481,8 millions d'euros au total).

Répartition du coût pour la mission en 2024 de l'accueil des BPT

(en CP, en millions d'euros)

Commission des finances du Sénat (d'après les informations recueillies par le rapporteur spécial)

B. UNE INTÉGRATION OPPORTUNE DES DÉPENSES LIÉES À L'ACCUEIL DES BPT DANS LES CRÉDITS INITIAUX, MAIS QUI N'EST PAS PLEINEMENT CHIFFRÉE

Les projets de loi de finances pour 2023 et pour 2024 et les lois de finances initiales correspondantes n'intégraient aucunement les crédits nécessaires à la prise en charge des personnes concernées. En 2023, les crédits avaient d'ailleurs été augmentés en loi de finances de fin de gestion37(*), qui avait ouvert 339 millions d'euros38(*) sur le programme 303 « Immigration et asile » pour financer le versement de l'ADA et des solutions d'hébergement en faveur des BPT.

Une telle situation apparaissait doublement inopportune : d'une part, elle privait le Parlement d'un droit de regard et de décision éclairée au moment du vote du budget ; d'autre part, elle induisait une pression budgétaire indue et perturbatrice sur les gestionnaires de programme, qui ont été obligés de dégager des économies significatives en cours d'année pour financer provisoirement les dépenses en lien avec la protection temporaire, jusqu'à l'ouverture éventuelle des crédits en loi de finances de fin de gestion.

Le projet de loi pour 2025 prévoit opportunément d'intégrer les dépenses liées à l'accueil des BPT dans les crédits initiaux de la mission. Néanmoins, les documents budgétaires ne permettent d'établir l'ensemble des coûts associés. Ainsi, si les documents budgétaires établissent un coût afférent pour l'ADA de 107 millions d'euros (en baisse de 26 millions d'euros par rapport à 2024), celui en matière d'hébergement n'est pas chiffré. Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial, la DGEF indique toutefois que ce dernier coût pourrait être 90 millions d'euros environ, tandis qu'il n'est pas prévu de financement spécifiquement dédié pour l'intégration des BPT en 2025, notamment en termes de formations.

II. UNE BAISSE SENSIBLE DES CRÉDITS DE LA MISSION QUI TOUCHE LES DEUX PROGRAMMES

S'intégrant dans une intention plus large de procéder à des économies dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 pour faire face à la situation dégradée des finances publiques, le budget de la mission pour l'année prochaine apparaît en nette baisse, a fortiori une fois les évolutions de périmètre neutralisées. Cette évolution, qui déroge à la trajectoire prévue par la LOPMI39(*), doit être analysée y compris à la lumière des éléments disponibles sur l'exécution budgétaire de l'année 2024.

A. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE DE L'ANNÉE 2024 MARQUÉE À CE JOUR PAR DES GELS ET ANNULATIONS DE CRÉDITS

L'exercice 2023 avait été marqué par une sur-exécution par rapport aux crédits votés en loi de finances, à hauteur de 12,9 % en CP (+ 259 millions d'euros). Cette sur-exécution était largement liée à l'ouverture en cours d'années de crédits dédiés au financement de l'accueil des bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) en provenance d'Ukraine, non intégrés en loi de finances initiale. Le montant des crédits exécutés avait ainsi augmenté de 2,4 % en CP (+ 53 millions d'euros) par rapport à 2022.

S'agissant de 2024, les éléments disponibles à ce jour manifestent la réalisation en première partie d'année d'annulations et de gels importants à l'échelle de la mission. D'une part, le décret du 21 février 202440(*) a procédé à une annulation de 174,7 millions d'euros de crédits en AE et en CP, dont 60 millions d'euros au titre du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » et 114,7 millions d'euros au titre du programme 303 « Immigration et asile ». D'autre part, à mi-août 2024, environ 446 millions d'euros avaient par ailleurs été gelés en AE et 202 millions d'euros en CP.

Ces évolutions doivent être mis en regard avec le niveau conséquent de crédits reportés sur 2024, à savoir 431,5 millions d'euros en AE et 185 millions d'euros en CP. Il n'en demeure pas moins qu'à moins d'un dégel important et d'une ouverture de crédits en fin d'année, il est possible que le montant des crédits exécutés en 2024 soit inférieur à 2023.

B. DANS UNE SITUATION DE FINANCES PUBLIQUES DÉGRADÉES, UN BUDGET EN DÉCRUE, EN DÉPIT D'UNE ÉVOLUTION DE PÉRIMÈTRE LIÉE AUX DÉPENSES D'ACCUEIL DES BPT

1. Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, un budget en baisse apparente de 109 millions d'euros par rapport à 2024, s'écartant de la trajectoire prévue par la LOPMI

Ainsi que l'a développé très récemment le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, le déficit pour 2023 a été d'une ampleur historique hors périodes de crise, s'établissant à 5,5 %, contre 5 % prévu en loi de finances initiale pour 202341(*). Il pourrait s'établir à 6,1 % en 2024.

Dans le contexte d'un projet de loi de finances visant à réduire les dépenses publiques, le budget de la mission pour 2025 apparaît en baisse de 2,0 % en autorisations d'engagement (AE) et de 5,0 % en crédits de paiement (CP), soit une réduction respective de 35 millions d'euros et de 109 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

En neutralisant l'inflation, à euros constants, la réduction des CP est de 6,7 %, soit environ 145 millions d'euros.

Au total, la mission serait dotée de 1,73 milliard d'euros d'AE et de 2,05 milliards d'euros de CP.

Évolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

Exécution 2023

LFI 2024

PLF 2025

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (valeur)

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (%)

FDC et ADP attendus en 2025

303 - Immigration et asile

AE

2 213,4

1 333,4

1 360,6

+ 27,2

+ 2,0 %

83,7

CP

1 732,1

1 725,1

1 681,3

- 43,8

- 2,5 %

83,7

104 - Intégration et accès à la nationalité française

AE

576,4

431,4

369,4

- 62,0

- 14,4 %

21,2

CP

536,1

431,4

366,4

- 64,9

- 15,1 %

21,2

Total mission

AE

2 789,8

1 764,8

1 730,1

- 34,8

- 2,0 %

104,9

CP

2 268,2

2 156,5

2 047,8

- 108,8

- 5,0 %

104,9

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Une analyse globale fait apparaître, en CP, une diminution des crédits des deux programmes de la mission, bien que dans des mesures différentes : le programme 303 « Immigration et asile » voit ses crédits se réduire légèrement (- 2,5 %, soit - 44 millions d'euros) tandis que le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » connaît une baisse plus franche (- 15,0 %, soit - 65 millions d'euros).

Évolution des crédits par action du programme 303

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2024

PLF 2025

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (valeur)

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (%)

FDC et ADP attendus en 2025

01 - Circulation des étrangers et politique des visas

AE

0,5

0,5

0,0

0,0 %

1,4

CP

0,5

0,5

0,0

0,0 %

1,4

02 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

AE

975,6

1 098,8

+ 123,2

+ 12,6 %

47,0

CP

1 407,2

1 404,6

- 2,7

- 0,2 %

47,0

03 - Lutte contre l'immigration irrégulière

AE

300,0

173,4

- 126,6

- 42,2 %

33,4

CP

260,7

199,3

- 61,4

- 23,5 %

33,4

04 - Soutien

AE

57,3

87,9

+ 30,6

+ 53,4 %

1,9

CP

56,7

76,9

+ 20,2

+ 35,7 %

1,9

Total programme 303

AE

1 333,4

1 360,6

+ 27,2

+,2 %

83,7

CP

1 725,1

1 681,3

- 43,8

- 2,5 %

83,7

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En AE, si le programme 303 « Immigration et asile » connaît une légère hausse (+ 2,0 %, soit + 27 millions d'euros), le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » connait, comme en CP, une nette décrue (- 14,4 %, soit - 62 millions d'euros).

Évolution des crédits par action du programme 104

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2024

PLF 2025

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (valeur)

Évolution PLF 2025 / LFI 2024 (%)

FDC et ADP attendus en 2025

11 - Accueil des étrangers
primo-arrivants

AE

246,0

268,4

+ 22,4

+ 9,1 %

0,0

CP

246,0

268,4

+ 22,4

+ 9,1 %

0,0

12 - Intégration des étrangers
primo-arrivants

AE

174,8

98,3

- 76,4

- 43,7 %

21,2

CP

174,8

95,4

- 79,4

- 45,4 %

21,2

14 - Accès à la nationalité française

AE

1,4

1,4

0,0

0,0 %

0,0

CP

1,3

1,3

0,0

0,0 %

0,0

16 - Accompagnement des foyers de travailleurs migrants

AE

9,3

1,3

- 8,0

- 85,6 %

0,0

CP

9,3

1,3

- 8,0

- 85,6 %

0,0

Total programme 104

AE

431,4

369,4

- 62,0

- 14,4 %

21,2

CP

431,4

366,4

- 64,9

- 15,1 %

21,2

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le schéma d'emplois des opérateurs est quant à lui globalement stable, l'OFPRA voyant ses effectifs croître de 29 ETPT, tandis que l'OFII en perd 34 (dont 5 sont transférés à la DGEF42(*)).

La baisse prévue du budget de la mission pour 2025 l'écarte de la trajectoire prévue par la LOPMI. Cette dernière prévoyait que le budget du ministère de l'Intérieur, qui porte sur trois missions budgétaires43(*), passerait, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », de 20,78 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en 2022 à 25,35 milliards d'euros en 2027 (+ 4,57 milliards d'euros des crédits annuels, soit + 22,0 %). Au total, la hausse de budget cumulée sur les cinq années 2023-2027 atteindrait 15,3 milliards d'euros.

Trajectoire budgétaire proposée par le projet de loi LOPMI pour le ministère de l'Intérieur pour les années 2023 à 202744(*)

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

CRÉDITS DE PAIEMENT ET PLAFONDS DES TAXES AFFECTÉES

hors compte d'affectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Budget du ministère de l'Intérieur, en millions d'euros (hors programme 232 « Vie politique », hors programmes outre-mer et hors programmes du « CAS Radars » n° 754 et 755)

20 784

22 094

22 974

24 074

24 724

25 354

Évolution (N / N - 1), en millions d'euros

-

1 310

880

1 100

650

630

Taux d'évolution (N / N - 1)

-

6,3 %

4,0 %

4,8 %

2,7 %

2,5 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après la LOPMI : article 2). Les montants pour le budget du ministère de l'Intérieur (deuxième ligne) résultent de l'article 2 ; les calculs (troisième et dernière lignes) sont ceux de la commission des finances

À titre indicatif, le rapport annexé à la LOPMI décline la trajectoire pluriannuelle par missions concernées, sans que ne soit prise en compte la hausse annuelle de 60 millions d'euros prévue par amendement à l'échelle du ministère de l'Intérieur45(*).

Il prévoit notamment la trajectoire suivante pour la mission « Immigration, asile et intégration » :

Trajectoire budgétaire indicative prévue pour les années 2023 à 2027 par la LOPMI pour la mission « Immigration, asile et intégration »

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

CRÉDITS DE PAIEMENT

hors compte d'affectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Mission « Immigration, asile et intégration »

1 931

2 009

2 058

2 074

2 163

2 163

Évolution du programme (N / N - 1), en millions d'euros

-

78

49

16

89

0

Source : commission des finances du Sénat (d'après la LOPMI : rapport annexé).

Le budget pour 2025 est ainsi inférieur de 27 millions d'euros à ce que prévoyait la LOPMI, alors qu'il inclut des dépenses en faveur des BPT, qui ne pouvaient être anticipées par la trajectoire de cette loi.

2. En neutralisant les évolutions de périmètre, le budget est en diminution d'environ 300 millions d'euros, soit 14 %

Le budget de la mission pour 2025 prévoit, pour la première fois, l'intégration dans les crédits initiaux des dépenses liées à l'accueil des BPT46(*).

Cette évolution, au demeurant opportune, s'apparente à une évolution de périmètre. Les crédits correspondants doivent ainsi être neutralisés pour comparer utilement le budget initial pour 2024 et celui proposé pour 2025, à périmètre constant. Si seul le coût en termes d'allocation pour demandeur d'asile (ADA, 107 millions d'euros) est fourni par les documents budgétaires47(*), on peut estimer que le coût des dépenses pris en charge par la mission pour l'accueil des BPT pourrait être légèrement inférieur à 200 millions d'euros (soit une baisse de 40 millions d'euros par rapport à 2024). Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial, la DGEF indique ainsi que le coût en matière d'hébergement pourrait être de 90 millions d'euros environ, tandis qu'il n'est pas prévu de financement spécifiquement dédié pour l'intégration des BPT en 2025, notamment en termes de formations.

Par ailleurs, un transfert sortant de crédits est prévu pour 2025, pour un montant de 6 millions d'euros. Il concerne l'action n° 16 « Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants » du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », dont l'essentiel des crédits sont transférés vers le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ».

Au total, à périmètre constant, en neutralisant ces évolutions, la baisse du budget de la mission pourrait donc être estimé en réalité à environ 300 millions d'euros (dont un peu moins de 200 millions en faveur des BPT), soit une réduction d'environ 14 % par rapport à 2024, sans prise en compte de l'inflation.

3. Le budget pour 2025 porte quatre baisses de crédits principales

Le budget proposé pour la mission connaît une décrue des CP concentrée sur quatre postes principaux, à savoir :

- l'intégration des étrangers primo-arrivants déjà admis au séjour durable en France (y compris les bénéficiaires de la protection internationale), à hauteur de - 79 millions d'euros48(*) (action n° 12 « Intégration des étrangers primo-arrivants » du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ») ;

- le financement de l'hébergement en faveur des demandeurs d'asile49(*), pour - 71 millions d'euros50(*), bien que soient désormais intégrées dans la prévision les dépenses en faveur de l'accueil des BPT (action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 «Immigration et asile » ) ;

- les moyens de lutte contre l'immigration irrégulière, à hauteur de - 61,5 millions d'euros51(*), dont - 46,7 millions d'euros au titre de l'investissement dans les locaux de rétention (action n° 3 « Lutte contre l'immigration irrégulière » du programme 303) ;

- la prévision de dépenses au titre de l'ADA, hors BPT, à hauteur de - 47 millions d'euros (action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du même programme).

S'y ajoute notamment la réduction de - 11 millions d'euros en CP et en AE de la subvention à l'OFPRA (programme 303), qui serait au demeurant compensée par une hausse de fonds de concours en provenance de l'Union européenne.

En sens inverse, certains postes apparaissent en hausse en CP, bien qu'il s'agisse en réalité pour deux d'entre eux de compensations par des crédits budgétaires de baisse de fonds de concours et pour un autre d'une conséquence d'une évolution de périmètre. Il en va ainsi de :

- la hausse de 20 millions d'euros des crédits liée à une baisse des fonds de concours du même ordre en faveur des dépenses de soutien de la Direction générale des étrangers en France (DGEF), notamment concernant ses projets informatiques (action n° 4 « Soutien » du programme 303). Les AE sont en hausse de 31 millions d'euros ;

- l'augmentation de 22 millions d'euros des crédits visant à compenser la baisse du même ordre des fonds de concours dont bénéficie l'OFII pour l'accueil des primo-arrivants, avant qu'ils ne soient admis au séjour durable, notamment dans le cadre du CIR (action n° 11 « Accueil des étrangers primo arrivants » du programme 104) ;

- l'intégration dans le périmètre des crédits initiaux de la prévision de dépenses au titre de l'ADA des BPT, pour 107 millions d'euros (action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303).

S'y ajoute une hausse effective des crédits de 20 millions d'euros liée aux revalorisations salariales réglementaires des salariés des opérateurs de l'hébergement des demandeurs d'asile (action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303).

D'un point de vue transversal, à l'échelle de la mission, les dépenses d'investissement subissent les plus fortes baisses en CP (- 62,5 millions d'euros), devant les dépenses d'intervention (- 30,5 millions d'euros) et les dépenses de fonctionnement (- 15,5 millions d'euros). Si les AE baissent également en investissement (- 123 millions d'euros) et en fonctionnement (- 11 millions d'euros), elles augmentent en intervention (+ 99 millions d'euros), en raison notamment de l'intégration des dépenses liées à l'accueil des BPT au titre de l'ADA et de l'hébergement.

C. LES GRANDS ÉQUILIBRES DES CRÉDITS DE LA MISSION RESTENT RELATIVEMENT STABLES

Par rapport à l'année dernière, la répartition des crédits entre les grands volets des politiques portées par la mission reste globalement stable.

Répartition des crédits de paiement demandés pour 2025 pour la mission
par types de politiques

(en %)

Source : commission des finances

Les dépenses liées à la mise en oeuvre du droit d'asile, portées en particulier par l'ADA et l'hébergement, continuent de constituer plus de deux tiers des dépenses, quand les dépenses d'intégration représentent environ un cinquième des crédits, et les moyens de lutte contre l'immigration irrégulière un dixième.

Ces équilibres, propres à la mission, ne correspondent toutefois pas à ceux de l'ensemble des dépenses de l'État liées à l'immigration. À titre d'illustration, alors que les crédits de la mission dédiés à la lutte contre l'immigration irrégulière étaient de 260 millions d'euros en 2024, la Cour des comptes a évalué le coût de cette politique à environ 1,8 milliard d'euros par an pour l'État, porté à 90 % par le ministère de l'Intérieur52(*).

TROISIÈME PARTIE :
LES PRINCIPAUX POINTS D'ATTENTION DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. LA RECHERCHE D'UNE OPTIMISATION DES CRÉDITS, EN BAISSE, DÉDIÉS AUX CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE

Le niveau historique du nombre de demandes d'asile53(*) engendre une forte tension sur les dépenses portées par la mission. Il en va en particulier ainsi des dépenses liées aux conditions matérielles d'accueil (CMA, principalement l'allocation pour demandeur d'asile, ADA, et l'hébergement des demandeurs).

Pour faire face à ces difficultés, la stratégie mise en oeuvre ces dernières années a principalement consisté à chercher à maîtriser les délais de traitement des demandes d'asile. En effet, un délai de traitement global plus rapide (mesuré de l'enregistrement de la demande auprès du GUDA à la décision définitive de l'OFPRA, voire de la CNDA) réduit le temps d'hébergement des demandeurs dans le dispositif national d'accueil (DNA) et d'octroi de l'ADA54(*). Si les objectifs - parfois trop ambitieux - fixés en la matière n'ont pas été tenus jusqu'ici, des progrès réels doivent être constatés, grâce notamment à une augmentation du nombre de décisions de l'OFPRA et de la CNDA. Alors que l'objectif du délai de traitement global est fixé à 6 mois, le délai effectif était de 10,9 mois en 2023, contre 13,2 mois en 2022. S'agissant spécifiquement des délais d'examen de l'OFPRA, le délai moyen de traitement a été réduit de 260 jours en 2021 à 127 jours en 2023, sans atteindre toutefois l'objectif - optimiste - fixé jusqu'ici à 60 jours.

Il résulte notamment de ces efforts une réduction récente du montant réellement exécuté de l'ADA, alors même que le niveau de demandes d'asile atteint des records historiques. En 2023, hors BPT, l'ADA a représenté un coût de 254,4 M€ contre 270,2 M€ en 2022. De même, le niveau de dépenses d'hébergement a été relativement maîtrisé.

Dans ce contexte, le budget de la mission pour 2025 prévoit deux axes d'évolution.

En premier lieu, il porte l'objectif de consolider les résultats en matière de délai de traitement des demandes d'asile : en visant une hausse du nombre de décisions de l'OFPRA, pour atteindre 161 000 en 2025 (contre 136 811 décisions en 2023), notamment grâce à la création de 29 ETPT supplémentaires en 2025, l'objectif est désormais de parvenir à un délai de traitement de 120 jours. Alors que le niveau de productivité des « officiers de protection instructeurs » de l'OFPRA ne peut plus être beaucoup augmenté, cette cible paraît davantage crédible que la précédente (60 jours). Dans ce cadre, le budget de l'ADA hors BPT serait réduit à 247 millions d'euros, en baisse de 16 % (- 47 millions d'euros) par rapport à ce qui était prévu en 2024.

En second lieu, le budget pour 2025 porte un changement important consistant dans la réduction de la taille du parc d'hébergement du dispositif national d'accueil (DNA), qui bénéficie aujourd'hui aux demandeurs d'asile et aux réfugiés vulnérables, d'une part, tout en y intégrant désormais les BPT, d'autre part. Cette évolution contraste avec la tendance haussière constatée ces dernières années, le parc étant passé de 82 762 places en 2017 à 119 437 places au 31 décembre 2024.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait initialement que le parc serait étendu cette année à 122 582 places, tandis que le présent budget annonce qu'il sera constitué de 113 258 places en 2025.

Les principaux types d'hébergement du dispositif national d'accueil (DNA)

Le DNA regroupe différents types de centres d'hébergement dédiés à héberger principalement les personnes en instance de demande d'asile. S'y ajoutent des places en faveur des réfugiés vulnérables.

La ventilation suivante est celle qui avait été présentée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, soit un total de 122 582 places :

Les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) permettent une prise en charge de premier niveau des personnes migrantes, y compris administrative, en amont de leur orientation vers les lieux d'hébergement, notamment en cas d'afflux massif dans certains territoires. Ils sont également le point d'entrée des personnes faisant l'objet d'une orientation régionale depuis l'Île-de-France. Le parc de CAES devait représenter, en 2024, 7 622 places.

Les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) correspondent au mode normal d'hébergement des demandeurs d'asile. Ces centres offrent aux demandeurs d'asile un hébergement, ainsi que des prestations d'accompagnement social et administratif. Le parc des CADA devrait représenter, en 2024, 49 742 places.

L'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) correspond à un dispositif d'urgence. Une part de ce dispositif, offrant des prestations et des conditions d'accueil similaires à celles observées en CADA, est considérée comme de l'hébergement pérenne, permettant une prise en charge des demandeurs tout au long de leur procédure. Les structures n'offrant pas un tel niveau de prestations, tels que les dispositifs hôteliers, sont quant à elles destinées à accueillir, à titre transitoire, des demandeurs d'asile préalablement à leur admission éventuelle dans un hébergement pérenne. Le parc d'HUDA devait représenter, en 2024, 52 950 places.

Les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) visent à favoriser l'accompagnement linguistique, social, professionnel et juridique des réfugiés qu'ils hébergent, présentant des vulnérabilités particulières et nécessitant une prise en charge complète dans les neuf premiers mois suivant l'obtention de leur statut. Le parc de CPH devait représenter, en 2024, 11 418 places. S'y ajoutent d'autres types d'hébergement pour réfugiés, pour 850 places.

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances associé au PLF pour 2024

Cet écart d'environ 9 300 places entre les projets de loi de finances pour 2024 et 2025, qui se traduit par une réduction des crédits dédiés d'environ 71 millions d'euros55(*), peut être ventilé de la manière suivante :

- environ 2 800 places qui devaient être créées en 2024 ne l'ont pas été, dans le contexte notamment des annulations de crédits de février56(*), et ne le seront pas en 2025 ;

- en parallèle 6 500 places seront fermées en 2025, soit un rétrécissement d'environ 5,5 % du parc existant. Si les documents budgétaires annexés au présent projet de loi de finances imputent comptablement cette réduction intégralement sur l'HUDA, il est précisé que c'est sans préjudice de la ventilation qui sera effectivement effectuée en exécution57(*).

Cette solution repose sur les résultats constatés prévus en matière d'accélération des délais de traitement des demandeurs d'asile, sur une prévision d'évolution de la demande d'asile légèrement à la baisse en 2024 et modérée en 202558(*) et, enfin, sur la stratégie d'optimisation volontariste de la disponibilité effective des places d'hébergement.

En effet, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, 5 000 places auraient été rendues disponibles sur les deux dernières années, ce qui limiterait le rétrécissement du parc effectivement disponible à 1 500 places en 2025, soit environ 1,3 %. Il convient néanmoins de noter qu'en 2023, 21 % du parc restait occupé par des personnes en présence indue, soit parce qu'elles ont été déboutées du droit d'asile depuis plus d'un mois (7,2 %), soit parce qu'elles ont obtenu la protection internationale et se maintiennent, au-delà de la période autorisée de 6 mois, dans un hébergement du DNA (11,7 %).

Ce resserrement du parc s'opère toutefois simultanément avec l'élargissement de son bénéfice aux BPT, dont les conséquences financières sont imputées comptablement sur la ligne budgétaire de l'HUDA, sans que les sommes afférentes ne soient estimées : elles étaient de 105 millions d'euros en 2024 et pourraient être de 90 millions d'euros en 2025, selon les informations transmises par la DGEF au rapporteur spécial.

L'hébergement des BPT n'était en effet jusqu'ici pas décompté dans le DNA. Cette évolution induira nécessairement une tension plus forte sur le taux d'hébergement des personnes concernées, au premier rang desquels les demandeurs d'asile. La part de ces derniers qui sont effectivement hébergés dans le DNA, qui était de 61 % en 2023 et qui devait être porté à 64 % en 2024 et 65 % en 2025, pourrait ainsi se réduire. Il convient d'ailleurs de noter que le budget de l'ADA pour 2025 intègre un surcoût de 12 millions d'euros lié à l'augmentation du nombre de demandeurs qui ne seront pas hébergés - et qui peuvent ipso facto prétendre à une ADA majorée.

Au total, les crédits proposés dédiés à l'hébergement s'élèvent à 639 millions d'euros en AE et à 945 millions d'euros en CP en 2025.

II. LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE VOIT SON ENVELOPPE BUDGÉTAIRE RÉDUITE, APRÈS UNE HAUSSE EN 2024

Comme cela a été exposé supra, les résultats en matière d'éloignements, bien qu'en léger progrès, ont jusqu'ici été très insuffisants. Plus largement, la France fait face à des enjeux importants en matière d'immigration irrégulière, sur l'ensemble de son territoire, y compris dans les outre-mer.

Pour y faire face, l'État met en oeuvre des moyens importants, aussi bien via l'activité des forces de sécurité intérieure (police nationale, gendarmerie nationale et douanes, pour 1,46 milliard d'euros en 2022), les activités de rétention et d'éloignement (152 millions d'euros en 2022), ou encore pour le contentieux (environ 180 millions d'euros en 2022), pour un coût total de la politique estimée à environ 1,8 milliard d'euros par an par la Cour des comptes59(*).

D'un point de vue budgétaire, la présente mission ne porte ainsi, via l'action n° 3 « Lutte contre l'immigration irrégulière » du programme 303, qu'une part modeste des crédits dédiés à la lutte contre l'immigration irrégulière, soit environ 260 millions d'euros en CP60(*) en 2024.

Ces crédits de la mission sont dédiés spécifiquement à la politique de rétention et d'éloignement, avec trois volets :

- en premier lieu, les dépenses d'investissement (construction et rénovation), de fonctionnement (fonctionnement courant et entretien) et d'intervention (prise en charge sanitaire, sociale et juridique) liées à l'activité de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière dans les centres de rétention administrative (CRA), les locaux de rétention administrative (LRA) et les zones d'attente des personnes en instance (ZAPI) ;

- en deuxième lieu, les dépenses de fonctionnement liées aux dispositifs de préparation au retour (DPAR), qui hébergent principalement des familles séjournant irrégulièrement sur le territoire français, majoritairement après avoir été déboutées de leur demande d'asile, en présence indue dans le dispositif national d'accueil (DNA), volontaires au retour aidé de l'OFII ou susceptibles de l'être, et pour lesquelles il existe une perspective raisonnable d'éloignement ;

- en troisième lieu, les dépenses de fonctionnement liées à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière (frais de transport en particulier).

Dans un contexte global de recherches d'économies budgétaires, le budget proposé de la mission pour 2025 prévoit, à ce stade, après une nette hausse en 2024, une baisse des crédits concernés de l'action n° 3 du programme 303 de 61,5 millions d'euros en CP (- 23,5 %) et de 126,5 millions d'euros en AE (- 42 %), pour s'établir respectivement à 199,5 millions d'euros et 173,4 millions d'euros. Ce niveau reste toutefois supérieur en CP à celui constaté en 2023 (169,5 millions d'euros) et a fortiori en 2022 (144 millions d'euros).

En outre, la mission ne portant qu'une part modeste des dépenses dédiées à la lutte contre l'immigration irrégulière, cette baisse doit être analysée dans un cadre plus large. Ainsi, il convient de noter, sans préjuger de l'analyse du rapporteur spécial Bruno Belin sur les crédits de la mission « Sécurités », que les dépenses prévues pour 2025 pour l'action n° 4 « Police des étrangers et sûretés des transports internationaux » du programme 176 « Police nationale » augmentent notamment de près de 70 millions d'euros, soit 6 %.

Néanmoins, cette baisse des crédits pose une difficulté. Certes, la décrue prévue de 7,5 millions d'euros en CP des dépenses de fonctionnement liées à l'éloignement des migrants en situation irrégulière peut probablement être expliquée par la réduction des coûts de transport par rapport à 2024. De même, la baisse de 8 millions d'euros des dépenses consolidées de fonctionnement des CRA, LRA et ZAPI d'un côté, et des dispositifs DPAR de l'autre, ne présente pas de caractère significatif. Enfin, les dépenses d'intervention en faveur des personnes retenues en CRA sont globalement stables, en légère hausse de moins d'1 million d'euros.

En revanche, les dépenses d'investissement dans les CRA, LRA et ZAPI connaissent une réduction nette, pour s'établir à 21,6 millions d'euros en AE (- 115 millions d'euros par rapport à 2024) et 43,2 millions d'euros en CP (- 47 millions d'euros). Ce niveau, plus proche de ceux de 2023 (33,7 millions d'euros en AE et 26,2 millions d'euros en CP), apparait difficilement conciliable avec les efforts prévus par la LOPMI en matière de capacités de rétention administrative et soutenus par les gouvernements précédent et actuel.

Pour rappel, le rapport annexé à la LOPMI prévoyait en effet que « le nombre de places en centres de rétention administrative sera progressivement porté à 3 000 ». Du point de vue budgétaire, la trajectoire budgétaire de la LOPMI avait d'ailleurs été complétée d'un montant de 60 millions d'euros annuellement sur la période programmation, à savoir de 2023 à 2027, pour atteindre cet objectif61(*). Selon les informations disponibles, le parc est composé de 1 959 places en 2024.

L'extension prévue du nombre de places en CRA

Le nombre de places en CRA tend à augmenter depuis plusieurs années.

Une première phase du plan « CRA », selon la terminologie du ministère de l'Intérieur, a ainsi consisté à partir de 2017 à étendre le parc de 1 488 places en 2017 à 1 869 fin 2023 puis, avec la livraison du CRA d'Olivet début 2024, à 1 959 places. Cette première phase du plan est toujours en cours de mise en oeuvre et prévoit l'ouverture d'un CRA à Mérignac (Bordeaux) en 2026, et l'extension des capacités d'accueil au Mesnil-Amelot et à Nice d'ici 2027. Au total, le parc serait porté à 2 203 places à l'issue de cette première phase.

La seconde phase du plan « CRA » correspond à l'objectif fixé par la LOPMI de porter le parc à 3 000 places d'ici 2027. De nouveaux CRA doivent ainsi être implantés à Dijon, Oissel, Nantes, Béziers, Aix-en-Provence, Goussainville, Nice, Olivet, Mérignac, à Mayotte ainsi que dans le Dunkerquois.

En outre, 66 places supplémentaires seraient créées dans les LRA (pour porter le parc à 174 places), qui permettent le placement en rétention pour une courte durée (48 heures) d'étrangers qui ne peuvent être placés en CRA en raison de circonstances particulières.

Source : commission des finances, d'après le ministère de l'Intérieur

En outre, outre les enjeux liés à la construction de places, des besoins importants en investissements sont induits par :

- l'objectif d'augmenter la disponibilité effective des places en CRA, en réalisant des travaux d'entretien et de maintenance, voire de réhabilitation ;

- la nécessité de renforcer leur sécurité en cohérence avec la politique initiée par le précédent ministre de l'intérieur consistant à placer dans les CRA principalement les personnes qui présentent une menace pour l'ordre public.

Cartographie des centres de rétention administrative (CRA)

Source : ministère de l'Intérieur

III. DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'INTÉGRATION EN RALENTISSEMENT MAIS QUI DEVRONT NÉANMOINS PERMETTRE LA MISE EN oeUVRE EFFECTIVE DE LA LOI POUR CONTRÔLE L'IMMIGRATION, AMÉLIORER L'INTÉGRATION

Dans un contexte de finances publiques très dégradées, le budget de la mission pour 2025 prévoit une baisse des crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » par rapport à 2024 de - 15,0 % en CP (soit - 65 millions d'euros) et de - 14,5 % en AE (soit - 62 millions d'euros).

Hormis un transfert de crédits d'un peu moins de 6 millions d'euros depuis l'action n° 4 « Accompagnement des foyers de travailleurs migrants » vers une autre mission62(*), l'essentiel de la baisse de crédits concerne l'intégration des étrangers primo-arrivants (action n° 12 du même nom), à savoir ceux qui ont déjà été admis à séjourner durablement sur le territoire français, y compris les bénéficiaires de la protection internationale (financement de formations à la langue française, accès aux droits, accompagnement vers l'emploi, renforcement des partenariats, etc.).

Cette réduction s'établirait à - 45,4 % en CP, soit - 79,5 millions d'euros (- 43,5 % en AE, soit - 76,5 millions d'euros), dont 58 millions d'euros pour les actions spécifiques aux réfugiés et 21 millions pour celles en faveur de l'ensemble des primo-arrivants. Concrètement, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, elle conduirait notamment à contingenter le nombre de bénéficiaires du programme « AGIR »63(*) à environ 25 000, tout en déployant le dispositif sur l'ensemble du territoire à compter de 2025. Au 31 juillet 2024, 31 446 bénéficiaires de la protection internationale utilisaient ce dispositif, alors qu'il n'était pas pleinement déployé. En outre, les crédits mis à disposition des services déconcentrés en dehors du programme AGIR seront également réduits.

À l'inverse, les crédits liés à l'accueil des étrangers primo-arrivants non encore admis à séjourner durablement en France sont globalement constants (action n° 11 « Accueil des étrangers primo arrivants » du même programme). Ces crédits concernent notamment la mise en oeuvre du contrat d'intégration républicaine (CIR64(*)) et des formations associées, en particulier linguistiques (apprentissage de la langue française) et civiques. Si l'action affiche une hausse de 22,4 millions d'euros en CP et en AE, soit une hausse de 9 %, celle-ci résulte en réalité de la compensation auprès de l'OFII d'une baisse du même ordre de financements européens.

Cette relative stabilité des crédits doit être analysée à la lumière, d'une part, de la hausse du nombre de CIR conclus (127 000 CIR ont été signés en 2023, contre 110 080 en 2022, soit une hausse de plus de 15 %65(*)), et d'autre part des nouvelles exigences posées par la loi CIAI en matières civique et linguistique.

Les conséquences budgétaires de la loi CIAI sur les formations civiques et linguistiques des étrangers primo-arrivants

Le contrat d'intégration républicaine (CIR) constitue la matérialisation du parcours personnalisé d'intégration républicaine de nombreux étrangers primo-arrivants et prévoit un dispositif de formation linguistique et civique.

Néanmoins, comme le rapporteur spécial l'a récemment développé dans un rapport de contrôle66(*) sur le sujet, jusqu'ici, les formations ne reposent sur aucune obligation de résultats. L'étranger signataire d'un CIR n'est ainsi soumis à aucune condition d'acquisition de la langue ou d'assimilation des notions dispensées dans le cadre de la formation civique. Seuls l'assiduité et le sérieux des signataires sont pris en compte pour l'octroi ultérieur d'un titre de séjour pluriannuel. En outre, le niveau élémentaire A167(*) visé ne permet pas une réelle intégration, tandis que la formation civique est excessivement théorique et condensée et par ailleurs mal articulée avec la formation linguistique.

En dépit de moyens budgétaires croissants, les résultats obtenus à l'issue de ces formations apparaissaient particulièrement décevants. Seulement 68 % des personnes orientées en formation linguistique ont atteint ce niveau en 2023, soit une baisse de neuf points par rapport aux résultats obtenus en 2021.

La loi CIAI du 26 janvier 2024, qui entrera en vigueur sur ce point une fois un décret d'application publié et au plus tard au 1er janvier 2026, a opéré un double changement. D'une part, elle conditionne désormais la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle à l'échéance du parcours du CIR à la connaissance d'un niveau minimal de la langue française, établissant ainsi une obligation de résultats. D'autre part, elle relève le niveau exigé d'A1 à A268(*) pour une carte de séjour pluriannuelle, de A2 à B1 pour une carte de résident et de B1 à B2 pour la naturalisation. Par ailleurs, elle rehausse les attendus en matière de formations civiques s'agissant de l'histoire et de la culture françaises et instaure un test civique.

Ces changements sont de nature à emporter de conséquences notables pour le système de formation et son financement.

Source : commission des finances.

Si elle s'explique par un contexte budgétaire très contraint, l'absence de hausse des crédits de l'action n° 11, qui finance notamment les formations civiques et linguistiques, supposera en 2025 d'améliorer nettement l'efficience des formations et de s'appuyer davantage sur une contribution des élèves et des entreprises. À défaut, il est possible qu'un nombre notable de signataires du CIR ne disposent pas du niveau A2 exigé à partir du 1er janvier 2026 pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle.

Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial, la DGEF indique que plusieurs solutions sont envisagées pour répondre aux besoins dans un contexte budgétaire contraint. Il pourrait notamment s'agir de responsabiliser l'apprenant en lui faisant choisir entre se former via les formations de l'OFII ou par d'autres moyens (à sa charge), ou encore de développer l'offre de formation en ligne. Il est par ailleurs mis fin aux formations linguistiques spécifiques en faveur des BPT, de même qu'aux formations menant au niveau B1, alors que l'arrêt de la prise en charge financière des certifications linguistiques est acté.

Dans le même temps, alors que la formation civique sera réorganisée et la maquette pédagogique rationnalisée pour davantage intégrer les principes et valeurs de la République et les devoirs associés, les frais d'inscription à l'examen civique, qui pourraient couvrir les coûts de la mise en oeuvre de l'examen, seront à la charge de la personne.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 24 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration ». - L'examen des crédits de la mission s'inscrit cette année dans un double cadre : d'un côté, une pression migratoire qui s'est encore accentuée ; de l'autre, une volonté politique qui s'est clarifiée.

Concernant le premier point, les dernières données disponibles témoignent d'une aggravation de la pression migratoire en 2023, qui a atteint des niveaux très élevés. Cela vaut d'ailleurs pour l'Europe dans son ensemble. Plus d'un million de demandes d'asile ont ainsi été enregistrées dans l'Union européenne en 2023, un niveau très proche des records historiques datant de la crise migratoire des années 2015 et 2016. Par ailleurs, 3,7 millions de premiers titres de séjours ont été accordés par les États membres cette année-là : comparés aux chiffres d'il y a cinq ans, c'est près de la moitié en plus. Et les chiffres de l'immigration irrégulière sont aussi explosifs, atteignant en 2023 le plus haut niveau depuis la crise de 2016.

Pour en venir à la France, le nombre de demandes d'asile a dépassé son record historique en 2023 avec plus de 140 000 demandes. Le nombre de premiers titres de séjour délivrés est, quant à lui, supérieur de plus de la moitié à celui d'il y a dix ans. Et ces flux se traduisent logiquement en stocks : fin 2023, 4 millions de titres de séjour étaient valides, à comparer aux 2,7 millions de titres valides à fin 2013.

Le contexte étant posé, qu'en est-il maintenant des grands équilibres du budget de la mission pour 2025 ?

Dans le contexte de réduction des dépenses publiques que nous connaissons tous, ce budget a dû faire des économies. Globalement, les crédits baissent de 2 % en autorisations d'engagement, soit 35 millions d'euros, et de 5 % en crédits de paiement, soit environ 110 millions d'euros.

En outre, il faut prendre en compte le fait que, pour la première fois, en 2025, les crédits initiaux proposés intègrent les dépenses afférentes à l'accueil des personnes fuyant l'Ukraine. C'est d'ailleurs un changement opportun par rapport aux années 2023 et 2024, dont les budgets initiaux ne couvraient pas ces dépenses, pourtant certaines.

Pour comparer utilement le budget de 2025 à celui de 2024, il faut donc neutraliser cette évolution. Concrètement, la baisse du budget est ainsi en réalité de l'ordre de 300 millions d'euros, soit environ 14 %.

Cette baisse globale du budget n'est toutefois pas uniforme. Elle touche quatre postes principaux.

Le premier poste de baisse concerne les dépenses d'intégration des étrangers déjà autorisés à séjourner durablement en France, au-delà de la première carte de séjour temporaire ; l'économie est de 79 millions d'euros.

Le deuxième poste d'économies concerne l'hébergement des demandeurs d'asile, dont le parc se réduit et les crédits baissent de 71 millions d'euros. Le parc du dispositif national d'accueil serait ainsi réduit de 6 500 places en 2025, bien que cette réduction soit compensée partiellement par une hausse de la disponibilité des places. En cumulé, il y aurait 1 500 places disponibles de moins en 2025 par rapport à cette année.

Le troisième poste de réduction des dépenses concerne l'investissement dans les centres de rétention administrative (CRA), à hauteur de 47 millions d'euros en crédits de paiement - j'y reviendrai.

Enfin, le dernier poste de baisse des crédits concerne le budget prévisionnel de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), avec une réduction de 47 millions d'euros. Cette diminution est permise par l'accélération des délais de traitement des demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ces dernières années.

Alors que penser de ces évolutions des crédits de la mission ? Évidemment, j'aurais préféré, comme la plupart d'entre vous, que certains postes soient davantage préservés. Je pense notamment à l'intégration des étrangers réguliers ou encore à l'hébergement des demandeurs d'asile. Mais l'état des finances publiques étant ce qu'il est, il est logique que des économies aient été réalisées, comme sur bien d'autres missions. Surtout, ce budget doit être analysé dans un cadre plus large, pour deux raisons.

D'une part, la mission « Immigration » ne porte, comme vous le savez, qu'une part minoritaire des crédits consacrés par l'État à cette politique. Alors que les crédits proposés pour la mission sont de 2 milliards en 2025, le coût total de la politique d'immigration et d'intégration serait de 7,7 milliards d'euros, en hausse de 55 millions d'euros par rapport à 2024.

D'autre part et surtout, l'analyse du budget de la mission ne peut se faire seulement sur la base d'un examen ligne à ligne des crédits. Une question encore plus essentielle est de savoir quelle politique on met derrière ces dépenses.

Or si la commission des finances et le Sénat ont régulièrement rejeté les crédits de la mission au cours de ces dernières années, c'est largement parce que la politique qui y était associée était trop peu lisible. Aujourd'hui, les choses ont changé.

Dès la fin d'année dernière, les débats parlementaires, en particulier au Sénat, ont été l'occasion de renforcer les dispositions de ce qui est devenu la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Si beaucoup de mesures utiles ont été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme, cette loi permet notamment un réel renforcement de la politique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, tout en renforçant l'intégration.

Des résultats tangibles en résultent d'ailleurs dès aujourd'hui. Selon les informations que j'ai recueillies, entre le 28 janvier et le 1er octobre 2024, plus d'une centaine de retours supplémentaires ont d'ores et déjà été effectivement exécutés sur la base des nouvelles dispositions de la loi. Et au-delà du cadre législatif, le Gouvernement met aujourd'hui en oeuvre une politique claire en matière d'immigration. Je pense que c'est la bonne voie : moins subir la pression migratoire, davantage éloigner les personnes en situation irrégulière, et mieux intégrer ceux qui résident régulièrement sur le territoire, y compris en attendant d'eux non seulement une connaissance de leurs droits, mais également de leurs devoirs.

Comme cela a été annoncé, un prochain texte sur l'immigration et des modifications des textes européens pourraient contribuer à aller plus loin encore.

Cela étant dit, je souhaite néanmoins soulever deux points de vigilance sur le budget de la mission.

Le premier porte sur les crédits d'investissement dans les CRA, en réduction par rapport à 2024 de 47 millions d'euros en crédits de paiement et de 115 millions d'euros en autorisations d'engagement. Certes, cette baisse fait suite à une hausse des crédits en 2024. Néanmoins, elle peut surprendre au regard de l'objectif de porter le nombre de places en CRA à 3 000 en 2027, contre moins de 2 000 aujourd'hui. Au cours de mes travaux de préparation de l'examen du budget de la mission, j'ai eu l'occasion d'apprendre qu'il était envisagé par le Gouvernement d'augmenter ces crédits en cours de discussion parlementaire. Il me semble que cela serait opportun. Étendre le nombre de places en CRA est un objectif essentiel, et je serai attentive à sa bonne réalisation.

Mon second point d'attention touche aux formations linguistiques et civiques des étrangers primo-arrivants qui souhaitent s'installer durablement en France. Ces derniers sont à ce titre signataires du contrat d'intégration républicaine (CIR), qui leur ouvre le droit à ces formations.

J'en ai fait le bilan dans mon récent rapport de contrôle sur le sujet : ces formations souffrent d'importants écueils, tenant aux résultats obtenus, à l'articulation entre les volets linguistique et civique et à l'absence d'obligation de résultat pour obtenir en fin de course une carte de séjour pluriannuelle.

Il n'en demeure pas moins que, si ces formations doivent être réformées, elles sont importantes pour l'intégration effective des personnes concernées. Elles vont l'être encore davantage dans la mesure où la loi du 26 janvier 2024 a prévu que la délivrance d'un premier titre de séjour pluriannuel serait désormais conditionnée à des obligations de résultat à l'issue des formations linguistiques et civiques. Le niveau en français n'est désormais plus seulement visé, il est exigé, en même temps qu'il est relevé du niveau A1 au niveau A2.

Or les crédits concernés portés par le programme 104 restent stables pour 2025. Dans ces conditions, il faudra améliorer sensiblement l'efficience des formations et s'appuyer davantage sur une contribution des entreprises employeuses ou des signataires du CIR. Je continuerai de suivre ce sujet de près.

Pour conclure, si je reste vigilante notamment sur le sujet des investissements dans les CRA et sur la formation des étrangers primo-arrivants, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Pour avoir assisté vendredi dernier, à la préfecture de Meurthe-et-Moselle, à la remise des cartes de nationalité, j'ai remarqué que ceux qui demandent la naturalisation sont souvent là depuis une durée plus longue que celle requise pour obtenir la nationalité française. Il faut prendre en compte les parcours humains individuels. En effet, l'accueil de ressortissants étrangers doit rester l'une des valeurs fortes de notre République.

Au demeurant, comme le rapporteur spécial, nous allons surveiller de près le nécessaire ajustement budgétaire. Il ne faut pas se démunir de certains des moyens qui sont indispensables.

Enfin, et cela doit être mis au crédit des précédents gouvernements, les délais de traitement de l'Ofpra se sont considérablement réduits en deux ans : de près de neuf mois en 2021, ils sont passés à environ quatre mois en 2023. Cette réduction des délais concourt à mieux traiter les dossiers et à réduire les coûts associés aux demandes d'asile.

Mme Nathalie Goulet. - Je remercie Madame le rapporteur spécial.

Ma première question concerne la gestion des étrangers en France. La mission couvre-t-elle le système d'information de l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef) et de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) ? Où en est la mise à jour du premier fichier, qui pose un certain nombre de difficultés ?

Par ailleurs, j'évoquerai la question de l'aide aux associations chargées de l'intégration et de l'accueil des migrants. La commission des lois avait obtenu l'année dernière le détail des subventions versées, à savoir un peu plus de 1 milliard d'euros. L'association Coallia est prise dans la tourmente en raison de dysfonctionnements. Quel contrôle avons-nous sur ces structures ?

M. Arnaud Bazin. - Je remercie Madame le rapporteur spécial pour la qualité et la précision de ses informations. Pourriez-vous nous préciser le périmètre de cette mission et nous confirmer le montant de la politique d'immigration et d'intégration dans son ensemble, qui s'élèverait à un peu plus de 7 milliards d'euros ? En particulier, les places d'hébergement d'urgence sont-elles prises en compte ? Selon les informations qui me remontent régulièrement, les départements tels que le mien enregistrent un taux d'occupation de 80 % par des étrangers sans droits ni titre.

M. Rémi Féraud. - Merci pour ce rapport spécial. Il existe un fossé important entre le discours politique du Gouvernement et le budget de la présente mission. Cela va sans doute devenir un problème politique...

Je suis également attentif à la baisse du nombre de places pour les demandeurs d'asile et d'hébergement. La situation des déboutés du droit d'asile, très nombreux dans la capitale et d'autres villes de France, est préoccupante et risque d'alimenter les difficultés d'hébergement. De plus, les crédits de l'apprentissage du français sont en forte baisse.

Par ailleurs, en savez-vous plus sur les amendements que le Gouvernement compte présenter pour modifier son propre budget ?

M. Pascal Savoldelli. - À mon tour de vous remercier, Madame le rapporteur spécial. Sur les quatre postes d'évolution en négatif, les deux principaux concernent l'intégration et l'hébergement d'urgence pour les demandeurs d'asile, comme vous l'avez indiqué. J'y ajouterai la baisse des crédits à hauteur de 85,55 %, qui passent de 9 millions d'euros à 1,3 million d'euros, pour l'accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants. Pouvez-vous me le confirmer ?

Je partage vos deux points de vigilance.

Concernant les CRA, il existe trois voies possibles : les éloignements, dont 80 % sont réalisés dans les quarante-cinq premiers jours, et 8 % au-delà des soixante jours - les chiffres de ma circonscription - ; l'assignation à résidence, sans aucun dispositif d'accompagnement ; enfin, la remise en liberté, sans accompagnement non plus. Toute volonté politique ne saurait se résumer à des lignes budgétaires.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale. - Premièrement, l'accompagnement des travailleurs migrants connaît non pas une remise en cause, mais un transfert de crédits, principalement vers le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ».

Deuxièmement, si davantage de places sont ouvertes dans les CRA, les assignations à résidence nécessaires diminuent d'autant. L'objectif est d'atteindre en 2027 les 3 000 places, contre moins de 2 000 à l'heure actuelle. Il a été annoncé que le Gouvernement préparait un amendement au présent budget pour garantir l'atteinte de cet objectif ; mais je ne peux vous donner son libellé précis à ce stade.

Troisièmement, les travaux liés aux fichiers que vous évoquez, Madame Goulet, relèvent en partie de la mission. Nous poserons donc des questions à ce sujet.

Quatrièmement, j'ai eu l'occasion d'interroger l'ancien ministre de l'Intérieur sur Coallia. Je pointais alors l'absence de contrôle par l'État des associations qui travaillent dans le domaine de l'immigration et de l'intégration, qui sont sollicitées dans tant de domaines différents qu'elles en développent des fragilités. Un an après les mises en garde d'un rapport de la Cour des comptes, Coallia est venue il y a deux jours répondre précisément aux critiques et me rendre compte des évolutions.

Dans le cadre du 2° de l'article 58 de la loi du 1er août 2001 relative aux lois de finances, nous avons demandé à la Cour des comptes de se pencher sur l'ensemble des missions de ces associations. Nous devrions avoir un retour avant la fin de l'année, lequel se focalisera sur les plus grosses structures, hors leurs missions d'hébergement, qui ont déjà été traitées dans un récent rapport de la Cour. Nous pourrons ainsi porter un véritable jugement.

Cinquièmement, le coût de l'immigration est évalué à 7,7 milliards d'euros. En dehors des 2 milliards de cette mission, sont notamment concernées des dépenses de la police nationale pour 1,4 milliard d'euros, de protection maladie pour 1,3 milliard d'euros, ou encore de formations supérieures et de recherche universitaire, pour 1,7 milliard d'euros.

L'apprentissage du français et des valeurs civiques pour les étrangers qui ne sont pas encore autorisés à résider durablement sur le territoire connaît non pas une baisse des crédits, mais une stagnation. Il s'agit d'un point de vigilance. Toutefois, il faut passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat, car les ressources augmentent plus vite que le nombre de contrats d'intégration républicaine conclus ces dernières années.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, à l'exception de ceux émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des étrangers en France (DGEF)

- M. Éric JALON, directeur général.

Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

- M. Didier LESCHI, directeur général.

Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA)

- M. Julien BOUCHER, directeur général.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

* 2 En 2025, d'après le document de politique transversale : Politique française de l'immigration et de l'intégration, annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 3 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 4 Les effectifs étatiques de la mission sont portés par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

* 5 Voir infra.

* 6 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024.

* 7 Voir supra.

* 8 Apprentissage du français et des valeurs civiques : davantage de moyens et toujours pas davantage de réussite, rapport d'information n° 772 (2023-2024), déposé le 24 septembre 2024, Mme Marie-Carole CIUNTU.

* 9 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

* 10 Voir infra.

* 11 Ces pôles accueilleraient, en un même lieu, les services d'enregistrement des demandes d'asile du préfet, les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui octroient les conditions matérielles d'accueil et les agents de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) pour réaliser les démarches d'entrée dans la procédure d'asile, en un seul jour.

* 12 Voir infra.

* 13 Le président de la République, la présidente de l'Assemblée nationale, au moins 60 députés et au moins 60 sénateurs.

* 14 Décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024.

* 15 Voir infra.

* 16 https://www.info.gouv.fr/conseil-des-ministres/compte-rendu-du-conseil-des-ministres-du-15-10-2024.

* 17 https://www.touteleurope.eu/societe/immigration-la-commission-europeenne-va-proposer-une-nouvelle-loi-pour-favoriser-les-expulsions-de-migrants-en-situation-irreguliere/.

Directive 2008/115/ce du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les états membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. La « directive retour » vise à fixer des normes et procédures communes au retour dans leur pays d'origine ou tout État tiers des citoyens non ressortissants d'un État de l'Union en situation irrégulière sur le territoire de l'Union européenne

* 18 Selon les chiffres d'Eurostat.

* 19 Source : Eurostat.

* 20 https://www.frontex.europa.eu/media-centre/news/news-release/eu-external-borders-detections-down-42-in-first-9-months-of-2024-xETgIg.

* 21 Voir infra.

* 22 Voir infra. Le contrat d'intégration républicaine (CIR) constitue la matérialisation du parcours personnalisé d'intégration républicaine de certains étrangers primo-arrivants et prévoit un dispositif de formation linguistique et civique.

* 23 Source : Agence de l'Union européenne pour l'asile : https://euaa.europa.eu/lat-myr2024.

* 24 Projet annuel de performances de la mission annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 25 Du 1er janvier au 31 août 2024.

* 26 Projet annuel de performances de la mission annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 27 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024.

* 28 Les autres mesures d'éloignement sont constituées de 16 367 « réadmissions Schengen » et « transferts Dublin », 344 arrêtés d'expulsion et 2 051 interdictions du territoire français.

* 29 Le personnel des deux opérateurs rattachés à la mission (OFPRA et OFII) est rémunéré directement par ces derniers.

* 30 Document de politique transversale, Politique française de l'immigration et de l'intégration, annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 31 Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.

* 32 Décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire.

* 33 Instruction NOR : INTV2208085J du 10 mars 2022 du ministre de l'intérieur, du ministre des solidarités et de la santé, de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté.

* 34 Notamment circulaire n° 6355-SG du 22 juin 2022 portant orientations nationales pour l'hébergement et le logement des déplaces en provenance d'Ukraine et circulaire n° 6406-SG du 23 juin 2023 portant orientations pluriannuelles pour l'accueil et l'insertion des personnes déplacées en provenance d'Ukraine.

* 35 Voir supra.

* 36 Une petite partie des BPT ne la percevant pas, pour diverses raisons.

* 37 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 38 En AE et en CP.

* 39 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 40 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits, qui avait annulé un peu plus de 10 milliards d'euros à l'échelle du budget de l'État.

* 41 Projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 : rapport n° 34 (2024-2025), tome I, déposé le 16 octobre 2024.

* 42 Vers le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État », en conséquence du transfert de compétence de l'OFII vers le ministère de l'Intérieur (DGEF) prévu par la loi CIAI en matière d'amendes administratives pour les employeurs ayant recours à des travailleurs non autorisé à travailler.

* 43 La LOPMI couvre trois missions (« Sécurités », « Administration générale et territoriale de l'État », et « Immigration, asile et intégration »), le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et les taxes affectées à l'ANTS (Agence nationale des titres sécurisés). Sont toutefois exclus du périmètre de la LOPMI le programme 232 « Vie politique » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », les programmes 754 et 755 du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et les programmes « Outre-mer ».

* 44 Hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions » et hors programme 232 « Vie politique » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », programmes 754 et 755 du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et programmes « Outre-mer ».

* 45 À savoir l'augmentation de 60 millions d'euros, en CP, de la trajectoire prévue pour chacune des années concernées par la programmation (de 2023 à 2027) permise par l'adoption d'un amendement de nos collègues députés Éric Ciotti et Philippe Gosselin en faveur de l'extension des capacités de rétention administrative. Cette hausse est en revanche prise en compte dans le tableau à l'échelle du ministère, qui relevait non pas du rapport annexé mais d'un des articles de la loi.

* 46 Voir supra.

* 47 Idem.

* 48 - 76 millions d'euros en AE 

* 49 Et des réfugiés les plus vulnérables.

* 50 Les AE sont en hausse de 75 millions d'euros, principalement pour financer des places d'urgence en Île-de-France.

* 51 Les AE sont en baisse de 127 millions d'euros.

* 52 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024.

* 53 Voir supra.

* 54 Créée par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, l'ADA est versée aux demandeurs d'asile d'au moins 18 ans pendant toute la durée de la procédure d'instruction de leur demande, y compris en cas de recours devant la CNDA. Cette allocation est familialisée et versée à l'ensemble des demandeurs d'asile dès lors qu'ils ont accepté l'offre de prise en charge qui leur a été présentée lors de leur admission au séjour. Son montant varie en fonction de la composition familiale, des ressources de la famille et du besoin et des modalités d'hébergement. Il est de 6,8 euros par jour pour une personne seule. Il augmente de 3,4 euros par membre de la famille supplémentaire. Un montant complémentaire de 7,4 euros est accordé si aucune place d'hébergement n'a été proposée au demandeur (ce montant est identique que le demandeur soit seul ou qu'il ait une famille). Ainsi, le montant mensuel pouvant être versé à un demandeur d'asile seul, s'il ne s'est pas vu proposer de place d'hébergement, est de 432 euros par mois.

* 55 Voir supra.

* 56 Idem.

* 57 En conséquence, la ventilation exposée n'est pas fournie dans le présent rapport.

* 58 Voir supra.

* 59 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024.

* 60 199,3 millions d'euros en CP et 173,4 millions d'euros en AE.

* 61 Via l'adoption d'un amendement de nos collègues députés Éric Ciotti et Philippe Gosselin en faveur de l'extension des capacités de rétention administrative.

* 62 Voir supra.

* 63 Le programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR) a été lancé en 2022. Il permet la constitution, dans chaque département, d'un guichet unique de l'intégration des bénéficiaires de la protection internationale par l'accès à l'emploi et au logement. L'opérateur AGIR a la charge, sous l'autorité du préfet, d'assurer la coordination entre tous les dispositifs et programmes existants dans le département.

* 64 Voir infra.

* 65 15,4 %.

* 66 Apprentissage du français et des valeurs civiques : davantage de moyens et toujours pas davantage de réussite, rapport d'information n° 772 (2023-2024), déposé le 24 septembre 2024, Mme Marie-Carole CIUNTU.

* 67 Niveau d'utilisateur élémentaire (niveau introductif ou de découverte)

* 68 Niveau d'utilisateur élémentaire (niveau intermédiaire ou usuel).

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