III. DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'INTÉGRATION EN RALENTISSEMENT MAIS QUI DEVRONT NÉANMOINS PERMETTRE LA MISE EN oeUVRE EFFECTIVE DE LA LOI POUR CONTRÔLE L'IMMIGRATION, AMÉLIORER L'INTÉGRATION
Dans un contexte de finances publiques très dégradées, le budget de la mission pour 2025 prévoit une baisse des crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » par rapport à 2024 de - 15,0 % en CP (soit - 65 millions d'euros) et de - 14,5 % en AE (soit - 62 millions d'euros).
Hormis un transfert de crédits d'un peu moins de 6 millions d'euros depuis l'action n° 4 « Accompagnement des foyers de travailleurs migrants » vers une autre mission62(*), l'essentiel de la baisse de crédits concerne l'intégration des étrangers primo-arrivants (action n° 12 du même nom), à savoir ceux qui ont déjà été admis à séjourner durablement sur le territoire français, y compris les bénéficiaires de la protection internationale (financement de formations à la langue française, accès aux droits, accompagnement vers l'emploi, renforcement des partenariats, etc.).
Cette réduction s'établirait à - 45,4 % en CP, soit - 79,5 millions d'euros (- 43,5 % en AE, soit - 76,5 millions d'euros), dont 58 millions d'euros pour les actions spécifiques aux réfugiés et 21 millions pour celles en faveur de l'ensemble des primo-arrivants. Concrètement, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, elle conduirait notamment à contingenter le nombre de bénéficiaires du programme « AGIR »63(*) à environ 25 000, tout en déployant le dispositif sur l'ensemble du territoire à compter de 2025. Au 31 juillet 2024, 31 446 bénéficiaires de la protection internationale utilisaient ce dispositif, alors qu'il n'était pas pleinement déployé. En outre, les crédits mis à disposition des services déconcentrés en dehors du programme AGIR seront également réduits.
À l'inverse, les crédits liés à l'accueil des étrangers primo-arrivants non encore admis à séjourner durablement en France sont globalement constants (action n° 11 « Accueil des étrangers primo arrivants » du même programme). Ces crédits concernent notamment la mise en oeuvre du contrat d'intégration républicaine (CIR64(*)) et des formations associées, en particulier linguistiques (apprentissage de la langue française) et civiques. Si l'action affiche une hausse de 22,4 millions d'euros en CP et en AE, soit une hausse de 9 %, celle-ci résulte en réalité de la compensation auprès de l'OFII d'une baisse du même ordre de financements européens.
Cette relative stabilité des crédits doit être analysée à la lumière, d'une part, de la hausse du nombre de CIR conclus (127 000 CIR ont été signés en 2023, contre 110 080 en 2022, soit une hausse de plus de 15 %65(*)), et d'autre part des nouvelles exigences posées par la loi CIAI en matières civique et linguistique.
Les conséquences budgétaires de la loi CIAI sur les formations civiques et linguistiques des étrangers primo-arrivants
Le contrat d'intégration républicaine (CIR) constitue la matérialisation du parcours personnalisé d'intégration républicaine de nombreux étrangers primo-arrivants et prévoit un dispositif de formation linguistique et civique.
Néanmoins, comme le rapporteur spécial l'a récemment développé dans un rapport de contrôle66(*) sur le sujet, jusqu'ici, les formations ne reposent sur aucune obligation de résultats. L'étranger signataire d'un CIR n'est ainsi soumis à aucune condition d'acquisition de la langue ou d'assimilation des notions dispensées dans le cadre de la formation civique. Seuls l'assiduité et le sérieux des signataires sont pris en compte pour l'octroi ultérieur d'un titre de séjour pluriannuel. En outre, le niveau élémentaire A167(*) visé ne permet pas une réelle intégration, tandis que la formation civique est excessivement théorique et condensée et par ailleurs mal articulée avec la formation linguistique.
En dépit de moyens budgétaires croissants, les résultats obtenus à l'issue de ces formations apparaissaient particulièrement décevants. Seulement 68 % des personnes orientées en formation linguistique ont atteint ce niveau en 2023, soit une baisse de neuf points par rapport aux résultats obtenus en 2021.
La loi CIAI du 26 janvier 2024, qui entrera en vigueur sur ce point une fois un décret d'application publié et au plus tard au 1er janvier 2026, a opéré un double changement. D'une part, elle conditionne désormais la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle à l'échéance du parcours du CIR à la connaissance d'un niveau minimal de la langue française, établissant ainsi une obligation de résultats. D'autre part, elle relève le niveau exigé d'A1 à A268(*) pour une carte de séjour pluriannuelle, de A2 à B1 pour une carte de résident et de B1 à B2 pour la naturalisation. Par ailleurs, elle rehausse les attendus en matière de formations civiques s'agissant de l'histoire et de la culture françaises et instaure un test civique.
Ces changements sont de nature à emporter de conséquences notables pour le système de formation et son financement.
Source : commission des finances.
Si elle s'explique par un contexte budgétaire très contraint, l'absence de hausse des crédits de l'action n° 11, qui finance notamment les formations civiques et linguistiques, supposera en 2025 d'améliorer nettement l'efficience des formations et de s'appuyer davantage sur une contribution des élèves et des entreprises. À défaut, il est possible qu'un nombre notable de signataires du CIR ne disposent pas du niveau A2 exigé à partir du 1er janvier 2026 pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle.
Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial, la DGEF indique que plusieurs solutions sont envisagées pour répondre aux besoins dans un contexte budgétaire contraint. Il pourrait notamment s'agir de responsabiliser l'apprenant en lui faisant choisir entre se former via les formations de l'OFII ou par d'autres moyens (à sa charge), ou encore de développer l'offre de formation en ligne. Il est par ailleurs mis fin aux formations linguistiques spécifiques en faveur des BPT, de même qu'aux formations menant au niveau B1, alors que l'arrêt de la prise en charge financière des certifications linguistiques est acté.
Dans le même temps, alors que la formation civique sera réorganisée et la maquette pédagogique rationnalisée pour davantage intégrer les principes et valeurs de la République et les devoirs associés, les frais d'inscription à l'examen civique, qui pourraient couvrir les coûts de la mise en oeuvre de l'examen, seront à la charge de la personne.
* 62 Voir supra.
* 63 Le programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR) a été lancé en 2022. Il permet la constitution, dans chaque département, d'un guichet unique de l'intégration des bénéficiaires de la protection internationale par l'accès à l'emploi et au logement. L'opérateur AGIR a la charge, sous l'autorité du préfet, d'assurer la coordination entre tous les dispositifs et programmes existants dans le département.
* 64 Voir infra.
* 65 15,4 %.
* 66 Apprentissage du français et des valeurs civiques : davantage de moyens et toujours pas davantage de réussite, rapport d'information n° 772 (2023-2024), déposé le 24 septembre 2024, Mme Marie-Carole CIUNTU.
* 67 Niveau d'utilisateur élémentaire (niveau introductif ou de découverte)
* 68 Niveau d'utilisateur élémentaire (niveau intermédiaire ou usuel).