II. LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE VOIT SON ENVELOPPE BUDGÉTAIRE RÉDUITE, APRÈS UNE HAUSSE EN 2024

Comme cela a été exposé supra, les résultats en matière d'éloignements, bien qu'en léger progrès, ont jusqu'ici été très insuffisants. Plus largement, la France fait face à des enjeux importants en matière d'immigration irrégulière, sur l'ensemble de son territoire, y compris dans les outre-mer.

Pour y faire face, l'État met en oeuvre des moyens importants, aussi bien via l'activité des forces de sécurité intérieure (police nationale, gendarmerie nationale et douanes, pour 1,46 milliard d'euros en 2022), les activités de rétention et d'éloignement (152 millions d'euros en 2022), ou encore pour le contentieux (environ 180 millions d'euros en 2022), pour un coût total de la politique estimée à environ 1,8 milliard d'euros par an par la Cour des comptes59(*).

D'un point de vue budgétaire, la présente mission ne porte ainsi, via l'action n° 3 « Lutte contre l'immigration irrégulière » du programme 303, qu'une part modeste des crédits dédiés à la lutte contre l'immigration irrégulière, soit environ 260 millions d'euros en CP60(*) en 2024.

Ces crédits de la mission sont dédiés spécifiquement à la politique de rétention et d'éloignement, avec trois volets :

- en premier lieu, les dépenses d'investissement (construction et rénovation), de fonctionnement (fonctionnement courant et entretien) et d'intervention (prise en charge sanitaire, sociale et juridique) liées à l'activité de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière dans les centres de rétention administrative (CRA), les locaux de rétention administrative (LRA) et les zones d'attente des personnes en instance (ZAPI) ;

- en deuxième lieu, les dépenses de fonctionnement liées aux dispositifs de préparation au retour (DPAR), qui hébergent principalement des familles séjournant irrégulièrement sur le territoire français, majoritairement après avoir été déboutées de leur demande d'asile, en présence indue dans le dispositif national d'accueil (DNA), volontaires au retour aidé de l'OFII ou susceptibles de l'être, et pour lesquelles il existe une perspective raisonnable d'éloignement ;

- en troisième lieu, les dépenses de fonctionnement liées à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière (frais de transport en particulier).

Dans un contexte global de recherches d'économies budgétaires, le budget proposé de la mission pour 2025 prévoit, à ce stade, après une nette hausse en 2024, une baisse des crédits concernés de l'action n° 3 du programme 303 de 61,5 millions d'euros en CP (- 23,5 %) et de 126,5 millions d'euros en AE (- 42 %), pour s'établir respectivement à 199,5 millions d'euros et 173,4 millions d'euros. Ce niveau reste toutefois supérieur en CP à celui constaté en 2023 (169,5 millions d'euros) et a fortiori en 2022 (144 millions d'euros).

En outre, la mission ne portant qu'une part modeste des dépenses dédiées à la lutte contre l'immigration irrégulière, cette baisse doit être analysée dans un cadre plus large. Ainsi, il convient de noter, sans préjuger de l'analyse du rapporteur spécial Bruno Belin sur les crédits de la mission « Sécurités », que les dépenses prévues pour 2025 pour l'action n° 4 « Police des étrangers et sûretés des transports internationaux » du programme 176 « Police nationale » augmentent notamment de près de 70 millions d'euros, soit 6 %.

Néanmoins, cette baisse des crédits pose une difficulté. Certes, la décrue prévue de 7,5 millions d'euros en CP des dépenses de fonctionnement liées à l'éloignement des migrants en situation irrégulière peut probablement être expliquée par la réduction des coûts de transport par rapport à 2024. De même, la baisse de 8 millions d'euros des dépenses consolidées de fonctionnement des CRA, LRA et ZAPI d'un côté, et des dispositifs DPAR de l'autre, ne présente pas de caractère significatif. Enfin, les dépenses d'intervention en faveur des personnes retenues en CRA sont globalement stables, en légère hausse de moins d'1 million d'euros.

En revanche, les dépenses d'investissement dans les CRA, LRA et ZAPI connaissent une réduction nette, pour s'établir à 21,6 millions d'euros en AE (- 115 millions d'euros par rapport à 2024) et 43,2 millions d'euros en CP (- 47 millions d'euros). Ce niveau, plus proche de ceux de 2023 (33,7 millions d'euros en AE et 26,2 millions d'euros en CP), apparait difficilement conciliable avec les efforts prévus par la LOPMI en matière de capacités de rétention administrative et soutenus par les gouvernements précédent et actuel.

Pour rappel, le rapport annexé à la LOPMI prévoyait en effet que « le nombre de places en centres de rétention administrative sera progressivement porté à 3 000 ». Du point de vue budgétaire, la trajectoire budgétaire de la LOPMI avait d'ailleurs été complétée d'un montant de 60 millions d'euros annuellement sur la période programmation, à savoir de 2023 à 2027, pour atteindre cet objectif61(*). Selon les informations disponibles, le parc est composé de 1 959 places en 2024.

L'extension prévue du nombre de places en CRA

Le nombre de places en CRA tend à augmenter depuis plusieurs années.

Une première phase du plan « CRA », selon la terminologie du ministère de l'Intérieur, a ainsi consisté à partir de 2017 à étendre le parc de 1 488 places en 2017 à 1 869 fin 2023 puis, avec la livraison du CRA d'Olivet début 2024, à 1 959 places. Cette première phase du plan est toujours en cours de mise en oeuvre et prévoit l'ouverture d'un CRA à Mérignac (Bordeaux) en 2026, et l'extension des capacités d'accueil au Mesnil-Amelot et à Nice d'ici 2027. Au total, le parc serait porté à 2 203 places à l'issue de cette première phase.

La seconde phase du plan « CRA » correspond à l'objectif fixé par la LOPMI de porter le parc à 3 000 places d'ici 2027. De nouveaux CRA doivent ainsi être implantés à Dijon, Oissel, Nantes, Béziers, Aix-en-Provence, Goussainville, Nice, Olivet, Mérignac, à Mayotte ainsi que dans le Dunkerquois.

En outre, 66 places supplémentaires seraient créées dans les LRA (pour porter le parc à 174 places), qui permettent le placement en rétention pour une courte durée (48 heures) d'étrangers qui ne peuvent être placés en CRA en raison de circonstances particulières.

Source : commission des finances, d'après le ministère de l'Intérieur

En outre, outre les enjeux liés à la construction de places, des besoins importants en investissements sont induits par :

- l'objectif d'augmenter la disponibilité effective des places en CRA, en réalisant des travaux d'entretien et de maintenance, voire de réhabilitation ;

- la nécessité de renforcer leur sécurité en cohérence avec la politique initiée par le précédent ministre de l'intérieur consistant à placer dans les CRA principalement les personnes qui présentent une menace pour l'ordre public.

Cartographie des centres de rétention administrative (CRA)

Source : ministère de l'Intérieur


* 59 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024.

* 60 199,3 millions d'euros en CP et 173,4 millions d'euros en AE.

* 61 Via l'adoption d'un amendement de nos collègues députés Éric Ciotti et Philippe Gosselin en faveur de l'extension des capacités de rétention administrative.

Partager cette page