TROISIÈME PARTIE :
LES PRINCIPAUX POINTS D'ATTENTION DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. LA RECHERCHE D'UNE OPTIMISATION DES CRÉDITS, EN BAISSE, DÉDIÉS AUX CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE

Le niveau historique du nombre de demandes d'asile53(*) engendre une forte tension sur les dépenses portées par la mission. Il en va en particulier ainsi des dépenses liées aux conditions matérielles d'accueil (CMA, principalement l'allocation pour demandeur d'asile, ADA, et l'hébergement des demandeurs).

Pour faire face à ces difficultés, la stratégie mise en oeuvre ces dernières années a principalement consisté à chercher à maîtriser les délais de traitement des demandes d'asile. En effet, un délai de traitement global plus rapide (mesuré de l'enregistrement de la demande auprès du GUDA à la décision définitive de l'OFPRA, voire de la CNDA) réduit le temps d'hébergement des demandeurs dans le dispositif national d'accueil (DNA) et d'octroi de l'ADA54(*). Si les objectifs - parfois trop ambitieux - fixés en la matière n'ont pas été tenus jusqu'ici, des progrès réels doivent être constatés, grâce notamment à une augmentation du nombre de décisions de l'OFPRA et de la CNDA. Alors que l'objectif du délai de traitement global est fixé à 6 mois, le délai effectif était de 10,9 mois en 2023, contre 13,2 mois en 2022. S'agissant spécifiquement des délais d'examen de l'OFPRA, le délai moyen de traitement a été réduit de 260 jours en 2021 à 127 jours en 2023, sans atteindre toutefois l'objectif - optimiste - fixé jusqu'ici à 60 jours.

Il résulte notamment de ces efforts une réduction récente du montant réellement exécuté de l'ADA, alors même que le niveau de demandes d'asile atteint des records historiques. En 2023, hors BPT, l'ADA a représenté un coût de 254,4 M€ contre 270,2 M€ en 2022. De même, le niveau de dépenses d'hébergement a été relativement maîtrisé.

Dans ce contexte, le budget de la mission pour 2025 prévoit deux axes d'évolution.

En premier lieu, il porte l'objectif de consolider les résultats en matière de délai de traitement des demandes d'asile : en visant une hausse du nombre de décisions de l'OFPRA, pour atteindre 161 000 en 2025 (contre 136 811 décisions en 2023), notamment grâce à la création de 29 ETPT supplémentaires en 2025, l'objectif est désormais de parvenir à un délai de traitement de 120 jours. Alors que le niveau de productivité des « officiers de protection instructeurs » de l'OFPRA ne peut plus être beaucoup augmenté, cette cible paraît davantage crédible que la précédente (60 jours). Dans ce cadre, le budget de l'ADA hors BPT serait réduit à 247 millions d'euros, en baisse de 16 % (- 47 millions d'euros) par rapport à ce qui était prévu en 2024.

En second lieu, le budget pour 2025 porte un changement important consistant dans la réduction de la taille du parc d'hébergement du dispositif national d'accueil (DNA), qui bénéficie aujourd'hui aux demandeurs d'asile et aux réfugiés vulnérables, d'une part, tout en y intégrant désormais les BPT, d'autre part. Cette évolution contraste avec la tendance haussière constatée ces dernières années, le parc étant passé de 82 762 places en 2017 à 119 437 places au 31 décembre 2024.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait initialement que le parc serait étendu cette année à 122 582 places, tandis que le présent budget annonce qu'il sera constitué de 113 258 places en 2025.

Les principaux types d'hébergement du dispositif national d'accueil (DNA)

Le DNA regroupe différents types de centres d'hébergement dédiés à héberger principalement les personnes en instance de demande d'asile. S'y ajoutent des places en faveur des réfugiés vulnérables.

La ventilation suivante est celle qui avait été présentée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, soit un total de 122 582 places :

Les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) permettent une prise en charge de premier niveau des personnes migrantes, y compris administrative, en amont de leur orientation vers les lieux d'hébergement, notamment en cas d'afflux massif dans certains territoires. Ils sont également le point d'entrée des personnes faisant l'objet d'une orientation régionale depuis l'Île-de-France. Le parc de CAES devait représenter, en 2024, 7 622 places.

Les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) correspondent au mode normal d'hébergement des demandeurs d'asile. Ces centres offrent aux demandeurs d'asile un hébergement, ainsi que des prestations d'accompagnement social et administratif. Le parc des CADA devrait représenter, en 2024, 49 742 places.

L'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) correspond à un dispositif d'urgence. Une part de ce dispositif, offrant des prestations et des conditions d'accueil similaires à celles observées en CADA, est considérée comme de l'hébergement pérenne, permettant une prise en charge des demandeurs tout au long de leur procédure. Les structures n'offrant pas un tel niveau de prestations, tels que les dispositifs hôteliers, sont quant à elles destinées à accueillir, à titre transitoire, des demandeurs d'asile préalablement à leur admission éventuelle dans un hébergement pérenne. Le parc d'HUDA devait représenter, en 2024, 52 950 places.

Les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) visent à favoriser l'accompagnement linguistique, social, professionnel et juridique des réfugiés qu'ils hébergent, présentant des vulnérabilités particulières et nécessitant une prise en charge complète dans les neuf premiers mois suivant l'obtention de leur statut. Le parc de CPH devait représenter, en 2024, 11 418 places. S'y ajoutent d'autres types d'hébergement pour réfugiés, pour 850 places.

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances associé au PLF pour 2024

Cet écart d'environ 9 300 places entre les projets de loi de finances pour 2024 et 2025, qui se traduit par une réduction des crédits dédiés d'environ 71 millions d'euros55(*), peut être ventilé de la manière suivante :

- environ 2 800 places qui devaient être créées en 2024 ne l'ont pas été, dans le contexte notamment des annulations de crédits de février56(*), et ne le seront pas en 2025 ;

- en parallèle 6 500 places seront fermées en 2025, soit un rétrécissement d'environ 5,5 % du parc existant. Si les documents budgétaires annexés au présent projet de loi de finances imputent comptablement cette réduction intégralement sur l'HUDA, il est précisé que c'est sans préjudice de la ventilation qui sera effectivement effectuée en exécution57(*).

Cette solution repose sur les résultats constatés prévus en matière d'accélération des délais de traitement des demandeurs d'asile, sur une prévision d'évolution de la demande d'asile légèrement à la baisse en 2024 et modérée en 202558(*) et, enfin, sur la stratégie d'optimisation volontariste de la disponibilité effective des places d'hébergement.

En effet, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, 5 000 places auraient été rendues disponibles sur les deux dernières années, ce qui limiterait le rétrécissement du parc effectivement disponible à 1 500 places en 2025, soit environ 1,3 %. Il convient néanmoins de noter qu'en 2023, 21 % du parc restait occupé par des personnes en présence indue, soit parce qu'elles ont été déboutées du droit d'asile depuis plus d'un mois (7,2 %), soit parce qu'elles ont obtenu la protection internationale et se maintiennent, au-delà de la période autorisée de 6 mois, dans un hébergement du DNA (11,7 %).

Ce resserrement du parc s'opère toutefois simultanément avec l'élargissement de son bénéfice aux BPT, dont les conséquences financières sont imputées comptablement sur la ligne budgétaire de l'HUDA, sans que les sommes afférentes ne soient estimées : elles étaient de 105 millions d'euros en 2024 et pourraient être de 90 millions d'euros en 2025, selon les informations transmises par la DGEF au rapporteur spécial.

L'hébergement des BPT n'était en effet jusqu'ici pas décompté dans le DNA. Cette évolution induira nécessairement une tension plus forte sur le taux d'hébergement des personnes concernées, au premier rang desquels les demandeurs d'asile. La part de ces derniers qui sont effectivement hébergés dans le DNA, qui était de 61 % en 2023 et qui devait être porté à 64 % en 2024 et 65 % en 2025, pourrait ainsi se réduire. Il convient d'ailleurs de noter que le budget de l'ADA pour 2025 intègre un surcoût de 12 millions d'euros lié à l'augmentation du nombre de demandeurs qui ne seront pas hébergés - et qui peuvent ipso facto prétendre à une ADA majorée.

Au total, les crédits proposés dédiés à l'hébergement s'élèvent à 639 millions d'euros en AE et à 945 millions d'euros en CP en 2025.


* 53 Voir supra.

* 54 Créée par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, l'ADA est versée aux demandeurs d'asile d'au moins 18 ans pendant toute la durée de la procédure d'instruction de leur demande, y compris en cas de recours devant la CNDA. Cette allocation est familialisée et versée à l'ensemble des demandeurs d'asile dès lors qu'ils ont accepté l'offre de prise en charge qui leur a été présentée lors de leur admission au séjour. Son montant varie en fonction de la composition familiale, des ressources de la famille et du besoin et des modalités d'hébergement. Il est de 6,8 euros par jour pour une personne seule. Il augmente de 3,4 euros par membre de la famille supplémentaire. Un montant complémentaire de 7,4 euros est accordé si aucune place d'hébergement n'a été proposée au demandeur (ce montant est identique que le demandeur soit seul ou qu'il ait une famille). Ainsi, le montant mensuel pouvant être versé à un demandeur d'asile seul, s'il ne s'est pas vu proposer de place d'hébergement, est de 432 euros par mois.

* 55 Voir supra.

* 56 Idem.

* 57 En conséquence, la ventilation exposée n'est pas fournie dans le présent rapport.

* 58 Voir supra.

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