EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE
60
Réforme du chèque énergie
Le présent article prévoit de réviser les critères et les modalités d'attribution du chèque énergie. Cette révision est nécessitée par la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales qui est intervenue au 1er janvier 2023. Le critère de composition du foyer était en effet apprécié à partir de données déclaratives collectées par la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour établir et recouvrer la taxe d'habitation.
L'article propose également que le ministre en charge des affaires sociales ne soit plus signataire de l'arrêté qui détermine les caractéristiques du dispositif de chèque énergie. Or, en pratique le chèque énergie n'est attribué que sur des critères sociaux de revenus et de composition familiale et il présente toutes les caractéristiques d'une aide sociale. Contrairement à sa vocation originelle, son attribution n'a pas de lien direct avec le phénomène de précarité énergétique, sauf de manière incidente si l'on considère qu'il existe une corrélation entre la précarité sociale et la précarité énergétique. Certes il ne peut être utilisé que pour payer des factures d'énergie mais ça n'en fait pas pour autant un véritable dispositif de politique énergétique.
Aussi, parce que ce chèque reste avant toute chose un soutien à caractère social, le rapporteur propose-t-elle par un amendement que le ministre en charge des affaires sociales soit toujours le signataire de l'arrêté qui détermine les caractéristiques du dispositif de chèque énergie.
Le rapporteur spécial propose d'adopter cet article ainsi modifié.
I. LE DROIT EXISTANT : LES CRITÈRES ET LES MODALITÉS D'ATTRIBUTION DU CHÈQUE ÉNERGIE ÉTAIENT DÉPENDANTS DES DÉCLARATIONS COLLECTÉES PAR L'ADMINISTRATION POUR ÉTABLIR ET RECOUVRER LA TAXE D'HABITATION
1. Le chèque énergie et ses modalités de gestion jusqu'à la suppression de la taxe d'habitation
Le chèque énergie est un titre spécial de paiement conçu pour aider les ménages les plus modestes à payer leurs factures d'énergie77(*). Il permet aux ménages bénéficiaires de régler leur facture d'énergie, quel que soit leur moyen de chauffage. Les dispositions législatives du chèque énergie sont prévues aux articles L. 124-1 à L. 124-5 du code de l'énergie. Le fonctionnement de cette aide est par ailleurs précisé par les dispositions réglementaires figurant aux articles R. 124-1 à R. 124-16 du même code.
L'éligibilité d'un ménage au dispositif et le montant du chèque versé sont fonction du croisement de deux critères que sont, d'une part le revenu fiscal de référence du ménage et, d'autre part la situation familiale de celui-ci évaluée en fonction du nombre d'unités de consommation (UC). Plus précisément, ces deux critères sont appréciés dans les conditions suivantes :
- le revenu fiscal de référence (RFR) pris en compte pour une campagne de distribution donnée est celui de l'année N - 2 établi à partir des déclarations d'impôt sur le revenu effectuées en année N - 178(*) ;
- la composition du ménage exprimée en unité de consommation (UC) au sens de la taxe d'habitation au 1er janvier N - 1.
À titre d'exemple, s'agissant de la campagne 2023, l'éligibilité au chèque énergie a été appréciée en fonction des revenus du ménage perçus en 2021 et de sa composition familiale au sens de la taxe d'habitation au 1er janvier 2022.
Pour l'appréciation de l'éligibilité au chèque énergie et pour calculer le montant de l'aide, le critère de la composition du ménage est défini de la façon suivante : la première personne du ménage compte pour 1 UC, la deuxième pour 0,5 UC, et les suivantes pour 0,3 UC79(*).
Jusqu'en 2023, le critère de la composition du ménage était apprécié à partir de la base de données afférente à la taxe d'habitation (« base TH ») tenue et mise à jour par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Cette base permettait de reconstituer les ménages par logement, indépendamment du regroupement ou non des membres au regard de l'impôt sur le revenu.
Le dispositif concerne les ménages qui se situent en-dessous du deuxième décile de revenus, soit 20 % des ménages français, c'est-à-dire environ 5,6 millions au total. L'aide moyenne est d'environ 150 euros et varie de 48 à 277 euros.
Barème actuel du chèque énergie
(en euros)
RFR/UC<5 700€ |
5 700€<RFR/UC<6 800€ |
6 800€<RFR/UC<7 850€ |
7 850€<RFR/UC<11 000€ |
|
1 UC |
194 € |
146 € |
98 € |
48 € |
1 <UC<2 |
240 € |
176 € |
113 € |
63 € |
2 UC ou + |
277 € |
202 € |
126 € |
76 € |
Source : DGEC
En 2021 puis en 2024, la possibilité d'utiliser de manière effective le chèque énergie a été élargie à de nouveaux publics qui n'ont pas de liens directs avec des fournisseurs d'énergie dans la mesure où leurs dépenses d'énergie sont comprises dans leurs charges locatives ou bien celles qu'ils acquittent au titre de leur hébergement.
Ainsi, depuis 2021, la loi d'accélération et de simplification de l'action publique dite « ASAP »80(*) et son décret d'application du 30 décembre 202081(*) permettent à l'ensemble des bénéficiaires du chèque énergie résidant en Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), en Établissement d'hébergement pour personnes âgées (EHPA), en résidences autonomie ou en établissements ou en unités de soins de longue durée (USLD), d'utiliser leur chèque énergie, y compris si l'établissement dans lequel ils résident n'est pas conventionné à l'aide personnalisée au logement (APL). Auparavant, parmi ces établissements, seuls ceux qui étaient des logements foyers conventionnés à l'APL pouvaient accepter les chèques énergie de leurs résidents.
Par ailleurs, afin de faciliter l'usage du chèque énergie et d'améliorer son taux d'usage, l'article 231 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 a introduit la possibilité d'utiliser le chèque énergie pour le paiement des charges locatives dans les logements locatifs sociaux, compte tenu du caractère d'intérêt général de ces logements. Depuis le 1er janvier 2024, il est donc possible d'utiliser le chèque énergie pour le paiement des charges locatives incluant des charges d'énergie dans les logements locatifs sociaux82(*).
Enfin, le neuvième alinéa de l'article L. 124-1 du code de l'énergie prévoit une aide spécifique équivalente au chèque énergie pour les occupants de résidence sociales. Cette aide de 192 euros par logement est réclamée au titre de ses résidents par le gestionnaire de la résidence via une attestation. Elle est ensuite répercutée sur les redevances des résidents après déduction par le gestionnaire de ses frais de gestion qui ne peuvent dépasser 5 % de l'aide, soit 9,60 euros.
2. Les modalités d'attribution du chèque énergie ne sont plus applicables depuis la suppression de la taxe d'habitation
Depuis la campagne 2024, du fait de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales au 1er janvier 2023, il n'est plus matériellement possible d'établir la liste des bénéficiaires du chèque énergie selon les modalités et les critères qui prévalaient jusqu'ici.
Pour la campagne 2024, le Gouvernement de l'époque avait décidé dans un premier temps que les bénéficiaires du chèque énergie seraient les mêmes que ceux de la campagne 2023. Aussi, dans ces conditions, 5,5 millions de ménages ont reçu leur chèque énergie de manière automatique au mois d'avril 2024.
Cette situation était insatisfaisante à double titre. D'une part, elle a maintenu l'éligibilité au chèque énergie de ménages qui ne répondaient plus aux critères utilisés jusqu'en 2023. Un million de ménages auraient été concernés pour un coût d'environ 100 millions d'euros pour les finances publiques. D'autre part, elle privait de l'attribution du chèque énergie certains foyers qui au contraire auraient dû pouvoir bénéficier de cette aide au regard de l'appréciation de ces mêmes critères. Cette situation concerne notamment les jeunes primo-déclarants qui entrent dans la vie active, les ménages qui ont connu une baisse de revenus entre 2021 et 2022 ou les ménages qui ont connu une naissance en 2022.
En février 2024, des associations de consommateurs83(*) ainsi que la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) ont alerté les pouvoirs publics quant aux conséquences du modèle dégradé d'attribution du chèque énergie initialement retenu par le Gouvernement de l'époque. Elles ont mis en évidence le fait qu'environ un million de ménages pourraient se retrouver privés de cette aide quand bien même ils auraient dû pouvoir en bénéficier. Face à la polémique, le Gouvernement de l'époque a été contraint d'ajuster le dispositif qu'il avait envisagé à l'origine et, pour régler la question de ces bénéficiaires privés de leur droit légitime, l'administration a mis en place en juillet 2024 un guichet permettant à ces ménages de se faire connaître et de réclamer l'attribution de leur chèque énergie84(*). Ce guichet doit rester ouvert jusqu'au 31 décembre 2024.
D'après les éléments figurant dans le projet annuel de performances du programme 174 « Énergie, climat et après-mines », un million de ménages pourraient être concernés par ce système déclaratif. Le taux de recours de ce chèque énergie « quérable » est estimé à seulement 40 % par l'administration. Ce chèque pourrait ainsi représenter un coût de 60 millions d'euros85(*).
Dans ces conditions, à date, le montant des chèques émis pour la campagne 2024 s'élève à 821 millions d'euros contre 834 millions d'euros en 2023 et 863 millions d'euros en 202286(*), soit une érosion d'environ 5 % en deux ans.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : RÉVISER LES CRITÈRES ET LES MODALITÉS D'ATTRIBUTION DU CHÈQUE ÉNERGIE POUR TENIR COMPTE DE LA SUPPRESSION DE LA TAXE D'HABITATION SUR LES RÉSIDENCES PRINCIPALES
1. La révision de l'appréciation des critères du chèque énergie pour tirer les conséquences de la fin de la taxe d'habitation sur les résidences principales
Pour tenir compte des conséquences induites par la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, le présent article prévoit une révision des critères du chèque énergie ainsi que de ses modalités d'attribution aux bénéficiaires. Si les modalités techniques de leur prise en compte et de leur collecte par l'administration seront amenées à évoluer, de manière générale, les conditions pour apprécier l'éligibilité et le montant du chèque énergie doivent cependant rester les mêmes, à savoir les revenus d'un ménage et sa composition.
En raison de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, il n'est plus possible d'apprécier le critère de la composition du ménage à partir de la base de données afférente à la taxe d'habitation (« base TH ») qui était tenue et mise à jour par la DGFiP (voir supra). Le critère de la composition familiale serait ainsi désormais apprécié au travers de la composition du foyer fiscal elle-même prise en compte dans le revenu fiscal de référence des avis d'impôt sur le revenu. L'unité de référence ne serait ainsi plus le ménage et sa composition qui pouvaient être identifiés au moyen de la « base TH » mais le foyer fiscal au sens de l'impôt sur le revenu.
En outre, pour éviter que deux chèques soient envoyés pour les ménages qui vivent ensemble mais déclarent leurs revenus séparément, il est nécessaire de croiser les données correspondant au foyer fiscal extraites des déclarations d'impôt sur le revenu avec l'information relative à l'occupation d'un logement. Cette dernière information serait appréciée à partir du numéro de point de livraison du compteur d'électricité. L'évaluation préalable de l'article souligne à cet égard « qu'un logement ne disposant que d'un point de livraison, ces modalités visent à garantir qu'un seul chèque soit émis par logement ».
Aussi, désormais, l'attribution du chèque énergie reposerait-elle sur les paramètres fiscaux du ménage, c'est-à-dire sur la notion de foyer fiscal, et sur le croisement entre le numéro de compteur et le numéro fiscal du titulaire du contrat de fourniture d'électricité. Ce croisement doit assurer qu'un seul chèque soit envoyé par logement.
Afin de mettre en oeuvre ces modifications d'appréciation des critères du chèque énergie, le I du présent article prévoit de modifier l'article L. 124-1 du code de l'énergie.
Le 1° de ce I procède ainsi à la modification de la définition du chèque énergie qui figure au premier alinéa de l'article en précisant qu'il permet « aux foyers dont le revenu fiscal de référence est, compte tenu de la composition du foyer fiscal du titulaire du contrat de fourniture d'électricité du logement, inférieur à un plafond ». Cette nouvelle définition substitue la notion de foyer fiscal à celle de ménage et précise que le chèque énergie est attribué au titulaire du contrat de fourniture d'électricité.
Sur ce dernier point, et pour éviter l'envoi de chèques indus, le 2° du même I ajoute un alinéa à l'article L. 124-1 pour apporter la précision suivante : « un seul chèque est attribué par logement, au titre du seul logement principal ».
Dans la même logique et avec les mêmes intentions, que la modification de la définition du chèque énergie au premier alinéa de l'article L. 124-1, le 1° du III du présent article modifie la rédaction du premier alinéa de l'article L. 124-2 du même code pour indiquer que le montant du chèque est fonction « des revenus et du nombre de personnes composant le foyer fiscal du titulaire du contrat de fourniture d'électricité ».
Afin que les résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui ne disposent pas de numéro de compteur électrique, ne se trouvent pas privées du bénéfice du chèque énergie, le 5° du I du présent article les inclut dans le dispositif d'aide spécifique prévu aujourd'hui pour les résidences sociales de type « logement-foyer » (voir supra).
Enfin, le 2° du III du présent article prévoit de rationaliser la liste des ministres signataires de l'arrêté prévu au dernier alinéa de l'article L. 124-2 qui détermine les caractéristiques du dispositif de chèque énergie. Il est prévu de limiter les signataires au ministre en charge de l'énergie et à celui en charge du budget tandis qu'aujourd'hui l'arrêté doit être signé par les ministres chargés de l'énergie, des affaires sociales et de l'économie.
2. En conséquence, les modalités pratiques d'identification des foyers éligibles et d'attribution des chèques énergies à leurs bénéficiaires par l'Agence de service et de paiement (ASP) seraient modifiées et précisées par les dispositions d'un nouvel article L. 124-1-1 du code de l'énergie
Pour tenir compte des nouvelles modalités d'appréciation des critères du chèque énergie, le présent article prévoit aussi de modifier les modalités techniques selon lesquelles les foyers éligibles seront identifiés et la liste des bénéficiaires établie chaque année par l'Agence de service et de paiement (ASP).
Le dispositif proposé prévoit ainsi que l'ASP, à partir de l'ensemble des foyers qui ont été éligibles au dispositif au moins une année au cours des trois campagnes antérieures, dresse chaque année la liste des bénéficiaires du chèque énergie. Pour dresser cette liste, elle devra vérifier l'éligibilité de tous les foyers qui ont été bénéficiaires au cours des trois années précédentes à partir des données fiscales qui lui auront été transmises par la DGFiP et des informations relatives aux numéros de points de livraison des compteurs électriques livrés par les fournisseurs et les gestionnaires de réseaux de distribution.
Après le croisement de ces informations, l'ASP sera ainsi en mesure d'envoyer de façon automatique les chèques énergie aux bénéficiaires qu'elle connaît déjà dans la mesure où ils ont déjà été éligibles au cours des trois années précédentes.
En revanche, elle ne pourra pas automatiser l'envoi de chèques aux nouveaux bénéficiaires qui ne figurent pas dans ses bases87(*). Aussi, dans ce nouveau système, à l'instar du guichet qui a été mis en oeuvre en 2024, ces nouveaux bénéficiaires devront-ils se manifester sur une plateforme en ligne ou par courrier afin de réclamer leur chèque. Selon les mêmes modalités que les foyers qui figuraient déjà dans ses bases, l'ASP appréciera l'éligibilité effective de ces nouveaux bénéficiaires potentiels au regard des données qui lui auront été transmises par l'administration fiscale, les fournisseurs et les gestionnaires de réseaux de distribution.
Les nouvelles modalités pratiques d'identification des bénéficiaires et d'attribution des chèques énergie par l'ASP seraient ainsi prévues dans un nouvel article L. 124-1-1 du code de l'énergie dont la création est proposée au II du présent article (voir infra).
Le 3° du I du présent article modifie ainsi l'article L. 124-1 du même code pour préciser que l'ASP « émet le chèque énergie et l'attribue à ses bénéficiaires dont la liste est établie selon les modalités définies à l'article L. 124-1-1 ».
Le 4° du même I supprime quant à lui le huitième alinéa du même article L. 124-1. Celui-ci prévoyait la transmission par l'administration à l'ASP du fichier des ménages éligibles au chèque énergie qui était établi à partir de l'ancienne « base TH » de la DGFiP.
Le II du présent article prévoit donc la création du nouvel article L. 124-1-1 qui définit les nouvelles conditions, décrites supra, dans lesquelles l'ASP établirait chaque année la liste des bénéficiaires.
Le I de ce nouvel article disposerait ainsi que « chaque année, l'ASP établit un projet de liste des bénéficiaires du chèque énergie à partir de la liste des bénéficiaires des trois années précédentes et des demandes enregistrées sur une plateforme mise à disposition par l'ASP ou par courrier ». Il ajouterait que l'ASP « vérifie l'éligibilité au chèque énergie de chaque personne figurant sur ce projet de liste, au moyen des données relatives aux revenus et à la composition du foyer fiscal, que l'administration fiscale lui communique à sa demande, et des données relatives au point de livraison permettant d'identifier le logement principal du foyer fiscal, qui lui sont communiquées, à sa demande, par les fournisseurs d'électricité et les gestionnaires de réseaux ». Ces différents croisements de fichiers nécessitent des développements informatiques conséquents qui induisent une forte hausse des coûts de gestion du chèque énergie qui, pour l'année 2025, vont atteindre 35 millions d'euros. (cf. analyse des crédits du programme 174).
Le II de ce même article préciserait que « l'ASP assure le traitement des données et préserve la confidentialité des informations qui lui sont transmises ».
Enfin, le III de l'article prévoirait que les modalités d'application de ses dispositions seraient définies par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
III. LA POSITION DU RAPPORTEUR SPÉCIAL : UNE RÉFORME INÉVITABLE QUI VA CEPENDANT SE TRADUIRE, AU MOINS À COURT TERME, PAR UNE BAISSE DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES
Comme elle l'avait déjà souligné à l'automne 2023 lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, le rapporteur observe que les modalités d'identification des bénéficiaires du chèque énergie et d'attribution de cette aide telles qu'elles avaient cours jusqu'en 2023 ne peuvent matériellement plus être mises en oeuvre. Leur révision est ainsi inévitable.
Elle note que cette révision se traduira malheureusement par une baisse de l'efficacité du dispositif liée à la fin de l'automatisation universelle de son attribution. Cette baisse de l'efficacité du dispositif résulte du fait qu'il deviendra partiellement « quérable », c'est-à-dire qu'une partie des foyers éligibles devront faire la démarche de se manifester pour réclamer leur droit. L'expérience de 2024 le démontre, sur cette part « quérable », il est à craindre un phénomène de non recours particulièrement important.
Aussi, contrairement à la situation qui prévalait jusqu'en 2023 du fait de l'automatisation universelle des envois de chèque, certains foyers éligibles ne bénéficieront-ils pas du dispositif. Le nombre de ménages effectivement bénéficiaires du chèque énergie va ainsi sans aucun doute diminuer.
S'il confirme ce phénomène, le projet annuel de performances 2025 du programme 174 témoigne cependant d'un certain optimisme, probablement excessif, en indiquant que la réforme du chèque énergie « pourrait conduire à une réduction transitoire du nombre des bénéficiaires la première année de mise en oeuvre ».
Pour l'année 2025, seuls 615 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits sur le programme 174 au titre du chèque énergie, soit une baisse de 180 millions d'euros par rapport aux montants prévus en 2024. En revanche, les autorisations d'engagement prévues pour cette même année 2025 au titre du dispositif restent stables à 900 millions d'euros. Cela signifie que l'administration considère que l'ensemble des nouveaux bénéficiaires non connus de l'ASP se manifesteront et que la réforme ne se traduirait que par un retard dans l'attribution des chèques considérés et dans leur utilisation qui interviendrait pour une part plus importante en année N + 1, c'est-à-dire en 2026 s'agissant de la campagne 2025. Cette hypothèse apparaît cependant manifestement irréaliste. Il ne fait en réalité pas de doute que la quérabilité partielle du dispositif engendrera une part de non recours et que certains foyers éligibles ne réclameront pas leur chèque. Aussi, par son amendement le rapporteur propose-t-elle de réduire les crédits relatifs aux engagements prévus au titre du chèque énergie en 2025, comme présenté supra dans les développements du rapport relatifs à l'analyse des crédits du programme 174.
Cette conséquence est tout à fait regrettable mais, compte-tenu des données actuellement disponibles, elle semble malheureusement inévitable au moins à court terme. En effet, dans les conditions actuelles, le maintien d'une automatisation complète de la détermination de la liste des foyers éligibles et de l'envoi des chèques supposerait de ne se fonder que sur la base des seules déclarations d'impôt sur le revenu. Cependant, comme précisé supra, ce modèle conduirait à attribuer deux chèques pour les personnes d'un même foyer, vivant dans le même logement, mais qui déclarent leurs revenus séparément. D'après l'évaluation préalable, une telle hypothèse se traduirait par « un doublement du coût du dispositif et à l'attribution d'environ 3 millions de chèques indus ». Cette perspective n'est évidemment pas envisageable.
La DGEC s'est engagée auprès du rapporteur à tout mettre en oeuvre afin qu'un minimum de foyers éligibles ne reçoivent pas leur chèque de manière automatisée. Afin de diminuer le plus possible le taux de non recours qui sera immanquablement élevé pour la partie quérable du nouveau dispositif d'attribution, il est indispensable en effet de réduire autant que possible la part des bénéficiaires qui devront effectuer eux même la démarche de vérifier leur éligibilité et de réclamer leur chèque. Le cas échéant, des mesures de communications ciblées pourrait être envisagées pour les publics les plus susceptibles d'être concernés.
Comme indiqué supra, le présent article propose que le ministre en charge des affaires sociales ne soit plus signataire de l'arrêté prévu au dernier alinéa de l'article L. 124-2 du code de l'énergie qui détermine les caractéristiques du dispositif de chèque énergie. Or, en pratique le chèque énergie, qui n'est attribué que sur des critères sociaux relatifs aux revenus et à la composition familiale des ménages, présente toutes les caractéristiques d'une aide purement sociale. En effet, contrairement à sa vocation originelle, son attribution n'a pas de lien direct avec le phénomène de précarité énergétique, sauf, de manière incidente, si l'on considère qu'il existe une corrélation entre la précarité sociale et la précarité énergétique. Certes il ne peut être utilisé que pour payer des factures d'énergie mais ça n'en fait pas pour autant un véritable dispositif de politique énergétique.
Aussi, parce-que ce chèque reste avant toute chose un soutien à caractère social, le rapporteur propose-t-elle par un amendement que le ministre en charge des affaires sociales soit toujours le signataire de l'arrêté qui détermine les caractéristiques du dispositif de chèque énergie.
Proposition du rapporteur spécial : le rapporteur spécial propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 77 Il a été instauré par l'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte pour remplacer les tarifs sociaux de l'énergie. Après une phase d'expérimentation il a été généralisé en 2018.
* 78 Les usagers pouvant modifier leur déclaration de revenus après la clôture de la période déclarative (printemps N - 1) jusqu'au mois de décembre N - 1, le temps de traitement des données par l'administration fiscale ne permet de disposer des revenus définitifs N - 2 qu'en mars de l'année N.
* 79 Ces valeurs étant réduites de moitié pour les enfants mineurs en résidence alternée au domicile de chacun des parents.
* 80 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
* 81 Décret n° 2020-1763 du 30 décembre 2020 modifiant les modalités de mise en oeuvre du chèque énergie.
* 82 Décret n° 2024-411 du 4 mai 2024 relatif au chèque énergie émis au titre de l'année 2024 et modifiant les modalités de la mise en oeuvre du chèque énergie.
* 83 La CLCV, l'Afoc, Familles rurales, le Cnafal, l'UFC et l'Unaf.
* 84 Les modalités spécifiques d'attribution du chèque énergie pour la campagne 2024 ont été prévues par le décret n° 2024-411 du 4 mai 2024 relatif au chèque énergie émis au titre de l'année 2024 et modifiant les modalités de la mise en oeuvre du chèque énergie.
* 85 42 millions d'euros pourraient être dépensés en 2024 et 18 millions d'euros en 2025 selon une hypothèse d'utilisation de 70 % de ces chèques dès 2024.
* 86 Hors chèques énergie exceptionnels.
* 87 C'est-à-dire des foyers qui n'étaient pas éligibles au dispositif au cours des trois années antérieures.