N° 144 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025, |
Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur TOME III LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de finances) ANNEXE N° 11a ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES (Programmes 113 « Paysages, eau et
biodiversité », 181 « Prévention des risques »,
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : FINANCEMENT
DES AIDES |
Rapporteur spécial : Mme Christine LAVARDE |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
I. LA MISSION ÉCOLOGIE PARTICIPE AU PROGRAMME D'ÉCONOMIE DU GOUVERNEMENT
A. UNE DIMINUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DE LA MISSION
Dans le champ des programmes étudiés dans le cadre du présent rapport, indiqués dans le graphique suivant, les crédits diminuent en autorisations d'engagement (AE) pour atteindre 16,1 milliards d'euros (- 14,7 %), et en crédits de paiement pour arriver à 15,2 milliards (- 6,7 %). Cette baisse s'explique par une mesure de périmètre, le transfert de MaPrimeRénov' sur la mission « Cohésion des territoires » (2 milliards d'euros), ainsi que par des mesures d'économies décidées par le Gouvernement.
Évolution des crédits entre la LFI 2024 et le PLF 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat
Le Gouvernement a par ailleurs déposé un amendement de crédits sur la mission « Écologie » à l'Assemblée nationale, qui ne sera pas examiné en raison du rejet de la première partie, mais qui permet de clarifier ses intentions. Il prévoit de diminuer de 4,9 % les CP de la mission, notamment sur le fonds vert (- 216 millions d'euros), ainsi que sur la politique de l'énergie. Sur le périmètre retraité des effets conjoncturels (programme 345 et transfert de MaPrimeRénov'), les AE diminuent de 24,5 % et les CP de 14,6 % par rapport à la LFI pour 2024.
La maquette de la mission est marquée par la création d'un nouveau programme 235 « Sûreté nucléaire et radioprotection » destiné à porter les crédits de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), nouvelle autorité administrative indépendante (AAI) qui sera mise en place au 1er janvier 2025, à la suite de la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
B. LES OPÉRATEURS DE LA MISSION DOIVENT DAVANTAGE PARTICIPER À L'EFFORT DE RÉDUCTION DE L'EMPLOI PUBLIC
En 2025, le plafond d'emplois de la mission s'élèverait à 37 041 ETPT, contre 35 460 ETPT en LFI pour 2024. Si on retranche l'effet de la création de l'ASNR, c'est-à-dire si on ne considère que les effectifs portés par le programme 217, la hausse est beaucoup moins marquée : le plafond d'emplois demandé en 2025 est de 35 014 ETPT, contre 34 990 ETPT en 2024. Surtout, la diminution des effectifs totaux de la mission depuis plusieurs année tranche avec l'augmentation enregistrée dans le champ des opérateurs rattachés aux programmes étudiés par le rapporteur spécial.
Comparaison de l'évolution du nombre d'ETPT
sous plafond
de l'ensemble des emplois du ministère et celui des
opérateurs
du ministère de la transition écologique
(hors météorologie et transports)
(en ETPT)
Note : les emplois de l'ASN (jusqu'en 2024) et de l'ARSN (PLF 2025) sont retranchés pour éviter l'effet de périmètre consécutif au transfert de l'ensemble du personnel de l'IRSN de la mission « Recherche et enseignement supérieur » à la mission « Écologie ».
Source : commission des finances du Sénat
Cette progression des emplois des opérateurs n'est pas une bonne nouvelle. La forte dégradation des finances publiques impose de prendre des mesures fortes pour réduire les dépenses dont l'efficacité ne serait pas avérée. Jusqu'à présent, les mesures d'économies ont surtout porté sur l'administration centrale et déconcentrée, mais en parallèle, les opérateurs ont augmenté leurs dépenses, sans qu'elles fassent l'objet d'un suivi aussi étroit.
En particulier, certaines des dépenses de l'Office français de la biodiversité (OFB) soulèvent des interrogations. Les atlas de la biodiversité communale (ABC) correspondent à un dispositif déjà pris en charge par le fonds vert, et l'ajout d'un supplément de subvention à l'OFB ne semble pas nécessaire. En outre, les dépenses de communication de l'OFB, d'un montant de 7 millions d'euros en exécution pour l'année 2023, paraissent également trop élevées au regard des besoins de l'opérateur. Enfin, près de 7 % des dépenses de l'Office, hors frais de personnel, sont consacrées à la mission « Formation et mobilisation des citoyens et des parties prenantes » : le rapporteur spécial n'a pas réussi à identifier les actions réalisées au regard de ces 45 millions d'euros de dépenses.
S'agissant de l'Agence de transition écologique (Ademe), il apparaît que l'augmentation de sa subvention ainsi que du nombre de ses ETPT correspond en grande partie à des missions du plan de relance qui devaient à l'origine être temporaires, mais qui ont finalement été pérennisées. Or, l'Inspection générale des finances (IGF), dans une revue de dépenses d'avril 2023 consacrée aux aides à la transition écologique, souligne que les trois-quarts des dispositifs d'aide de l'Ademe n'ont pas fait l'objet d'évaluations. D'une manière plus générale, il convient également de se demander si certaines missions de l'ADEME ne pourraient pas être réalisées par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).
Pour toutes ces raisons, le rapporteur spécial présentera deux amendements tendant à diminuer les crédits de l'OFB et de l'Ademe. Si l'on souhaite freiner durablement la progression des dépenses publiques, il est en effet indispensable de reconsidérer les missions des opérateurs, ainsi que leur articulation avec les services de l'administration centrale et déconcentrée.
II. UNE RÉDUCTION DE MOITIÉ DES CRÉDITS DE LA STRATÉGIE NATIONALE BIODIVERSITÉ
Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » connaît une baisse significative de ses crédits dans le PLF pour 2025. Les AE passent de 578 millions à 441,3 millions d'euros, soit une diminution de 23,7 %. Les crédits de paiement (CP) baissent également, de 512 millions d'euros à 445,6 millions d'euros (- 13 %).
150 millions d'euros ont été inscrits pour la Stratégie nationale biodiversité (SNB) 2030 en loi de finances initiale pour 2023 et 264 millions d'euros en 2024. En revanche, les crédits de la SNB ont été réduits de moitié en 2025, pour atteindre 139,6 millions d'euros.
La protection de la biodiversité n'est pas un objectif secondaire par rapport à l'adaptation au changement climatique. Il sera donc impératif de définir une nouvelle trajectoire de la Stratégie nationale biodiversité, qui priorise les actions les plus efficaces en matière de préservation de la biodiversité et qui tienne compte de la contrainte budgétaire actuelle.
S'agissant de la politique de l'eau, l'année 2025 sera la première année de mise en oeuvre du 12ème programme d'intervention des agences de l'eau. S'il était prévu que ce programme bénéficie d'un surplus de financement de 25 % par an par rapport au 11ème programme, la mise en oeuvre complète de la réforme a été décalée d'un an : le plafond des agences de l'eau (aussi appelé « plafond mordant ») devait être relevé de 175 millions d'euros en 2025, mais cette augmentation ne sera finalement effective qu'en 2026. Le rehaussement du plafond a été reporté à l'année suivante, en raison notamment de l'opposition des représentants des agriculteurs à une hausse de la redevance pour pollution diffuse.
Trajectoire du plafond des Agences de l'eau entre 2023 et 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
III. REPENSER LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DES RISQUES
Le fonds pour la prévention des risques naturels majeurs « FPRNM », mieux connu sous le nom de « fonds Barnier », est la principale politique de prévention des risques de l'État. Il était à l'origine financé par un prélèvement sur la garantie « CatNat » des contrats des assurances, mais depuis 2021, il est intégré au budget de l'État. Le prélèvement sur les assurés n'a toutefois pas disparu, et le « contrat implicite » de la budgétisation était que la différence entre le produit de cette taxe et le montant du fonds Barnier demeure raisonnable.
Or, on constate aujourd'hui un écart massif entre les financements du fonds Barnier et le prélèvement sur les contrats d'assurance : en 2023, le produit de cette taxe a atteint 273 millions d'euros, tandis que le fonds Barnier s'élevait à 205 millions d'euros. Ce décalage va s'amplifier : le relèvement du taux de la surprime de 12 % à 20 % prévu au 1er janvier 2025 conduira à une hausse du rendement du prélèvement sur la garantie CatNat, qui devrait atteindre 450 millions d'euros l'année prochaine.
Comparaison entre le produit du
prélèvement sur la garantie « CatNat »
et les sommes allouées au fonds Barnier entre 2015 et
2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Une telle situation n'est pas acceptable. Le prélèvement sur les contrats d'assurance ne dépend pas du revenu des assurés, et il est assis sur la « surprime CatNat », qui a vocation à financer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (régime CatNat). Le consentement à cet impôt repose ainsi sur l'idée que les sommes collectées servent à financer la prévention des risques.
Les enjeux de prévention des risques dépassent par ailleurs le champ actuel du fonds Barnier. Le retrait-gonflement des argiles (RGA) et le recul du trait de côte ne sont en effet pas pris en charge par le fonds, bien qu'ils présentent des enjeux financiers considérables. Or, des mesures de prévention existent, et elles peuvent réduire considérablement la pression sur le régime d'indemnisation CatNat. Le rapporteur présente donc un amendement de crédits visant à augmenter les crédits de la politique de prévention des risques naturels de l'État sur le programme 181 de 220 millions d'euros à 450 millions d'euros, en les prélevant sur l'action relative à l'adaptation au changement climatique du fonds vert. Des crédits seront fléchés vers le fonds Barnier pour l'amener à 300 millions d'euros, tandis que les sommes restantes serviront à financer d'autres actions de prévention (50 millions d'euros sur l'action 10 pour subventionner des travaux dans des communes non dotées d'un plan de prévention des risques naturels majeurs ; 100 millions d'euros pour une nouvelle action de prévention du RGA).
D'autres mesures de la politique de prévention des risques sont en revanche plus discutables. 6 millions d'euros sont consacrés sur le programme 181 à la subvention des associations pour leur participation aux filières « REP » (responsabilité élargie du protecteur). Or, ces filières font l'objet de nombreuses critiques, en raison de leurs problèmes de gouvernance et de leur faible efficacité, et il est impératif de mettre en place les réformes nécessaires avant de poursuivre leur soutien. Le rapporteur spécial propose donc un amendement de suppression de cette ligne budgétaire.
IV. LE « FONDS VERT » : HISTOIRE D'UNE DISPARITION PROGRAMMÉE
Le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », dit le « fonds vert », est doté de 1 milliard d'euros en AE et de 1,143 milliard d'euros en CP, ce qui représente une baisse de 60 % en AE et une hausse de 1,7 % en CP par rapport à l'année précédente. L'amendement du Gouvernement déposé à l'Assemblée nationale prévoit toutefois de retrancher 216 millions d'euros en CP au programme, soit 20 % de ses crédits.
Le décret d'annulation de février 2024 avait déjà coupé 500 millions d'euros en AE et plus d'un tiers (38,2 %) des CP du fonds vert, sachant que les deux tiers des crédits restants ont été mis en réserve. Il n'est pas surprenant dans ces conditions que le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 annule en plus 400 millions d'euros en AE et 65 millions d'euros en CP sur le programme.
Exécution des crédits du fonds vert en 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Ces variations extrêmes sont particulièrement dommageables pour la conduite des politiques de transition écologique par les collectivités territoriales. Ce sont des investissements qui s'inscrivent dans le temps long, et qui nécessitent donc de la prévisibilité. La situation actuelle des finances publiques nécessite de réaliser des économies, et il n'est pas question de remettre en cause cette exigence, mais la progression du fonds vert aurait dû être davantage lissée les années précédentes, afin d'éviter le mouvement de « Stop and Go » auquel nous faisons face aujourd'hui.
Une question s'impose : quel est l'avenir du fonds vert ?
Une question s'impose alors : quel est l'avenir du fonds vert ? D'après les informations obtenues par le rapporteur spécial, des réflexions sont en cours pour fusionner le fonds vert avec la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Il serait alors rattaché à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », et les collectivités pourraient s'adresser à un guichet unique pour bénéficier de l'une de ces aides.
Le rapporteur spécial avait proposé la création d'un « fonds territorial climat », qui a été adopté de manière transpartisane par le Sénat en séance public lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement s'était engagé à le mettre en oeuvre. Dans le cadre de la fusion du fonds vert avec la DSIL et la DETR, la mise en oeuvre du fonds territorial climat pourrait être facilitée. Le rapporteur spécial sera vigilant sur ce point.
V. LES COMPENSATIONS DE L'ÉTAT AUX PRODUCTEURS D'ÉLECTRICITÉ RENOUVELABLE RETROUVENT LEUR NIVEAU D'AVANT CRISE
A. EN 2025, LE COÛT POUR L'ÉTAT DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE (CSPE) DEVRAIT REPRÉSENTER 6,7 MILLIARDS D'EUROS
D'après une délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en juillet 2024, le montant global des compensations de CSPE au titre de l'exercice 2025 représenterait 9,5 milliards d'euros, soit un retour à un niveau comparable aux années d'avant crise. Un effet de périmètre conduit à profondément affecter le montant de crédits inscrits sur le programme 345 « Service public de l'énergie ». En effet, l'article 7 du présent PLF prévoit de réformer le mode de financement du soutien aux zones non interconnectées (ZNI) pour en faire un dispositif de nature fiscale entrainant par voie de conséquence une diminution de 3 milliards d'euros des crédits inscrits. Dans ces conditions, le PLF prévoit 6,7 milliards d'euros de crédits sur le programme. À travers une série de mesures d'optimisation des compensations de charges de service public de l'énergie, le Gouvernement a par ailleurs annoncé vouloir réduire par amendement ce montant de 214 millions d'euros.
Durant la période de crise des prix de l'énergie, c'est-à-dire principalement au cours des années 2022 et 2023, le fonctionnement habituel des compensations de CSPE a été profondément bouleversé. En effet, en raison de l'augmentation très sensible et inédite des prix de l'électricité sur les marchés de gros, les mécanismes de soutien à la production d'électricité au moyen d'énergies renouvelables (EnR) sont devenus en pratique des dispositifs de prélèvement automatique de revenus exceptionnels qui auraient pu être perçus par les producteurs du fait de cette hausse des prix historique.
Évolution des charges de service public de
l'énergie relatives
au soutien à la production
électrique d'origine renouvelable en métropole
entre 2020 et
2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les délibérations de la CRE
À ce titre, à la fin de l'année 2022, au regard des prévisions d'évolution des prix de l'électricité sur les marchés de gros, la CRE estimait que l'État pourrait percevoir 30 milliards d'euros de recettes exceptionnelles prélevées sur les producteurs d'électricité renouvelable. Finalement, la baisse des prix de marchés beaucoup plus rapide qu'anticipé aura limité ces recettes exceptionnelles à 5,9 milliards d'euros (respectivement 1,9 et 4,0 milliards d'euros au titre des années 2022 et 2023). En 2024, les compensations pour charges de service public relatives à la production d'électricité renouvelable en métropole représenteront à nouveau un coût pour l'État, qui pourraient atteindre 2,5 milliards d'euros. En 2025, les évaluations de la CRE font état d'une prévision de 4,3 milliards d'euros de dépenses dont 2,9 milliards d'euros, soit les deux-tiers, pour la seule filière photovoltaïque.
Alors que la mise en oeuvre du nouveau mécanisme de soutien à la production d'hydrogène décarboné a pris énormément de retard, les crédits prévus à ce titre en 2025 sont manifestement beaucoup trop élevés et ne pourront être exécutés. Aussi, le rapporteur propose-t-il par amendement d'annuler les 25 millions d'euros de CP et 425 millions d'euros d'AE prévus dans le PLF en faveur de ce dispositif. Par ce même amendement, elle propose de réallouer 10 millions d'euros de CP et 300 millions d'euros d'AE au fonds chaleur (voir infra) ainsi que d'affecter 100 millions d'AE à une action 15 « Prévention du risque de retrait-gonflement des argiles » du programme 181 « Prévention des risques ».
B. EN 2025, LA « QUEUE DECOMÈTE » DES MESURES PRISES POUR AMORTIR LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE
Les mesures de soutien exceptionnel aux consommateurs d'électricité et de gaz visant à atténuer les effets de la crise des prix auront pesé à hauteur de 50 milliards d'euros sur les finances publiques dont 20 milliards d'euros pour le volet fiscal du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité1(*) et 30 milliards d'euros pour les dépenses budgétaires ayant résulté des autres dispositifs.
Coût pour les finances publiques des mesures
de soutien
aux consommateurs finals d'électricité et de gaz
mises en oeuvre
dans le cadre de la crise des prix de
l'énergie
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire
L'année 2025 doit marquer la fin des dernières mesures de soutien. En effet, la baisse sensible des prix observée sur les marchés de l'énergie ne justifie plus le maintien de ces dispositifs coûteux. Alors que la fiscalité de l'électricité allait mécaniquement remonter à son niveau d'avant crise, l'article 7 du présent PLF donne cependant la possibilité à l'exécutif de l'augmenter potentiellement à un niveau nettement plus élevé en 2025. La commission des finances du Sénat est opposée à cette augmentation estimée à 3,4 milliards d'euros, de la charge fiscale supportée par l'ensemble des consommateurs d'électricité. En dépit de la fin de l'ensemble des dispositifs de soutien, 337 millions d'euros de crédits résiduels sont encore prévus pour des régularisations et le financement ex post du second semestre 2024 des boucliers tarifaires relatifs aux logements collectifs.
VI. LE PROGRAMME 174 FAIT L'OBJET DE COUPES BUDGÉTAIRES
En 2025, une évolution de périmètre substantielle affecte le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » : le transfert du dispositif MaPrimRénov' vers le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires ».
Les crédits proposés en 2025 sur le programme s'élèvent à 2,4 milliards d'euros en AE et 2,1 milliards d'euros en CP, soit, à périmètre constant, des diminutions respectives de 38,5 % et 26,4 %. Comme précisé infra, ces réductions s'expliquent principalement par la baisse des crédits relatifs aux dispositifs d'aides à l'acquisition de véhicules propres ainsi que par le recul des dépenses prévisionnelles liées au chèque énergie résultant de la réforme de son mode d'attribution. Elles ont aussi pour origine la non reconduction de l'aide ciblée portant sur la consommation de carburants des actifs ayant besoin de leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail.
A. LA RÉFORME INÉVITABLE DES MODALITÉS D'ATTRIBUTION DU CHÈQUE ÉNERGIE VA ENTRAÎNER UNE DIMINUTION DU NOMBRE DE SES BÉNÉFICIAIRES
Comme l'avait souligné le rapporteur dans son rapport relatif à l'examen du projet de loi de finances pour 2024, la suppression de la taxe d'habitation (TH) sur les résidences principales imposait de revoir les modalités d'attribution du chèque énergie qui reposaient sur une base de données qui était tenue par la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans le cadre de l'établissement de cette imposition. Faute d'avoir été anticipée, cette situation a grandement perturbé la campagne 2024 du chèque énergie. Face à l'impossibilité d'actualiser la liste des bénéficiaires selon les modalités qui étaient appliquées jusqu'en 2023, le Gouvernement de l'époque avait décidé de reconduire à l'identique la liste des ménages qui étaient éligibles au titre de la campagne de l'année précédente, privant ainsi environ un million de ménages du bénéfice de la mesure. Face au tollé engendré par cette mesure, l'exécutif a dû faire machine arrière et concevoir en catastrophe une plateforme électronique permettant aux ménages éligibles de se manifester.
Pour tenir compte des conséquences induites par la suppression de la TH sur les résidences principales, l'article 60 du présent PLF prévoit une révision des modalités d'attribution du chèque énergie. Les critères d'éligibilité au dispositif seraient désormais appréciés à la maille du foyer fiscal à partir des données issues des déclarations d'impôt sur le revenu. Cependant, pour éviter que deux chèques soient envoyés pour les ménages qui vivent ensemble mais déclarent leurs revenus séparément, il est nécessaire de croiser ces données avec l'information relative à l'occupation d'un logement, elle-même appréciée à partir du numéro de point de livraison du compteur d'électricité qui serait transmis à l'Agence de services et de paiements (ASP) par les fournisseurs d'électricité. Du fait de cette révision, l'attribution et l'envoi du chèque énergie ne sera plus systématiquement automatique. Certains bénéficiaires devront effectuer la démarche volontaire de se manifester, sur une plateforme électronique ou par courrier, pour réclamer leur droit. De ce fait, en raison du phénomène inévitable de « non recours », certains foyers éligibles ne recevront pas de chèque et ne pourront pas bénéficier du dispositif.
Pour 2025, seuls 615 millions d'euros de CP sont prévus au titre du chèque énergie, soit une baisse de 180 millions d'euros. En revanche, les AE restent stables à 900 millions d'euros. Cela signifie que l'administration considère que tous les nouveaux bénéficiaires finiront par solliciter leur chèque. Cette hypothèse n'est pas réaliste. Il n'est cependant pas possible de diminuer l'enveloppe des AE au stade du PLF sans remettre indirectement en cause le montant du chèque énergie.
B. 1,2 MILLIARD D'EUROS D'ÉCONOMIES ESCOMPTÉES SUR LES DISPOSITIFS D'AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES
Les crédits proposés en 2025 par le PLF initial pour financer les aides à l'acquisition de véhicules propres ont été réduits à 970 millions d'euros, soit une baisse de 530 millions d'euros par rapport aux crédits prévisionnels prévus en LFI pour 2024 (1 500 millions d'euros), une diminution en réalité plus forte en raison de la surconsommation des crédits en 2024. Du fait du succès inespéré du leasing social et du dynamisme du bonus, les crédits exécutés en 2024 pourraient atteindre 1 846 millions d'euros. En partant de cette base de référence, la baisse des crédits proposés pour 2025 atteindrait 876 millions d'euros (- 47 %). En outre, le Gouvernement a annoncé vouloir réduire ces crédits de 300 millions d'euros supplémentaires. Cette diminution de crédits pourra être compensée par la mobilisation du dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE), sur le modèle des appels à projets visant à soutenir l'acquisition de véhicules lourds électriques qui étaient financés jusqu'en 2023 par des crédits budgétaires du programme 174. La pérennité de la prime à la conversion apparaît par ailleurs incertaine.
Aussi, au total, la réduction du montant de crédits prévus en 2025 au titre des aides à l'acquisition de véhicules propres par rapport aux dépenses exécutées en 2024 représenterait 1 176 millions d'euros (- 64 %).
Évolution des crédits (CP)
consacrés aux aides à l'acquisition
de véhicules
propres
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire du rapporteur
En 2024, année de son lancement, le dispositif de leasing social a rencontré un succès inespéré, bien au-delà des anticipations les plus optimistes. 50 000 commandes ont afflué dès les premiers jours de janvier et le dispositif a dû être aussitôt suspendu pour éviter un emballement insoutenable pour les finances publiques. Le coût pour l'État de chaque dossier représente 13 000 euros, soit, pour 2024, un montant total de 650 millions d'euros. Compte-tenu de la baisse des crédits prévue en 2025, le coût unitaire pour l'État de chaque commande devra nécessairement être fortement réduit et le dispositif davantage ciblé.
C. UN FONDS CHALEUR MANIFESTEMENT SOUS-DOTÉ
Le présent PLF prévoit de réduire de 820 à 540 millions d'euros les crédits du fonds chaleur, géré par l'Ademe. Cette diminution de crédits conduirait à une « année blanche », au sens où 2025 serait entièrement consacré au financement de projets déjà engagés, et qu'il serait impossible d'accepter de nouveaux projets. Le rapporteur propose ainsi un amendement prévoyant de prélever 10 millions d'euros de crédits de paiement (CP) et 300 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) sur l'action 18 « Soutien hydrogène » du programme 345 pour les affecter au fonds chaleur.
VII. LEVER LES OBSTACLES À LA FUSION DE L'ASN ET DE L'IRSN
La fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a été annoncée le 8 février 2023, et elle a été consacrée par la loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l'organisation de la gouvernance de sûreté nucléaire et de la radioprotection. La loi prévoit ainsi la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante (AAI), l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) au 1er janvier 2025, dont les crédits sont portés par un nouveau programme 235 « sûreté nucléaire et radioprotection »2(*) créé sur la mission.
Le programme 235 est doté pour 2025 de 360,5 millions d'euros en AE et de 365,2 millions d'euros en CP, et il a été construit à partir des budgets de l'ASN et de l'IRSN, en y incluant des mesures nouvelles visant à absorber les coûts conjoncturels de la mise en oeuvre de la réforme, ainsi qu'à renforcer les moyens de l'ASNR dans un contexte de relance du nucléaire et d'adaptation au changement climatique.
La date d'entrée en vigueur de la fusion entre l'ASN et l'IRSN fait l'objet de débats. Le directeur de l'IRSN en particulier, entendu en audition par le rapporteur spécial, a souligné que le processus de fusion était particulièrement complexe. L'une des difficultés est que l'ASN est un établissement public administratif (EPA), tandis que l'IRSN est un établissement public industriel et commercial (EPIC), ce qui signifie que les agents de l'ASN relèvent du droit public, tandis que ceux de l'Institut ont un statut de droit privé. Le logiciel de pilotage des dépenses de l'État, Chorus, n'est notamment pas adapté pour prendre en charge des agents de droit privé.
Comparaison entre les financements publics de
l'ASN et à l'IRSN en 2024
et les crédits ouverts en 2025 pour
l'ASNR
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Cependant, repousser la date de fusion de l'IRSN et de l'ASN n'est pas une option viable. Le processus est déjà largement engagé, et revenir sur la date choisie signifierait devoir refaire l'ensemble de la maquette budgétaire de la nouvelle autorité. En outre, le maintien des deux entités pendant plusieurs mois pourrait entraîner des surcoûts.
Il convient en revanche de s'assurer que l'ASNR dispose de l'ensemble des moyens nécessaires pour l'accomplissement de ses missions. Or, les informations transmises au rapporteur spécial indique qu'il manque 19,4 millions d'euros pour que le budget de la nouvelle autorité puisse être bouclé. Il est possible cependant que ce manque soit comblé dans le cas où l'ASNR ne serait pas entièrement assujettie à la TVA, et un rescrit fiscal à ce sujet est attendu pour fin novembre.
Réunie le 19 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par cinq amendements de crédits. Elle a proposé d'adopter l'article 60 tel que modifié par un amendement. Elle a proposé d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) ».
Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
Au 10 octobre 2024, date limite, en application de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 30 % des réponses portant sur la mission Écologie, développement et mobilités durables.
* 1 C'est-à-dire la minoration du tarif d'accise sur l'électricité.
* 2 Le numéro du programme « 235 » a été choisi en référence à l'isotope fissile uranium 235, qui est utilisé comme combustible primaire dans la plupart des réacteurs nucléaires.