D. LE NON-RESPECT DE LA LPFP DE DÉCEMBRE 2023

1. En 2024, l'objectif de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques fixé par la LPFP ne sera pas respecté
a) Le principal engagement du Gouvernement au titre de la LPFP : le solde structurel de l'ensemble des administrations publiques

Le principal engagement du Gouvernement au titre de la LPFP - car le seul faisant l'objet d'un contrôle du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) - porte sur le solde structurel28(*) de l'ensemble des administrations publiques, et non sur leur solde effectif (ou a fortiori sur le solde effectif des administrations de sécurité sociale, ou de l'ensemble Robss + FSV).

En effet, les LPFP sont une obligation du traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) du 2 mars 2012, mis en oeuvre par l'article 62 de la Lolf29(*) et reposant sur la notion de solde structurel.

b) En avril 2025, un avis du HCFP qui devrait constater un « écart important » dans le cas du solde structurel de 2024

Les dispositions organiques prévoient en particulier que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) rend un avis relatif au solde structurel des administrations publiques (APU) présenté dans le projet de loi de règlement du budget de l'État (PLR). Selon l'article 62 de la Lolf, si ce solde public structurel est supérieur de plus de 0,5 point de PIB potentiel30(*) à celui prévu par la LPFP (on parle alors d'« écart important »), le Gouvernement en « tient compte » (mais n'est pas tenu de corriger l'écart) au plus tard dans le prochain PLF ou PLFSS. Ces dispositions ne s'appliquent pas en cas de « circonstances exceptionnelles ».

À moins de l'adoption d'ici là d'une prochaine LPFP, il paraît certain que le HCFP constatera en avril 2025 un « écart important » dans le cas de l'exécution 202431(*). Le Gouvernement pourra le cas échéant s'appuyer sur cet avis pour décider de mesures supplémentaires, ou au contraire considérer que les mesures des lois de finances et LFSS pour 2025 suffisent.

2. Un PLFSS 2025 non conforme à la LPFP

L'annexe à la future LFSS comprend un IV indiquant les écarts par rapport à la LPFP de décembre 2023. Toutefois, le seul écart indiqué est celui relatif aux dépenses globales de la sécurité sociale ; l'annexe ne rappelle pas que l'Ondam a systématiquement été dépassé. Par ailleurs, la LPFP prévoyait de réaliser en 2025 six milliards d'euros d'économies sur l'ensemble des administrations de sécurité sociale, qui auraient dû pour tout ou partie réduire les dépenses de la sécurité sociale prévues par la LPFP.

a) Un PLFSS 2025 apparemment conforme à la LPFP pour les dépenses globales mais pas pour l'Ondam

Les objectifs de solde du présent PLFSS ne peuvent être appréciés que dans le cadre de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027.

Conformément à l'article 1B de la Lolf32(*), l'article 18 de la LPFP fixe, pour chaque année jusqu'en 2027 :

- le montant annuel en milliards d'euros des dépenses des Robss et du FSV ;

- le montant annuel en milliards d'euros de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).

Comme le montre le tableau ci-après, en 2024 les dépenses des Robss et du FSV d'une part, et l'Ondam d'autre part, seraient supérieurs aux montants de la LPFP (avec des dérapages de respectivement 1,6 milliard d'euros et 2,1 milliards d'euros).

Comparaison du présent PLFSS avec la LPFP 2023-2027

(en milliards d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

2028

Montant maximal de l'objectif de dépenses des Robss et du FSV 

LPFP

610,9

641,8

665,2

685,8

705,4

-

PLFSS 2025

610,7

643,4

661,5

681,4

701,6

722,4

Écart

- 0,2

1,6

- 3,7

- 4,4

- 3,8

-

Montant maximal de l'Ondam

LPFP

247,6

254,0

262,5

270,1

278,0

 -

PLFSS 2025

247,8

256,1

263,9

271,6*

279,4*

287,5*

Écart

0,2

2,1

1,4

1,5

1,4

 -

FSV : Fonds de solidarité vieillesse. LPFP : loi de programmation des finances publiques. Ondam : objectif national de dépenses d'assurance maladie. PLFSS : projet de loi de financement de la sécurité sociale. Robss : régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

* Application du taux de croissance de 2,9 % prévu par le PLFSS.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les sources indiquées

(1) Le dérapage des dépenses globales en 2024 serait plus que compensé par la suite, essentiellement grâce au décalage de la revalorisation des pensions

À partir de 2025, le dérapage des dépenses des Robss et du FSV serait plus que compensés, ces dépenses devenant inférieures d'environ 4 milliards d'euros chaque année au montant prévu par la LPFP.

Pour mémoire, l'impact sur les dépenses des Robss et du FSV du décalage au 1er juillet de la revalorisation des pensions est évalué par le Gouvernement à 4 milliards d'euros33(*).

(2) Le dérapage de l'Ondam en 2024 ne serait en revanche pas compensé par la suite

Le nouveau dérapage de l'Ondam constaté en 2025 ne serait en revanche pas compensé.

La diminution en 2025 du dérapage par rapport à la LPFP (qui passerait de 2,1 milliards d'euros à 1,4 milliard d'euros) proviendrait d'un changement de périmètre de 0,6 milliard d'euros (correspondant essentiellement à l'expérimentation de réforme du financement des Ehpad).

Elle se maintiendrait par la suite, du fait d'une hypothèse de croissance de l'Ondam inchangée (2,9 % par an de 2026 à 2028).

b) Des dépenses de la sécurité sociale en réalité supérieures de 2 milliards d'euros à ce qui aurait dû résulter de la LPFP

Toutefois l'article 18 de la LPFP de décembre 202334(*) indiquait de fait que la trajectoire de dépenses des Robss et du FSV devrait être revue à la baisse, du fait de mesures d'économie de 6 milliards d'euros en 2025, restant à documenter.

Certes, ces mesures devaient porter sur les administrations de sécurité sociale considérées dans leur ensemble. Toutefois tout ou partie aurait nécessairement concerné les Robss et le FSV.

Le rapport économique, social et financier (Resf) annexé au PLF 2025 mentionne, dans le cas des administrations de sécurité sociale, une seule mesure d'économie hors sécurité sociale : le 0,4 milliard d'euros d'économies devant résulter des négociations en cours sur l'assurance chômage.

Par rapport à la trajectoire prévue par la LPFP pour la sécurité sociale, ce sont donc 5,6 milliards d'euros d'économies qu'il faudrait réaliser. Or, comme indiqué supra, les dépenses ne seraient inférieures que de 3,7 milliards d'euros à celles prévues par la LPFP. Il manque donc près de 2 milliards d'euros de mesure d'économies.


* 28 Le solde structurel est le solde corrigé de la conjoncture. La notion est présentée plus précisément en annexe au présent rapport.

* 29 Jusqu'à la révision de la Lolf en 2022, par l'article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 30 Ou 0,25 point de PIB potentiel deux années consécutives.

* 31 Selon le HCFP : « Le solde structurel présenté par le Gouvernement s'élève à - 4,5 points de PIB en 2025, après - 5,7 points en 2024, soit un ajustement structurel de 1,2 point. L'écart entre le déficit structurel prévu et celui de la loi de programmation s'élèverait à 2,0 points de PIB en 2024 et 1,2 point de PIB en 2025. Ces écarts sont largement supérieurs à 0,5 point de PIB et laissent présager qu'ils seront importants au sens de la loi organique lors de l'examen par le Haut Conseil des projets de lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes des années afférentes. » (Avis relatif au PLF et au PLFSS pour 2025, 8 octobre 2024).

* 32 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 33 Le montant de 3 milliards d'euros, souvent cité, correspond à son impact sur le solde des Robss et du FSV (après prise en compte d'une moindre recette d'un milliard d'euros, correspondant à de moindres contributions d'équilibre de l'État).

* 34 « Des économies issues du dispositif de revue de dépenses instauré par l'article 167 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 et par l'article 22 de la présente loi représentent 6 milliards d'euros par an pour les années 2025 à 2027 et sont réparties entre les dépenses des administrations de sécurité sociale ».

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