B. UN DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LES NUISANCES LIÉES AU DÉMARCHAGE TÉLÉPHONIQUE QUI SOUFFRE DE MULTIPLES CARENCES
La lutte contre les nuisances téléphoniques pâtit tout d'abord d'un enchevêtrement des régimes juridiques et des voies de signalement. La coexistence de systèmes d'opt-in ou d'opt-out selon le type de prospection est notamment source de confusion pour un consommateur qui croit parfois à tort que l'inscription sur « Bloctel » vaut opposition à toutes les sollicitations non désirées. Par ailleurs, un enchevêtrement des canaux de signalement se superpose à cette dualité de régime : au-delà de « Bloctel » et du seul démarchage téléphonique, on peut citer le dispositif « 33 700 » de signalement des SMS, la plateforme « Signalconso », la plateforme associative de signalement des courriels indésirables « SignalSpam » ou encore le service « surmafacture » offert par les opérateurs téléphoniques.
Force est ensuite de constater que les récentes tentatives d'encadrement du démarchage téléphonique n'ont pas produit les effets escomptés. Le bilan de la loi du 24 juillet 2020 précitée est malheureusement très éloigné des espoirs que son adoption avait pu susciter. À cet égard, quatre observations peuvent être formulées :
· le dispositif « Bloctel » reste méconnu et sous-utilisé : si plus de six millions de consommateurs et de 12 millions de numéros de téléphone sont inscrits sont inscrits, cela représente seulement 9 % des Français et 10 % des lignes téléphoniques. Si l'on constate une baisse des signalements sur la période récente, cette évolution est difficile à analyser et est en tout point contraire aux perceptions des consommateurs ainsi qu'aux observations de terrain de la DGCCRF et de la CNIL. L'apparition d'un phénomène de lassitude des consommateurs n'est par ailleurs pas à exclure ;
Principales statistiques relatives à la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel » (octobre 2021 - novembre 2024)
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Entreprises adhérentes |
673 |
1 107 |
1 323 |
2 430 |
Particuliers inscrits |
3 722 373 |
4 842 632 |
5 514 158 |
6 237 328 |
Numéros renseignés |
8 049 373 |
9 981 928 |
11 160 206 |
12 384 823 |
Signalements |
368 000 |
293 000 |
243 000 |
171 136 |
Source : Données transmises par « Consoprotec »
· les infractions à la législation sur le démarchage téléphonique ne se sont pas taries : les services de la DGCCRF ont confirmé que de nombreux professionnels ne respectaient toujours pas la législation relative à la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel » ni, surtout, l'interdiction de démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique. De la même manière, la CNIL a indiqué être régulièrement sollicitée par des plaignants qui avaient pourtant exercé leur droit d'opposition à la prospection ou n'avaient pas donné leur consentement ;
Amendes administratives prononcées par
la DGCCRF en application
des articles L. 242-12, L. 242-14 et
L. 242-16 du code de la consommation
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
Nombre d'amendes prononcées |
76 |
111 |
138 |
158 |
198 |
Montant total (en M€) |
1,14 |
2,06 |
2,08 |
3,4 |
4,4 |
Sources : Données communiquées par la DGCCRF
· les difficultés à sanctionner ces infractions sont toujours aussi importantes : sur ce point, les services de la DGCCRF ont notamment fait état de difficultés à sanctionner les donneurs d'ordre établis à l'étranger ou à retracer l'origine de l'appel lorsque le numéro utilisé a été usurpé. Surtout, les volumes d'appels et de signalement sont sans commune mesure avec les moyens d'enquête, limités, de la DGCCRF. Ces éléments participent d'un constat largement partagé selon lequel la persistance des nuisances résulte moins d'éventuelles lacunes du cadre juridique que d'une masse de comportements « voyous » de la part d'acteurs se soustrayant délibérément à leurs obligations.