- L'ESSENTIEL
- EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
- 1. Le contexte : des tentatives d'encadrement
du démarchage téléphonique récurrentes mais
infructueuses
- a) Un encadrement juridique strict de la
communication à des fins de prospection commerciale
- (1) Un régime juridique du démarchage
téléphonique fondé sur le principe de l'opt-out
- (2) Des régimes juridiques distincts pour
les autres pratiques de démarchage commercial
- b) Une lutte contre les nuisances
téléphoniques incontestablement défaillante
- (1) Un enchevêtrement des régimes
juridiques et des voies de signalement qui nuit à la lisibilité
d'ensemble
- (2) Des tentatives d'encadrement qui n'ont pas
produit les effets escomptés
- (3) Des défaillances à l'origine
d'une exaspération légitime des consommateurs
- a) Un encadrement juridique strict de la
communication à des fins de prospection commerciale
- 2. L'article unique : un basculement du
régime de l'opt-out vers celui de l'opt-in
- 3. La position de la commission : une
transition vers l'opt-in qui ne doit pas être exclue, mais dont la mise
en oeuvre doit concilier la lutte contre les nuisances liées au
démarchage téléphonique avec la sauvegarde de
l'activité économique
- 1. Le contexte : des tentatives d'encadrement
du démarchage téléphonique récurrentes mais
infructueuses
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU
RÈGLEMENT DU SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 118
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 novembre 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à interdire le démarchage téléphonique,
Par Mme Olivia RICHARD,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, MM. Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, MM. Georges Naturel, Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Sénat : |
782 (2023-2024) et 119 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
en 2014 et 2020 se sont malheureusement soldées par autant d'échecs. Tirant les conséquences de l'épuisement de l'ensemble des autres options disponibles, la commission a considéré qu'une transition vers un régime d'opt-in ne devait plus nécessairement être exclue. Elle a en revanche relevé que les modalités de recueil du consentement envisagées n'étaient pas conformes aux critères édictés par le RGPD. L'équilibre proposé entre protection du consommateur et sauvegarde de l'emploi n'est en outre pas pleinement satisfaisant, avec un bénéfice pour les droits des consommateurs incertain. Dans la mesure où le nombre d'inscrits sur une liste de consentement serait probablement minime, le risque de destruction d'emplois engendrés par ce système apparaît particulièrement significatif au sein des entreprises respectueuses du cadre légal. Afin que le débat puisse se tenir en séance et sans remettre en cause l'esprit de la proposition de loi, la commission ne l'a donc pas adoptée à ce stade. |
I. UN RÉGIME D'OPPOSITION A POSTERIORI AU DÉMARCHAGE TÉLÉPHONIQUE QUI A INCONTESTABLEMENT TOUCHÉ SES LIMITES
A. UN ENCADREMENT EN APPARENCE STRICT DU DÉMARCHAGE TÉLÉPHONIQUE
Le démarchage téléphonique est défini par l'article L. 221-16 du code de la consommation comme la démarche d'un professionnel « qui contacte un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d'un bien ou sur la fourniture d'un service ». Cette activité fait l'objet d'un encadrement juridique rigoureux, initialement défini par la loi n° 2014-344, dite « Hamon », du 17 mars 2014 relative à la consommation puis renforcé par la loi n° 2020-901, dite « Naegelen », du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Sans préjudice de l'application des règles de protection des données à caractère personnel définies par le RGPD, les mesures législatives et règlementaires applicables en la matière peuvent être principalement classées en trois catégories :
· Les règles relatives aux personnes susceptibles d'être démarchées : le consommateur a la possibilité de s'inscrire gratuitement sur une liste d'opposition au démarchage téléphonique : « Bloctel ». Il est interdit aux professionnels d'appeler les numéros inscrits sur cette liste, sous réserve de quatre exceptions2(*). Le démarchage est en outre rigoureusement interdit dans deux secteurs déterminés : la rénovation énergétique et le compte personnel de formation. Les éventuels manquements sont passibles d'une amende administrative de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale, assortie d'une mesure de publicité ;
· Les règles relatives aux horaires et aux fréquences d'appel autorisés : les appels ne peuvent être émis que du lundi au vendredi, entre 10h et 13h ainsi qu'entre 14h et 20h. Il est interdit de recontacter un même consommateur plus de quatre fois par période de 30 jours. Si celui-ci a exprimé son opposition au démarchage au cours de la conversation, il ne peut être recontacté avant un délai de 60 jours ;
· Les règles relatives au contenu des appels : le démarcheur doit d'emblée indiquer son identité ainsi que la nature commerciale de l'appel. Il doit en outre informer le consommateur de la possibilité de s'inscrire sur « Bloctel ». Par ailleurs, l'usage d'un numéro masqué ou d'un numéro dont le préfixe débute par 06 ou 07 est prohibé.
Le démarchage téléphonique doit être distingué de la prospection électronique (par mail ou SMS-MMS) qui relève d'un régime juridique distinct. Contrairement au démarchage téléphonique, ces pratiques sont en effet soumises à un régime d'opt-in défini par l'article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques.
B. UN DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LES NUISANCES LIÉES AU DÉMARCHAGE TÉLÉPHONIQUE QUI SOUFFRE DE MULTIPLES CARENCES
La lutte contre les nuisances téléphoniques pâtit tout d'abord d'un enchevêtrement des régimes juridiques et des voies de signalement. La coexistence de systèmes d'opt-in ou d'opt-out selon le type de prospection est notamment source de confusion pour un consommateur qui croit parfois à tort que l'inscription sur « Bloctel » vaut opposition à toutes les sollicitations non désirées. Par ailleurs, un enchevêtrement des canaux de signalement se superpose à cette dualité de régime : au-delà de « Bloctel » et du seul démarchage téléphonique, on peut citer le dispositif « 33 700 » de signalement des SMS, la plateforme « Signalconso », la plateforme associative de signalement des courriels indésirables « SignalSpam » ou encore le service « surmafacture » offert par les opérateurs téléphoniques.
Force est ensuite de constater que les récentes tentatives d'encadrement du démarchage téléphonique n'ont pas produit les effets escomptés. Le bilan de la loi du 24 juillet 2020 précitée est malheureusement très éloigné des espoirs que son adoption avait pu susciter. À cet égard, quatre observations peuvent être formulées :
· le dispositif « Bloctel » reste méconnu et sous-utilisé : si plus de six millions de consommateurs et de 12 millions de numéros de téléphone sont inscrits sont inscrits, cela représente seulement 9 % des Français et 10 % des lignes téléphoniques. Si l'on constate une baisse des signalements sur la période récente, cette évolution est difficile à analyser et est en tout point contraire aux perceptions des consommateurs ainsi qu'aux observations de terrain de la DGCCRF et de la CNIL. L'apparition d'un phénomène de lassitude des consommateurs n'est par ailleurs pas à exclure ;
Principales statistiques relatives à la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel » (octobre 2021 - novembre 2024)
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Entreprises adhérentes |
673 |
1 107 |
1 323 |
2 430 |
Particuliers inscrits |
3 722 373 |
4 842 632 |
5 514 158 |
6 237 328 |
Numéros renseignés |
8 049 373 |
9 981 928 |
11 160 206 |
12 384 823 |
Signalements |
368 000 |
293 000 |
243 000 |
171 136 |
Source : Données transmises par « Consoprotec »
· les infractions à la législation sur le démarchage téléphonique ne se sont pas taries : les services de la DGCCRF ont confirmé que de nombreux professionnels ne respectaient toujours pas la législation relative à la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel » ni, surtout, l'interdiction de démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique. De la même manière, la CNIL a indiqué être régulièrement sollicitée par des plaignants qui avaient pourtant exercé leur droit d'opposition à la prospection ou n'avaient pas donné leur consentement ;
Amendes administratives prononcées par
la DGCCRF en application
des articles L. 242-12, L. 242-14 et
L. 242-16 du code de la consommation
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
Nombre d'amendes prononcées |
76 |
111 |
138 |
158 |
198 |
Montant total (en M€) |
1,14 |
2,06 |
2,08 |
3,4 |
4,4 |
Sources : Données communiquées par la DGCCRF
· les difficultés à sanctionner ces infractions sont toujours aussi importantes : sur ce point, les services de la DGCCRF ont notamment fait état de difficultés à sanctionner les donneurs d'ordre établis à l'étranger ou à retracer l'origine de l'appel lorsque le numéro utilisé a été usurpé. Surtout, les volumes d'appels et de signalement sont sans commune mesure avec les moyens d'enquête, limités, de la DGCCRF. Ces éléments participent d'un constat largement partagé selon lequel la persistance des nuisances résulte moins d'éventuelles lacunes du cadre juridique que d'une masse de comportements « voyous » de la part d'acteurs se soustrayant délibérément à leurs obligations.
II. UN BASCULEMENT VERS UN RÉGIME D'OPT-IN QUI NE DOIT PLUS ÊTRE EXCLU, MAIS DONT LA MISE EN oeUVRE DOIT CONCILIER PROTECTION DU CONSOMMATEUR ET SAUVEGARDE DE L'EMPLOI
Dans ce contexte, la proposition de loi de Pierre-Jean Verzelen propose un basculement du régime de l'opt-out vers celui de l'opt-in. Son article unique consacre ainsi l'interdiction par principe du démarchage téléphonique, sauf lorsque le consommateur s'est inscrit sur une liste de consentement au démarchage qui se substituerait dès lors à « Bloctel »3(*).
Lors de l'examen de la loi du 24 juillet 2020, la commission des lois avait entendu suivre une ligne de crête pour « rendre l'opt-out plus efficace sans déstabiliser le secteur du démarchage téléphonique »4(*). L'argument principal était économique, il s'agissait de préserver les emplois qu'un hypothétique basculement vers l'opt-in aurait pu mettre en péril. Si cette préoccupation reste majeure, la commission ne s'est néanmoins pas montrée fermée à une évolution de sa position. Compte tenu de l'échec de ce qui avait déjà été présenté au cours des débats de 2019 comme une tentative de la dernière chance, elle a ainsi considéré qu'une transition vers un système d'opt-in ne devait désormais plus être exclue. Il ne s'agit pas d'un ralliement à un système qui serait soudainement perçu comme plus efficace mais bien de prendre acte de l'épuisement de l'ensemble des autres options disponibles, et ce sans abandonner pour autant la préoccupation de sauvegarde de l'emploi.
Dans ce contexte, la commission des lois n'a pas remis en cause la proposition de basculement vers un système d'opt-in. Elle a en revanche relevé que les modalités pratiques de recueil du consentement envisagées présentaient des limites. Juridiquement, l'établissement d'une liste de consentement semble incompatible avec l'exigence de « spécificité » du consentement figurant au RGPD. Économiquement, les risques de destruction d'emplois liés à ce système paraissent particulièrement élevés. De fait, le nombre d'inscrits sur cette liste de consentement serait probablement minime. Pour rappel, la relation client représente entre 29 000 et 40 000 emplois pour les centres d'appels externalisés5(*) (pour le traitement de l'ensemble des « appels sortants » toutefois, ce qui va au-delà du démarchage téléphonique stricto sensu). La contribution du secteur de la relation client à l'activité économique de la France n'est donc pas négligeable. Si le basculement vers l'opt-in devait intervenir, la commission des lois a estimé que celui-ci devrait alors être mis en oeuvre de la façon la moins susceptible de porter atteinte aux emplois du secteur.
Afin que le débat puisse se tenir en séance et sans remettre en cause l'esprit de la proposition de loi, la commission, suivant l'avis de sa rapporteure, ne l'a en conséquence pas adoptée à ce stade
*
* *
Réunie le mercredi 6 novembre 2024, la commission n'a pas adopté la proposition de loi.
En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera sur le texte initial de la proposition de loi, lors de son examen en séance publique le 14 novembre 2024.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
Création d'un régime de consentement
préalable à la prospection commerciale
téléphonique
L'article unique de la proposition de loi interdit aux professionnels de démarcher téléphoniquement les consommateurs qui ne se seraient pas inscrits sur une liste de consentement dédiée. Cela reviendrait à basculer d'un régime historiquement construit autour du principe de l'opt-out, où il appartient à la personne démarchée d'indiquer a posteriori sa volonté de ne plus être sollicitée, vers un régime d'opt-in, fondé sur un consentement préalable du consommateur.
Si la commission n'a pas remis en cause l'esprit de la proposition de loi, elle a en revanche relevé que les modalités pratiques de recueil du consentement envisagées présentaient d'importantes limites juridiques et économiques. Suivant l'avis de sa rapporteure, elle n'a en conséquence pas adopté l'article unique, qui sera débattu en séance.
1. Le contexte : des tentatives d'encadrement du démarchage téléphonique récurrentes mais infructueuses
a) Un encadrement juridique strict de la communication à des fins de prospection commerciale
(1) Un régime juridique du démarchage téléphonique fondé sur le principe de l'opt-out
Le démarchage téléphonique est défini par l'article L. 221-16 du code de la consommation comme la démarche d'un professionnel « qui contacte un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d'un bien ou sur la fourniture d'un service ». Cette activité fait l'objet d'un encadrement juridique rigoureux, initialement défini par la loi n° 2014-344, dite « Hamon », du 17 mars 2014 relative à la consommation puis renforcé par la loi n° 2020-901, dite « Naegelen », du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Les règles applicables en la matière peuvent être principalement classées en trois catégories.
La première regroupe les règles relatives aux personnes susceptibles d'être démarchées. La France a construit son régime autour du principe de l'opt-out, où il appartient à la personne démarchée d'indiquer a posteriori sa volonté de ne plus être sollicitée, par opposition à celui de l'opt-in, où le consentement préalable du consommateur est exigé. Contrairement à la prospection électronique qui fait l'objet d'une règlementation européenne (voir ci-dessous), les États membres sont en effet libres d'adopter l'un ou l'autre des régimes s'agissant du démarchage téléphonique.
Le démarchage téléphonique demeure néanmoins soumis aux règles définies par le règlement général sur la protection des données (RPGD)6(*), et ce s'agissant notamment :
- du respect des obligations d'information du consommateur : en application de l'article 13 du RGPD, le consommateur doit être informé de l'utilisation à des fins de prospection commerciale de ses données à caractère personnel (en l'espèce son numéro de téléphone), et ce au moment où celles-ci sont collectées. Cette obligation s'applique également lorsque l'organisme collecteur souhaite transmettre les données recueillies à des partenaires pour les mêmes finalités. Le consommateur doit également être mis en mesure de s'opposer à leur traitement ou à leur transmission. Comme l'a rappelé la CNIL au cours de son audition, ce procédé d'opposition doit être simple et gratuit et peut, en pratique, revêtir la forme d'une case à cocher ;
- de la garantie du droit d'opposition du consommateur : en application de l'article 21 du RGPD, le consommateur est libre de faire usage à tout moment de son droit d'opposition. Le droit d'opposition étant absolu en matière de prospection commerciale, le consommateur peut en faire usage sans motif.
L'accès aux numéros de
téléphone des consommateurs
à des fins de
démarchage téléphonique
Contrairement à une croyance répandue chez les consommateurs, les professionnels disposent de plusieurs voies d'accès légales à leurs coordonnées téléphoniques. Comme le mentionnent les éléments communiqués à la rapporteure par la CNIL et des représentants des centres de contact, ces données peuvent être recueillies par l'intermédiaire d'au moins cinq canaux :
· L'utilisation des numéros figurant dans les annuaires publics : aux termes de l'article L. 34 du code des postes et des communications électroniques, les opérateurs sont tenus de communiquer les numéros de leurs clients aux éditeurs d'annuaires, qui sont libres de les publier. Les numéros fixes sont inscrits par défaut sur les listes concernées et il appartient au consommateur de faire la démarche de s'inscrire sur la liste rouge. L'inscription des numéros mobiles est en revanche conditionnée au consentement préalable du consommateur ;
· La collecte directe, dans le cadre des activités commerciales du professionnel, des coordonnées de ses clients et prospects : le consommateur doit uniquement être informé de l'utilisation à des fins de prospection commerciale téléphonique et mis en mesure de s'y opposer de manière simple et gratuite ;
· La transmission des fichiers clients et prospects à des partenaires commerciaux : celle-ci peut être effectuée à titre onéreux ou non. De la même manière que précédemment, les consommateurs doivent être informés de la transmission et mis en mesure de s'y opposer7(*) ;
· Le recours à des courtiers de données : l'activité de ces professionnels de la donnée, qui ne sont pas en contact direct avec le consommateur, consiste à agréger des données à caractère personnel d'origines multiples à des fins de revente. Le syndicat professionnel des centres de contact (SP2C) opère quant à lui une distinction entre trois catégories de courtiers.
Les « databrokers » fournissent des bases de données à leurs clients donneurs d'ordre, recueillies par l'intermédiaire d'un procédé classique de case à cocher sur internet.
Les « générateurs de lead » recueillent quant à eux les coordonnées de consommateurs ayant fait preuve d'un intérêt pour un produit ou un service, voire d'une intention d'achat, afin de les revendre au donneur d'ordre. Cette pratique est présentée comme plus vertueuse par les professionnels dans la mesure où c'est le consommateur qui serait à l'initiative du contact.
Enfin, les « web brokers » sont, contrairement aux cas précédents, non seulement responsables de la collecte des données mais également des opérations de vente. Le système repose sur une commission à la vente de la part des professionnels commanditaires, qui ne sont pas récipiendaires des données et n'ont aucun lien avec les structures d'appels. Les professionnels du secteur y voient un conflit d'intérêts important pour les « web brokers », dont l'intérêt serait de démarcher plusieurs fois le même consommateur.
De manière générale, le développement de cette activité appelle à la plus grande vigilance. Comme l'a indiqué la DGCCRF au cours de son audition, il n'est pas rare que ces sociétés pourvoyeuses de données en masse s'affranchissent des obligations qui leur incombent. La DGCCRF a par exemple cité le cas de jeux concours ou de simulateurs en ligne dont le seul objectif est en réalité la captation de données à des fins lucratives.
· La réutilisation de données librement accessibles sur internet : ces données publiquement disponibles peuvent notamment être collectées par des logiciels d'extraction (« webscrapping »). Leur réutilisation est soumise au respect des règles du RPGD et, le cas échéant, du code des postes et de la communication électronique8(*).
En droit national, le régime juridique de l'opposition au démarchage téléphonique est fixé par les articles L. 223-1 et suivants du code de la consommation9(*). Ceux-ci prévoient la possibilité pour le consommateur de s'inscrire gratuitement sur une liste d'opposition au démarchage téléphonique : « Bloctel ». Il est interdit aux professionnels d'appeler à des fins de démarchage les personnes inscrites sur cette liste, sous réserve de quatre exceptions10(*) :
- pour les « sollicitations intervenant dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours et ayant un rapport avec l'objet de ce contrat » (ci-après « exception client ») : le champ de cette exception a été réduit par la loi du 24 juillet 2020 précitée. Avant son entrée en vigueur, cette dérogation s'appliquait aux cas de « relations contractuelles préexistantes », ce que les professionnels interprétaient, contrairement à l'administration, comme « permettant le démarchage de tout consommateur avec qui un contrat a préalablement été conclu, que ce contrat soit ou non toujours en cours »11(*). La loi du 24 juillet 2020 précitée a tranché ce débat, d'une part, en limitant le champ de cette exception aux contrats en cours et, d'autre part, en précisant le périmètre des sollicitations possibles12(*) ;
- pour les prospections en vue de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines13(*) ;
- lorsque le démarchage est le fait d'organismes à but non lucratif ou d'instituts de sondage : ces derniers ne relèvent pas du régime d'opposition au démarchage téléphonique, qui ne régit que le démarchage commercial stricto sensu. Aux termes du II de l'article 3 de la loi du 24 juillet 2020 précitée, les instituts d'études et de sondage doivent en revanche respecter les règles déontologiques élaborées par les professionnels du secteur. La charte professionnelle adoptée en conséquence limite ainsi les jours et les horaires des appels, ainsi que leur fréquence14(*) ;
- lorsque le consommateur a « communiqué de manière libre et non univoque son numéro afin d'être rappelé » : cette situation fait l'objet d'une tolérance administrative de la part des services de la DGCCRF, formalisée respectivement au 4.1.1 et au 9. des « FAQ Bloctel » destinées aux professionnels et aux consommateurs. Cette dérogation s'applique sous réserve du respect de quatre conditions, tenant notamment à l'information préalable du consommateur, à l'objet du démarchage ainsi qu'au délai de rappel15(*).
Principales caractéristiques de la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel »16(*)
La liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel » a été créée par l'article 9 de la loi dite « Hamon » du 17 mars 2014 précitée. Ce service gratuit a été déployé deux ans plus tard, au 1er juin 2016. En application de l'article L. 224-27-1 du code de la consommation, les opérateurs téléphoniques ont l'obligation d'informer les consommateurs de l'existence de cette liste préalablement à la conclusion d'un contrat.
Concrètement, les consommateurs peuvent inscrire sur la liste d'opposition les numéros fixes comme mobiles dont ils sont personnellement titulaires17(*), et ce dans la limite de 10 numéros par souscripteur. Ces numéros sont inscrits sur la liste pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction depuis une modification introduite par la loi dite « Naegelen » du 24 juillet 2020. Une notification est adressée au consommateur trois mois avant cette échéance afin de lui rappeler la possibilité de se désinscrire.
L'espace personnel du consommateur sur le site internet de « Bloctel » lui permet de signaler les démarchages abusifs, dont le traitement est assuré par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). L'opposition au démarchage formalisée par l'inscription sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel » limite, en théorie, exclusivement la prospection commerciale effectuée par voie téléphonique et par l'intermédiaire d'une personne physique. Dès lors, les signalements portant sur d'autres sollicitations indésirables ou frauduleuses ne peuvent être transmis par l'intermédiaire de l'espace personnel « Bloctel ».
Au 1er novembre 2024, 6 236 927 consommateurs sont inscrits sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel » (pour un total de 12 383 915 numéros inscrits) et 2 431 professionnels adhérents.
En pratique, il appartient aux professionnels de saisir l'organisme en charge de la gestion de « Bloctel », en l'espèce la société « Consoprotec », afin d'expurger leurs fichiers de prospection commerciale des numéros de téléphone figurant sur la liste d'opposition. Cette démarche doit être réalisée mensuellement pour les professionnels qui exercent à titre habituel une activité de démarchage téléphonique ou avant toute campagne de démarchage pour les autres professionnels.
Le démarchage téléphonique est en outre rigoureusement interdit dans deux secteurs particuliers, et ce sans considération de l'inscription ou non au dispositif « Bloctel ». Il s'agit des secteurs de la rénovation énergétique, sous réserve de « l'exception client », ainsi que du compte personnel de formation18(*). Les appels dont le consommateur est à l'initiative sont toutefois admis par la jurisprudence en matière de rénovation énergétique. En effet, le Conseil d'État a récemment considéré que les pratiques visant « uniquement à contacter par téléphone, dans un court délai fixé à 48 heures, des consommateurs lui ayant préalablement explicitement demandé de le faire, en communiquant volontairement leurs coordonnées téléphoniques, dans le but précis de répondre à une demande d'information concernant un projet photovoltaïque » ne relevait pas de la prospection commerciale téléphonique19(*).
Le démarcheur téléphonique ayant tiré profit de sollicitations commerciales opérées en violation des règles exposées ci-dessus est présumé responsable de ces manquements. Le cas échéant, il s'expose à d'importantes sanctions, qui peuvent être de nature :
- administratives : en application de l'article L. 242-16 du code de la consommation, tout manquement aux règles relatives à l'opposition au démarchage téléphonique est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale20(*). Le législateur a par ailleurs retenu une logique de « name and shame » où lesdites amendes font par défaut l'objet d'une mesure de publicité, aux frais de la personne sanctionnée21(*) ;
- contractuelles : le cas échéant, le contrat conclu est nul.
La deuxième catégorie de règles applicables au démarchage téléphonique concerne les horaires et les fréquences autorisées pour l'émission d'appels de prospection commerciale. Celles-ci ont été tardivement précisées par le décret d'application n° 2022-1313 du 13 octobre 2022 de la loi du 24 juillet 2020 précitée et figurent désormais à l'article D. 223-9 du code de la consommation. S'agissant des horaires, les appels concernés ne peuvent être émis que du lundi au vendredi, et entre 10h et 13h ainsi qu'entre 14h et 20h. Un professionnel peut toutefois déroger à ces périodes et horaires lorsqu'il « a obtenu le consentement exprès et préalable du consommateur et qu'il peut l'établir ».
Pour ce qui est des fréquences d'appel, il est interdit de recontacter un même consommateur plus de quatre fois par période de 30 jours. Si le consommateur a exprimé son opposition au démarchage au cours de la conversation, il ne peut être recontacté avant pendant un délai de 60 jours. Comme l'a souligné la CNIL au cours de son audition, ce dernier point semble néanmoins peu compatible avec le droit d'opposition garanti par la RGPD, qui n'est pas limité dans le temps22(*).
La troisième catégorie de règles concerne l'encadrement du contenu des appels. Sur ce point, le démarchage téléphonique est soumis aux règles européennes générales de protection du consommateur figurant dans la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 et retranscrites à l'article L. 221-16 du code de la consommation. Celles-ci imposent au démarcheur d'indiquer « au début de la conversation, de manière claire, précise et compréhensible, son identité, le cas échéant l'identité de la personne pour le compte de laquelle il effectue cet appel et la nature commerciale de celui-ci ». Depuis la loi du 24 juillet 2020 précitée, le professionnel doit également informer le consommateur de la possibilité de s'inscrire sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel ». Par ailleurs, l'utilisation d'un numéro masqué est strictement prohibée23(*), de même que celle d'un numéro dont le préfixe débute par 06 ou 0724(*).
Le manquement aux obligations d'information du consommateur ou le recours à un numéro masqué est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale25(*).
(2) Des régimes juridiques distincts pour les autres pratiques de démarchage commercial
Le démarchage téléphonique doit être distingué d'autres pratiques en apparence connexes et de fait souvent associées dans l'esprit du consommateur, en raison de la similarité des nuisances qu'elles engendrent.
La première de ces pratiques est la prospection électronique qui diffère du démarchage téléphonique car, d'une part, les vecteurs de communication utilisés sont distincts (les courriels, les SMS ou les appels émis de manière automatisée26(*)) et, d'autre part, elle est soumise à un régime juridique propre. La prospection électronique relève en effet des règles fixées par l'article 13 de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 (ci-après « directive e-privacy »), telles que transposées à l'article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques. Contrairement au démarchage téléphonique, le régime juridique de la prospection électronique repose sur un système d'opt-in : la prospection électronique est interdite à l'égard des consommateurs n'ayant pas préalablement donné leur consentement pour être démarchés par ce moyen27(*). Pour être valide, ledit consentement doit correspondre à la définition du 11 de l'article 4 du RGPD, soit une « manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement ». Les modalités pratiques de recueil de ce consentement sont également fixées par le RGPD28(*). La CNIL recommande que ce recueil s'effectue par l'intermédiaire d'une case à cocher, étant entendu que les cases pré-cochées sont prohibées, que ladite case doit différer de celle relative à l'acceptation des conditions générales de vente et, le cas échéant, que le refus du consommateur de la cocher ne saurait l'exposer à des conséquences négatives d'une quelconque nature.
La seconde catégorie de ces pratiques en apparence connexes est celle des pratiques frauduleuses et par définition illégales. De manière générale, les fraudeurs cherchent à inciter les consommateurs à appeler ou rappeler un numéro de service à valeur ajoutée (SVA)29(*) à tarification surtaxée. Les éléments transmis par l'ARCEP permettent de classer ces pratiques en plusieurs catégories :
- les « ping-call » : les escrocs laissent volontairement des traces d'appel en absence, afin que la victime rappelle le numéro entrant (en général à tarification surtaxée). L'ARCEP a néanmoins fait état d'un fort recul de cette pratique depuis qu'elle a interdit la présentation de préfixes de numéros à tarification fortement majorée comme identifiants d'appelant ;
- les numéros surtaxés dissimulés : l'escroquerie prend la forme d'un SMS d'apparence légitime (banque, service de livraison, convocation policière) mais à la tonalité alarmante et incitant le consommateur à rappeler un SVA à tarification surtaxée ;
- le « phishing » par SMS ou par courriel : si la forme initiale prise par l'escroquerie est la même que dans les situations précédentes, la finalité diffère. Le consommateur est incité à cliquer sur un lien menant vers un faux site internet imitant un service réel afin d'extorquer ses données ou de le faire procéder à un paiement indu. Sur ce point, l'article 24 de la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique a autorisé la création d'un « filtre de cybersécurité grand public » permettant, dans certains cas, le signalement voire, à l'issue d'une procédure contradictoire, la neutralisation du lien malveillant avant que le consommateur n'accède à son contenu30(*). La mise en place de ce dispositif a toutefois fait l'objet de nombreux reports et, à la connaissance de la rapporteure, aucune date prévisionnelle de lancement n'est aujourd'hui fixée ;
- le « phishing » vocal : au cours d'un appel, l'escroc va se faire passer pour un interlocuteur légitime (par exemple un conseiller bancaire) afin notamment d'inciter le consommateur à valider une opération bancaire. Les victimes sont d'autant plus induites en erreur que l'escroc usurpe le plus souvent le numéro d'appelant de leur interlocuteur habituel (on parle alors de « spoofing »). Sur ce point, l'article 10 de la loi dite « Naegelen » du 24 juillet 2020 a imposé aux opérateurs la mise en place d'un mécanisme d'authentification des numéros (MAN) par rapport au plan national de numérotation, dont la mise en oeuvre est placée sous le contrôle de l'ARCEP. Concrètement, le dispositif doit permettre de garantir l'authenticité du numéro utilisé comme identifiant d'appelant. Dans le cas contraire, l'opérateur est tenu d'interrompre l'acheminement de l'appel. Si ce mécanisme devait entrer en vigueur au 25 juillet 2023, il n'a été déployé par les opérateurs qu'au 1er octobre 2024 et pour les seules lignes fixes. Selon l'ARCEP et la Fédération française des télécoms, son extension aux communications mobiles devrait intervenir sous « quelques mois ».
Sur un plan pénal, ces pratiques peuvent notamment être qualifiées d'escroquerie, punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende, ou de tromperie en matière commerciale, punie de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende31(*).
Plusieurs obligations ont été imposées aux opérateurs téléphoniques afin de protéger le consommateur contre ces pratiques. En application de l'article L. 224-51 du code de la consommation, ils doivent notamment proposer aux consommateurs « un dispositif leur permettant de signaler, par messages textuels, les appels et messages textuels non sollicités émis par des professionnels et le numéro de téléphone de leurs émetteurs ». Le plus connu d'entre eux est le numéro « 33 700 », qui est géré par l'Association Française pour le développement des services et usages Multimédias Multi-opérateurs (AF2M) et dont les signalements sont transmis aux opérateurs. Peuvent également être citées les obligations de proposer au consommateur une option gratuite de blocage des communications vers des numéros surtaxés déterminés ainsi que de mettre en place des « annuaires inversés » des SVA permettant aux consommateurs d'identifier l'origine d'un appel suspect32(*). Le site interne « surmafacture » est le plus connu de ces dispositifs. Enfin, l'article 10 de la loi du 24 juillet 2020 précitée a renforcé les outils à disposition des opérateurs dans leurs relations avec les éditeurs de SVA (possibilité de suspension de l'accès aux numéros voire de résiliation du contrat). Selon les données transmises par la DGCCRF, une diminution de 12 % des signalements a été observée entre 2021 et 2023 en la matière.
b) Une lutte contre les nuisances téléphoniques incontestablement défaillante
(1) Un enchevêtrement des régimes juridiques et des voies de signalement qui nuit à la lisibilité d'ensemble
La commission a regretté le défaut de lisibilité résultant de la coexistence d'un système d'opt-in pour le démarchage électronique avec un mécanisme d'opt-out pour la prospection téléphonique et par courrier. Comme l'ont confirmé les associations de défense des consommateurs au cours de leur audition, cette dualité est à l'origine d'une importante confusion chez un consommateur rarement au fait des subtilités juridiques distinguant les différentes catégories de prospections. Concrètement, celui-ci doit tantôt s'abstenir de cocher une case pour ne pas consentir au traitement de ces données, tantôt veiller à cocher une autre case d'apparence similaire ou à s'inscrire sur Bloctel afin de faire opposition au traitement ou à la transmission de ces mêmes données...
Un enchevêtrement des canaux de signalement se superpose en outre à cette dualité de régime. S'agissant du seul démarchage téléphonique, la DGCCRF est chargée du contrôle du respect du régime d'encadrement du démarchage téléphonique figurant au code de la consommation tandis que c'est la CNIL qui traite des éventuelles infractions au droit à la protection des données à caractère personnel. En pratique, le consommateur peut adresser son signalement à « Bloctel » lorsqu'il est inscrit sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique ou à la CNIL dans le cas contraire.
Ce constat de relative illisibilité s'étend au-delà du seul démarchage téléphonique, puisqu'un canal de signalement dédié existe pour pratiquement toutes les pratiques de prospection commerciale ou frauduleuses. Peuvent ainsi être cités le dispositif « 33 700 » de signalement des SMS non sollicités, la plateforme « Signalconso » pilotée par la DGCCRF qui permet au consommateur d'effectuer un signalement en cas de problème rencontré avec un professionnel (y compris en cas de démarchage téléphonique abusif), la plateforme associative de signalement des courriels indésirables « SignalSpam » avec laquelle collabore la CNIL ou encore le service « surmafacture » offert par les opérateurs téléphoniques afin d'assurer la traçabilité des numéros SVA. Il convient par ailleurs de préciser que la mobilisation de ces canaux ne fait pas obstacle à la possibilité pour le consommateur de saisir directement la CNIL sur le fondement du droit à la protection des données à caractère personnel ou de porter plainte lorsque les faits en question sont susceptibles de revêtir une qualification pénale.
Ce panorama doit par ailleurs encore être complété par les services de filtrage offerts par certains opérateurs pour lutter contre le démarchage abusif ou les pratiques frauduleuses. Peuvent par exemple être citées les applications « Orange cybersecure » ou « Blocage des appels surtaxés » pour l'opérateur SFR.
En l'absence de centralisation de l'information, cette pluralité d'acteurs tend paradoxalement à complexifier l'exercice de ses droits par un consommateur qui a instinctivement tendance à ranger l'ensemble des pratiques décrites ci-dessus dans une même catégorie. Comme l'ont confirmé les auditions de la rapporteure, la croyance selon laquelle une inscription sur « Bloctel » vaudrait opposition à l'ensemble des sollicitations non désirées est encore trop largement répandue. La cartouche explicative affichée sur site internet de « Bloctel » retranscrit bien cette profusion de voies de signalement potentiellement pénalisante pour le consommateur.
Cartouche explicatif affiché sur le site de « Bloctel »
Source : site internet de « Bloctel »
Si la commission admet qu'un rapprochement entre ces différents canaux de signalement pourrait mobiliser d'importantes ressources pour un gain potentiel incertain, elle invite néanmoins a minima à fortement renforcer l'information du consommateur sur l'articulation des différentes voies de signalement à sa disposition et à exploiter au maximum les synergies entre les différents dispositifs.
(2) Des tentatives d'encadrement qui n'ont pas produit les effets escomptés
Le bilan de la loi du 24 juillet 2020 précitée est malheureusement très éloigné des espoirs que son adoption avait pu susciter. De l'aveu général, les nuisances liées au démarchage téléphonique n'ont en rien diminué depuis 2020. La DGCCRF a ainsi estimé au cours de son audition que « le dispositif actuellement en vigueur pour lutter contre le démarchage téléphonique intempestif et abusif [n'avait] pas permis, à ce stade, de mettre un terme à ces pratiques intrusives, y compris pour les Français qui ont inscrit leur numéro de téléphone sur Bloctel ». Quatre observations permettent en particulier d'étayer ce constat général d'échec.
Premièrement, la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel » demeure méconnue et sous-utilisée. Le nombre de 6 237 328 consommateurs inscrits au 2 novembre 2024 (pour 12 384 823 numéros de téléphones inscrits)33(*) peut paraître impressionnant au premier abord, et ce d'autant plus qu'il a augmenté de 66 % depuis la reprise de la concession par la société « Consoprotec ». Pour autant, il doit être mis en rapport avec les 83,3 millions de lignes mobiles et les 36,6 millions de lignes fixes recensées en France. Selon les estimations de « Consoprotec », seuls 9 % des Français et 10 % des lignes téléphoniques sont inscrits sur les listes d'opposition « Bloctel »34(*). À cet égard, la commission ne peut que regretter le sous-dimensionnement des campagnes d'information sur le service « Bloctel ».
Depuis janvier 2022, les professionnels ont confronté plus de 330 milliards de numéros au fichier « Bloctel », ce qui a conduit au retrait de 24,5 milliards de numéros de leurs fichiers. Là encore les chiffres en valeur absolue doivent être relativisés. D'une part, seul un numéro sur 13 est retiré. D'autre part, ces volumes doivent être analysés à l'aune du volume modeste de professionnels adhérents au dispositif et du nombre parfois massif de numéros qu'un unique professionnel est parfois amené à transmettre. Si le nombre d'entreprises adhérentes a connu une forte augmentation à la suite de l'adoption de la loi du 24 juillet 2020 précitée, les données disponibles ne permettent toutefois pas d'évaluer la proportion des entreprises procédant habituellement ou ponctuellement à du démarchage qui y sont effectivement inscrites. Par ailleurs, le président de « Consoprotec » a signalé au cours de son audition qu'une part non négligeable d'entreprises adhérentes n'avait jamais confronté de numéro à la liste tenue par le service.
Principales statistiques relatives à la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel » (octobre 2021 - 2024)
2021* |
2022 |
2023 |
2024** |
|
Entreprises adhérentes |
673 |
1 107 |
1 323 |
2 430 |
Particuliers inscrits |
3 722 373 |
4 842 632 |
5 514 158 |
6 237 328 |
Numéros renseignés |
8 049 373 |
9 981 928 |
11 160 206 |
12 384 823 |
Source : Données transmises par « Consoprotec »
* À compter de la reprise de la concession par « Consoprotec » au 21 octobre 2021
** : au 2 novembre 2024
S'agissant des signalements, 712 000 ont été transmis sur l'année 2019, contre 368 000 en 2021 et 249 000 en 2023. L'analyse de cette décroissance est toutefois délicate. L'interprétation naturelle qui serait d'en déduire un meilleur respect de leurs obligations par les professionnels semble contredite par les observations de terrain de la DGCCRF et de la CNIL (voir ci-dessous). L'explication selon laquelle elle résulterait de la lassitude des consommateurs n'est pas non plus entièrement convaincante, dès lors que le nombre de particuliers inscrits augmente tendanciellement. Un facteur intéressant pourrait néanmoins être la modification du canal de transmission des signalements relatifs à la transition énergétique, qui est désormais « Signalconso ». Cela est d'autant plus significatif que le secteur de l'énergie est de manière constante le premier pourvoyeur de réclamations (16 % en 2024). De manière générale, la commission partage donc le constat de la DGCCRF selon lequel cette décroissance « ne veut pas dire que les Français se sentent moins dérangés, bien au contraire ».
Réclamations effectuées mensuellement sur « Bloctel »
Source : données communiquées par « Consoprotec »
Deuxièmement, les infractions à la législation sur le démarchage téléphonique ne se sont pas taries. Si la commission reconnaît que certains acteurs « vertueux » se sont effectivement conformés aux nouvelles obligations, il n'en demeure pas moins que de nombreux autres s'en exonèrent encore aujourd'hui. À cet égard, le constat établi il y a quatre ans par André Reichardt selon lequel « de nombreuses entreprises ne respecteraient par leur obligation règlementaire de mise en conformité de leur fichier » est toujours d'actualité.
Les services de la DGCCRF ont ainsi confirmé à la Rapporteure que de nombreux professionnels ne respectaient toujours ni la législation relative à la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel » ni, surtout, l'interdiction de démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique. Près de 60 % des 5 300 établissements contrôlés en 2023 par les services de la DGCCRF se trouvaient ainsi en infraction vis-à-vis de la législation relative au démarchage téléphonique. De la même manière, la CNIL a indiqué être régulièrement sollicitée par des plaignants qui avaient pourtant exercé leur droit d'opposition à la prospection ou n'avaient pas donné leur consentement. La stabilité du nombre de plaintes adressées à la CNIL en lien avec la prospection commerciale téléphonique confirme malheureusement ce constat d'échec (voir tableau ci-dessous). Cela est d'autant plus préoccupant que cet indicateur n'est que peu représentatif de l'ampleur du phénomène, dès lors que le consommateur est le plus souvent incapable d'identifier la société responsale du démarchage abusif. En conséquence, seules les plaintes recevables que la CNIL est en état d'instruire sont comptabilisées depuis 2024.
Sollicitations et plaintes adressées
à la CNIL en lien avec
la prospection commerciale
téléphonique
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
Sollicitations écrites |
- |
- |
- |
- |
- |
614 |
322 |
296 |
248 |
Plaintes déposées |
511 |
294 |
180 |
253 |
- |
984 |
946 |
821 |
878 |
Source : Données communiquées par la CNIL ; * Données partielles
Troisièmement, les difficultés à sanctionner ces infractions sont toujours aussi importantes. Sur ce point, les services de la DGCCRF ont notamment fait état de difficultés à sanctionner les donneurs d'ordre établis à l'étranger. Alors que ces derniers utilisent des numéros français, ce qui est prohibé par le plan national de numérotation, l'absence de base légale autorisant explicitement la transmission de cette information à l'ARCEP limite drastiquement les possibilités d'investigation. L'usurpation de numéros peut également empêcher de remonter jusqu'au contrevenant. Surtout, les volumes d'appels et de signalements sont sans commune mesure avec les moyens d'enquête, limités, de la DGCCRF. Celle-ci a néanmoins réalisé 8 000 contrôles en 2023 et 2024 (jusqu'en octobre).
L'augmentation du nombre d'amendes administratives prononcées doit être saluée en ce qu'elle traduit un volontarisme incontestable de la part des services de la DGCCRF. De la même manière, l'effet de l'augmentation du montant des amendes administratives opéré par la loi dite « Naegelen » du 24 juillet 2020 est pleinement visible (4,4 millions d'euros). Pour autant, et sans que les services de la DGCCRF ne puissent en être tenus pour responsable, il est raisonnable d'affirmer qu'une très grande majorité des contrevenants ne sont aujourd'hui pas sanctionnés.
Amendes administratives prononcées par la DGCCRF en application des articles L. 242-12, L. 242-14 et L. 242-16 du code de la consommation
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
Nombre d'amendes prononcées |
76 |
111 |
138 |
158 |
198 |
Montant total (en M€) |
1,14 |
2,06 |
2,08 |
3,4 |
4,4 |
Sources : Données communiquées par la DGCCRF
Les services de la CNIL ont également indiqué être confrontés à d'importantes difficultés dans la conduite de leurs investigations. Celles-ci tiennent en général à l'impossibilité matérielle d'identifier l'appelant, l'expéditeur et/ou la source des données car les consommateurs n'ont que rarement le réflexe de demander ces informations pourtant cruciales au cours de la conversation. Dès lors, la CNIL doit passer par l'annuaire inversé de l'ARCEP pour retrouver l'opérateur concerné. Si tant est que celui-ci soit identifié, il invoque en général le secret professionnel pour refuser de transmettre à la CNIL les coordonnées de la société appelante.
Ces éléments participent d'un constat largement partagé selon lequel la persistance des nuisances résulte moins d'éventuelles lacunes du cadre juridique que d'une masse de comportements « voyous » de la part d'acteurs se soustrayant délibérément à leurs obligations. Les stratégies d'évitement auxquelles ils ont recours complexifient singulièrement la tâche des autorités administratives chargées de les sanctionner et offrent peu de prise au législateur pour changer réellement la donne.
Quatrièmement, le déploiement des dispositifs techniques prévus par le législateur pour protéger les consommateurs des nuisances liées au démarchage intempestif et des fraudes est toujours en attente. Comme évoqué précédemment, ni le « filtre de cybersécurité grand public » ni le mécanisme d'authentification des appels ne sont aujourd'hui pleinement déployés. Ce dernier est pourtant crucial pour lutter contre l'usurpation de numéros et renforcer la traçabilité de la chaîne d'appel. Sans remettre en cause les contraintes techniques liées au déploiement de ce dispositif, la commission ne peut que regretter que les opérateurs se soient affranchis du délai - pourtant relativement étendu - imposé par le législateur.
(3) Des défaillances à l'origine d'une exaspération légitime des consommateurs
Si les données disponibles ne permettent pas de retracer le nombre d'appels émis annuellement à des fins de prospection commerciale, une enquête récemment conduite par « l'UFC Que choisir »35(*) illustre néanmoins la persistance du phénomène. Ses résultats montrent que 72 % des Français disent être démarchés au moins une fois par semaine sur leur téléphone portable (dont 38 % quotidiennement), contre 58 % sur leur téléphone fixe. Par ailleurs, ce taux s'élève à 49 % via SMS.
Cette pratique est unanimement désapprouvée par les Français, 97 % d'entre eux jugeant le démarchage téléphonique agaçant. Près d'un Français sur deux a par ailleurs la sensation d'être plus dérangé qu'auparavant.
Il est à cet égard significatif de constater que l'ensemble des personnes auditionnées par la rapporteure ont indiqué subir à titre personnel des nuisances liées au démarchage téléphonique intempestif. Les associations de protection des consommateurs ont quant à elles unanimement fait état d'une exaspération générale des Français vis-à-vis de cette pratique. La commission considère que cette exaspération est pleinement légitime, eu égard à l'ampleur des nuisances subies et à l'incapacité chronique des pouvoirs publics à y mettre un terme. Si le pouvoir d'agir réel du législateur en la matière est limité, une nouvelle intervention de sa part n'est donc pas infondée.
2. L'article unique : un basculement du régime de l'opt-out vers celui de l'opt-in
Pierre-Jean Verzelen dresse également un constat sévère sur la pratique du démarchage téléphonique qui rendrait « invivable le quotidien des Français ». Aux termes de l'exposé des motifs de sa proposition de loi n° 782 (2023-2024) visant à interdire le démarchage téléphonique : « le fameux dispositif Bloctel demeure très imparfait, beaucoup d'entreprises ne le connaissent pas, d'autres ne payent pas l'abonnement, certaines s'en affranchissent. Si des contrôles existent, la tâche est si grande que toutes les violations ne sont pas sanctionnées ».
En conséquence, Pierre-Jean Verzelen propose une modification substantielle des règles relatives au démarchage téléphonique : un basculement du régime de l'opt-out vers celui de l'opt-in. L'article unique de sa proposition de loi consacre ainsi l'interdiction par principe du démarchage téléphonique, à l'exception de trois situations (les deux dernières étant déjà prévues par le régime actuel) :
- lorsque le consommateur s'est inscrit sur une liste de consentement au démarchage : celle-ci se substituerait au dispositif actuel « Bloctel » ;
- dans le cadre de « l'exception client » ;
- lorsque le démarchage porte sur la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines.
3. La position de la commission : une transition vers l'opt-in qui ne doit pas être exclue, mais dont la mise en oeuvre doit concilier la lutte contre les nuisances liées au démarchage téléphonique avec la sauvegarde de l'activité économique
a) Face à des tentatives de renforcement de l'opt-out systématiquement infructueuses, un basculement vers l'opt-in qui ne doit pas être exclu
Lors de l'examen, de la loi du 24 juillet 2020, la commission avait entendu suivre une ligne de crête pour « rendre l'opt-out plus efficace sans déstabiliser le secteur du démarchage téléphonique »36(*). L'argument principal était de nature économique : il s'agissait de préserver les emplois liés au démarchage téléphonique en France qu'un hypothétique basculement vers l'opt-in aurait pu mettre en péril. Ceux-ci étaient alors estimés entre 47 000 et 56 000. En parallèle, la commission avait « jugé urgent de renforcer l'efficacité du dispositif d'opposition au démarchage téléphonique, compte tenu de l'exaspération réelle et légitime des consommateurs ». Elle avait pour l'essentiel souscrit aux propositions visant à consolider le régime d'opt-out et le service « Bloctel » (voir ci-dessus).
Si les arguments retenus par la commission en 2019 restent dans une certaine mesure valables cinq ans plus tard, celle-ci a néanmoins estimé que l'échec objectif de la loi du 24 juillet 2020 précitée changeait la donne. La démarche d'alors relevait indubitablement d'une recherche d'équilibre pertinente. À l'épreuve des faits, force est de constater que ce chemin étroit s'est néanmoins révélé être une impasse. En dépit d'un encadrement renforcé, les données de l'équation n'ont malheureusement pas fondamentalement évolué : les nuisances pour les consommateurs sont au moins aussi importantes qu'il y a cinq ans, les abus encore régulièrement constatés sont toujours trop peu sanctionnés, tandis que les quelques acteurs vertueux du secteur sont encore noyés parmi une masse « d'acteurs voyous » parfaitement indifférents à la législation.
Compte tenu de l'échec de ce qui avait déjà été présenté au cours des débats de 2019 comme une tentative de la dernière chance, la commission a considéré qu'une transition vers un système d'opt-in ne devait désormais plus être exclue. Il s'agit toutefois moins d'adhérer à un système qui serait soudainement perçu comme plus efficace mais bien de tirer les conséquences de l'épuisement de l'ensemble des autres options disponibles. En outre, la commission a estimé que ce changement de paradigme ne serait pas nécessairement incompatible avec l'objectif de sauvegarde de l'emploi, et ce pour peu que sa mise en oeuvre repose sur des modalités de recueil du consentement adéquates.
Si des propositions de cette nature ont régulièrement été soumises à l'appréciation du législateur37(*), une demande politique transpartisane semble en outre avoir récemment émergé sur le sujet. Le dépôt ces derniers mois à l'Assemblée nationale d'une proposition de résolution européenne38(*) ainsi que d'une nouvelle proposition de loi39(*) sur le sujet illustre cette nouvelle donne que la commission a tenu à prendre en compte.
Du reste, la France serait loin d'être isolée en Europe si elle venait à faire le choix d'un régime d'opt-in. Des États comme l'Allemagne, le Portugal ou le Danemark ont de longue date adopté un modèle similaire40(*).
b) Une proposition qui va dans le bon sens, mais dont les modalités pratiques suscitent des réserves juridiques et économiques
Dans ce contexte, la commission n'a pas remis en cause la volonté de Pierre-Jean Verzelen de basculer d'un système d'opt-out vers un système d'opt-in. Elle a en revanche relevé que les modalités pratiques de recueil du consentement envisagées par sa proposition de loi présentaient des limites tant juridiques qu'économiques.
Premièrement, l'établissement d'une liste de consentement semble incompatible avec la définition du consentement telle qu'elle figure au 11 de l'article 4 du RGPD. Aux termes de cet article, le consentement doit en effet être « spécifique », c'est-à-dire correspondre à un seul traitement pour une finalité déterminée, ce qui exclut la mise en place d'une liste de consentement universelle. Ce risque d'incompatibilité a été confirmé par la CNIL au cours de son audition.
C'est pourquoi les États européens ayant retenu un système d'opt-in privilégient un recueil du consentement au cas par cas, où il revient aux entreprises démarcheuses de constituer leur propre fichier de consommateurs dont elles ont recueilli le consentement41(*). Ledit consentement doit être exprès et, parfois, le consommateur doit préciser explicitement par quelles entreprises il accepte d'être démarché. La liste de consentement prévue par la proposition de loi pourrait, dans l'absolu, être déclinée en sous-catégories afin de surmonter cet obstacle. Selon toute vraisemblance, la recherche de l'arborescence pertinente serait toutefois particulièrement fastidieuse et le résultat obtenu incertain.
Deuxièmement, la rédaction actuelle aurait pour effet collatéral l'interdiction de certaines pratiques à la frontière du démarchage téléphonique mais qui ne sont pas problématiques. C'est par exemple le cas lorsque le consommateur sollicite expressément un contact téléphonique avec une entreprise. Sur ce point, la rapporteure a été alertée par plusieurs entreprises dont le modèle économique repose en tout ou partie sur ces « rappels sollicités » et dont l'activité pourrait être mise en péril par la rédaction initiale de la proposition de loi. Celle-ci fait effectivement de l'inscription sur une liste générale de consentement l'unique mode d'expression du consommateur.
Troisièmement, le nombre d'inscriptions à la liste de consentement prévue par la proposition de loi serait probablement minime. Dès lors, les risques de destructions d'emplois liés à ce système semblent particulièrement élevés. Les représentants du secteur ont unanimement alerté la rapporteure sur le risque pour l'emploi induit par un régime d'opt-in aussi strict.
Pour rappel42(*), le secteur des centres d'appels a réalisé en 2022 un chiffre d'affaires estimé entre 2,7 milliards d'euros par l'INSEE et 3,4 milliards d'euros par le syndicat professionnel des centres de contact (SP2C43(*)). La relation client représenterait quant à elle un volume d'emplois évalué entre 29 000 et 40 000 emplois pour les centres d'appels externalisés44(*). Ce chiffre doit toutefois être analysé avec précaution en ce qu'il englobe l'ensemble des emplois liés aux appels dits « sortants », qui ne relèvent pas tous du démarchage téléphonique. La part internalisée de cette activité est quant à elle plus difficile à évaluer. Elle s'établirait entre 200 000 et 300 000 emplois selon le SP2C. La contribution du secteur de la relation client à l'activité économique de la France n'est donc pas négligeable. Si le basculement vers l'opt-in est inéluctable, la commission souligne que celui-ci doit être mis en oeuvre de la façon la moins susceptible de porter atteinte aux emplois de ce secteur. À cet égard, la solution proposée par Pierre-Jean Verzelen ne semble pas pleinement satisfaisante.
La rapporteure préconise certaines évolutions de la législation qui pourraient permettre de surmonter ces écueils. Sans remettre en cause la volonté de basculer vers un régime d'opt-in, l'alignement du recueil du consentement sur les règles applicables au démarchage électronique semble notamment être une piste prometteuse. Juridiquement, l'alignement des deux régimes renforcerait fortement la lisibilité d'ensemble du cadre juridique relatif à la prospection commerciale. Cette solution aurait également le mérite d'envoyer un signal clair et lisible au consommateur, selon lequel toute prospection commerciale non consentie est interdite. Économiquement, l'objectif de sauvegarde de l'emploi ne serait pas remis en cause dès lors que les acteurs vertueux du secteur pourraient poursuivre leur activité, sous réserve d'un ajustement opérationnel. Par ailleurs, une évolution du cadre juridique pourrait également être pertinente afin, d'une part, de mieux protéger les personnes vulnérables contre les démarcheurs les moins scrupuleux et, d'autre part, de faciliter les échanges d'informations entre les différentes administrations compétentes pour enquêter et sanctionner. En l'état le secret de l'instruction fait trop souvent obstacle à la transmission d'informations pourtant déterminantes entre la DGCCRF, la CNIL et l'ARCEP.
L'auteur de la proposition de loi n'a pas souhaité que les dispositions proposées soient modifiées dès le stade de la commission. En conséquence, la commission n'a pas adopté l'article unique de la proposition de loi afin que le Sénat, en séance publique, puisse se prononcer sur la base des dispositifs originels de ce texte.
La commission n'a pas adopté l'article unique.
EXAMEN EN COMMISSION
M. Christophe-André Frassa, président. - Nous en venons à l'examen du rapport d'Olivia Richard sur la proposition de loi visant à interdire le démarchage téléphonique.
Nous accueillons Pierre-Jean Verzelen, auteur de la proposition de loi, qui va la présenter.
M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la proposition de loi. - Ayant tous des téléphones portables, nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes. En vérité, le sujet du démarchage traverse toutes les sociétés occidentales, avec des résultats plus ou moins différents selon les politiques mises en place. En toile de fond, il soulève le sujet des données à caractère personnel, qui sont massivement captées, utilisées, échangées et vendues.
D'après Le Petit Larousse, le démarchage téléphonique est « une technique qui consiste, pour un commercial, à solliciter par téléphone quelqu'un qui n'a pas manifesté de l'intérêt pour les produits ou services qu'il vend ». La proposition de loi vise à stopper le démarchage téléphonique tel qu'ainsi défini.
Les spécialistes parlent d'« opt-in » et d'« opt-out », mais je ne suis pas certain que cela parle à la majorité des Français. Nous vivons aujourd'hui dans l'ère de l'opt-out : cela veut dire que nous sommes tous par défaut présumés consentants à être démarchés téléphoniquement.
Tout ce qui a été fait depuis de nombreuses années vise à encadrer les choses dans le cadre de l'opt-out. C'est le cas de la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel », dont le résultat est somme toute très relatif. De fait, sur « Bloctel », il faut créer son profil, puis renseigner le numéro de téléphone de celui qui nous a démarchés téléphoniquement, expliquer pourquoi on a été démarché... Au final, très peu de gens inscrits sur « Bloctel » s'en servent réellement à des fins de signalement.
Je suis convaincu que réorganiser l'opt-out reviendrait à verser de l'eau dans du sable : cela ne fonctionnera pas. Ce qu'il faut, c'est inverser la donne, c'est-à-dire basculer vers une présomption de refus du démarchage téléphonique. Il y a différents curseurs - ce sera l'objet de la discussion en séance publique la semaine prochaine -, mais là est l'idée.
Nous sommes tous, je suppose, préoccupés par l'impact économique d'une nouvelle loi qui irait en ce sens. D'ailleurs, depuis quelques semaines, je suis régulièrement sollicité par tous les acteurs ayant un intérêt lié au démarchage téléphonique.
Je prends avec beaucoup de pincettes les chiffres des emplois concernés que l'on nous annonce. Un courtier en assurances dont 1 % du chiffre d'affaires est réalisé grâce au démarchage n'hésitera pas à se requalifier comme société de démarchage ! En France, les plateformes téléphoniques qui font du démarchage ont souvent une activité de relation commerciale, qui évidemment continuerait. En revanche, il y a, de l'autre côté de la Méditerranée, des plateformes qui sont des centres d'appels purs. Prenons donc un peu de distance avec la question du nombre d'emplois qu'une nouvelle loi impacterait. Peut-être le texte permettra-t-il d'ailleurs au Gouvernement d'objectiver les choses...
Il faut bien comprendre le système tel qu'il fonctionne désormais : les données sont captées, et ce sont des robots qui tournent. Ces machines génèrent des numéros toute la journée, et, dès que le numéro créé est réel, un appel de démarchage commercial est lancé, et les données sont conservées.
J'en viens à l'impact économique. Le risque d'un tel texte est que nous fixions des contraintes qui compliquent considérablement la vie de tous ceux qui respectent les règles, sans frapper ceux qui ne les respectent pas.
Bien évidemment, des exceptions existent en matière de démarchage, à des fins sociales ou d'intérêt général : pour des associations caritatives, pour les sondages, pour les abonnements de presse. D'ailleurs, les acteurs concernés sont demandeurs d'un texte comme celui-ci, afin de trier les bons des mauvais, si je puis m'exprimer ainsi. De fait, le business model de ceux qui respectent la règle est en train de s'effondrer, les gens décrochant de moins en moins le téléphone, ou raccrochant dès qu'ils comprennent qu'ils ont affaire à du démarchage.
J'ai regardé de près l'exemple de l'Allemagne, qui est entrée, en 2009, dans le système de l'opt-in. Les résultats ont été en demi-teinte durant quelques années, mais cela fonctionne bien mieux depuis deux ou trois ans car le Gouvernement s'est emparé du sujet et a décidé de taper au porte-monnaie les entreprises faisant l'objet de signalements. Cela prouve bien que, comme souvent, il y a, d'un côté, ce qui va être voté et, de l'autre, les moyens que le Gouvernement se donnera pour faire appliquer les choses.
En France, nous avons la chance que les opérateurs téléphoniques soient tenus de sourcer les appels : ils peuvent retrouver l'ADN de n'importe quel appel et le tracer dans le temps. Ils ont un rôle éminemment important, en ce qu'ils peuvent identifier les numéros et couper les appels à la base.
Je sais qu'un certain nombre d'intérêts peuvent être bousculés, ce qui, du reste, est peut-être la raison pour laquelle nous n'avons pas avancé plus vite sur le sujet. Mais ce sont 60 millions de personnes qui sont exaspérées chaque jour ! Le démarchage fait partie de ces sujets à bas bruits qui intéressent les gens au quotidien.
Le dispositif proposé mérite probablement d'être amélioré ; nous aurons l'occasion de le faire en séance publique.
Je ne suis pas jusqu'au-boutiste : si l'on parvient déjà à inverser la donne, en passant à l'opt-in, je pense que l'on aura déjà fait un grand pas. Lorsqu'un texte permet de mettre un pied dans la porte et de faire en sorte que le Gouvernement s'empare d'un sujet politiquement, c'est déjà beaucoup !
Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'auteur de la proposition de loi propose de renforcer l'encadrement du démarchage téléphonique légal. Je dis « encadrer » plus qu'« interdire », parce qu'il reprend les exceptions, assez larges, déjà prévues dans la loi : l'exception client, la prospection non commerciale - associations, sondages - et la presse.
Comme vient de l'expliquer Pierre-Jean Verzelen, nous sommes actuellement en France sous un régime d'opt-out. Nous sommes, par défaut, considérés comme appelables, charge à chacun d'entre nous de faire respecter un droit d'opposition. Ce dernier se matérialise par l'inscription sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique « Bloctel ». Les professionnels peuvent néanmoins appeler les gens inscrits sur Bloctel dès lors qu'ils entrent dans l'une des trois catégories que je viens de citer.
Il n'y a que deux secteurs pour lesquels l'interdiction est totale : le compte personnel de formation (CPF) et la rénovation énergétique, à la suite de nombreuses fraudes.
Le cadre légal et réglementaire actuel prévoit également un encadrement des plages horaires et des fréquences d'appels autorisées. Un consommateur ne peut être contacté plus de quatre fois en trente jours. S'il exprime une opposition pendant la conversation téléphonique, il ne peut être rappelé avant un délai de soixante jours.
Pour achever cet état des lieux, il existe une obligation d'information du consommateur démarché. Le démarcheur est censé indiquer sa qualité, la nature commerciale de l'appel et la possibilité de s'inscrire sur Bloctel. À titre personnel, il ne m'est jamais arrivé que l'on me précise tout cela...
Je précise par ailleurs que le règlement général sur la protection des données (RGPD) s'applique, et que le cadre d'ensemble est d'autant plus difficile à lire que chaque vecteur de communication est soumis à un régime différent. Ainsi, le démarchage électronique n'est pas le démarchage téléphonique. Contrairement au courrier postal et au démarchage téléphonique, qui relèvent de l'opt-out, avec un droit d'opposition après coup, les courriels, SMS et MMS relèvent de l'opt-in. Le consentement préalable du consommateur est ici obligatoire.
Le cadre législatif issu de la loi « Naegelen », rapportée par notre collègue André Reichardt en 2019, et, initialement, de la loi « Hamon » de 2014, était, en quelque sorte, celui de la dernière chance pour les démarcheurs. Or ce système a trouvé ses limites : tout le monde s'accordera pour dire qu'il ne fonctionne pas.
Six millions de Français et 12 millions de numéros de téléphone sont inscrits sur « Bloctel », mais cela ne représente que 9 % des Français et 10 % des lignes en circulation. Les signalements à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont en baisse sur la période récente, mais cela s'explique soit par une lassitude des consommateurs, qui voient bien que cela ne sert à rien, soit par une redirection des plaintes vers SignalConso lorsque cela concerne l'énergie.
Cependant, les infractions sont toujours là. Elles sont très nombreuses, et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) comme la DGCCRF constatent bien au cours de leurs contrôles que plus de la moitié des entreprises s'exonèrent totalement de l'obligation d'expurger leurs listes des numéros figurant sur « Bloctel ».
Par ailleurs, les sanctions sont complètement insuffisantes au regard des millions d'appels passés : 200 amendes administratives ont été prononcées en 2023, pour un montant total de 4,4 millions d'euros. C'est dire à quel point les mailles du filet sont larges !
Précisons néanmoins que l'essentiel des nuisances résulte de démarcheurs « voyous » totalement indifférents au cadre légal et qui seraient probablement hermétiques aux modifications législatives auxquelles nous pourrions procéder. C'est notamment vrai des entreprises situées à l'étranger.
On peut également vivement regretter le déploiement embourbé des solutions techniques prescrites par le législateur pour limiter les nuisances. La loi « Naegelen » imposait aux opérateurs téléphoniques de déployer un mécanisme d'authentification des appels avant juillet 2023. Ce dernier n'est entré en vigueur que le 1er octobre dernier et pour les seules lignes fixes. Pour les lignes mobiles, il nous est répondu que cela pourrait venir « dans les prochains mois » ... Nous dépendons complètement des opérateurs, qui se servent eux-mêmes largement du démarchage téléphonique.
Face à ces échecs répétés, et dans la lignée de ce qui a été acté en 2020 par notre commission, on peut se demander si nous ne sommes pas arrivés au bout de la logique de l'opt-out. Ne faut-il pas basculer vers un régime d'opt-in ? C'est la question que cette proposition de loi permet de soulever.
À mon sens, une telle évolution irait dans le sens de l'histoire. Non pas que la solution soit parfaite, ou simplement meilleure, mais il n'y en a plus vraiment d'autres, les encadrements drastiques mis en place en 2020 n'ayant rien donné.
Les associations de consommateurs, que nous avons rencontrées, font état d'une exaspération à hauteur de 97 % des gens démarchés, tandis que 72 % des Français sont démarchés au moins une fois par semaine sur leur portable, dont 38 % quotidiennement. Ce taux est de 58 % pour les lignes fixes.
Bien évidemment, la préservation de l'emploi est une préoccupation majeure. Il faut trouver un équilibre entre l'emploi et la protection du consommateur. Comme l'a dit l'auteur du texte, le nombre d'employés qui ne font que du démarchage téléphonique est quasiment impossible à déterminer. Les centres d'appel emploieraient entre 29 000 et 40 000 personnes, mais ces dernières ne font pas seulement du démarchage. Du reste, on peut estimer que l'évolution du cadre légal n'entraînera pas nécessairement des licenciements ; selon les modalités retenues c'est une simple réadaptation des pratiques qui s'imposerait.
La proposition de loi présente deux lacunes. La première est juridique : non que je sois hostile au renversement de la charge de la preuve en matière de consentement - c'est une démarche qui, dans d'autres domaines, peut me paraître intéressante -, mais la création d'une liste de consentement qui remplacerait « Bloctel » ne serait pas opérationnelle, le RGPD imposant que le consentement soit spécifique. On ne peut consentir dans l'absolu à être démarché par n'importe quel professionnel pour n'importe quel produit.
Seconde lacune, il est évident que personne ne s'inscrira sur une liste de consentement au démarchage téléphonique, ce qui va tuer tout le secteur, y compris les opérateurs qui respectent les règles. Il ne paraît donc pas pertinent d'établir cette liste.
L'auteur de la proposition de loi a exprimé le souhait que son texte d'origine soit présenté dans l'hémicycle. Je vous propose donc de ne pas adopter la proposition de loi en l'état et de renvoyer notre débat à la séance publique. Je vous proposerai alors des amendements visant trois objectifs. Premièrement, je vous proposerai d'établir un système d'opt-in permettant une meilleure conciliation entre protection des consommateurs et sauvegarde de l'emploi. Nous pourrions, par exemple, nous aligner sur ce qui existe en matière de prospection électronique, avec un consentement au cas par cas, souvent par l'intermédiaire d'une case à cocher. Ne plus avoir différents régimes aurait déjà le mérite de la clarté.
Je n'exclus pas de vous proposer également un amendement sur les horaires et, surtout, sur la fréquence des appels.
Deuxièmement, je vous proposerai de protéger les personnes vulnérables. De fait, les centres d'appels nous ont bien expliqué qu'ils visaient essentiellement les personnes fracturées électroniquement, soit 18 % de la population française, parmi lesquelles on compte évidemment les personnes âgées. Il convient d'agir davantage sur les abus.
Troisièmement, il faut poursuivre et sanctionner. Les sanctions ne sont pas du tout suffisamment dissuasives. Le démarchage téléphonique reste rentable, même de façon totalement illégale.
Pour permettre une meilleure enquête et de meilleures sanctions, il faut autoriser les trois entités qui agissent dans le domaine - la Cnil, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et la DGCCRF - à se transmettre les éléments permettant d'identifier les auteurs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, en raison du secret de l'instruction.
Pour l'heure, je vous propose, de nous en tenir au gentlemen's agreement arrêté par la Conférence des Présidents et de renvoyer l'examen de la proposition de loi à la séance.
Mme Audrey Linkenheld. - Je veux d'abord remercier l'auteur de cette proposition de loi ainsi que la rapporteure pour la sincérité de leurs présentations, qui montrent à la fois les raisons pour lesquelles cette proposition de loi est intéressante, mais aussi les questions que l'on se pose encore et les limites du système. Nous partageons leur constat.
La position de notre groupe est constante. Lors de l'examen de la proposition de loi « Naegelen », nous étions déjà favorables à un basculement du droit d'opposition vers le principe du consentement préalable. Nous n'avons pas changé de point de vue sur ce sujet.
Depuis la loi « Hamon » de 2014, nous avons tenté beaucoup de choses. Or force est de constater que, à l'heure où nous parlons, malgré le cadre réglementaire dont nous nous sommes dotés voilà maintenant dix ans et que nous avons fait évoluer régulièrement, nos concitoyens sont exaspérés au quotidien par les démarchages intempestifs qui continuent, à la fois sur les téléphones fixes et sur les mobiles.
Le système allemand, qui existe désormais depuis plusieurs années, semble fonctionner. Il y a donc sans doute des solutions opérantes à imaginer ! À cet égard, nous serons très attentifs aux amendements que déposera la rapporteure.
Il est vrai que des questions économiques se posent, mais, compte tenu des évolutions technologiques, ce sont aujourd'hui soit des robots, soit des personnes employées à l'étranger qui sont derrière les démarchages téléphoniques.
Les opérateurs qui font les choses correctement ne devraient normalement pas être les plus touchés par les évolutions législatives et réglementaires que nous proposons, notamment parce que les appels sortants ne représentent qu'une minorité de leur activité - de l'ordre de 17 %. Vous avez bien fait de rappeler que ces opérateurs téléphoniques sont à la fois le canal et l'émetteur. Il faudra l'avoir en tête lorsque nous serons sollicités d'ici à la séance.
Nous sommes favorables à ce que nous protégions davantage les consommateurs, en particulier les plus fragiles, susceptibles de se laisser berner, les démarchages téléphoniques, étant, dans leur très grande majorité, frauduleux.
M. Jean-Michel Arnaud. - Je remercie l'auteur de la proposition de loi et la rapporteure de ce texte du travail réalisé.
Il est absolument nécessaire d'apporter des réponses, à la fois pour protéger les plus vulnérables, mais aussi pour réguler davantage.
Cette proposition de loi concerne essentiellement les émetteurs de démarches commerciales de droit français. A-t-il été question, lors des auditions que vous avez menées, des acteurs situés en dehors du cadre strictement national ? Si nous avons une démarche à faire, elle doit être au moins de niveau européen, voire extra-européen, puisque les opérateurs de démarchage actifs dans les pays francophones s'organisent à partir de plateformes installées ailleurs.
Il me semble que l'on doit, d'une manière ou d'une autre, faire écho aux revendications récurrentes des associations de consommateurs, qui démontrent l'impuissance des dispositifs mis en oeuvre jusqu'à aujourd'hui. Si la liste « Bloctel » a bénéficié d'une large campagne de communication, il s'agit néanmoins clairement d'un échec patent.
Le législateur doit se montrer résolu pour régler ce problème, particulièrement aigu pour les usagers, notamment les plus vulnérables.
Mme Olivia Richard, rapporteure. - Monsieur Arnaud, oui, une grosse partie du problème vient d'opérateurs qui agissent hors de France. Oui, il faut agir !
La loi « Naegelen » a prévu la création d'un système d'authentification des appels permettant de couper les appels frauduleux. Cela peut notamment être utile en cas d'usurpation des numéros de téléphone. Je pense notamment au « spoofing », à savoir l'usurpation du numéro de téléphone d'un interlocuteur connu, par exemple son conseiller bancaire, qui permet de mettre la victime en confiance avant de lui soutirer de l'argent.
Puisque les opérateurs qui sont à l'étranger n'ont pas le droit d'utiliser un numéro français - ce serait de la fraude -, l'authentification des numéros permettra aux opérateurs de couper les appels. Depuis que ce mécanisme est en place pour les lignes fixes, ce sont 3 à 4 millions d'appels qui ont été coupés chaque jour durant les premiers jours et 60 000 appels par jour qui le sont depuis. Dans un monde idéal, les mobiles, qui sont majoritaires et bien plus démarchés, seront concernés par ce système ; tout un pan de la fraude pourrait ainsi tomber.
L'échelon européen intéresse d'autres que nous : une proposition de résolution européenne a été déposée à l'Assemblée nationale, avec, entre autres cosignataires, notre ancien collègue Philippe Bonnecarrère. Cette proposition appelle à ce que le règlement « ePrivacy 2 » en cours de négociation impose un basculement vers l'opt-in s'agissant du démarchage téléphonique. Néanmoins, les négociations patinent, et il ne devrait pas y avoir d'évolution majeure sur ce dossier dans l'immédiat. Il y a eu d'autres initiatives à l'Assemblée nationale, notamment une proposition de loi.
Nous pourrons mieux lutter contre la fraude quand les entités compétentes pourront communiquer entre elles. La Cnil nous a fait part de son désespoir : elle doit faire appel à l'annuaire inversé pour identifier les démarcheurs, sur la base des numéros de téléphone fournis par les personnes qui l'ont saisie. Dans le même temps, la DGCCRF procède à des enquêtes, mais n'a pas le droit de dire qui elle trouve derrière les numéros...
Reste un problème de moyens. Les services de l'État ne sont pas du tout calibrés pour répondre à la masse des appels passés. Il faut automatiser, ce qui justifie l'intervention de l'Arcep, et faciliter les communications entre les trois entités.
M. Christophe-André Frassa, président. - Mes chers collègues, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.
Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à l'encadrement des communications à des fins de prospection commerciale ; à la protection des consommateurs contre les nuisances liées à la prospection commerciale ; à la lutte contre les pratiques téléphoniques frauduleuses.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement COM-1 de M. Houpert vise à supprimer l'obligation d'inscription sur une liste de consentement.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
Mme Olivia Richard, rapporteure. - Je suis d'accord avec le principe prévu à l'amendement COM-3 de Mme Bellurot. Je remercie ma collègue d'avoir attiré notre attention sur ce point, mais je déposerai, en séance publique, un amendement dont le dispositif me semble plus approprié.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
Mme Olivia Richard, rapporteure. - Nous sommes défavorables à l'amendement COM-2 de M. Houpert, qui vise à élargir l'exception client.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
M. Christophe-André Frassa, président. - Je rappelle que c'est l'auteur de la proposition de loi lui-même qui a souhaité que l'on n'amende pas son texte en commission.
Mme Olivia Richard, rapporteure. - Si nous nous rejoignons sur le principe d'un basculement vers l'opt-in, le dispositif technique proposé ne nous semble en pratique pas le plus approprié et nous proposerons de l'amender en séance.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
Les sorts des amendements examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
|||
M. HOUPERT |
1 |
Suppression de l'obligation d'inscription sur une liste de consentement |
Rejeté |
Mme BELLUROT |
3 |
Exception à l'interdiction de démarchage téléphonique en cas de consentement préalable |
Rejeté |
M. HOUPERT |
2 |
Exception à l'interdiction de démarchage téléphonique en cas de relations commerciales préétablies |
Rejeté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 45(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie46(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte47(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial48(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 6 novembre 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 782 (2023-2024) visant à interdire le démarchage téléphonique.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :
- à l'encadrement des communications à des fins de prospection commerciale ;
- à la protection des consommateurs contre les nuisances liées à la prospection commerciale ;
- à la lutte contre les pratiques téléphoniques frauduleuses.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Auteur de la proposition de loi
M. Pierre-Jean Verzelen, Sénateur de l'Aisne
Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Direction générale des entreprises (DGE)
M. Loïc Duflot, chef du service de l'économie numérique
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)
M. Thomas Pillot, chef de service protection des consommateurs et régulation des marchés
M. Philippe Guillermin, chef du bureau du droit de la consommation
M. Rémi Stefanini, délégué à la transition numérique
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)
Mme Marie Duboys Fresney, adjointe à la cheffe du service des affaires économiques
Mme Lise Salzmann, juriste au service des affaires économiques
Mme Albane Richet, adjointe à la cheffe du service de l'exercice des droits et des plaintes 2
Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)
M. Olivier Delcos, directeur "Internet, Presse, Postes et Utilisateurs"
M. David Epelbaum, chef de l'unité opérateurs télécom et obligations légales
SAS Consoprotec
M. Aurélien Barbier-Accary, président
Fédération française des télécoms (FFT)
M. Olivier Riffard, directeur général adjoint
M. Paul Guinard, chargé de mission
Associations de défense des consommateurs
UFC Que Choisir
Mme Marie-Amandine Stévenin, présidente de l'UFC-Que Choisir
M. Benjamin Recher, chargé des relations institutionnelles
Association FO consommateurs (AFOC)
Mme Jessica Vié, responsable de communication
Consommation, logement, cadre de vie (CLCV)
M. Olivier Gayraud, Responsable litiges
Familles rurales
Mme Nadia Ziane, directrice du service juridique et défense des consommateurs
Mme Elsa Cohen, juriste en charge des permanences consommation
Union laïque et citoyenne des consommateurs (ULCC)
M. Claude Rico, administrateur responsable du secteur consommation
Mme Karine Létang, juriste
Confédération Syndicale des Familles (CSF)
M. Antoine Tirot, responsable secteur Consommation/Économie/Environnement
Représentants des acteurs du démarchage téléphonique
Fédération de la vente directe (FVD)
M. Frédéric Billon, délégué général
Syndicat professionnel des centres de contact (SP2C)
Mme Caroline Adam, secrétaire générale
DMA France
Mme Nathalie Phan Place, secrétaire générale
M. Artus de Saint Seine, vice-président de la DMA France et président de la commission juridique
Syntec conseil
M. Stéphane Marcel, président de la commission Études de Syntec Conseil
M. Yannick Carriou, président-directeur général de Médiamétrie
M. Philippe Bonneau, directeur des terrains d'IPSOS
M. Fabrice Alexandre, conseil
Vérisure
M. Olivier Allender, président
M. John-David Nahon, directeur des relations institutionnelles et du développement des partenariats de sécurité
Personnalité qualifiée
M. Pierre Weinstadt, avocat au Barreau de Paris, partenaire agréé de la Fédération de la Vente Directe, représentant des entreprises du secteur de la rénovation énergétique et de la collecte de données personnelles
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Acteurs du démarchage téléphonique
Association française de la relation client (AFRC)
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Représentants des employeurs
Mouvement des entreprises de France (MEDEF)
Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-782.html
* 1 L'opt-out repose sur une opposition a posteriori du consommateur à être démarché, tandis que l'opt-in conditionne le démarchage à son consentement préalable.
* 2 Les démarchages liés à l'exécution d'un contrat en cours ou à la presse, les appels non commerciaux ainsi que les cas le où consommateur a « communiqué de manière libre et non univoque son numéro afin d'être rappelé ».
* 3 Les exceptions relatives aux clients de l'entreprise ainsi qu'au régime de la presse sont également maintenues.
* 4 Sénat, Commission des lois, Rapport n° 310 (2018-2019) de M. André Reichardt sur la proposition de loi visant² à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux.
* 5 Données communiquées par la DGCCRF.
* 6 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données
* 7 La CNIL a édité une fiche pratique résumant les règles applicables à la transmission de données à des partenaires à des fins de prospection commerciale.
* 8 La CNIL a édité un guide pratique résumant les règles applicables à la réutilisation de données publiquement accessibles à des fins de démarchage commercial.
* 9 Des règles spécifiques au secteur assurantiel sont par ailleurs fixées à l'article L. 112-2-2 du code des assurances. Ce dernier est issu d'un amendement n° 2 présenté par le Gouvernement en première lecture au Sénat lors de l'examen de la loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement.
* 10 Rappelées au point n° 9 de la « FAQ Bloctel » destinée aux consommateurs.
* 11 Rapport n° 310 (2018-2019) de M. André Reichardt sur la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux.
* 12 Sont notamment inclues les sollicitations qui visent à « proposer au consommateur des produits ou des services afférents ou complémentaires à l'objet du contrat en cours ou de nature à améliorer ses performances ou sa qualité ».
* 13 Article L. 223-5 du code de la consommation.
* 14 Les règles figurant dans cette charte sont plus favorables aux sondeurs que dans le cadre du démarchage téléphonique de droit commun. Ainsi, des appels peuvent être, sous réserve d'exceptions, émis du lundi au vendredi de 9h à 21h ou le samedi de 9h30 à 18h. La fréquence maximale quotidienne d'appel autorisée est fixée à trois.
* 15 Dans le détail, les deux « FAQ Bloctel » énumèrent dans les mêmes termes les quatre conditions suivantes : « le consommateur a été informé de manière claire et lisible, préalablement à la transmission de ses coordonnées téléphoniques, de la possibilité d'être rappelé par une société identifiée ou par un tiers agissant pour le compte d'une société identifiée ; l'appel ne doit concerner que le(s) produit(s) ou service(s), pour le(s)quel(s) le consommateur a demandé à être rappelé ; ce consentement doit être recueilli spécifiquement pour l'émission d'appels téléphoniques ; le rappel doit avoir lieu dans un délai raisonnable , à moins que le consommateur ait expressément, et uniquement à sa demande, demandé à être rappelé à une date butoir qu'il aura lui-même précisée ».
* 16 Source : site internet de Bloctel et « FAQ Bloctel » destinées aux consommateurs et aux professionnels.
* 17 Par exception, peuvent être inscrits « les numéros de téléphone des personnes pour lesquelles [le consommateur agit] agissez (ascendants) ou dont [il a] la responsabilité (descendants) » (18. De la « FAQ Bloctel destiné aux consommateurs. En revanche, l'inscription d'un numéro professionnel n'est pas autorisée.
* 18 Respectivement depuis la loi dite « Naegelen » du 24 juillet 2020 (article L. 221-13 du code de la consommation) et depuis la loi n° 2022-1587 du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires (article L. 6323-8-1 du code du travail).
* 19 Cour administrative d'appel de Lyon, -ème chambre, 10 novembre 2023, 22LY01667.
* 20 Ces montants, auparavant fixés respectivement à 15 000 et 75 000 000 euros ont été rehaussés par l'article 7 de la loi « Naegelen » du 24 juillet 2020.
* 21 La DGCCRF peut néanmoins reporter la publication, l'anonymiser ou s'en abstenir soit lorsqu'une telle décision causerait à la personne sanctionnée un préjudice grave et disproportionné, soit lorsqu'elle serait de nature à perturber gravement le déroulement d'une enquête ou d'un contrôle en cours.
* 22 De jurisprudence constante, la CNIL estime que la durée minimale doit être de trois ans.
* 23 Article L. 221-17 du code de la consommation.
* 24 Décision n° 2022-583 de l'ARCEP.
* 25 Articles L. 242-12 et L. 242-14 du code de la consommation..
* 26 Seuls les appels intégralement automatisés sont inclus dans cette catégorie, qui n'intègre donc pas les appels semi-automatisés où seule la composition du numéro est déléguée à une machine.
* 27 Ce principe n'est toutefois pas applicable lorsque le consommateur est déjà client de l'auteur du démarchage et que la prospection « concerne des produits ou services analogues fournis par la même personne physique ou morale ». Par ailleurs, ce régime de consentement préalable n'est pas non plus applicable aux prospections électroniques non commerciales.
* 28 Article 7 du RGPD.
* 29 Il s'agit de numéros spéciaux commençant par 08 ou de numéros courts attribués à des entreprises ou à des administrations afin de donner un accès à un service lié à leur activité. Les SVA se déclinent en trois catégories selon la tarification applicable : gratuite, normale ou surtaxé.
* 30 Concrètement, l'autorité administrative notifie l'adresse suspecte au fournisseur d'accès internet qui, à titre conservatoire, affiche un message d'avertissement au consommateur pour une durée de sept jours. Cette période permet la mise en oeuvre d'une phase contradictoire avec l'éditeur du service de communication au public en ligne. Si celle-ci est infructueuse, l'autorité administrative peut enjoindre les fournisseurs d'accès à internet ou de systèmes de résolution de noms de domaine à « rendre sans délai toute mesure utile destinée à empêcher l'accès à l'adresse de ce service pour une durée maximale de trois mois » (renouvelable jusqu'à 15 mois).
* 31 Articles 313-1 du code pénal et L. 454-1 du code de la consommation.
* 32 Obligations figurant respectivement aux articles L. 224-54 et L. 224-43 du code de la consommation.
* 33 Données essentielles publiées sur le site internet de « Bloctel », accessibles à cette adresse : https://pro.bloctel.gouv.fr/donnees-essentielles
* 34 Étant entendu que les statistiques disponibles ne permettent pas la distinction entre les lignes à usage professionnel ou personnel.
* 35 UFC Que Choisir, « Le harcèlement passe par le smartphone », 4 octobre 2023.
* 36 Rapport n° 310 (2018-2019) de M. André Reichardt sur la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux.
* 37 La commission des lois avait d'ailleurs déjà approuvé en 2011 la proposition de loi n° 354 (2010-2011) de Jacques Mézard qui prévoyait l'établissement d'un système d'opt-in en matière de démarchage téléphonique.
* 38 Assemblée nationale, proposition de résolution européenne n° 331 (2024-2025) de Mme Louise Morel invitant le Gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime du démarchage téléphonique au niveau européen.
* 39 Assemblée nationale, proposition de loi n° 430 (2024-2025) de M. Pierre Cordier visant à renforcer les droits des consommateurs pour les protéger du démarchage téléphonique.
* 40 Conseil national de la consommation, Groupe de travail « Démarchage téléphonique », 22 février 2019.
* 41 Ibid.
* 42 Source : données transmises par la DGCCRF.
* 43 Étude EY/SP2C 2023, « données collectées auprès des membres du SP2C et du classement des outsourceurs EY 2023, total répondants =85 »
* 44 Avec une surreprésentation géographique dans certains bassins d'emplois tels que les Hauts-de-France, ainsi que des femmes et des jeunes (qui représentent respectivement les deux tiers et la moitié des emplois).
* 45 Voir le commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 46 Voir par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 47 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 48 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.