II. DES EFFETS JURIDIQUES DÉLÉTÈRES
A. LA REMISE EN CAUSE DE LA CAPACITÉ D'ACTION DES POUVOIRS PUBLICS
Plusieurs dispositions de la Charte laissent craindre une remise en cause de la capacité d'action des pouvoirs publics, aujourd'hui en première ligne pour prendre les mesures visant à améliorer la gestion des services publics.
En effet, en l'état du droit, le législateur dispose du pouvoir discrétionnaire de création d'un service public national, et les collectivités locales, dans le respect de leurs compétences respectives, du pouvoir de créer des services publics locaux. Dans le silence de la loi, la jurisprudence administrative peut, devant le constat qu'une activité est gérée directement ou indirectement par une personne publique (critère organique) et relève de l'intérêt général (critère matériel), lui reconnaître la qualité de service public. L'absence de définition formelle de la notion de service public permet donc une certaine souplesse, laissant la capacité aux pouvoirs publics de créer des services publics pour répondre, eu égard aux circonstances, aux besoins des citoyens et des territoires, en fonction d'arbitrages politiques, économiques et sociaux.
La Charte instaure à l'inverse une définition stricte des services publics, en indiquant que « toute activité qui concerne le développement social, culturel, éducatif, économique et personnel de la société tout entière a vocation à constituer un service public et à être défendue comme tel ». Énumérer limitativement les champs d'intervention du service public, même de façon aussi vaste, représente un carcan duquel les pouvoirs publics ne pourront se défaire si, à l'avenir, de nouveaux secteurs nécessitaient la mise en oeuvre de services publics. La commission a de plus jugé hasardeux le périmètre des services publics défini par la Charte, notamment quant au rôle de l'État vis-à-vis du « développement personnel de la société tout entière ».
B. LE CORSETAGE DE LA GESTION DES SERVICES PUBLICS
La commission s'est également inquiétée de la rigidification de gestion des services publics proposée par la Charte. Cette dernière impose que « la personne publique assure directement le service public qu'elle a créé », excluant la possibilité de délégation de service à un établissement public ou à un groupement d'intérêt public. Cette disposition constitue ainsi un véritable renversement de la doctrine établie en matière de gestion des services publics en France.
De même, la Charte limite le recours à une délégation de service public à une personne privée aux cas de « nécessité impérative motivée ». La commission a souligné que les élus locaux seraient les premiers à pâtir d'un tel manque de souplesse en matière de gestion des services publics, la délégation étant omniprésente à l'échelle locale.
De plus, en exigeant des pouvoirs publics qu'ils « préviennent et limitent les atteintes aux services publics », la Charte instaure un principe constitutionnel de non-régression des services publics, qui limiterait drastiquement la capacité du législateur et des collectivités à faire évoluer les services publics en fonction des besoins avérés au niveau national comme au niveau local, mettant paradoxalement en cause la nécessaire adaptabilité dont doit faire preuve le service public pour satisfaire l'intérêt général.