GRANDIR TRANS
Questions générales
1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?
En préambule, il est important de ne pas confondre mineurs en questionnement de genre et mineurs transidentitaires.
Un mineur en questionnement de genre peut passer par une phase d'exploration et revenir à son genre assigné à la naissance, il peut également ne pas se sentir bien dans l'injonction sociétale des stéréotypes assignée à son genre. Le genre fait partie de la construction identitaire, il est tout à fait normal et sain d'ailleurs de pouvoir le questionner.
Les mineurs transidentitaires ne questionnent pas leur genre, ils ressentent un vécu dans le genre opposé de leur sexe de naissance. Ces enfants et adolescents sont donc en souffrance et finissent par dire à leurs parents ce qu'ils et elles ressentent.
Aujourd'hui nos familles sont prises en charge par des CHU où il existe des dispositifs pluridisciplinaires comme celui de la Pitié Salpêtrière ou celui de Lille ou dans des villes où des RCP existent (réunions de concertations pluridisciplinaires autour du jeune).
Lorsqu'une famille est prise en charge par le libéral, nous nous assurons que ce libéral ne pratique pas de thérapie de conversion et nous conseillons de se diriger tout de même vers des dispositifs de professionnels de santé spécialisés.
Une attente, aujourd'hui, de 18 mois est nécessaire pour avoir un RDV, ce qui pour un enfant en grande détresse de santé mentale peut s'avérer être dangereux.
Des consultations pédopsychiatriques sont effectuées avant de parler de transidentité. Selon l'état de santé mentale du mineur, ces consultations peuvent s'effectuer sur un laps de temps différent (1 an à 2 ans dans certains cas connus).
L'objectif pour le pédopsychiatre étant d'évacuer tout autre trouble de santé mentale. Lorsque c'est le cas et que la transidentité est posée, un parcours pluridisciplinaire est proposé (pédopsychiatre - endocrinologue - orthophoniste - et autres médecins spécialisés si nécessaires).
L'approche de ces équipes consiste à écouter le ressenti de l'enfant et à le laisser explorer son genre dans son milieu familial, social et scolaire et cela, à son rythme. Elle consiste également à aider l'enfant à mieux se percevoir et à mieux gérer ses émotions.
Seule la transition sociale est mise en place dans un premier temps et ce jusqu'en moyenne 16 ans.
Le seul traitement accordé, au cas par cas, dans une transition sociale sont les bloqueurs de puberté. Ceux-ci sont prescrits de manière très encadrée avec des prises de sang tous les 3 à 6 mois sur des mineurs qui ont des comportements autodestructeurs lors de leur puberté (tentative de suicide, scarification). Des examens de contrôle sont effectués avant la prise des bloqueurs (prise de sang, contrôle du coeur, de la densité osseuse) afin de vérifier qu'il n'y a pas de contre-indications. Les parents sont informés de manière détaillée des risques et du contrôle à effectuer sur l'enfant pour éviter les problèmes. Ces bloqueurs soulagent fortement le jeune dans une projection qui lui permet de traverser son adolescence plus sereinement. À l'approche des 16 ans et de manière collégiale avec les parents et les médecins, si l'enfant s'est senti soulagé en explorant le genre opposé (ce qui arrive souvent dans le cas d'une transidentité avérée), un traitement d'hormonothérapie est discuté. Lorsqu'il est prescrit, le mineur doit faire des prises de sang régulières pour vérifier le début de la transition et donc de la puberté dans le genre ressenti. Les consultations psychiatriques sont renforcées pour voir si la dysphorie de genre diminue.
Pour les opérations, le discours tenu par les médecins dans ses dispositifs est très clair, il est urgent d'attendre ! Seule la torsoplastie peut être réalisée autour des 17 ans.
Nous n'avons pas connaissance de mineurs opérés de chirurgie de réassignation de sexe. Ces opérations se font, à notre connaissance, à l'âge adulte.
Pour la plupart des enfants de notre association, celles-ci sont évoquées mais très rarement demandées par nos enfants. Ils souhaitent juste pouvoir avoir une puberté qui va dans le sens de leur genre ressenti pour avoir une vie comme tous les autres adolescents.
2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.
Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?
Les parents estiment que ce principe de prudence est parfaitement respecté. Les différents spécialistes écoutent le ressenti de l'enfant et ses besoins mais prennent également en compte son histoire, son environnement familial et l'évolution de son état psychologique dans la durée.
Avant d'accéder à une demande de traitement médical, d'autres solutions sont proposées pour atténuer la dysphorie (port de binders, orthophonie pour masculiniser/féminiser la voix, prescription d'une pilule pour interrompre les règles...).
Ce n'est que si la dysphorie est intense et persistante que des traitements médicaux sont envisagés. Ses antécédents médicaux sont alors pris en compte et des examens médicaux effectués (prises de sang, échographies...).
Qu'il s'agisse de bloqueurs de puberté, d'hormones croisées ou de torsoplastie, l'ensemble de ces soins sont discutés en réunion de concertation pluridisciplinaires et les décisions sont donc collégiales.
Les effets attendus, les éventuels effets secondaires et les effets irréversibles sont clairement présentés au mineur et à ses parents. Le sujet de la préservation de fertilité est également évoqué, avec une proposition de mise en relation avec un CECOS.
L'accord des représentants légaux est recueilli, ainsi que le consentement du mineur.
Les parents estiment que le cas de leur enfant est considéré dans son individualité et qu'ils ont été bien informés au cours des rendez-vous d'information, d'ailleurs assez longs. La prise des traitements s'accompagne toujours d'une surveillance régulière (notamment des prises de sang tous les 3 à 6 mois).
La disponibilité de certains spécialistes, notamment les psychologues, en dehors des rendez-vous est également appréciée.
3. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).
Concernant les États américains, il s'agit de raisons avant tout idéologiques, ce sont d'ailleurs les mêmes qui remettent en question l'IVG.
Dans les pays européens cités, la prise en charge des mineurs n'était pas la même qu'en France, notamment concernant la collégialité des prises de décision. Pour notre part, nous estimons que l'accompagnement des mineurs transgenres s'est progressivement amélioré dans notre pays, et que même si des progrès restent encore à réaliser, le modèle français pourrait servir d'exemple.
La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?
Dans la mesure où les thérapies de conversion sont déjà interdites par la loi depuis 2022, rien ne justifie à nos yeux une évolution de la législation sur cette question.
Les parents sont les premiers à souhaiter que le parcours d'affirmation de genre de leur enfant soit encadré, que ce soit au sein des unités spécialisées comme c'est déjà le cas ou dans le secteur libéral, mais cet encadrement doit répondre à des recommandations médicales émanant de professionnels de santé spécialisés et expérimentés dans les questions de transidentité.
Par ailleurs, il est intolérable pour les parents de voir que la situation de leur enfant puisse faire l'objet d'enjeux idéologiques ou politiques. La voie de l'encadrement législatif entraîne un débat d'opinions or nos enfants n'ont pas à subir un débat sur leur droit à exister.
4. Avez-vous eu connaissance, dans le cadre de vos activités associatives, de situations dans lesquelles des mineurs ont regretté d'avoir entamé une transition médicale et envisagé une détransition ? Ces situations vous paraissent-elles évitables ?
La présidente de notre association a rencontré une seule fois la mère d'une personne transgenre qui avait entamé une transition médicale à l'âge de 17 ans puis qui avait décidé de détransitionner à 34 ans.
Au sein de notre groupe d'entraide, une maman a également témoigné avoir accompagné le questionnement de genre de son enfant pendant cinq ans avant que celui-ci ne s'affirme définitivement dans son genre de naissance à l'âge de 14 ans mais dans ce cas, aucune démarche médicale n'avait été entamée.
Au sein des groupes d'entraide entre parents, les risques de regrets et de détransition n'est pas un sujet tabou, c'est au contraire une question souvent évoquée et une question souvent posée aux spécialistes qui prennent en charge nos enfants. Nous savons donc que ces situations existent mais qu'elles sont extrêmement rares.
Concernant les détransitions liées aux pressions familiales et sociales, elles pourraient être évitées par une meilleure connaissance et acceptation de la transidentité au sein de notre société. Concernant les détransitions liées à « une évolution de l'être et du ressenti » de la personne, elles ne peuvent qu'être acceptées et également accompagnées. Dans tous les cas, il est nécessaire d'accompagner les familles vers une parentalité bienveillante qui aura pour objectif d'éviter des violences intrafamiliales et des thérapies de conversion.
5. Quelles sont les principales difficultés constatées dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre ?
La principale difficulté rencontrée est clairement l'accès à des professionnels de santé formés aux questions de variation de genre. Il existe une importante disparité territoriale à ces professionnels de santé qui cause un problème d'équité dans l'accès des familles.
La qualité de l'accompagnement de ces unités pluridisciplinaires est saluée par les parents mais la disponibilité actuelle des dispositifs de soin est bien en-deçà de la demande constatée dans les familles. Elles ne sont pas présentes sur l'ensemble du territoire, ne sont pas assez dotées de moyens et les délais d'attente pour un premier rendez-vous sont souvent très longs (un an, voire plus), ce qui peut alimenter la détresse de jeunes déjà en souffrance.
Les médecins formés aux questions de transidentité ne sont pas aisément identifiables. Les associations et les groupes d'entraide permettent d'échanger des contacts mais il serait souhaitable que médecins formés, ou du moins sensibilisés, soient plus visibles afin d'éviter les prises en charge problématiques. Concernant le besoin de thérapeutes formés, celui-ci concerne évidemment le mineur, mais également parfois les parents qui sont désemparés, voire en détresse, face au questionnement ou aux demandes de leur enfant.
Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)
6. Vous semble-t-il souhaitable d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :
a. De bloqueurs de puberté ?
Non, ça sauve la vie de nos enfants.
b. Des hormones du sexe opposé ?
Non, Ils sont accordés en moyenne à l'âge de 16 ans après une exploration sociale de plus de deux ans.
Il y a un consensus scientifique et médical clair sur l'impact positif de ces traitements sur la santé mentale et le bien-être général de mineurs en grande souffrance (dépression, scarification, descolarisation, tentatives de suicides, suicides).
Les témoignages des parents de notre association vont également dans ce sens. Une interdiction de ces traitements serait donc dangereuse, pour ne pas dire criminelle. Elle les condamnerait à des années de mal-être et se traduirait par une augmentation des comportements autodestructeurs et des cas d'automédication.
Heureusement très minoritaires, ces situations hors cadre légal et surveillance médicale seraient inévitablement multipliées.
À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?
Ces traitements sont prescrits par des endocrinologues ou gynécologues, soit au sein d'équipes pluridisciplinaires, soit dans le secteur privé mais dans ce cas les médecins réclament une attestation d'un pédopsychiatre.
Concernant les bloqueurs de puberté, il faut pour des raisons médicales, que la puberté ait débuté. Chez les adolescents présentant une dysphorie de genre, cette période de changements provoque souvent une détresse intense et c'est donc en réponse à l'intensification de la dysphorie que ce traitement est proposé.
Les hormones croisées ne peuvent être prescrites qu'à la fin de la puberté, les questionnements de genre pouvant disparaître, ou se transformer, pendant cette période. Et là encore, elles sont prescrites en fonction de l'intensité de la dysphorie de genre de l'adolescent et de sa capacité à donner un consentement éclairé.
Dans les deux cas, l'autorisation des parents est indispensable.
7. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Sont-ils réversibles ?
Concernant les bloqueurs de puberté, dont on souligne le caractère réversible de leur action à leur arrêt, les effets secondaires sont la fatigue, l'irritabilité et un ralentissement du métabolisme. Le principal effet indésirable concerne la diminution de la densité osseuse. Celle-ci est non seulement surveillée pendant le traitement, mais revient à la normale quelques années après l'arrêt du traitement.
Ce traitement peut avoir un impact sur la fertilité, c'est pourquoi un protocole de conservation de fertilité est proposé.
Concernant la prise d'oestrogènes, les risques sont les mêmes que pour les femmes qui prennent une pilule (thrombose, prise de poids), tandis que pour la prise de testostérone, les effets secondaires sont les mêmes que ceux liés à la puberté masculine (irritabilité, acné...). Les effets irréversibles du traitement masculinisant sont l'augmentation de la pilosité (mais qui peut être traitée par une épilation au laser), la voix grave et l'augmentation du clitoris.
Une diminution de la fertilité future est également possible, d'où, là encore, une proposition de conservation des gamètes.
8. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?
Non (voir question 3).
Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)
9. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?
Cette interdiction nous semble pertinente concernant l'hystérectomie, la vaginoplastie et la phalloplastie dans la mesure où ces opérations sont stérilisatrices, complexes et ont un risque élevé de complications. Ce qui n'est pas le cas de la torsoplastie, quelle que soit la méthode utilisée (péri aréolaire ou double incision).
Cette interdiction peut paraître plus discutable concernant les opérations de féminisation faciale ou d'augmentation mammaire qui peuvent être considérées comme des opérations de chirurgie esthétique.
10. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?
Dans le cadre d'un parcours d'affirmation de genre, seule la torsoplastie est autorisée sur des mineurs de plus de 16 ans. Dans les faits, très peu d'opérations sont réalisées et elles concernent des jeunes ayant plutôt 17-18 ans.
Elles sont réalisées dans les mêmes conditions que les prescriptions d'hormones, c'est-à-dire de façon très encadrée.
11. Quels sont, à votre connaissance, les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?
Il n'y a pas de risques particuliers attachés aux interventions de torsoplastie, outre ceux liés à toute intervention chirurgicale nécessitant une anesthésie générale.
La torsoplastie est irréversible à moins d'envisager une reconstruction mammaire.
Il est important de souligner que le taux de satisfaction de cette opération est proche de 100 %. Elle intervient après des années de port de binders et les témoignages de jeunes en ayant bénéficié sont éloquents.
12. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?
Comme répondu à la question 9, l'âge minimal pour les opérations de féminisation faciale ou d'augmentation mammaire pour les jeunes femmes transgenres pourrait être abaissé à 16 ans dans la mesure où elles peuvent être considérées comme des opérations de chirurgies esthétiques ou réparatrices, mais cette question doit être débattue, à notre sens, au sein des collèges de médecins, au cas par cas en fonction de l'état du mineur, et non dans un cadre législatif qui aurait pour répercussion de normer les individualités de santé mentale des mineurs par rapport à leur dysphorie. Or, il semble évident que chaque personne est différente devant un tel type de souffrance et nécessiterait une prise en charge différente. C'est le cas de nos enfants, des parcours similaires mais une prise en charge adaptée nécessaire et indispensable.
Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)
13. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende ainsi que, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.
Ces peines vous semblent-elles proportionnées ?
Nous sommes opposés à l'idée de pénaliser les professionnels de santé. De telles sanctions priveraient les équipes spécialisées de la marge de manoeuvre leur permettant de prendre des décisions au cas par cas, et donc d'aider au mieux chaque mineur et en particulier ceux qui souffrent le plus.
Si les recommandations actuelles fixent l'âge minimum de 16 ans pour le début de l'hormonothérapie ou la réalisation d'une torsoplastie, c'est parce qu'il est présumé que les jeunes ne sont pas en mesure de donner leur consentement éclairé avant cet âge.
Or il est également admis qu'à âge égal, la maturité n'est pas la même d'un individu à un autre. Il est donc préférable de déterminer individuellement la capacité du jeune à donner son consentement éclairé, plutôt que de s'en tenir à un âge fixé par la loi.
14. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?
Clairement NON.
Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)
15. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?
Nous condamnons vigoureusement cette initiative. Nos enfants ne souffrent pas d'une maladie mentale, ils et elles souffrent de dysphorie de leurs corps et d'incapacité à se projeter dans une société où la transphobie s'exprime dans les médias comme dans les projets de lois.
En l'inscrivant dans un projet de loi visant à interdire les transitions médicales aux mineurs, cette mesure nous paraît particulièrement dangereuse.
En ne proposant que la voie du soin psychiatrique pour accompagner les mineurs transgenres, elle ramène la transidentité dans le champ des maladies mentales, ce qu'elle n'est pas ! Nous rappelons qu'actuellement nos enfants sont encadrés dans un parcours de soins leur permettant de grandir normalement.
De plus, imposer « en première intention » une prise en charge psychiatrique aux mineurs transgenres présentant des troubles - et donc renvoyer la prise en compte de la question transidentitaire à un second temps - c'est chercher à nier leur ressenti et par là, contourner l'interdiction des thérapies de conversion.
Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?
Soulignons d'abord que la plupart des mineurs transgenres vont bien et que leur transidentité n'est pas un problème lorsqu'ils sont dans un environnement familial et social bienveillant qui les laisse s'exprimer. Ce qui va leur poser problème, c'est le regard que la société va poser sur eux. Leurs troubles psychologiques sont alors directement liés à la transphobie et à la stigmatisation.
Il est évident que la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre est un enjeu important car celle-ci peut être la cause de graves dépressions, d'automutilations, d'idées suicidaires ou de tentatives de suicides et il est alors primordial que ces jeunes aient accès à un suivi adapté.
De même, la question de la dysphorie de genre peut s'ajouter à d'autres problématiques (TSA, phobies, anxiété, traumatismes...) qu'il faut alors évidemment prendre en charge mais de façon parallèle.
16. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?
Tous les mineurs en questionnement de genre ou transgenres n'ont pas besoin d'un suivi psychiatrique donc celui-ci ne doit pas être obligatoire.
En revanche, lorsque la dysphorie de genre entraîne des dépressions graves et des comportements dangereux, un accompagnement psychiatrique doit pouvoir être accessible, or cela est loin d'être le cas sur tout le territoire, et encore faut-il que cet accompagnement soit dispensé par des personnels formés aux questions de transidentité. Il est terrible de constater que des adolescents transgenres, hospitalisés dans des services de pédopsychiatrie après des tentatives de suicide s'y font encore mégenrer et appeler par leur prénom de naissance.
Mais surtout, la prise en charge psychiatrique ne doit pas être la seule réponse à apporter à la dysphonie des mineurs et la possibilité d'entamer un parcours de transition médicale doit être maintenue. Cela peut être salvateur !
Mettre en place une stratégie nationale de pédopsychiatrie pour le suivi des mineurs en dysphorie de genre est donc réducteur et témoigne à notre sens d'une incompréhension de ce que vivent nos enfants.
Une stratégie nationale de lutte contre la transphobie comprenant un parcours de soins pluridisciplinaires, une campagne d'information, une lutte contre les discriminations transphobes pour nos enfants, OUI mais la réduction à la pédopsychiatrie est rétrograde et remet la transidentité au champ des maladies mentales. De plus, psychiatriser la transidentité remet en cause les recherches scientifiques transdisciplinaires universitaires qui ont eu lieu et ont fait avancer la prise en charge de nos enfants.
17. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.
Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?
Les mineurs en souffrance devraient pouvoir être aidés au sein de leurs établissements scolaires par des personnels sensibilisés aux questions transidentitaires (médecins scolaires, infirmières...) et aux risques de harcèlement et de violence. Les programmes d'information scolaires type “Unplugged” réalisé en 6ème devrait avoir une séance dédiée à la transphobie et au harcèlement. Il est donc évident que la circulaire Blanquer doit être maintenue et respectée. Elle a été salvatrice pour beaucoup de nos familles qui passaient du temps dans les écoles pour que leur enfant puisse exister au même titre que les autres.
Les séances d'éducation à la vie affective et sexuelle, déjà prévues par la loi, doivent être effectivement dispensées afin que l'ensemble des enfants et adolescents soient sensibilisés à la diversité des identités de genre afin que ceux concernés soient mieux compris, respectés et normalisés. Cela réduirait le harcèlement de nos enfants.
Comme les personnels de l'Éducation nationale, les personnels encadrant les mineurs dans leurs activités de loisirs ou lors de séjours de vacances devraient être formés afin de mieux accueillir ces jeunes. Les mesures prévues par la circulaire Blanquer pour l'école devraient pouvoir être appliquées dans tout centre accueillant des mineurs (utilisation du prénom et pronoms demandés, accès aux espaces non mixtes en fonction de l'identité de genre...).
Les mineurs en difficulté doivent pouvoir bénéficier d'un soutien auprès d'un psychologue formé, au sein d'unités spécialisées, en libéral, ou au sein de structures sociales (CMP, planning familial, maison des adolescents...) sur l'ensemble du territoire.
La mise en relation au sein d'associations ou de groupes de parole avec d'autres jeunes en parcours d'affirmation de genre est également bénéfique. Les jeunes se sentent ainsi moins isolés, peuvent échanger sur des problématiques communes et se projeter. Le développement d'espaces d'échange, là encore sur l'ensemble du territoire, est donc à envisager.
Des campagnes d'information et de sensibilisation doivent être réalisées pour que familles et jeunes puissent réagir correctement devant la détresse d'un mineur en dysphorie de genre.
Les mineurs transgenres existent, ils sont aujourd'hui visibles, il faut pouvoir les protéger comme tout autre enfant de la République.
Il faut pouvoir former à la parentalité d'enfant transgenre. Aujourd'hui nous formons les parents, nous expliquons la transidentité comme étant une possibilité de la diversité humaine. Souvent les parents qui arrivent dans notre association sont très inquiets et ne connaissent pas les variations de la diversité humaine. Il est temps que nos institutions se mettent à la page de la science et des neurosciences, que nos institutions valorisent la recherche et respectent les lois. La transphobie est un délit, il faut tout faire pour respecter ce principe de lois. Nos enfants veulent être des enfants parmi tous les autres, ils doivent pouvoir exister, apprendre, jouer, partir en voyage de classe, faire du sport, vivre en société en toute sécurité.
Nous avons le devoir de faire d'eux des citoyens responsables mais nous nous heurtons sans cesse à la transphobie sociétale, éducationnelle et institutionnelle, comment faire pour leur donner confiance à ce titre, en notre République qui les rejette sans cesse ?
18. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.
Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?
Voir la réponse 17 - La prise en charge des mineurs transgenres doit avoir une réponse plurielle de la société qui permettra de lutter contre la transphobie. La société française lutte contre l'homophobie depuis des années, et il y a eu de réelles avancées sur ce point, il est temps pour La France de lutter contre la transphobie ; formations des adultes qui entourent le mineurs (enseignants, infirmière scolaires, éducateurs spécialisés, médecins, psychologues, endocrinologues, gynécologues, assistante sociale, aide à la parentalité), campagne national de sensibilisation, intervention des associations dans le milieu scolaire, respect des lois qui condamnent la transphobie.
Maryse Rizza, présidente de Grandir Trans
Céline Horlaville Leblond, membre de Grandir Trans